CA Paris, Pôle 6 - ch. 5, 16 septembre 2025, n° 22/06165
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2025
(n° 2025/ , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06165 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF6KH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Février 2022 - Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° F 20/07400
APPELANT
Monsieur [Y] [M]
[Adresse 23]
[Localité 1]
Représenté par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
INTIMEE
S.A.S. [Localité 21] PROMOTION, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE, toque : 137
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Séverine MOUSSY, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Catherine BRUNET, présidente de chambre et de la formation
Madame Stéphanie BOUZIGE, présidente de chambre
Madame Séverine MOUSSY, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine BRUNET, présidente de chambre, et par Madame Anjelika PLAHOTIK, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er septembre 2016, la société [Localité 21] Promotion (ci-après la société) a embauché M. [Y] [M] en qualité de directeur d'agence, statut cadre, niveau 5, échelon 1, coefficient 457, moyennant une rémunération forfaitaire brute':
- une rémunération fixe annuelle de 70'000 euros bruts versés sur treize mois pour un forfait annuel de 218 jours';
pour une période couvrant les six premiers mois d'embauche, un complément de salaire brut afin que sa rémunération nette mensuelle soit de 5'000 euros';
- «'une rémunération variable définie comme suit':
* 200 euros bruts par lots mentionnés au permis de construire purgé, dont les modalités de versement seront de 25% à la signature de la promesse unilatérale de vente du terrain, 25% au dépôt du permis de construire et 50% à la signature de l'acte d'achat du terrain';
* une prime de 10'000 euros bruts sous réserve d'atteindre l'objectif de 100 lots sur une année, dès la signature de l'avant contrat (promesse unilatérale de vente ou compromis de vente) des terrains permettant de réaliser cet objectif'».
La relation contractuelle est soumise à la convention collective de la promotion immobilière en date du 18 mai 1988 et la société employait au moins onze salariés lors de la rupture de cette relation.
Sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 9 octobre 2020.
Par lettre datée du 9 octobre 2020, la société a convoqué M. [M] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 20 octobre suivant, avec mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre recommandée datée du 2 novembre 2020, la société lui a notifié son licenciement pour faute grave.
Par jugement du 3 février 2022 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris a':
- dit et jugé que les éléments apportés ne prouvaient pas qu'il y avait un manquement de l'employeur de nature «'à reconnaitre la résiliation judiciaire'»';
- fixé le salaire moyen à la somme de 15'343,79 euros';
- requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse';
- condamné la société à verser à M. [M] les sommes suivantes :
* 16'944,31 euros à titre d'indemnité légale de licenciement';
* 29'777,43 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis';
* 2'977,74 euros au titre des congés payés afférents';
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation'; ces condamnations étant exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire'
* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- débouté M. [M] du surplus de ses demandes';
- débouté la société de ses demandes reconventionnelles et l'a condamnée au paiement des entiers dépens.
Par déclaration du 10 juin 2022, M. [M] a régulièrement interjeté appel du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 décembre 2024 (n°4) auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [M] demande à la cour de :
infirmer le jugement en ce qu'il a statué par les chefs suivants :
- dit et juge que les éléments apportés ne prouvent pas qu'il y ait un manquement de l'employeur de nature «'à reconnaître la résiliation judiciaire'»';
- fixe le salaire moyen à la somme de 15.345,79 euros';
- requalifie le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse';
- limite la condamnation de la société à verser à M. [M] les sommes suivantes :
* 16 944,31 euros à titre d'indemnité légale de licenciement';
* 29 777,43 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis';
* 2 977,74 euros au titre des congés payés afférents';
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation. Rappelle qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire';
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- le déboute du surplus de ses demandes';
statuant à nouveau, de :
à titre principal,
- juger que la société a gravement manqué à ses obligations contractuelles à son égard ;
- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
à titre subsidiaire';
- dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
en tout état de cause,
- fixer la moyenne des salaires à la somme brute de 70 148,87 euros ; à titre subsidiaire, fixer la rémunération mensuelle de référence à 41 594,72 euros ; à titre infiniment subsidiaire, fixer la rémunération mensuelle de référence à 20 701,87 euros ; à titre infiniment plus subsidiaire, fixer la moyenne des salaires à la somme brute de 15 345,79 euros ;
- condamner la société au paiement des sommes suivantes :
1 * 597 851,80 euros de rappels de salaire au titre de la rémunération variable';
* à titre subsidiaire, 286 352 euros de rappel de salaire au titre des commissions sur honoraires de gestion (HG)';
et rappel de commission sur la marge, selon l'échéance de chaque projet, à parfaire au jour du règlement :
* 36 409 euros le 31 mai 2022 - B92 ([Localité 5] ;
* 61 176 euros le 31 mars 2023 - Domaine St Georges ([Localité 8]) ;
* 25 454 euros le 31 décembre 2022 - Majestic ([Localité 7] ;
* 25 327 euros le 31 mars 2023 - Côté [Localité 12] ([Localité 17] ;
* 65 683 euros le 31 juin 2023 - Le 65 ([Localité 20])';
* à titre infiniment subsidiaire, 58 430 euros de rappel de salaire au titre des commissions reconnues par la Société au titre de [Localité 4] 92';
* 59 785,18 euros au titre des congés payés afférents';
* 28 635,20 euros à titre subsidiaire';
* 5 843 euros à titre infiniment subsidiaire';
* 85 524,38 euros à titre d'indemnité de licenciement';
* 45 927,50 euros à titre subsidiaire, indemnité de licenciement';
* 22 858,31 euros à titre infiniment subsidiaire, indemnité de licenciement';
* 16 944,31 euros à titre plus infiniment subsidiaire, indemnité de licenciement';
* 29 777,43 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (trois mois)';
* 2 977,74 euros au titre des congés payés afférents';
* 350 744,34 euros à titre d'indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse (3 mois)';
* 207 973,60 euros à titre subsidiaire, indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse';
* 103 509,35 euros à titre infiniment subsidiaire, indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse';
* 76'728,93 euros à titre plus infiniment subsidiaire, indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse';
* 60 000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice lié à l'exécution déloyale du contrat de travail';
* 60'000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice lié à la rupture brutale et vexatoire';
- condamner la société à la remise d'une attestation Pôle emploi, d'un bulletin de salaire et d'un certificat de travail conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter de la notification du jugement ;
- condamner la société à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- assortir les sommes auxquelles sera condamnée la société des intérêts au taux légal ainsi que l'anatocisme conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
- débouter la société de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 décembre 2024 (n°3) auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :
confirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit et jugé que les éléments apportés ne prouvaient pas qu'il y avait un manquement de l'employeur de nature «'à reconnaître la résiliation judiciaire'» ;
- débouté M. [M] du surplus de ses demandes ;
- l'accueillir en son appel incident';
réformer le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à verser à M. [M] les sommes suivantes :
* 16 944,31 euros à titre d'indemnité légale de licenciement';
* 29 777,43 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis';
* 2 977,74 euros au titre des congés payés afférents';
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
statuant à nouveau,
- juger que le licenciement de M. [M] repose sur une faute grave';
- rejeter l'intégralité des demandes de M. [M] ;
- condamner M. [M] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 décembre 2024.
MOTIVATION
Sur l'exécution du contrat de travail
* sur le rappel de rémunération variable («'commissions'»)
M. [M] soutient que la société s'était finalement engagée à lui payer, au titre de la rémunération variable, des honoraires de gestion à hauteur de 5% ainsi que 5% de la marge dégagée dans cinq opérations immobilières. Il évalue la somme qui lui est due à 647'751,60 euros et fait valoir que la société ne lui a versé que la somme de 49'900 euros de sorte qu'elle reste redevable de la somme de 597'851,80 euros, outre la somme de 59'785,18 euros au titre des congés payés afférents.
Ce à quoi la société réplique qu'elle n'a jamais pris l'engagement de verser à M. [M] les sommes réclamées et fait valoir, à cet égard, que M. [M] a toujours refusé de signer tout avenant relatif à sa rémunération variable alors que la rémunération du salarié ne peut être modifiée sans le consentement du salarié.
Lorsqu'elle est payée en exécution d'un engagement unilatéral de l'employeur, la prime constitue un élément de la rémunération et est obligatoire pour l'employeur dans les conditions fixées par cet engagement, peu important son caractère variable.
Par courriel du 29 juin 2020, M. [N] [W], directeur général, a écrit à M. [M]':
«'Bonjour [Y],
Faisant suite à nos diverses discussions, je te confirme que nous allons te verser une prime sur Honoraires de Gestion de l'opération [Localité 4] B92.
Le montant des honoraires (cf convention EDELIS/SGP) ressort à 1'530'Keuros.
La primée chargée ressort à 76,5Keuros, ce qui va correspondre à un montant net de 42Keuros.
Tu as déjà touché une avance sur cette prime de 10Keuros donc il reste un reliquat de 32Keuros.
Ce montant sera versé en 3 fois (11 Keuros Juin, 11 Keuros Juillet & 10 Keuros en Septembre).'»
De plus, par courriel du 6 juillet 2020, M. [W] a écrit à M. [M]':
«'Bonjour [Y],
En complément de mon mail précédent, je te confirme que nous te verserons une prime chargée correspondante à 5% des HG touchés par SGP sur les opérations suivantes
[Adresse 11]
Majectic à [Localité 6]
[Adresse 9] à [Localité 16]
Le 65 à pavillon /bois
Ce versement ne pourra intervenir qu'à la mise en place des concours bancaires nécessaires au fonctionnement des programmes immobiliers.
A titre indicatif à ce jour, les HG pressenties sont
Ope
HG
Chargé
Part AM
DOMAINE
[Localité 22]
93.9
LE
[Adresse 15]
65,8
COTE
JARDIN
38,2
LE 65
43,3
En complément de cette prime, nous te verserons une prime chargée correspondant à 5% de la marge touchée de manière définitive par SGP.
Cette quotte part de marge ne pourra être payée qu'à la constatation des résultats dégagés des SCCV afférentes.
Comme évoqué ensemble, il convient donc de signer un avenant à ton contrat de travail et de supprimer la part variable présenté dans l'article 8. (').'»
En l'espèce, ces deux courriels manifestent un engagement unilatéral de la société de verser à M. [M]':
* une prime sur honoraires de gestion pour l'opération immobilière [Localité 4] B92';
* une prime chargée correspondant à des honoraires de gestion perçus et une prime chargée correspondant à 5% de la marge perçue définitivement pour les quatre opérations immobilières suivantes': [Adresse 10] à [Localité 8]'; [Adresse 14] à [Localité 6]'; [Adresse 9] à [Localité 16] et [Adresse 13] à [Localité 19].
La société évoque d'ailleurs un engagement unilatéral résultant du courriel de M. [W] du 29 juin 2020 de sorte qu'il importe peu que M. [M] ait refusé ensuite, pour des motifs non tirés des modalités de sa rémunération variable, de signer les deux projets d'avenant qui lui ont été présentés.
M. [M] présente des éléments de calcul dans un tableau mais, s'agissant d'un élément de la rémunération du salarié, il appartient à la société de produire tous les éléments relatifs à l'exécution de son engagement de payer ces primes au salarié.
La société fait valoir que seule l'opération immobilière [Localité 4] B92 était lancée lors du départ de M. [M] et a généré des revenus à son profit. Elle souligne qu'aucune des opérations n'était terminée lors des plaidoiries de première instance. Toutefois, elle ne fournit aucun élément actualisé sur les résultats dégagés par les «'SCCV'» et ne soutient ni ne démontre qu'à la date de ses dernières conclusions, la réalisation de ces cinq opérations immobilières n'avait pas abouti. Au surplus, M. [M] verse aux débats des éléments qui révèlent que ces opérations immobilières étaient désormais achevées et que la société disposait des éléments financiers permettant d'évaluer ses primes.
Contrairement à ce que soutient la société, les primes évoquées dans les deux courriels n'ont pas été subordonnées à la présence de M. [M] dans la société lors de l'achèvement desdites opérations immobilières. Il ressort implicitement mais nécessairement de la rédaction de ces courriels que les primes sont dues en leur principe du seul fait que M. [M] a initié ces opérations immobilières. L'emploi du futur de l'indicatif et l'absence de condition de présence sont à cet égard révélateurs de l'intention de l'employeur.
Enfin, il appartient à la société qui reproche à M. [M] de ne pas avoir tenu compte des co-promoteurs - allégation au demeurant contestée par le salarié - de produire des éléments pertinents à ce sujet. Or, la société produit un tableau en pièce n°33-1 sans que la véracité des informations s'y trouvant soit toutefois établie et elle se borne à observer que M. [M] a été rempli de ses droits concernant l'opération [Localité 4] B92.
S'agissant de l'opération immobilière [Localité 4] B92, le courriel du 29 juin 2020 évoque uniquement une prime sur honoraires de gestion. Les projets d'avenant préparés par la société mentionnent que M. [M] avait d'ores et déjà perçu 18'100 euros sur «'B92'», ce que le salarié ne conteste pas. Par conséquent, eu égard aux éléments financiers contenus dans le courriel du 29 juin 2020 et non utilement contestés, la prime s'élève à 42'000 euros. Après déduction de la somme de 18'100 euros d'ores et déjà versée au salarié, la société reste redevable à M. [M] de la somme de 23'900 euros.
M. [M] sera, en revanche, débouté de sa demande au titre d'une prime chargée sur la marge concernant cette opération puisque cette prime n'est pas mentionnée dans ledit courriel. La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.
S'agissant des quatre autres opérations immobilières, la prime chargée sur les honoraires de gestion sera calculée, à défaut d'éléments actualisés par l'employeur, sur les «'HG pressenties'», la part revenant à M. [M] ayant été indiquée dans le tableau ci-dessus reproduit':
* 93'900 euros pour l'opération [Adresse 10]';
* 65'800 euros pour l'opération [Adresse 14]';
* 38'200 euros pour l'opération Côté [Localité 12]';
* 43'300 euros pour l'opération Le 65.
La prime chargée sur la marge réalisée par la société sera calculée sur la base des seuls éléments disponibles fournis par le salarié et non utilement contredits par la société soit':
* 61'320,90 euros pour l'opération Domaine [Localité 21]';
* 99'592,60 euros pour l'opération [Adresse 14]';
* 51'865 euros pour l'opération Côté [Localité 12]';
* 70'750,20 euros pour l'opération Le 65.
Les sommes d'ores et déjà perçues par M. [M], à savoir 21'200 euros pour l'opération Domaine [Localité 21]'; 6'900 euros pour l'opération [Adresse 14]'; 3'700 euros pour l'opération Le 65 seront déduites.
En conséquence, la société sera condamnée à payer à M. [M] la somme totale de 516'827,80 euros qui se décompose ainsi :
* 23'900 euros au titre de la prime sur honoraires de gestion pour l'opération [Localité 4] B92';
* 134 020 euros au titre des deux primes pour l'opération [Adresse 10]';
* 158'492,60 euros au titre des deux primes pour l'opération [Adresse 14]';
* 90'065 euros au titre des deux primes pour l'opération Côté [Localité 12]';
* 110'350,20 euros au titre des deux primes pour l'opération Le 65';
outre la somme totale de 51'682,78 euros au titre des congés payés afférents.
La décision des premiers juges sera infirmée à ces titres.
* sur les dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail
M. [M] soutient que la société a fait preuve de duplicité et de ruse pendant quatre ans pour échapper à ses obligations - que ce soit lors de l'embauche ou lors de l'exécution du contrat de travail.
Ce à quoi la société réplique qu'il n'y a jamais eu de promesse d'embauche incluant une participation à hauteur de 10% sur toutes les opérations initiées'; que M. [M] n'a jamais été contraint d'accepter une quelconque proposition de rémunération et qu'il ne rapporte pas la preuve du chantage allégué autrement que par des courriels ou sms émanant de lui-même.
Suivant l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
M. [M] se prévaut d'un courriel du 14 juin 2016 intitulé «'Confirmation accords avec Monsieur [I] [H]'» et ainsi rédigé':
«'Nous faisons suite à vos différents échanges avec Monsieur [I] [H] concernant la création d'un poste au sein de nos bureaux à [Localité 18].
Nous envisageons les termes de l'accord comme suit':
- Un salaire fixe brut annuel de 70'000 euros'; (').
- Un variable, en sus, de 200 euros brut par lots (').
- Le versement d'une prime de 10'000 euros brut si vous atteignez l'objectif de 100 lots sur un exercice annuel dès la signature de l'avant contrat portant sur le foncier permettant de réaliser cet objectif.
- La mise à disposition d'une voiture de fonction et d'un téléphone portable.
- (')
- S'agissant de votre demande de participation à hauteur de 10% sur chaque opération que vous aurez initiée, celle-ci fera l'objet d'une convention spécifique lors de la création de chaque SCCV.'»
Toutefois, le contrat de travail signé postérieurement à ce courriel ne fait pas référence à cette demande de participation ni à la signature d'une convention spécifique lors de la création d'une «'SCCV'».
En l'absence d'éléments sur les échanges intervenus entre les parties après le 14 juin 2016 et jusqu'à la signature du contrat de travail et sur leurs intentions, M. [M] ne démontre pas que l'absence de signature d'une convention spécifique constitue un manquement à l'obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi.
Il ressort certes des pièces versées aux débats par M. [M] qu'au cours de la relation contractuelle, différentes propositions lui ont été faites avant la confirmation par la société qu'elle s'engageait à lui verser des primes à titre de rémunération variable dans les courriels des 29 juin et 6 juillet 2020 mais ces discussions s'analysent comme des pourparlers sur un aspect de la rémunération variable de M. [M] non convenu dans le contrat de travail et ne constituent pas en soi un manquement à la bonne foi ou à la déloyauté entre des parties liées par un contrat de travail.
Par ailleurs, l'allégation selon laquelle la société avait conditionné le paiement de la rémunération variable de M. [M] à la signature d'un avenant modifiant, selon le salarié, ses fonctions n'est pas établie.
M. [M] sera donc débouté de sa demande en dommages-intérêts et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.
Sur la rupture du contrat de travail
* sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Le salarié peut demander la résiliation de son contrat de travail en cas de manquements de son employeur à ses obligations. Il lui appartient de rapporter la preuve des faits, manquements ou agissements d'une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail invoqués. Le juge apprécie si la gravité des manquements justifie la résiliation du contrat. Le manquement suffisamment grave est celui qui empêche la poursuite du contrat. Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour apprécier la gravité des manquements reprochés à l'employeur, le juge prend en compte l'ensemble des événements survenus jusqu'à l'audience ou jusqu'à la rupture du contrat de travail si celle-ci est antérieure.
M. [M] invoque plusieurs griefs à l'appui de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail':
- le non-versement des commissions dues'(rémunération variable)';
- la modification de son contrat de travail sans son consentement'(rétrogradation constitutive d'une modification unilatérale du contrat de travail)';
- la déloyauté.
* sur le non-versement des commissions dues
Il ressort des développements qui précèdent que l'employeur s'est abstenu de verser une part importante de la rémunération variable de M. [M] pourtant fixée dans le courriel du 29 juin 2020 constitutif d'un engagement unilatéral de la société. Ce grief est donc caractérisé.
* sur la modification du contrat de travail sans le consentement du salarié
Il ressort du nouvel organigramme diffusé par la société au mois de juillet 2020 que':
- d'une part, M. [S] [Z], directeur des opérations, assure les «'Supervision et validation conception générale (Permis + DCE)'», «'Suivi et validation des engagements (planning, finance, contrat)'» et « Préparation des CE [comités d'engagement] et suivi des engagements tout le long de l'opération'»';
- d'autre part, M. [B] [H], analyste foncier, assure la «'Synthèse clôture CE + diffusion'», le «'Pré bilan'», les «'Budget + mise à jour jusqu'au lancement des travaux'» ainsi que les «'Relations bailleurs sociaux et ventes en bloc (de la résa à l'acte'».
Or, l'examen des pièces n°29 à 49 produites par M. [M] révèle qu'il était chargé de ces attributions-là jusqu'à la diffusion du nouvel organigramme. A cet égard, il ressort notamment de ces pièces, à titre d'exemples, que':
- interrogé par la directrice commerciale, il a validé le budget de l'opération Côté [Localité 12]';
- il était chargé des «'CE'»';
- il assurait le suivi des opérations en vue du dépôt de permis de construire.
Le courriel de M. [P] [J] du 10 octobre 2017 auquel la société se réfère pour soutenir que les attributions de M. [B] [H] avaient été définies en concertation avec M. [M] dès cette date ne démontre pas que M. [H] exerçait d'ores et déjà les attributions résultant du nouvel organigramme.
La cour relève que la société admet elle-même dans ses conclusions que': «'Le poste qui était le sien demeurait identique à l'exception des missions techniques qui étaient différemment réparties'» mais que M. [M] conservait les mêmes missions d'encadrement. C'est donc reconnaître que M. [M] avait exercé jusqu'alors non seulement des missions d'encadrement mais également des missions techniques dont il se voyait désormais privé au profit de deux autres salariés.
Or, contrairement à ce que soutient la société et en dépit du maintien du salarié à sa place dans l'organigramme, le retrait d'attributions substantielles telles que ces «'missions techniques'» ne s'analyse pas en une simple modification des conditions de travail du salarié mais en une modification de son contrat de travail requérant le consentement du salarié. A cet égard, la cour observe que l'employeur a d'ailleurs soumis à M. [M] deux projets d'avenant que celui-ci a refusé de signer alors qu'un simple changement dans les conditions de travail ne nécessitait pas la signature d'un avenant.
Le deuxième grief est donc caractérisé.
* sur la déloyauté
Eu égard aux développements qui précèdent, le troisième grief n'est pas caractérisé.
Les deux premiers griefs constituent des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [M] à la date du 2 novembre 2020, date de notification du licenciement.
Cette résiliation produira les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.
* sur les conséquences de la rupture du contrat de travail
* sur l'indemnité compensatrice de préavis'et les congés payés afférents
En application des articles L. 1234-1, L. 1234-5 du code du travail et 15 de la convention collective, l'indemnité compensatrice de préavis due à M. [M] correspond au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis d'une durée de trois mois pour les cadres.
La société sera donc condamnée à payer à M. [M] la somme de 29'777,43 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 2'977,74 euros au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera confirmée à ces titres.
* sur l'indemnité légale de licenciement
En application des articles L.1234-9, R.1234-1 et R.1234-2 du code du travail, la société sera condamnée à payer à M. [M] une indemnité de licenciement calculée sur la base d'une ancienneté de quatre ans et cinq mois (préavis inclus) et d'un salaire moyen de 17'337,45 euros soit la somme de 19'143,43 euros.
La cour observe que, hormis la somme de 23'900 euros, il n'est pas établi que les sommes auxquelles la société a été condamnée au titre de la rémunération variable auraient dû être intégralement versées au cours des douze ou des trois derniers mois à prendre en compte pour le calcul du salaire moyen de référence. Par conséquent, ce dernier est fixé à 17'337,45 euros.
La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.
* sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau soit en l'espèce entre trois et cinq mois de salaire brut.
Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge - 40 ans - de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle ainsi que des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications, il sera alloué à M. [M], en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 62 000 euros, suffisant à réparer son entier préjudice.
La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.
* sur la remise des documents
La société devra remettre à M. [M] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour France Travail conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les autres demandes
* sur les dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire
M. [M] soutient qu'il a été licencié sans ménagement sur la base d'accusations diffamatoires avec diffusion de rumeurs inexactes et humiliantes.
Ce à quoi la société réplique que M. [M] ne démontre pas de lien entre son état de santé et son activité professionnelle ou la procédure engagée à son encontre et qu'au surplus, la demande est infondée et injustifiée dans son montant.
En l'espèce, M. [M] allègue mais ne démontre pas le caractère brutal et vexatoire de la rupture qui ne résulte pas des seuls griefs invoqués par l'employeur à l'appui de son licenciement. Par conséquent, M. [M] sera débouté de sa demande en dommages-intérêts et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.
* sur les intérêts et leur capitalisation
Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.
La capitalisation des intérêts dus pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.
* sur le remboursement des indemnités de chômage
Conformément aux dispositions de l'article. L.1235-4 du code du travail, la cour ordonne à la société de rembourser à l'organisme concerné les indemnités de chômage versées à M. [M] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités.
* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile
La société sera condamnée aux dépens en appel, la décision des premiers juges étant confirmée sur les dépens.
La société sera également condamnée à payer à M. [M] la somme de 4'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges étant confirmée sur les frais irrépétibles.
Enfin, la société sera déboutée de sa demande au titre de ces mêmes frais.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition,
Infirme le jugement sauf sur les dommages-intérêts pour manquement à bonne foi, le rappel de salaire concernant la prime chargée sur la marge pour l'opération [Localité 4] B92, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, les dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire, les dépens et les frais irrépétibles';
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société [Localité 21] Promotion à payer à M. [Y] [M] la somme totale de 516'827,80 euros à titre de rappel de salaire'qui se décompose comme suit':
* 23'900 euros au titre de la prime sur honoraires de gestion pour l'opération [Localité 4] B92';
* 134'020,90 euros au titre des deux primes pour l'opération Domaine [Localité 21]';
* 158'492,60 euros au titre des deux primes pour l'opération [Adresse 14]';
* 90'065 euros au titre des deux primes pour l'opération Côté [Localité 12]';
* 110'350,20 euros au titre des deux primes pour l'opération Le 65';
ainsi que la somme de 51'682,78 euros au titre des congés payés afférents';
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail à compter du 2 novembre 2020'aux torts de la société [Localité 21] Promotion';
Condamne la société [Localité 21] Promotion à payer à M. [Y] [M] les sommes suivantes :
* 19'143,43 euros à titre d'indemnité légale de licenciement';
* 62'000 euros à titre d'indemnité pour rupture sans cause réelle et sérieuse';
Dit que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce';
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil';
Ordonne à la société [Localité 21] Promotion de rembourser à l'organisme concerné les indemnités de chômage versées à M. [Y] [M] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités';
Condamne la société [Localité 21] Promotion à payer à M. [Y] [M] la somme de 4'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Déboute les parties du surplus de leurs demandes';
Condamne la société [Localité 21] Promotion aux dépens en appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2025
(n° 2025/ , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06165 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF6KH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Février 2022 - Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° F 20/07400
APPELANT
Monsieur [Y] [M]
[Adresse 23]
[Localité 1]
Représenté par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
INTIMEE
S.A.S. [Localité 21] PROMOTION, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE, toque : 137
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Séverine MOUSSY, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Catherine BRUNET, présidente de chambre et de la formation
Madame Stéphanie BOUZIGE, présidente de chambre
Madame Séverine MOUSSY, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine BRUNET, présidente de chambre, et par Madame Anjelika PLAHOTIK, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er septembre 2016, la société [Localité 21] Promotion (ci-après la société) a embauché M. [Y] [M] en qualité de directeur d'agence, statut cadre, niveau 5, échelon 1, coefficient 457, moyennant une rémunération forfaitaire brute':
- une rémunération fixe annuelle de 70'000 euros bruts versés sur treize mois pour un forfait annuel de 218 jours';
pour une période couvrant les six premiers mois d'embauche, un complément de salaire brut afin que sa rémunération nette mensuelle soit de 5'000 euros';
- «'une rémunération variable définie comme suit':
* 200 euros bruts par lots mentionnés au permis de construire purgé, dont les modalités de versement seront de 25% à la signature de la promesse unilatérale de vente du terrain, 25% au dépôt du permis de construire et 50% à la signature de l'acte d'achat du terrain';
* une prime de 10'000 euros bruts sous réserve d'atteindre l'objectif de 100 lots sur une année, dès la signature de l'avant contrat (promesse unilatérale de vente ou compromis de vente) des terrains permettant de réaliser cet objectif'».
La relation contractuelle est soumise à la convention collective de la promotion immobilière en date du 18 mai 1988 et la société employait au moins onze salariés lors de la rupture de cette relation.
Sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 9 octobre 2020.
Par lettre datée du 9 octobre 2020, la société a convoqué M. [M] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 20 octobre suivant, avec mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre recommandée datée du 2 novembre 2020, la société lui a notifié son licenciement pour faute grave.
Par jugement du 3 février 2022 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris a':
- dit et jugé que les éléments apportés ne prouvaient pas qu'il y avait un manquement de l'employeur de nature «'à reconnaitre la résiliation judiciaire'»';
- fixé le salaire moyen à la somme de 15'343,79 euros';
- requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse';
- condamné la société à verser à M. [M] les sommes suivantes :
* 16'944,31 euros à titre d'indemnité légale de licenciement';
* 29'777,43 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis';
* 2'977,74 euros au titre des congés payés afférents';
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation'; ces condamnations étant exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire'
* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- débouté M. [M] du surplus de ses demandes';
- débouté la société de ses demandes reconventionnelles et l'a condamnée au paiement des entiers dépens.
Par déclaration du 10 juin 2022, M. [M] a régulièrement interjeté appel du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 décembre 2024 (n°4) auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [M] demande à la cour de :
infirmer le jugement en ce qu'il a statué par les chefs suivants :
- dit et juge que les éléments apportés ne prouvent pas qu'il y ait un manquement de l'employeur de nature «'à reconnaître la résiliation judiciaire'»';
- fixe le salaire moyen à la somme de 15.345,79 euros';
- requalifie le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse';
- limite la condamnation de la société à verser à M. [M] les sommes suivantes :
* 16 944,31 euros à titre d'indemnité légale de licenciement';
* 29 777,43 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis';
* 2 977,74 euros au titre des congés payés afférents';
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation. Rappelle qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire';
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- le déboute du surplus de ses demandes';
statuant à nouveau, de :
à titre principal,
- juger que la société a gravement manqué à ses obligations contractuelles à son égard ;
- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
à titre subsidiaire';
- dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
en tout état de cause,
- fixer la moyenne des salaires à la somme brute de 70 148,87 euros ; à titre subsidiaire, fixer la rémunération mensuelle de référence à 41 594,72 euros ; à titre infiniment subsidiaire, fixer la rémunération mensuelle de référence à 20 701,87 euros ; à titre infiniment plus subsidiaire, fixer la moyenne des salaires à la somme brute de 15 345,79 euros ;
- condamner la société au paiement des sommes suivantes :
1 * 597 851,80 euros de rappels de salaire au titre de la rémunération variable';
* à titre subsidiaire, 286 352 euros de rappel de salaire au titre des commissions sur honoraires de gestion (HG)';
et rappel de commission sur la marge, selon l'échéance de chaque projet, à parfaire au jour du règlement :
* 36 409 euros le 31 mai 2022 - B92 ([Localité 5] ;
* 61 176 euros le 31 mars 2023 - Domaine St Georges ([Localité 8]) ;
* 25 454 euros le 31 décembre 2022 - Majestic ([Localité 7] ;
* 25 327 euros le 31 mars 2023 - Côté [Localité 12] ([Localité 17] ;
* 65 683 euros le 31 juin 2023 - Le 65 ([Localité 20])';
* à titre infiniment subsidiaire, 58 430 euros de rappel de salaire au titre des commissions reconnues par la Société au titre de [Localité 4] 92';
* 59 785,18 euros au titre des congés payés afférents';
* 28 635,20 euros à titre subsidiaire';
* 5 843 euros à titre infiniment subsidiaire';
* 85 524,38 euros à titre d'indemnité de licenciement';
* 45 927,50 euros à titre subsidiaire, indemnité de licenciement';
* 22 858,31 euros à titre infiniment subsidiaire, indemnité de licenciement';
* 16 944,31 euros à titre plus infiniment subsidiaire, indemnité de licenciement';
* 29 777,43 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (trois mois)';
* 2 977,74 euros au titre des congés payés afférents';
* 350 744,34 euros à titre d'indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse (3 mois)';
* 207 973,60 euros à titre subsidiaire, indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse';
* 103 509,35 euros à titre infiniment subsidiaire, indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse';
* 76'728,93 euros à titre plus infiniment subsidiaire, indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse';
* 60 000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice lié à l'exécution déloyale du contrat de travail';
* 60'000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice lié à la rupture brutale et vexatoire';
- condamner la société à la remise d'une attestation Pôle emploi, d'un bulletin de salaire et d'un certificat de travail conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter de la notification du jugement ;
- condamner la société à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- assortir les sommes auxquelles sera condamnée la société des intérêts au taux légal ainsi que l'anatocisme conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
- débouter la société de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 décembre 2024 (n°3) auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :
confirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit et jugé que les éléments apportés ne prouvaient pas qu'il y avait un manquement de l'employeur de nature «'à reconnaître la résiliation judiciaire'» ;
- débouté M. [M] du surplus de ses demandes ;
- l'accueillir en son appel incident';
réformer le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à verser à M. [M] les sommes suivantes :
* 16 944,31 euros à titre d'indemnité légale de licenciement';
* 29 777,43 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis';
* 2 977,74 euros au titre des congés payés afférents';
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
statuant à nouveau,
- juger que le licenciement de M. [M] repose sur une faute grave';
- rejeter l'intégralité des demandes de M. [M] ;
- condamner M. [M] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 décembre 2024.
MOTIVATION
Sur l'exécution du contrat de travail
* sur le rappel de rémunération variable («'commissions'»)
M. [M] soutient que la société s'était finalement engagée à lui payer, au titre de la rémunération variable, des honoraires de gestion à hauteur de 5% ainsi que 5% de la marge dégagée dans cinq opérations immobilières. Il évalue la somme qui lui est due à 647'751,60 euros et fait valoir que la société ne lui a versé que la somme de 49'900 euros de sorte qu'elle reste redevable de la somme de 597'851,80 euros, outre la somme de 59'785,18 euros au titre des congés payés afférents.
Ce à quoi la société réplique qu'elle n'a jamais pris l'engagement de verser à M. [M] les sommes réclamées et fait valoir, à cet égard, que M. [M] a toujours refusé de signer tout avenant relatif à sa rémunération variable alors que la rémunération du salarié ne peut être modifiée sans le consentement du salarié.
Lorsqu'elle est payée en exécution d'un engagement unilatéral de l'employeur, la prime constitue un élément de la rémunération et est obligatoire pour l'employeur dans les conditions fixées par cet engagement, peu important son caractère variable.
Par courriel du 29 juin 2020, M. [N] [W], directeur général, a écrit à M. [M]':
«'Bonjour [Y],
Faisant suite à nos diverses discussions, je te confirme que nous allons te verser une prime sur Honoraires de Gestion de l'opération [Localité 4] B92.
Le montant des honoraires (cf convention EDELIS/SGP) ressort à 1'530'Keuros.
La primée chargée ressort à 76,5Keuros, ce qui va correspondre à un montant net de 42Keuros.
Tu as déjà touché une avance sur cette prime de 10Keuros donc il reste un reliquat de 32Keuros.
Ce montant sera versé en 3 fois (11 Keuros Juin, 11 Keuros Juillet & 10 Keuros en Septembre).'»
De plus, par courriel du 6 juillet 2020, M. [W] a écrit à M. [M]':
«'Bonjour [Y],
En complément de mon mail précédent, je te confirme que nous te verserons une prime chargée correspondante à 5% des HG touchés par SGP sur les opérations suivantes
[Adresse 11]
Majectic à [Localité 6]
[Adresse 9] à [Localité 16]
Le 65 à pavillon /bois
Ce versement ne pourra intervenir qu'à la mise en place des concours bancaires nécessaires au fonctionnement des programmes immobiliers.
A titre indicatif à ce jour, les HG pressenties sont
Ope
HG
Chargé
Part AM
DOMAINE
[Localité 22]
93.9
LE
[Adresse 15]
65,8
COTE
JARDIN
38,2
LE 65
43,3
En complément de cette prime, nous te verserons une prime chargée correspondant à 5% de la marge touchée de manière définitive par SGP.
Cette quotte part de marge ne pourra être payée qu'à la constatation des résultats dégagés des SCCV afférentes.
Comme évoqué ensemble, il convient donc de signer un avenant à ton contrat de travail et de supprimer la part variable présenté dans l'article 8. (').'»
En l'espèce, ces deux courriels manifestent un engagement unilatéral de la société de verser à M. [M]':
* une prime sur honoraires de gestion pour l'opération immobilière [Localité 4] B92';
* une prime chargée correspondant à des honoraires de gestion perçus et une prime chargée correspondant à 5% de la marge perçue définitivement pour les quatre opérations immobilières suivantes': [Adresse 10] à [Localité 8]'; [Adresse 14] à [Localité 6]'; [Adresse 9] à [Localité 16] et [Adresse 13] à [Localité 19].
La société évoque d'ailleurs un engagement unilatéral résultant du courriel de M. [W] du 29 juin 2020 de sorte qu'il importe peu que M. [M] ait refusé ensuite, pour des motifs non tirés des modalités de sa rémunération variable, de signer les deux projets d'avenant qui lui ont été présentés.
M. [M] présente des éléments de calcul dans un tableau mais, s'agissant d'un élément de la rémunération du salarié, il appartient à la société de produire tous les éléments relatifs à l'exécution de son engagement de payer ces primes au salarié.
La société fait valoir que seule l'opération immobilière [Localité 4] B92 était lancée lors du départ de M. [M] et a généré des revenus à son profit. Elle souligne qu'aucune des opérations n'était terminée lors des plaidoiries de première instance. Toutefois, elle ne fournit aucun élément actualisé sur les résultats dégagés par les «'SCCV'» et ne soutient ni ne démontre qu'à la date de ses dernières conclusions, la réalisation de ces cinq opérations immobilières n'avait pas abouti. Au surplus, M. [M] verse aux débats des éléments qui révèlent que ces opérations immobilières étaient désormais achevées et que la société disposait des éléments financiers permettant d'évaluer ses primes.
Contrairement à ce que soutient la société, les primes évoquées dans les deux courriels n'ont pas été subordonnées à la présence de M. [M] dans la société lors de l'achèvement desdites opérations immobilières. Il ressort implicitement mais nécessairement de la rédaction de ces courriels que les primes sont dues en leur principe du seul fait que M. [M] a initié ces opérations immobilières. L'emploi du futur de l'indicatif et l'absence de condition de présence sont à cet égard révélateurs de l'intention de l'employeur.
Enfin, il appartient à la société qui reproche à M. [M] de ne pas avoir tenu compte des co-promoteurs - allégation au demeurant contestée par le salarié - de produire des éléments pertinents à ce sujet. Or, la société produit un tableau en pièce n°33-1 sans que la véracité des informations s'y trouvant soit toutefois établie et elle se borne à observer que M. [M] a été rempli de ses droits concernant l'opération [Localité 4] B92.
S'agissant de l'opération immobilière [Localité 4] B92, le courriel du 29 juin 2020 évoque uniquement une prime sur honoraires de gestion. Les projets d'avenant préparés par la société mentionnent que M. [M] avait d'ores et déjà perçu 18'100 euros sur «'B92'», ce que le salarié ne conteste pas. Par conséquent, eu égard aux éléments financiers contenus dans le courriel du 29 juin 2020 et non utilement contestés, la prime s'élève à 42'000 euros. Après déduction de la somme de 18'100 euros d'ores et déjà versée au salarié, la société reste redevable à M. [M] de la somme de 23'900 euros.
M. [M] sera, en revanche, débouté de sa demande au titre d'une prime chargée sur la marge concernant cette opération puisque cette prime n'est pas mentionnée dans ledit courriel. La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.
S'agissant des quatre autres opérations immobilières, la prime chargée sur les honoraires de gestion sera calculée, à défaut d'éléments actualisés par l'employeur, sur les «'HG pressenties'», la part revenant à M. [M] ayant été indiquée dans le tableau ci-dessus reproduit':
* 93'900 euros pour l'opération [Adresse 10]';
* 65'800 euros pour l'opération [Adresse 14]';
* 38'200 euros pour l'opération Côté [Localité 12]';
* 43'300 euros pour l'opération Le 65.
La prime chargée sur la marge réalisée par la société sera calculée sur la base des seuls éléments disponibles fournis par le salarié et non utilement contredits par la société soit':
* 61'320,90 euros pour l'opération Domaine [Localité 21]';
* 99'592,60 euros pour l'opération [Adresse 14]';
* 51'865 euros pour l'opération Côté [Localité 12]';
* 70'750,20 euros pour l'opération Le 65.
Les sommes d'ores et déjà perçues par M. [M], à savoir 21'200 euros pour l'opération Domaine [Localité 21]'; 6'900 euros pour l'opération [Adresse 14]'; 3'700 euros pour l'opération Le 65 seront déduites.
En conséquence, la société sera condamnée à payer à M. [M] la somme totale de 516'827,80 euros qui se décompose ainsi :
* 23'900 euros au titre de la prime sur honoraires de gestion pour l'opération [Localité 4] B92';
* 134 020 euros au titre des deux primes pour l'opération [Adresse 10]';
* 158'492,60 euros au titre des deux primes pour l'opération [Adresse 14]';
* 90'065 euros au titre des deux primes pour l'opération Côté [Localité 12]';
* 110'350,20 euros au titre des deux primes pour l'opération Le 65';
outre la somme totale de 51'682,78 euros au titre des congés payés afférents.
La décision des premiers juges sera infirmée à ces titres.
* sur les dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail
M. [M] soutient que la société a fait preuve de duplicité et de ruse pendant quatre ans pour échapper à ses obligations - que ce soit lors de l'embauche ou lors de l'exécution du contrat de travail.
Ce à quoi la société réplique qu'il n'y a jamais eu de promesse d'embauche incluant une participation à hauteur de 10% sur toutes les opérations initiées'; que M. [M] n'a jamais été contraint d'accepter une quelconque proposition de rémunération et qu'il ne rapporte pas la preuve du chantage allégué autrement que par des courriels ou sms émanant de lui-même.
Suivant l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
M. [M] se prévaut d'un courriel du 14 juin 2016 intitulé «'Confirmation accords avec Monsieur [I] [H]'» et ainsi rédigé':
«'Nous faisons suite à vos différents échanges avec Monsieur [I] [H] concernant la création d'un poste au sein de nos bureaux à [Localité 18].
Nous envisageons les termes de l'accord comme suit':
- Un salaire fixe brut annuel de 70'000 euros'; (').
- Un variable, en sus, de 200 euros brut par lots (').
- Le versement d'une prime de 10'000 euros brut si vous atteignez l'objectif de 100 lots sur un exercice annuel dès la signature de l'avant contrat portant sur le foncier permettant de réaliser cet objectif.
- La mise à disposition d'une voiture de fonction et d'un téléphone portable.
- (')
- S'agissant de votre demande de participation à hauteur de 10% sur chaque opération que vous aurez initiée, celle-ci fera l'objet d'une convention spécifique lors de la création de chaque SCCV.'»
Toutefois, le contrat de travail signé postérieurement à ce courriel ne fait pas référence à cette demande de participation ni à la signature d'une convention spécifique lors de la création d'une «'SCCV'».
En l'absence d'éléments sur les échanges intervenus entre les parties après le 14 juin 2016 et jusqu'à la signature du contrat de travail et sur leurs intentions, M. [M] ne démontre pas que l'absence de signature d'une convention spécifique constitue un manquement à l'obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi.
Il ressort certes des pièces versées aux débats par M. [M] qu'au cours de la relation contractuelle, différentes propositions lui ont été faites avant la confirmation par la société qu'elle s'engageait à lui verser des primes à titre de rémunération variable dans les courriels des 29 juin et 6 juillet 2020 mais ces discussions s'analysent comme des pourparlers sur un aspect de la rémunération variable de M. [M] non convenu dans le contrat de travail et ne constituent pas en soi un manquement à la bonne foi ou à la déloyauté entre des parties liées par un contrat de travail.
Par ailleurs, l'allégation selon laquelle la société avait conditionné le paiement de la rémunération variable de M. [M] à la signature d'un avenant modifiant, selon le salarié, ses fonctions n'est pas établie.
M. [M] sera donc débouté de sa demande en dommages-intérêts et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.
Sur la rupture du contrat de travail
* sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Le salarié peut demander la résiliation de son contrat de travail en cas de manquements de son employeur à ses obligations. Il lui appartient de rapporter la preuve des faits, manquements ou agissements d'une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail invoqués. Le juge apprécie si la gravité des manquements justifie la résiliation du contrat. Le manquement suffisamment grave est celui qui empêche la poursuite du contrat. Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour apprécier la gravité des manquements reprochés à l'employeur, le juge prend en compte l'ensemble des événements survenus jusqu'à l'audience ou jusqu'à la rupture du contrat de travail si celle-ci est antérieure.
M. [M] invoque plusieurs griefs à l'appui de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail':
- le non-versement des commissions dues'(rémunération variable)';
- la modification de son contrat de travail sans son consentement'(rétrogradation constitutive d'une modification unilatérale du contrat de travail)';
- la déloyauté.
* sur le non-versement des commissions dues
Il ressort des développements qui précèdent que l'employeur s'est abstenu de verser une part importante de la rémunération variable de M. [M] pourtant fixée dans le courriel du 29 juin 2020 constitutif d'un engagement unilatéral de la société. Ce grief est donc caractérisé.
* sur la modification du contrat de travail sans le consentement du salarié
Il ressort du nouvel organigramme diffusé par la société au mois de juillet 2020 que':
- d'une part, M. [S] [Z], directeur des opérations, assure les «'Supervision et validation conception générale (Permis + DCE)'», «'Suivi et validation des engagements (planning, finance, contrat)'» et « Préparation des CE [comités d'engagement] et suivi des engagements tout le long de l'opération'»';
- d'autre part, M. [B] [H], analyste foncier, assure la «'Synthèse clôture CE + diffusion'», le «'Pré bilan'», les «'Budget + mise à jour jusqu'au lancement des travaux'» ainsi que les «'Relations bailleurs sociaux et ventes en bloc (de la résa à l'acte'».
Or, l'examen des pièces n°29 à 49 produites par M. [M] révèle qu'il était chargé de ces attributions-là jusqu'à la diffusion du nouvel organigramme. A cet égard, il ressort notamment de ces pièces, à titre d'exemples, que':
- interrogé par la directrice commerciale, il a validé le budget de l'opération Côté [Localité 12]';
- il était chargé des «'CE'»';
- il assurait le suivi des opérations en vue du dépôt de permis de construire.
Le courriel de M. [P] [J] du 10 octobre 2017 auquel la société se réfère pour soutenir que les attributions de M. [B] [H] avaient été définies en concertation avec M. [M] dès cette date ne démontre pas que M. [H] exerçait d'ores et déjà les attributions résultant du nouvel organigramme.
La cour relève que la société admet elle-même dans ses conclusions que': «'Le poste qui était le sien demeurait identique à l'exception des missions techniques qui étaient différemment réparties'» mais que M. [M] conservait les mêmes missions d'encadrement. C'est donc reconnaître que M. [M] avait exercé jusqu'alors non seulement des missions d'encadrement mais également des missions techniques dont il se voyait désormais privé au profit de deux autres salariés.
Or, contrairement à ce que soutient la société et en dépit du maintien du salarié à sa place dans l'organigramme, le retrait d'attributions substantielles telles que ces «'missions techniques'» ne s'analyse pas en une simple modification des conditions de travail du salarié mais en une modification de son contrat de travail requérant le consentement du salarié. A cet égard, la cour observe que l'employeur a d'ailleurs soumis à M. [M] deux projets d'avenant que celui-ci a refusé de signer alors qu'un simple changement dans les conditions de travail ne nécessitait pas la signature d'un avenant.
Le deuxième grief est donc caractérisé.
* sur la déloyauté
Eu égard aux développements qui précèdent, le troisième grief n'est pas caractérisé.
Les deux premiers griefs constituent des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [M] à la date du 2 novembre 2020, date de notification du licenciement.
Cette résiliation produira les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.
* sur les conséquences de la rupture du contrat de travail
* sur l'indemnité compensatrice de préavis'et les congés payés afférents
En application des articles L. 1234-1, L. 1234-5 du code du travail et 15 de la convention collective, l'indemnité compensatrice de préavis due à M. [M] correspond au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis d'une durée de trois mois pour les cadres.
La société sera donc condamnée à payer à M. [M] la somme de 29'777,43 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 2'977,74 euros au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera confirmée à ces titres.
* sur l'indemnité légale de licenciement
En application des articles L.1234-9, R.1234-1 et R.1234-2 du code du travail, la société sera condamnée à payer à M. [M] une indemnité de licenciement calculée sur la base d'une ancienneté de quatre ans et cinq mois (préavis inclus) et d'un salaire moyen de 17'337,45 euros soit la somme de 19'143,43 euros.
La cour observe que, hormis la somme de 23'900 euros, il n'est pas établi que les sommes auxquelles la société a été condamnée au titre de la rémunération variable auraient dû être intégralement versées au cours des douze ou des trois derniers mois à prendre en compte pour le calcul du salaire moyen de référence. Par conséquent, ce dernier est fixé à 17'337,45 euros.
La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.
* sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau soit en l'espèce entre trois et cinq mois de salaire brut.
Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge - 40 ans - de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle ainsi que des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications, il sera alloué à M. [M], en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 62 000 euros, suffisant à réparer son entier préjudice.
La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.
* sur la remise des documents
La société devra remettre à M. [M] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour France Travail conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les autres demandes
* sur les dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire
M. [M] soutient qu'il a été licencié sans ménagement sur la base d'accusations diffamatoires avec diffusion de rumeurs inexactes et humiliantes.
Ce à quoi la société réplique que M. [M] ne démontre pas de lien entre son état de santé et son activité professionnelle ou la procédure engagée à son encontre et qu'au surplus, la demande est infondée et injustifiée dans son montant.
En l'espèce, M. [M] allègue mais ne démontre pas le caractère brutal et vexatoire de la rupture qui ne résulte pas des seuls griefs invoqués par l'employeur à l'appui de son licenciement. Par conséquent, M. [M] sera débouté de sa demande en dommages-intérêts et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.
* sur les intérêts et leur capitalisation
Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.
La capitalisation des intérêts dus pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.
* sur le remboursement des indemnités de chômage
Conformément aux dispositions de l'article. L.1235-4 du code du travail, la cour ordonne à la société de rembourser à l'organisme concerné les indemnités de chômage versées à M. [M] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités.
* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile
La société sera condamnée aux dépens en appel, la décision des premiers juges étant confirmée sur les dépens.
La société sera également condamnée à payer à M. [M] la somme de 4'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges étant confirmée sur les frais irrépétibles.
Enfin, la société sera déboutée de sa demande au titre de ces mêmes frais.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition,
Infirme le jugement sauf sur les dommages-intérêts pour manquement à bonne foi, le rappel de salaire concernant la prime chargée sur la marge pour l'opération [Localité 4] B92, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, les dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire, les dépens et les frais irrépétibles';
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société [Localité 21] Promotion à payer à M. [Y] [M] la somme totale de 516'827,80 euros à titre de rappel de salaire'qui se décompose comme suit':
* 23'900 euros au titre de la prime sur honoraires de gestion pour l'opération [Localité 4] B92';
* 134'020,90 euros au titre des deux primes pour l'opération Domaine [Localité 21]';
* 158'492,60 euros au titre des deux primes pour l'opération [Adresse 14]';
* 90'065 euros au titre des deux primes pour l'opération Côté [Localité 12]';
* 110'350,20 euros au titre des deux primes pour l'opération Le 65';
ainsi que la somme de 51'682,78 euros au titre des congés payés afférents';
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail à compter du 2 novembre 2020'aux torts de la société [Localité 21] Promotion';
Condamne la société [Localité 21] Promotion à payer à M. [Y] [M] les sommes suivantes :
* 19'143,43 euros à titre d'indemnité légale de licenciement';
* 62'000 euros à titre d'indemnité pour rupture sans cause réelle et sérieuse';
Dit que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce';
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil';
Ordonne à la société [Localité 21] Promotion de rembourser à l'organisme concerné les indemnités de chômage versées à M. [Y] [M] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités';
Condamne la société [Localité 21] Promotion à payer à M. [Y] [M] la somme de 4'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Déboute les parties du surplus de leurs demandes';
Condamne la société [Localité 21] Promotion aux dépens en appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE