Cass. com., 17 septembre 2025, n° 23-20.052
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 juin 2023), le 17 avril 1996, M. [N] a été nommé président du directoire de la société Kaeser compresseurs (la société Kaeser).
2. A la suite du départ à la retraite de M. [N] le 1er janvier 2017, et à l'occasion de la vérification des sommes qui lui ont alors été payées, le président du conseil de surveillance et le président de la société de droit allemand Kaeser Kompressoren, actionnaire principal de la société Kaeser, ont sollicité des explications quant au versement d'une somme de 69 584,53 euros, dont 55 450,05 euros correspondant à ses droits acquis au titre d'un compte épargne-temps.
3. Le 20 octobre 2017, la société Kaeser a assigné M. [N] aux fins d'annulation de la décision du 28 septembre 2007 intitulée « accord collectif instituant un régime de compte épargne temps », de restitution des sommes versées au titre de ce compte épargne temps et en paiement de dommages et intérêts.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société Kaeser fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement et de rejeter l'intégralité de ses prétentions, alors « que commet une faute le dirigeant intéressé qui ne respecte pas la procédure d'autorisation des conventions réglementées ; qu'en retenant, pour écarter toute faute imputable à M. [N], "l'absence d'éléments permettant de caractériser une dissimulation par l'appelant" de la mise en place d'un compte épargne temps, ou encore "d'une perception frauduleuse de rémunérations au titre d'un compte épargne temps qui aurait été dissimulé", tout en constatant que "Mr [N] n'a pas demandé, et par voie de conséquence obtenu, une autorisation du conseil de surveillance" dont la convention litigieuse aurait pourtant dû faire l'objet, ce dont il résultait que M. [N] avait commis une faute, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 225-90 et L. 225-251 du code de commerce. »
Réponse de la cour
Recevabilité du moyen
5. M. [N] conteste la recevabilité du moyen, comme étant nouveau, et mélangé de fait et de droit.
6. Cependant, dans ses conclusions d'appel, la société Kaeser demandait la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu que la convention du 28 septembre 2007 aurait dû faire l'objet d'une autorisation préalable du conseil de surveillance et d'une décision de l'assemblée générale, et que M. [N] avait donc méconnu les articles L. 225-86 et suivants du code de commerce, de sorte que le grief fondé sur la faute de M. [N] n'est pas nouveau.
7. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 225-90, alinéa 1er, et L. 225-251, alinéa 1er, du code de commerce :
8. Selon le premier de ces textes, sans préjudice de la responsabilité de l'intéressé, les conventions visées à l'article L. 225-86 et conclues sans autorisation préalable du conseil de surveillance peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société.
9. Selon le second, les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
10. Pour infirmer le jugement ayant condamné M. [N] au paiement de la somme de 55 450 euros correspondant au montant brut de son compte épargne temps, l'arrêt, après avoir relevé que M. [N], en sa double qualité de cadre salarié et de mandataire social, était intéressé à la mise en place du compte épargne temps, de sorte que l'accord collectif par lequel la société Kaeser, qu'il représentait, a institué ce dispositif aurait dû faire l'objet d'une autorisation préalable du conseil de surveillance, laquelle n'a été ni sollicitée ni obtenue, retient qu'en l'absence d'éléments permettant de caractériser une dissimulation par M. [N] vis-à-vis de la société Kaeser de la mise en place de ce compte épargne temps, l'absence d'autorisation du conseil de surveillance ne suffit pas à caractériser une faute à son encontre. L'arrêt en déduit que les conditions d'une action en responsabilité du fait d'une perception frauduleuse de rémunérations au titre d'un compte épargne temps qui aurait été dissimulé ne sont pas réunies.
11. En statuant ainsi, alors que le non-respect de la procédure des conventions réglementées constitue, en soi, une infraction aux dispositions législatives applicables en la matière et une faute au sens de l'article L. 225-251, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il déboute M. [N] de sa demande de dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 27 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Condamne M. [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [N] et le condamne à payer à la société Kaeser compresseurs la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le dix-sept septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.