Cass. 1re civ., 24 septembre 2025, n° 23-23.869
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
PARTIES
Défendeur :
Volkswagen Group France (SA), Volkswagen Bank Gesellschaft mit Beschraenkter Haftung - VW Bank (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Champalaune
Rapporteur :
Mme Robin-Raschel
Avocat général :
M. Salomon
Avocats :
Me Goldman, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 9 novembre 2023), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 7 décembre 2022, pourvoi n° 21-19.345), le 17 février 2010, la société Volkswagen Bank, après avoir acquis un véhicule automobile fourni par la société Volkswagen Group France, a consenti à M. [Y] un contrat de location de ce véhicule avec option d'achat.
2. La livraison est intervenue le 22 avril 2010.
3. Le 1er avril 2014, M. [Y] (l'acquéreur) a levé l'option d'achat.
4. Par lettres des 16 novembre 2015, 29 avril et 12 septembre 2016, l'acquéreur a été informé par la société Volkswagen Group France de l'ouverture d'une enquête sur des équipements d'automobiles à moteurs diesel destinés à tromper les mesures anti-pollution et de la nécessité de mettre à jour un logiciel dont son véhicule était équipé.
5. Les 19 et 20 décembre 2016, l'acquéreur a assigné les sociétés Volkswagen Bank et Volkswagen Group France (les sociétés automobiles) en résolution du contrat de vente initial du fait du défaut de délivrance conforme et, subsidiairement, en nullité et en indemnisation, invoquant une erreur sur les qualités substantielles de la voiture et l'existence de pratiques commerciales trompeuses.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Sur le moyen du pourvoi incident, qui est préalable
Enoncé du moyen
7. Les sociétés automobiles font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action formée par l'acquéreur en résolution du contrat de vente initial conclu par la société Volkswagen Group France et en caducité du contrat de location avec option d'achat, fondée sur l'obligation de délivrance conforme, alors :
« 1°/ qu'après avoir cité les dispositions de l'article 2224 du code civil selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, et relevé que les sociétés intimées soutenaient que l'obligation de délivrance ne se prescrit qu'à compter de la livraison de la chose dès lors que le délai de prescription joue le rôle d'un délai d'épreuve à l'expiration duquel la garantie s'éteint, la cour d'appel a considéré que là où la loi ne distinguait pas il n'y avait pas lieu de distinguer et qu'en l'état d'un texte particulièrement clair, le point de départ du délai de prescription devait être fixé au jour où M. [Y] avait eu connaissance du manquement à l'obligation de délivrance conforme dont il se prévalait ; qu'en refusant ainsi de rechercher si le délai de prescription applicable à l'action fondée sur l'obligation de délivrance conforme prévue par l'article 1604 du code civil, constituait ou non un délai d'épreuve commençant à courir à compter de la livraison de la chose, au motif inopérant que l'article 2224 du code civil fixe le point de départ du délai de prescription à la date de la connaissance des faits permettant au titulaire d'un droit d'exercer l'action, quand, en présence d'une prescription ayant une fonction de délai d'épreuve, la circonstance que l'acquéreur ait connaissance du manquement à l'obligation de délivrance conforme dont il se prévaut, postérieurement à la livraison n'a pas pour effet de reporter le point de départ du délai de prescription, de sorte que les dispositions de l'article 2224 du code civil ne la dispensaient pas de juger si le délai précité constituait ou non un délai d'épreuve, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code commerce, 1604 et 2224 du code civil ;
2°/ que le délai de prescription de l'action en délivrance conforme commence à courir à compter de la livraison de la chose vendue, sans que ce point de départ puisse être reporté à la date à laquelle l'acquéreur prétend avoir eu connaissance du manquement à l'obligation de délivrance conforme dont il se prévaut ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription de l'action pour manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme au jour où M. [Y] avait eu connaissance du manquement à l'obligation de délivrance conforme dont il se prévalait, et non à la date de la livraison de la chose, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code commerce, 1604 et 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. Selon l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.
9. Aux termes de l'article 1604 de ce code, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
10. L'article 2224 du même code dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
11. Selon l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
12. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'action fondée sur un manquement du vendeur à son obligation de délivrer un bien conforme se prescrit par cinq ans à compter du jour où l'acquéreur a connu ou aurait dû connaître le défaut de conformité allégué.
13. Ayant souverainement retenu que l'acquéreur n'avait eu connaissance des faits lui permettant d'exercer l'action en résolution du contrat initial de vente du véhicule, conclu entre la société Volkswagen Group France et la société Volkswagen Bank, fondée sur le manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme, qu'à compter des lettres des 16 novembre 2015, 29 avril et 12 septembre 2016, par lesquelles il avait été informé de l'ouverture d'une enquête sur des équipements d'automobiles à moteurs diesel destinés à tromper les mesures anti-pollution et de la nécessité de mettre à jour un logiciel dont son véhicule était équipé, la cour d'appel en a exactement déduit que le délai quinquennal de la prescription de cette action avait commencé à courir, au plus tôt, le 16 novembre 2015, et non pas à la date de la livraison du véhicule, de sorte qu'il n'était pas expiré au moment de la délivrance de l'assignation et que l'action était recevable.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
15. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes fondées sur l'obligation de délivrance conforme, alors « que manque à son obligation de délivrance conforme le vendeur qui délivre un véhicule, relevant du champ d'application du règlement (CE) n° 715/2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6), équipé d'un dispositif d'invalidation qui améliore systématiquement, lors des procédures d'homologation, la performance du système de contrôle des émissions et dont l'utilisation est interdite en vertu de ce même règlement, même si le véhicule est couvert par une réception CE par type en vigueur et peut, par conséquent, être utilisé sur la route ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que le véhicule Volkswagen diesel acquis par M. [Y], soumis à la norme Euro 5, avait été homologué en étant équipé d'un logiciel ayant pour objet de minorer les émissions polluantes des différents gaz et particules produits par le fonctionnement du véhicule et que, à la suite de la révélation du scandale né de ce que le groupe Volkswagen avait équipé certains véhicules diesel d'un logiciel destiné à tromper les mesures anti-pollution, le véhicule, présentant une non-conformité aux normes d'émission de gaz, avait fait l'objet d'une opération de rappel du constructeur présentée comme visant à prévenir un risque de non-conformité administrative du véhicule, ce dont il résultait suffisamment que le véhicule en cause était équipé d'un dispositif d'invalidation interdit par le règlement (CE) n° 715/2007 précité, a néanmoins retenu, pour écarter l'existence d'un défaut de conformité, qu'il n'était pas démontré que le véhicule acquis et utilisé sans difficulté particulière par M. [Y] ne répondait pas aux normes exigées par la réglementation malgré la délivrance de la norme Euro 5 et son homologation, a violé l'article 1604 du code civil et les articles 3 et 5 du règlement n° 715/2007 du 20 juin 2007. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
16. Les sociétés automobiles contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent qu'il est nouveau et mélangé de fait, dès lors que, devant les juges du fond, l'acquéreur, qui se bornait, selon elles, à affirmer que le véhicule qu'il avait acquis n'était pas conforme aux normes établies par le règlement n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 en matière d'émissions de gaz, ne se prévalait pas du défaut de conformité caractérisé par l'installation, dans ce véhicule, d'un dispositif d'invalidation, au sens de l'article 3 de ce règlement, interdit par son article 5.
17. Cependant, le moyen n'est pas nouveau dès lors que l'acquéreur soutenait, dans ses conclusions devant la cour d'appel, que l'article 5 du règlement précité interdisait les dispositifs techniques d'invalidation des tests d'homologation des véhicules, que l'installation d'un tel dispositif au sein d'un véhicule caractérisait un défaut de conformité qui n'était pas mineur, ainsi que l'avait jugé la Cour de justice de l'Union européenne et que, en l'espèce, le véhicule qu'il avait acquis était équipé d'un logiciel destiné à tromper, lors des procédures d'homologation, le système de contrôle des émissions de gaz et de particules polluantes des véhicules afin d'obtenir leur homologation.
18. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 1604 du code civil et les articles 3, point 10, et 5, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l'entretien des véhicules, dans sa rédaction applicable à la cause :
19. En application du premier texte, le vendeur doit délivrer la chose conformément aux stipulations du contrat de vente et à la réglementation applicable.
20. Selon le deuxième, constitue un dispositif d'invalidation tout élément de conception qui détecte la température, la vitesse du véhicule, le régime du moteur en tours/minute, la transmission, une dépression ou tout autre paramètre aux fins d'activer, de moduler, de retarder ou de désactiver le fonctionnement de toute partie du système de contrôle des émissions, qui réduit l'efficacité du système de contrôle des émissions dans des conditions dont on peut raisonnablement attendre qu'elles se produisent lors du fonctionnement et de l'utilisation normaux des véhicules.
21. Le dernier texte dispose que le constructeur équipe les véhicules de telle sorte que les composants susceptibles d'exercer un effet sur les émissions sont conçus, construits et montés de manière à permettre aux véhicules, en utilisation normale, de se conformer au règlement et à ses mesures d'exécution et que l'utilisation de dispositifs d'invalidation qui réduisent l'efficacité des systèmes de contrôle des émissions est interdite.
22. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article 3, point 10, du règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l'entretien des véhicules (le règlement), devait être interprété en ce sens que constitue un « élément de conception », au sens de cette disposition, un logiciel intégré dans le calculateur de contrôle moteur ou agissant sur celui-ci, dès lors qu'il agissait sur le fonctionnement du système de contrôle des émissions et qu'il en réduisait l'efficacité.
23. Elle a également dit pour droit que l'article 3, point 10, du règlement devait être interprété en ce sens que relevaient de la notion de « système de contrôle des émissions », au sens de cette disposition, tant les technologies et la stratégie dite « de post-traitement des gaz d'échappement », qui réduisaient les émissions en aval, à savoir après leur formation, que celles qui, à l'instar du système de recyclage des gaz d'échappement, réduisaient les émissions en amont, à savoir lors de leur formation.
24. Elle a enfin dit pour droit que l'article 3, point 10, du règlement devait être interprété en ce sens que constituait un « dispositif d'invalidation », au sens de cette disposition, un dispositif qui détectait tout paramètre lié au déroulement des procédures d'homologation prévues par ce règlement, aux fins d'améliorer la performance, lors de ces procédures, du système de contrôle des émissions, et ainsi d'obtenir l'homologation du véhicule, même si une telle amélioration pouvait également être observée, de manière ponctuelle, dans des conditions d'utilisation normales du véhicule (arrêt du 17 décembre 2020, C-693/18, CLCV e.a.).
25. Par un autre arrêt du 14 juillet 2022 (C-145/20, Porsche Inter Auto et Volkswagen), la CJUE a dit pour droit que l'article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, devait être interprété en ce sens qu'un véhicule à moteur, relevant du champ d'application du règlement, ne présentait pas la qualité habituelle des biens de même type à laquelle le consommateur peut raisonnablement s'attendre, si, bien qu'étant couvert par une réception CE par type en vigueur et pouvant, par conséquent, être utilisé sur la route, ce véhicule était équipé d'un dispositif d'invalidation dont l'utilisation était interdite en vertu de l'article 5, paragraphe 2, de ce règlement.
26. Elle a enfin dit pour droit qu'un défaut de conformité consistant en la présence, dans un véhicule, d'un dispositif d'invalidation dont l'utilisation est interdite en vertu de l'article 5, paragraphe 2, de ce règlement ne peut être qualifié de « mineur », même si, à supposer que le consommateur eût connaissance de l'existence et du fonctionnement de ce dispositif, ce consommateur aurait néanmoins acheté ce véhicule.
27. Pour rejeter les demandes en résolution du contrat de vente initial et en indemnisation, fondées sur un manquement de la société Volkswagen Group France à son obligation de délivrance, l'arrêt retient que la preuve du défaut de conformité du véhicule n'était pas rapportée, dès lors que les lettres adressées à l'acquéreur, qui évoquaient seulement un « risque de non-conformité administrative du véhicule ou d'immobilisation administrative », n'établissaient pas que la société Volkswagen Group France reconnaissait avoir modifié les résultats des tests présidant aux opérations d'homologation, qu'il n'était pas démontré que, sans le logiciel qualifié de « truqueur » installé sur les véhicules en question, cette homologation n'aurait pas été obtenue ni que les véhicules en question auraient dépassé les normes admissibles en termes d'émission de dioxyde d'azote, même s'il n'était guère douteux qu'un tel logiciel avait bien pour objet de minorer les émissions polluantes des différents gaz et particules produits par le fonctionnement du véhicule, que les conclusions du rapport d'information parlementaire ou de la commission dite « Royal » n'étaient pas probantes, puisqu'elles ne s'appuyaient pas sur le même protocole de contrôle que celui utilisé par les organismes habilités au niveau européen pour délivrer les homologations, que les éléments produits aux débats n'avaient qu'une portée générale et ne démontraient pas que, en l'espèce, le véhicule litigieux ne répondrait pas aux normes exigées par la réglementation malgré la délivrance de la norme Euro 5 et son homologation et, enfin, que l'acquéreur ne pouvait se plaindre d'un défaut que le constructeur lui offrait de réparer par le biais de la procédure de rappel des véhicules concernés et qu'il utilisait le véhicule depuis plus de treize ans sans difficulté particulière.
28. En statuant ainsi, alors que l'implantation d'un logiciel destiné à tromper les mesures d'émission d'oxydes d'azote prévues par le règlement est prohibée et constitue, selon la jurisprudence précitée de la Cour de justice de l'Union européenne, un défaut de conformité au sens de la directive 1999/44, et qu'elle avait constaté que le véhicule en cause était équipé d'un tel logiciel, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés, par refus d'application.
Sur le deuxième moyen, pris en sa septième branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
29. L'acquéreur fait le même grief à l'arrêt, alors « que si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur peut, à son choix, demander la résolution de la vente ou sa mise en possession ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que M. [Y] ne pouvait se plaindre d'un défaut que le constructeur lui offrait de réparer par le biais de la procédure de rappel des véhicules concernés à laquelle il avait refusé de se plier et qu'il utilisait le véhicule litigieux depuis plus de treize ans sans difficulté particulière, la cour d'appel, qui a ainsi méconnu le droit de M. [Y] d'entrer en possession de la chose ou de demander la résolution de la vente, a violé les articles 1610 et 1184 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1604 et 1184 du code civil, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
30. En application du premier texte, le vendeur doit délivrer la chose conformément aux stipulations du contrat de vente et à la réglementation applicable.
31. Aux termes du second, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
32. Ces textes doivent être interprétés à la lumière des articles 1er et 2 de la Charte de l'environnement selon lesquels, d'une part, chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé et, d'autre part, toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement.
33. Ainsi que le Conseil constitutionnel l'a énoncé, le respect des droits et devoirs énoncés en termes généraux par ces articles s'impose non seulement aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif mais également à l'ensemble des personnes et chacun est tenu à une obligation de vigilance à l'égard des atteintes à l'environnement qui pourraient résulter de son activité (Cons. const., 8 avril 2011, décision n° 2011-116 QPC, cons. 5).
34. Il en résulte que caractérise un manquement grave du vendeur à son obligation de délivrance conforme, justifiant la résolution du contrat, le fait de livrer à un acquéreur un véhicule à moteur équipé d'un dispositif d'invalidation, tel que celui décrit au point 24 du présent arrêt, dont l'utilisation est interdite en vertu de l'article 5, paragraphe 2, du règlement.
35. Pour rejeter la demande en résolution du contrat de vente initial fondée sur un manquement de la société Volkswagen Group France à son obligation de délivrance, l'arrêt retient que l'acquéreur ne peut se plaindre d'un défaut que le constructeur lui offrait de réparer par le biais de la procédure de rappel des véhicules concernés et qu'il utilise le véhicule depuis plus de treize ans sans difficulté particulière.
36. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu le droit de l'acquéreur d'obtenir la résolution du contrat, a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
37. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes fondées sur l'erreur, vice du consentement, alors « que l'erreur est une cause de nullité de la convention lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ; qu'en se bornant à relever, pour écarter l'existence d'une erreur, que le contrat de vente ni aucun des documents entrant dans la sphère contractuelle ne reprenait le taux d'émission de NOx, que M. [Y] ne rapportait pas la preuve de ce qu'il aurait fait d'un taux particulier d'émission une condition déterminante de son consentement et qu'il n'existait aucune erreur tenant à la norme à laquelle obéit le véhicule ou à son homologation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [Y] n'avait pas commis une erreur, déterminante de son consentement, en concluant un contrat portant sur un véhicule dont il ignorait qu'il était équipé d'un dispositif d'invalidation interdit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1110 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1109 et 1110 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
38. Le premier texte dispose qu'il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.
39. Aux termes du second, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet. Elle n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention.
40. Pour rejeter la demande d'annulation du contrat fondée sur l'existence d'une erreur sur la qualité substantielle du véhicule, l'arrêt retient que ni le contrat de vente ni aucun des documents entrant dans la sphère contractuelle ne mentionnaient le taux d'émission de gaz, en sorte que l'acquéreur ne rapportait pas la preuve, qui lui incombait, de ce qu'il aurait fait du respect d'un taux particulier d'émission une condition déterminante de son consentement.
41. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'acquéreur n'avait pas commis une erreur, déterminante de son consentement, en concluant un contrat portant sur un véhicule dont il ignorait qu'il était équipé d'un dispositif d'invalidation interdit par le règlement n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action fondée sur le défaut de délivrance conforme et sur l'erreur, vice du consentement, l'arrêt rendu le 9 novembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Volkswagen Bank et la société Volkswagen Group France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Volkswagen Bank et la société Volkswagen Group France et les condamne à payer à M. [Y] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-quatre septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.