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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 16 septembre 2025, n° 24/04163

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Vudenhaut-Immo (SARL)

Défendeur :

Vudenhaut-Immo (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Salmeron

Conseillers :

Mme Martin de la Moutte, Mme Moulayes

Avocats :

Me Trouette, Me Neckebroeck, Me Perret

TJ [Localité 13], du 26 nov. 2024, n° 23…

26 novembre 2024

Exposé des faits et de la procédure

Par acte du 14 janvier 2022, la société Vudenhaut-immo et Monsieur [S] [Y] ont conclu un contrat d'agent commercial.

Le 4 juillet 2023, Monsieur [Y] a mis un terme à son contrat d'agence, lequel a effectivement pris fin à l'issue d'un préavis de deux mois, soit le 4 septembre 2023.

[S] [Y] a rejoint le réseau Brokers.

Par courrier en date du 14 septembre 2023, le conseil de la société Vudenhaut-Immo reprochant à Monsieur [Y] la violation de la clause de non-concurrence, l'a mis en demeure de lui régler la somme de 75.000 euros.

Par courrier en réponse du 29 septembre 2023, Monsieur [Y] a contesté l'applicabilité de la clause visée, fait part de son intention de solliciter une indemnisation au titre de la rupture de son contrat et rappelé les sommes dues au titre de son droit de suite sur les opérations résultant de son activité.

Par acte de commissaire de justice du 18 décembre 2023, la SARL Vudenhaut-Immo a fait assigner Monsieur [S] [Y] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse aux fins de le voir condamner par provision à la somme de 75 000 euros au titre de la violation de la clause de non concurrence.

Par ordonnance du 26 novembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse a :

- Au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront mais d'ores et déjà et vu l'urgence :

- Condamné Monsieur [S] [Y] à verser à la SARL Vudenhaut Immo la somme provisionnelle de 75 000 euros au titre de l'indemnisation forfaitaire prévue en application de la clause de non-concurrence licite prévue au contrat d'agent commercial signé le 14 janvier 2022

- Dit que cette somme sera majorée des intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance et jusqu'à complet paiement,

- Ordonné à Monsieur [S] [Y] de cesser immédiatement toute activité commerciale en lien avec l'immobilier d'entreprise contrevenant avec son obligation de non-concurrence sur le secteur sud-ouest de [Localité 13] défini à l'annexe n°1 et ce jusqu'au 04 septembre inclus, conformément au contrat d'agent commercial signé le 14 janvier 2022,

- Dit que faute pour Monsieur [S] [Y] de respecter cette injonction judiciaire dans les 48 heures de la signification de la présente ordonnance, il sera redevable à compter de la 49ème heure et jusqu'au 04 septembre 2025 inclus, d'une astreinte provisoire d'un montant de 500 euros au profit de la SARL Vudenhaut Immo, par infraction constatée et dont la preuve certaine devra être rapportée par cette dernière,

- Dit que le juge de l'exécution sera compétent pour liquider le montant des astreintes provisoires ou pour en prononcer des nouvelles,

- Débouté la Sarl Vudenhaut Immo de ses autres ou surplus de prétentions indemnitaires

- Débouté Monsieur [S] [Y] de ses autres ou surplus de prétentions reconventionnelles

- Condamné Monsieur [S] [Y] à verser à la SARL Vudenhaut Immo la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamné Monsieur [S] [Y] aux entiers dépens de l'instance.

Par jugement du 9 décembre 2024, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SARL Vudenhaut-Immo et désigné la Selarl [B] [K] en qualité de mandataire judiciaire.

Par déclaration en date du 27 décembre 2024, [S] [Y] a relevé appel de cette ordonnance.

Par acte de commissaire de justice en date du 4 février 2025, la société Vudenhaut-Immo a signifié à Monsieur [Y] une saisie attribution intervenue le 31 janvier 2025 sur les comptes bancaires ouverts au nom de ce dernier auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 13] 31, pour un montant de 78 900,63 euros.

La clôture de l'affaire est intervenue le 19 mai 2025.

L'affaire a été appelée à l'audience du lundi 26 mai 2025.

Exposé des prétentions et des moyens

Vu les conclusions d'appelant n°2 notifiées par RPVA le 18 mai 2025 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de [S] [Y] demandant, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, L.134-14 et suivant et L 622-24 du code de commerce, 1231-5 et 1240 du code civil de:

Réformer l'ordonnance déférée en ce qu'elle :

- l'a condamné à verser à la Sarl Vudenhaut Immo la somme provisionnelle de 75.000 euros au titre de l'indemnisation forfaitaire prévue en application de la clause de non-concurrence licite prévue au contrat d'agent commercial signé le 14 janvier 2022, majorée des intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance et jusqu'à complet paiement ;

- l'a condamné à cesser immédiatement toute activité commerciale en lien avec l'immobilier d'entreprise contrevenant avec son obligation de non-concurrence sur le secteur sud-ouest de [Localité 13] défini à l'annexe n°1 et ce jusqu'au 4 septembre 2025 inclus, conformément au contrat d'agent commercial signé le 14 janvier 2022 ;

- Dit que faute pour Monsieur [Y] de respecter cette injonction judiciaire dans les 48 heures de la signification de la présente ordonnance, il sera redevable à compter de la 49ème heure et jusqu'au 4 septembre 2025 inclus, d'une astreinte provisoire d'un montant de 500 euros au profit de la Sarl Vudenhaut Immo, par infraction constatée et dont la preuve certaine devra être rapportée par cette dernière,

- Dit que le juge de l'exécution serait compétent pour liquider le montant des astreintes provisoires, ou pour en prononcer de nouvelles ;

- Débouté la Sarl Vudenhaut Immo de ses autres ou surplus de prétentions indemnitaires

- l'a débouté de ses autres ou surplus de prétentions reconventionnelles; - l'a condamné à verser à la SARL Vudenhaut Immo la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- L'a condamné aux entiers dépens de l'instance.

Et statuant à nouveau,

A titre principal

- Débouter la société Vudenhaut Immo de toutes ses demandes, fins et prétentions à son encontre ;

- Prononcer la nullité de la clause de non-concurrence litigieuse contenue à l'article 17 du contrat d'agent commercial du 14/01/2022

ou, à défaut, prononcer l'inefficacité et l'inopposabilité de ladite clause de non-concurrence litigieuse contenue à l'article 17 du contrat d'agent commercial du 14/01/2022 envers Monsieur [Y], l'usage de cette clause à l'encontre de Monsieur [Y] constituant un trouble manifestement illicite ;

- Ordonner la restitution de l'intégralité des sommes abusivement saisies par la société Vudenhaut Immo sur les comptes bancaires de Monsieur [Y] suivant acte de la SCP René Pedaille, Huissier de Justice, en date du 4 février 2025, en exécution de l'ordonnance de référé entreprise, soit une somme de 55.938,17 euros.

- Ordonner l'inscription au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société Vudenhaut Immo d'une provision de 126.000 euros au titre du préjudice subi par Monsieur [Y] découlant de l'utilisation d'une clause de non concurrence illicite,

- Ordonner l'inscription au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société Vudenhaut Immo d'une somme de 144.405 euros à titre de provision de dommages et intérêts au titre de l'indemnisation de la rupture du contrat d'agent commercial aux torts et griefs de la société Vudenhaut Immo,

- Ordonner l'inscription au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société Vudenhaut Immo d'une somme de 15.000 euros à titre de provision de dommages et intérêts au titre de la saisie-attribution effectuée de mauvaise foi par la société Vudenhaut Immo,

A titre subsidiaire

- Débouter la société Vudenhaut Immo de toutes ses demandes, dès lors qu'elle ne justifie pas d'un préjudice subi au titre d'une éventuelle violation des dispositions de la clause de non concurrence ;

- Réduire le montant de la clause pénale contractuelle à de plus justes proportions et FIXE le montant de ladite indemnisation due à la société Vudenhaut Immo à la somme de l'euro symbolique, en l'absence de préjudice réellement subi et démontré par la société Vudenhaut Immo,

En toute hypothèse,

- Condamner la société Vudenhaut au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du CPC et aux dépens

Vu les conclusions d'intimé n°2 notifiées par RPVA le 19 mai 2025 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la SARL Vudenhaut-Immo et la Selarl [B] [K] en qualité de mandataire judiciaire de la société Vudenhaut-Immo demandant, au visa de l'article L134-14 du code de commerce de:

- Débouter Monsieur [S] [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- Confirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 26 novembre 2024 en toute ses dispositions.

- Condammner Monsieur [S] [Y] à verser à la Société Vudenhaut-Immo la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner Monsieur [S] [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Thomas Neckebroeck, Avocat, sur son affirmation de droit.

Motifs

La société Vudenhaut Immo reproche à M.[Y], son ancien agent commercial, le non-respect de la clause de non-concurrence de son contrat de travail. Elle estime que sa nouvelle activité dans le cadre du réseau Brokers, débutée dès la rupture du mandat d'agent commercial, sur le secteur [Localité 9] correspondant à celui qu'elle lui avait confié, en violation de l'obligation contracuelle de non-concurrence constitue un trouble manifestement illicite. Elle sollicite la cessation de cette activité et la condamnation provisionnelle de M.[Y] à l'indemniser de son préjudice.

Monsieur [Y] soutient en premier lieu que la clause de non-concurrence est nulle en raison de l'indétermination du secteur géographique concerné, du caractère excessif de sa définition géographique et de sa durée et en second lieu qu'il ne l'a pas violée. Il estime en outre que son ancien mandant n'a subi aucun préjudice.

Selon l'article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit et le dommage imminent s'entend de celui qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation dénoncée perdure.

Pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la cour statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, la méconnaissance d'un droit dont la survenance et la réalité sont certaines.

En application des dispositions de l'article 1103 du code civil, les stipulations claires et précises de la convention des parties doivent être exécutées. Le fait pour l'une d'elles de s'y refuser unilatéralement constitue bien un trouble manifestement illicite, à condition toutefois que la clause de non-concurrence qui en constitue le fondement ne soit pas elle-même illicite. En revanche, lorsque la licéité d'une clause de non-concurrence n'apparaît pas avec l'évidence requise en référé, le trouble résultant de l'inexécution de cette obligation n'est pas manifestement licite (Com.,7 juillet 2015, pourvoi n 14-18.890).

Il n'y a pas lieu pour la cour, statuant avec les pouvoirs du juge des référés, de prononcer la nullité de la clause de non-concurrence, demande qui excède ses pouvoirs.

Il convient en revanche pour déterminer s'il existe, comme le soutient la société Vudenhaut Immo, un trouble manifestement illicite, d'apprécier si la contestation relative à la licéité de la clause est sérieuse et le cas échéant, de dire si le débiteur de l'obligation de non-concurrence a ou non violé ses obligations.

En application de l'article L.134-14 du code de commerce, le contrat peut contenir une clause de non-concurrence après la cessation du contrat.

Cette clause doit être établie par écrit et concerner le secteur géographique et, le cas échéant, le groupe de personnes confiés à l'agent commercial ainsi que le type de biens ou de services pour lesquels il exerce la représentation aux termes du contrat.

La clause de non-concurrence n'est valable que pour une période maximale de deux ans après la cessation d'un contrat.

En l'espèce, l'article 17 du contrat d'agent commercial impose à M.[Y] pendant une durée de 2 ans à compter de la cessation du contrat de rester loyal à son ancien mandant et lui interdit de vendre ou de louer ou de contribuer à la vente ou à la location de prestation ou de biens similaires ou concurrents à ceux commercialisés par le mandant, sur l'ensemble du territoire sur lequel il aura exercé l'activité objet du mandat.

Contrairement à ce que soutient M.[Y], la durée de 2 années, conforme aux exigences de l'article L 134-14 n'est pas excessive.

Le secteur géographique de la clause est défini par référence à l'activité effectivement exercée par l'agent commercial au cours de l'exécution de son mandat et le contrat de mandat confie à l'agent une zone définie sur une carte par 2 traits au feutre constituant les cotés d'un triange dont l'hypothénuse, qui n'est pas représentée, est d'environ une trentaine de kilometres au sud ouest de [Localité 13].

La zone concernée par l'obligation de non-concurrence n'est pas non plus excessive et contrairement à ce qu'il soutient, M.[Y] n'est pas privé de la possibilité d'exercer son activité dans l'ensemble de la région.

C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu qu'aucune contestation sérieuse ne pouvait être retenue s'agissant de la licéité de la clause de non-concurrence.

Néanmoins, aucune des pièces versées aux débats par la société Vudenhaut ne laisse apparaître avec l'évidence requise en référé que M.[Y] n'a pas respecté son obligation de non-concurrence.

En effet, les noms de commune sur la reproduction de la carte versée aux débats sont parfaitement illisibles et rien ne permet de déterminer si les communes de [Localité 7] et de [Localité 11] y figurent, ce que M.[Y] conteste. C'est donc vainement que la société Vudenhaut reproche à son ancien mandataire d'avoir proposé à la location des biens localisés dans ces communes.

S'il n'est pas contesté par M.[Y] qu'une partie de la commune de [Localité 8], en limite de la zone définie sur la carte annexée au contrat de mandat, se trouve dans le secteur qui lui avait été confié par la société Vudenhaut, l'examen de cette carte, en raison de son caractère illisible, ne permet pas de s'assurer que le lieu dit [Localité 10], en périphérie de la commune, se situe bien dans cette zone, ce que M.[Y] conteste.

C'est donc vainement que la société Vudenhaut reproche à M.[Y] d'avoir fait paraître une annonce relative à un bien situé commune de [Localité 8], lieudit [Localité 10].

L'ordonnance déférée sera en conséquence intégralement infirmée.

L'obligation de rembourser résulte de plein droit de la réformation de l'ordonnance entreprise. Il n'y a donc pas lieu pour la cour de statuer sur la demande de restitution des fonds perçus par la société Vudenhaut au moyen d'une mesure d'exécution forcée.

- Sur les demandes reconventionnelles de M.[Y]

M. [Y] demande à la cour d'inscrire au passif de la procédure collective de la société Vudenhaut une créance indemnitaire de 126 000 € au titre d'une provision sur l'indemnisation du préjudice résultant de l'utilisation d'une clause de non-concurrence illicite, une créance indemnitaire de 144 405 € au titre d'une provision sur l'indemnisation de son préjudice résultant de la rupture du contrat d'agent commercial aux torts et griefs de la société Vudenhaut, une créance au titre de la provision de dommages et intérêts au titre de la saisie attribution effectuée de mauvaise foi.

Néanmoins, la fixation du montant d'une créance et son inscription au passif du débiteur en liquidation judiciaire ne relève pas des pouvoirs du juge de référés, qui ne peut ordonner que des mesures provisoires ou conservatoires.

Il n'y a donc pas lieu à référé sur ces points.

Par ces motifs

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes formées par la société Vudenhaut-Immo et la Selarl [B] [K],

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes formées par M.[S] [Y],

Dit que les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de la procédure collective de la Sarl Vudenhaut Immo,

Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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