CA Rennes, 3e ch. com., 16 septembre 2025, n° 25/01169
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Fly Box (Sté)
Défendeur :
L'Hydroptere 2.0 (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Contamine
Conseillers :
Mme Ramin, Mme Delacour
Avocat :
Me Verrando
****
APPELANTS :
Monsieur [L] [N]
né le 19 Septembre 1962 à [Localité 8]
[Adresse 11]
[Localité 2] (SUISSE)
Représenté par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Louis ROUSSEAU substituant Me Denis FAYOLLE de l'AARPI FAYOLLE ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
Société FLY BOX
société de droit suisse immatriculée sous le numéro IDE : CHE-266.878.224, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [L] [N], domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 12]
[Localité 1] (SUISSE)
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Louis ROUSSEAU substituant Me Denis FAYOLLE de l'AARPI FAYOLLE ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE :
S.A.S. L'HYDROPTERE 2.0
immatriculée au RCS de [Localité 10] sous le n°898 362 900, prise en la personne de son Président Monsieur [E] [G]
[Adresse 3]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Delphine GANOOTE-MARY de la SARL NOVUS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
La société L'Hydroptère 2.0 est une SASU présidée par M. [E] [G]. Elle propose des prestations d'accompagnement en R et D et communication dans le domaine maritime et la course à voile. Elle a aussi une activité de création, réparation, construction entretien, assemblage et commerce de véhicules roulants, volants ou flottants, de logistique et de transport.
Elle tire son nom du navire volant sur des foils imaginé par [Z] [H] et à la création duquel M. [N], aujourd'hui gérant de la société Fly box, a participé.
La société Fly box de droit suisse est spécialisée dans le transport fluvial écologique de marchandises.
La société L'Hydroptère 2.0 affirme que la société Fly box et son dirigeant, M. [N], dénigre ses produits et services et la désorganise.
Par ordonnance du 7 février 2024, la société L'Hydroptère 2.0 a été autorisée à assigner d'heure à heure M. [N] et la société Fly box devant le juge des référés du tribunal de commerce Nantes afin d'obtenir l'interdiction sous astreinte de poursuivre des agissements de concurrence déloyale (dénigrement et désorganisation) outre l'octroi d'une provision au titre de son préjudice, au minimum moral, et la publication de l'ordonnance.
La société Fly box et M. [N] ont fait valoir diverses exceptions.
Par ordonnance du 28 mai 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Nantes a notamment:
- rejeté les exceptions de nullité de l'assignation, d'incompétence matérielle et ratione loci,
- jugé la demande de la société Hydroptère 2.0 recevable et bien fondée,
- ordonné la cessation des troubles manifestement illicites résultant des actes de dénigrement et de désorganisation commis par la société Fly-Box et M. [L] [N],
- débouté la société Fly-Box et M. [L] [N] de leurs autres demandes,
- ordonné in solidum la société Fly-Box et M. [L] [N] à payer à la société Hydroptère 2.0 la somme de 10 000'euros à titre de provision sur dommages-intérêts,
- ordonné la société Fly-Box et M. [L] [N] in solidum à payer à la société Hydroptère 2.0 la somme de 5'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 5 juillet 2024, M. [N] et la société Fly box ont interjeté appel de cette décision.
Le 16 septembre 2024, une proposition de médiation du président de chambre a été refusée par la société L'Hydroptère 2.0.
Par ordonnance de référé du premier président du 18 décembre 2024, l'affaire a été radiée pour défaut d'exécution de la décision dont appel. Le premier président a autorisé une consignation de la somme de 15 067,66 euros et le ré-enrôlement de l'affaire après consignation [déclaration de saisine RG 25/00918, dossier joint au présent le 22 mai 2025].
L'affaire a été ré-enrôlée à la troisième chambre civile [RG : 25/01169].
Les dernières conclusions des appelants ont été déposées le 15 mai 2025.
Les dernières conclusions de l'intimée ont été déposées le 21 mai 2025.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 mai 2025.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
M. [N] et la société Fly box demandent à la cour de :
- recevoir M. [N] et la société Fly box en leur appel, le dire bienfondé et y faisant droit,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées et particulièrement en ce qu'il a :
« - REJETTE les exceptions de nullité de l'assignation, d'incompétence matérielle et ratione loci ;
- JUGE la demande de la société HYDROPTERE recevable et bien fondée :
- ORDONNE la cessation des troubles manifestement illicites résultant des actes de dénigrement et de désorganisation commis par la société FLY-BOX et Monsieur [L] [N] ;
- DEBOUTE la société FLY-BOX et Monsieur [L] [N] de leurs autres demandes ;
- ORDONNE in solidum la société FLY-BOX et Monsieur [L] [N] à payer à la société HYDROPTERE 2.0 la somme de 10 000 euros à titre de provision sur dommages-intérêts ;
- ORDONNE la société FLY-BOX et Monsieur [L] [N] in solidum à payer à la société HYDROPTERE 2.0 la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens de l'instance
- JUGE que la société FLY-BOX et Monsieur [L] [N] supporteront in solidum les entiers dépens de l'instance dont frais de Greffe liquidés à 57.66 euros toutes taxes comprises »
- confirmer l'ordonnance du 28 mai 2024 en ce qu'elle a rejeté la demande de publication de sa décision formulée par la société L'hydroptère 2.0,
Et statuant de nouveau,
In limine litis,
- juger que les propos poursuivis relèvent des dispositions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881,
- juger que l'assignation ne respecte pas le formalisme imposé par l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881,
- prononcer la nullité de l'assignation en référé d'heure à heure,
Sur le fond,
- mettre hors de cause la société Fly box SA qui n'est pas concurrente de la société L'hydroptère 2.0,
- juger que la société L'hydroptère 2.0 ne peut solliciter la réparation d'un abus de liberté d'expression sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du code civil,
- juger que la société L'hydroptère 2.0 ne rapporte pas la preuve d'actes de dénigrement,
- juger que la société L'hydroptère 2.0 ne rapporte pas la preuve d'actes de désorganisation d'une entreprise concurrente,
- juger que la société L'hydroptère 2.0 ne rapporte pas la preuve d'actes de concurrence déloyale constitutifs d'un trouble manifestement illicite,
- juger que la société L'hydroptère 2.0 ne rapporte pas la preuve d'une situation d'urgence actuelle,
- débouter la société L'hydroptère 2.0 de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de la société Fly box SA,
- débouter la société L'hydroptère 2.0 de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de M. [L] [N],
- juger que la demande de provision de la société L'hydroptère 2.0 se heurte à des contestations sérieuses,
- débouter la société L'hydroptère 2.0 de sa demande de condamnation à titre de provision sur dommages-intérêts,
- débouter la société L'hydroptère 2.0 de sa demande de publication du dispositif de la présente décision et de celle première instance,
Et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée
- condamner la société L'hydroptère 2.0 à payer à M. [N] et à la société Fly box la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société L'hydroptère 2.0 aux entiers dépens, dont distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La société L'hydroptère 2.0 demande à la cour de :
Sur l'appel principal :
- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :
« o Rejeté les exceptions de nullité de l'assignation, d'incompétence matérielle et ratione loci ;
o Jugé la demande de la société L'HYDROPTERE 2.0 recevable et bien fondée ;
o Ordonné la cessation des troubles manifestement illicites résultant des actes de dénigrement et de désorganisation commis par la société FLY-BOX et Monsieur [L] [N] ;
o Ordonné in solidum la société FLY-BOX et Monsieur [L] [N] à payer à la société HYDROPTERE 2.0 la somme de 10.000 euros à titre de provision sur dommages-intérêts. »
En conséquence,
- rejeter l'ensemble des demandes et prétentions de la société Fly box et M. [L] [N] visant la réformation de l'ordonnance,
Sur l'appel incident,
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de publication de sa décision,
Et statuant à nouveau :
- condamner M. [L] [N] et la société Fly box SA, à leurs seuls frais, à publier sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du 15e jour suivant signification à partie de la présente décision du dispositif de la décision et de celle de première instance sur les supports suivants, pendant une durée de 5 mois :
' sur leurs comptes Twitter (X), LinkedIn, Instagram, Facebook,
' dans les journaux suivants : Ouest France, presse Océan, Le Figaro, Le Monde, La tribune de Genève,
' ainsi que sur les sites internet des Appelants https://fly-box.tech/ et https://www.[05].tech/
En tout état de cause :
- débouter M. [L] [N] et la société Fly box SA de toutes demandes contraires au présent dispositif,
- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné in solidum M. [L] [N] et la société Fly box SA au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 correspondant aux frais exposés par la société L'hydroptère 2.0 en première instance,
Y ajoutant :
- condamner solidairement M. [L] [N] et la société Fly box SA à payer la somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés par la société L'hydroptère 2.0 en cause d'appel,
- condamner solidairement M. [L] [N] et la société Fly box SA aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées supra pour l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.
DISCUSSION
Les exceptions d'incompétence matérielle et ratione loci
La cour est saisie d'une demande d'infirmation de l'ordonnance du 28 mai 2024 en ce qu'elle a rejeté les exceptions d'incompétence matérielle et ratione loci. Toutefois, les appelants ne font valoir aucun moyen au soutien de cette prétention aux termes de leurs écritures et ne formulent aucune demande de déclaration d'incompétence. La cour ne peut que confirmer l'ordonnance.
L'exception de nullité de l'assignation tirée du non-respect de la loi du 29 juillet 1881
La société Fly box et M. [N] font valoir que les propos poursuivis par la société L'Hydroptère 2.0 imputent à la celle-ci et à son dirigeant des faits précis qui seraient attentatoires à leur honneur et à leur considération. Ils ajoutent que la société L'Hydroptère 2.0 n'identifie aucun service ou produit commercialisé qui pourraient faire l'objet d'un dénigrement. Ils en déduisent que les propos qui leurs sont reprochés auraient dû être poursuivis selon les règles de la loi du 29 juillet 1881 et que l'assignation, ne respectant pas l'article 53 de ladite loi, est nulle, leur causant un grief en ce que l'incertitude qui en résulte nuit à leur défense.
Le dénigrement consiste à jeter, publiquement, le discrédit sur un produit ou un service d'une entreprise dans le but de l'évincer ou d'en tirer profit. Les propos doivent être publics, peu important qu'ils soient exacts ou non : c'est le fait de rapporter l'information auprès de tiers qui est en lui-même fautif. L'« exception de vérité » est donc exclue en matière de dénigrement. Contrairement à ce qu'avance M. [N] et la société Fly box, il n'est pas nécessaire que ces propos se situent dans un contexte concurrentiel entre les produits et services des sociétés en cause.
Le dénigrement est sanctionné par la mise en oeuvre de la responsabilité civile délictuelle comme constituant un acte de concurrence déloyale.
La diffamation prévue par l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 consiste en :
« Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure.».
Selon ce texte, seule l'allégation ou l'imputation d'un fait précis, de nature à être, sans difficulté, l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire, et qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé, présente un caractère diffamatoire et ce, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation.
Elle ne peut être sanctionnée qu'au titre de la loi du 29 juillet 1881. Son action est cantonnée à l'application des conditions procédurales prévues par cette loi.
Ainsi, l'article 53 de la loi de 1881 dispose que :
« La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite. Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu'au ministère public. Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite ».
Cette disposition doit recevoir application devant la juridiction civile.
Il résulte de l'ensemble que lorsque des propos susceptibles de revêtir la qualification de diffamation sont reprochés à un défendeur, l'assignation qui ne respecterait pas les dispositions de l'article 53 susvisé encourt la nullité. Il s'agit d'une nullité de forme soumise à grief.
En l'espèce, par l'assignation en référé d'heure à heure la société L'Hydroptère 2.0 reproche à M. [N] et, partant, à la société qu'il dirige, d'avoir tenu auprès de tiers (salariés, partenaires, institutionnels, prospects ou clients) des propos « graves, comminatoires et dénigrants » à l'encontre de ses services, de nature à nuire à son image et à contribuer à sa désorganisation.
Elle évoque ses services comme étant ceux consistant à proposer des prestations d'accompagnement en recherches et développement. Elle reproche plus précisément à M. [N] et à sa société d'avoir indiqué ou sous-entendu que ses services sont « bas de gamme » ou relèvent d'une « supercherie permanente » « sans équipe compétente, sans moyens financiers sérieux et sans licence de pilote », ou que les méthodes commerciales et les services fournis sont illicites, malhonnêtes ou caractérisent un « pseudo business commercial ».
Dans un tableau détaillé de l'assignation, la société L'Hydroptère 2.0 a repris divers écrits émanant de M. [N] relevant notamment les propos suivants:
- ceux tirés d'un courriel du 31 janvier 2024 adressé à la présidente de [Localité 10] Métropole :
« alors qu'il en fait un pseudo business commercial (probablement avec aussi un peu d'argent public, [I] [X] doit avoir ces éléments [élu de la mairie de [Localité 10]]) »
« prétendre le faire revoler sans moyens et sans équipe sérieuse tient à l'affabulation. Comme si un bricoleur dans son hangar souhaitait faire revoler un vieux Concorde corrodé, sans outils, sans équipe compétente, sans moyens financiers sérieux, et sans licence de pilote »
« je voudrais porter à votre connaissance cette situation car je crois que [Localité 10] Métropole aussi se fait enfumer »
Toutefois outre le fait qu'elle en déduit que ces propos jettent le discrédit sur ses services, la société L'Hydroptère 2.0 ajoute qu'à travers cet email, M. [N] « vient sous entendre que l'activité de la société L'Hydroptère 2.0 bénéficierait de fonds publics issue d'une collusion ».
Elle reproche donc à M. [N] l'allégation ou l'imputation d'un fait précis (dont serait au courant un élu de la municipalité) de nature à porter atteinte à son honneur et non seulement le discrédit sur un « service ».
- ceux tirés d'un nouveau courriel adressé à la président de [Localité 10] Métropole du 5 février 2024 :
« nous avons décidé de poursuivre en Justice, avec une lourde demande de dommages et intérêts, car ils continuent d'utiliser des images en vol à [Localité 9], de moi et mon équipage, sans nos accords. Dans le seul but d'alimenter leur supercherie et semble t il de « ratisser » des subventions »
La société L'Hydroptère 2.0 reproche ainsi à M. [N], à travers ce courriel, non pas de dénigrer des services ou produits de la société L'Hydroptère 2.0 mais l'allégation d'un fait précis, à savoir que l'utilisation de son image participe à accréditer la présentation faussée de la société L'Hydroptère 2.0 sur sa capacité à mener le projet L'Hydroptère 2.0 dans le but d'obtenir des fonds publics de manière frauduleuse.
- ou encore, ceux tirés d'un courriel à M. [F], salarié de la société L'Hydroptère, reprenant la même allégation
« j'ai demandé à nos avocats pénalistes, de préparer le dépôt de plusieurs plaintes pénales, dans le cas où, ce qui s'apparente médiatiquement, à « escroquerie en bande organisée » continue, au delà des délais de la mise en demeure »
Par ailleurs, la société L'Hydroptère 2.0, dans cette assignation, mentionne que « le président du tribunal de céans pourra constater que les propos potentiellement qualifiables de diffamatoires ou injurieux mis en exergue au sein des messages ci-après ne sont cités dans cette procédure que pour appréhender le contexte dans lequel la société Fly box, à travers son dirigeant M. [L] [N], exerce les pressions et intimidations sur les salariés et partenaires de la société L'Hydroptère 2.0 et ayant pour conséquence la désorganisation de la société L'Hydroptère 2.0, par intimidation des salariés et perturbation du réseau partenaire. En outre la société L'Hydroptère 2.0 se réserve la possibilité d'agir auprès des juridictions compétentes, sur le fondement de la diffamation ou de l'injure pour les propos relevant de l'une de ces qualifications ».
Ainsi, la société L'Hydroptère 2.0 considère que les propos ci-après pourraient recevoir la qualification de diffamation et sont une cause de sa désorganisation. La désorganisation n'est ainsi invoquée dans l'assignation que comme étant la conséquence de pressions exercées sur les salariés ou les partenaires ou clients de la société L'Hydroptère 2.0. notamment par le biais des propos tenus dans les écrits qui leur ont été adressés.
Font suite plusieurs messages reproduits issus de la correspondance de M. [N] lequel accuse les personnels de la société L'Hermitage 2.0 d'usurper
son image et ses droits sur l'histoire de L'Hydroptère : « Monsieur le responsable communication, ton escroquerie a assez duré » « je viens donc d'adresser un mail à la Présidente [M] [U] et à [B] [X], que je copie, car je ne supporte plus les usurpateurs comme [G] et vous » et elle reprend les phrases : « j'ai demandé à nos avocats pénalistes, de préparer le dépôt de plusieurs plaintes pénales, dans le cas où, ce qui s'apparente médiatiquement, à « escroquerie en bande organisée » continue, au delà des délais de la mise en demeure » et « Ils continuent d'utiliser des images en vol à [Localité 9], de moi et mon équipage, sans nos accords. Dans le seul but d'alimenter leur supercherie et semble t il de ratisser des subventions ».
Il se déduit de l'ensemble que les propos dénoncés soit au titre du dénigrement, soit à l'appui de la démonstration relative à la désorganisation, sont susceptibles de revêtir la qualification de diffamation, en ce qu'ils correspondent à l'allégation de faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération même de la société L'Hydroptère 2.0.
Il n'est pas contesté que l'assignation ne respecte pas les formalités substantielles de la citation en justice telles qu'imposées par l'article 53 susvisé.
Le non respect de ce texte en ce qu'il est de nature à créer une incertitude préjudiciable à la défense de M. [N] et de la société Fly box et surtout, à remettre en cause leur possibilité de formuler l'offre de preuve des faits allégués, leur cause un grief.
La société L'Hydroptère 2.0 soutient que cette nullité reviendrait à nier ses droits à l'accès au juge ou à un procès équitable.
Or, comme décidé par le Conseil constitutionnel (CC, décision n 2013-311 QPC du 17 mai 2013) :
« Considérant que les dispositions contestées fixent les formalités substantielles de la citation en justice pour les infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; que, par son arrêt susvisé du 15 février 2013, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé que l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 « doit recevoir application devant la juridiction civile » ;
qu'en imposant que la citation précise et qualifie le fait incriminé et que l'auteur de la citation élise domicile dans la ville où siège la juridiction saisie, le législateur a entendu que le défendeur soit mis à même de préparer utilement sa défense dès la réception de la citation et, notamment, puisse, s'il est poursuivi pour diffamation, exercer le droit, qui lui est reconnu par l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881, de formuler en défense une offre de preuve dans un délai de dix jours à compter de la citation ;
que la conciliation ainsi opérée entre, d'une part, le droit à un recours juridictionnel du demandeur et, d'autre part, la protection constitutionnelle de la liberté d'expression et le respect des droits de la défense ne revêt pas, y compris dans les procédures d'urgence, un caractère déséquilibré ;
que l'obligation de dénoncer la citation au ministère public ne constitue pas davantage une atteinte substantielle au droit d'agir devant les juridictions ;
qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de l'atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif doivent être écartés (...) »
Surtout, la société L'Hydroptère 2.0 n'explicite pas de manière concrète en quoi son accès au juge ou à un procès équitable, serait de manière effective, limité par la seule annulation de l'assignation.
Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance querellée et de prononcer la nullité de l'assignation en référé d'heure à heure.
Dépens et frais irrépétibles
Il convient d'infirmer l'ordonnance de première instance.
Succombant principalement à l'instance, la société L'Hydroptère 2.0 sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'avocat postulant des appelants.
L'équité commande de ne pas faire droit aux demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme l'ordonnance du 7 février 2024 en ce qu'elle a rejeté les exceptions d'incompétence,
Infirme l'ordonnance du 7 février 2024 pour le surplus des dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce la nullité de l'assignation en référé d'heure à heure,
Condamne la société L'Hydroptère 2.0 aux dépens de première instance et d'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,