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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 16 septembre 2025, n° 25/01147

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 25/01147

16 septembre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56D

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 16 SEPTEMBRE 2025

N° RG 25/01147 - N° Portalis DBV3-V-B7J-XA5A

AFFAIRE :

S.A.R.L. CSD

C/

[H] [J]

...

S.A.R.L. MMJ Prise en la personne de Me [V] [O] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL CSD

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Mars 2023 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

chambre :

N° RG : 2019F00759

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Marc FLACELIERE

Me Emilie RONNEL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANT :

S.A.R.L. CSD

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 9]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Marc FLACELIERE de l'AARPI JUDISIS Avocats, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 7 -

Plaidant : Me Thomas FERHMIN, avocat au barreau de MONTPELLIER

****************

INTIMES :

Monsieur [H] [J]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentant : Me Emilie RONNEL de la SCP EVODROIT, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 212

Plaidant : Me Sébastien TO de la SCP EVODROIT, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 13 -- N° du dossier 20230721 -

Plaidant : Me Anne BAUDOIN, SCP EVODROIT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : 13

Madame [W] [J] épouse [T]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Défaillante - Déclaration d'appel signifiée à personne physique

****************

PARTIES INTERVENANTES :

S.A.R.L. MMJ Prise en la personne de Me [V] [O] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL CSD

Ayant son siège

[Adresse 4]

[Localité 10]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Marc FLACELIERE de l'AARPI JUDISIS Avocats, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 7 -

Plaidant : Me Thomas FERHMIN, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.E.L.A.R.L. ARVA

Ayant son siège

[Adresse 8]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Déclaration d'appel signifiée à étude

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Juin 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Cyril ROTH, Président chargé du rapport et Monsieur Ronan GUERLOT, président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,

Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,

Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

En mars 2019, M. [J], actionnaire minoritaire des sociétés CSD MSG et CSD, a démissionné de ses fonctions de gérant de ces deux sociétés.

Le 27 septembre 2019, imputant à M. [J] divers détournements, les sociétés CSD MCG et CSD l'ont assigné devant le tribunal de commerce de Pontoise.

Le 15 octobre 2020, M. [J] a assigné en intervention forcée sa s'ur, Mme [J], épouse [T].

Le 8 mars 2023, par jugement contradictoire, le tribunal de commerce de Pontoise a :

- déclaré la société CSD MCG mal fondée en sa demande en restitution de deux ordinateurs, de trois téléphones, des clés des locaux et du scooter Yamaha immatriculé [Immatriculation 11], l'en a déboutée ;

- débouté la société CSD MCG du surplus de ses demandes ;

- déclaré la société CSD mal fondée en sa demande de remboursement de la somme de 631 549,88 euros, l'en a déboutée ;

- déclaré la société CSD mal fondée en sa demande de remboursement de la somme de 463 824,03 euros, l'en a déboutée ;

- déclaré la société CSD mal fondée en sa demande de remboursement de la somme de 153 016 euros au titre de la régularisation des cotisations sociales, l'en a déboutée ;

- déclaré la société CSD mal fondée en sa demande de restitution du produit de la vente du véhicule de marque Smart immatriculé [Immatriculation 12], l'en a déboutée ;

- déclaré la société CSD mal fondée en sa demande de restitution d'un ordinateur, d'un téléphone et des clés des locaux, l'en a déboutée ;

- débouté la société CSD du surplus de ses demandes ;

- dit que la demande reconventionnelle de M. [J] de désignation d'un expert ne se rattache pas avec un lien suffisant aux demandes principales des sociétés CSD MCG et CSD ;

- dit que la demande reconventionnelle de M. [J] de versement par la société CSD d'une provision de 152 000 euros est mal fondée ;

- déclaré M. [J] mal fondé en toutes ses demandes reconventionnelles, l'en a débouté ;

- débouté M. [J] du surplus de ses demandes à l'encontre des sociétés CSD MCG et CSD ;

- déclaré M. [J] mal fondé en sa demande en remboursement à la société CSD MCG par Mme [T] des sommes de 31 363,15 euros et 9 948,54 euros, l'en a débouté ;

- déclaré M. [J] mal fondé en sa demande en restitution à la société CSD MCG par Mme [T] de documents administratifs, fiscaux et comptables, l'en a débouté ;

- déclaré Mme [T] mal fondée en sa demande de versement par M. [J] de la somme de

2 000 euros au titre du préjudice moral subi, l'en a déboutée ;

- déclaré les parties mal fondées en leurs demandes en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les en a déboutées ;

- condamné in solidum les sociétés CSD MCG et CSD aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 416,71 euros TTC ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Le 2 mai 2023, la société CSD a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il :

- l'a déclarée mal fondée en sa demande de remboursement de la somme de 631 549,88 euros, l'en a déboutée ;

- l'a déclarée mal fondée en sa demande de remboursement de la somme de 463 824,03 euros, l'en a déboutée ;

- l'a déclarée mal fondée en sa demande de remboursement de la somme de 153 016 euros au titre de la régularisation des cotisations sociales, l'en a déboutée ;

- l'a déclarée mal fondée en sa demande de restitution du produit de la vente du véhicule Smart immatriculé [Immatriculation 12], l'en a déboutée ;

- l'a déclarée mal fondée en sa demande de restitution d'un ordinateur, d'un téléphone et des clés des locaux, l'en a déboutée ;

- l'a déboutée du surplus de ses demandes ;

- a déclaré les parties mal fondées en leurs demandes en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les en a déboutées ;

- condamné in solidum les sociétés CSD MCG et CSD aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 416,71 euros TTC.

Le 8 juillet 2024, le tribunal de commerce de Pontoise a placé la société CSD en redressement judiciaire et désigné la société MMJ, en la personne de M. [V], en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL Arva en qualité d'administrateur judiciaire.

Le 3 octobre 2024, la société CSD a assigné en intervention forcée les sociétés MMJ et Arva, ès qualités.

Le 22 octobre 2024, date à laquelle l'affaire devait être plaidée, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire en raison du manque de diligence de l'appelante dans la mise en cause des organes de cette procédure collective.

Le 20 décembre 2024, le tribunal de commerce de Pontoise a converti le redressement judiciaire de la société CSD en liquidation et désigné la société MMJ en qualité de liquidateur.

Par dernières conclusions du 7 mai 2025, la société CSD, appelante, et la société MMJ, intervenante volontaire, demandent à la cour de :

- déclarer recevable l'appel interjeté par la société CSD ;

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- déclaré la société CSD mal fondée en sa demande de remboursement de la somme de 631 549,88 euros, l'en a déboutée ;

- déclaré la société CSD mal fondée en sa demande de remboursement de la somme de 463 824,03 euros, l'en a déboutée ;

- déclaré la société CSD mal fondée en sa demande de remboursement de la somme de 153 016 euros au titre de la régularisation des cotisations sociales, l'en a déboutée ;

- débouté la société CSD du surplus de ses demandes ;

- déclaré les parties mal fondées en leurs demandes en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les en a déboutées ;

- condamné la société CSD in solidum avec la société CSD MCG aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 416,71 euros TTC ;

Et statuant à nouveau,

- constater l'absence d'approbation par l'assemblée générale de la rémunération perçue par le gérant sur les années 2017, 2018 et sur la période du 1er janvier 2019 au 8 mars 2019 ;

- juger que M. [J] est tenu de rembourser à la société CSD les sommes perçues à ce titre ;

Par conséquent,

- condamner M. [J] à rembourser à la société CSD la somme de 631 549,88 euros ;

- constater que M. [J] a indûment prélevé sur la société CSD la somme de 425 822,76 euros ;

- condamner M. [J] à restituer la somme de 425 822,76 euros à la société CSD ;

- condamner M. [J] à verser à la société CSD la somme de 153 016 euros correspondant à la régularisation des cotisations sociales afférentes aux prélèvements effectués via son compte courant ;

- la cour de céans transmettra l'arrêt à intervenir au Parquet compétent dans le cadre de l'article 40 du code de procédure pénale ;

- déclarer irrecevable les demandes formulées par M. [J] dans le cadre de son appel incident et subsidiairement les déclarer mal fondées et l'en débouter ;

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner M. [J] à payer à la société CSD la somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [J] aux entiers dépens ;

- constater le désistement manifesté par la concluante à l'égard de Mme [T] ;

- le dire parfait en tant que de besoin pour les raisons ci-avant exposées.

Par dernières conclusions d'intimé et d'appelant incident du 14 mai 2025, M. [J] demande à la cour de :

- déclarer irrecevable et en toute hypothèse infondé l'appel de la société CSD ;

- déclarer ses demandes recevables et bien fondées ;

- confirmer le jugement du 8 mars 2023 en ce qu'il a statué ainsi :

déclare la société CSD mal fondée en sa demande de remboursement de la somme de 631 549,88 euros, l'en déboute ;

- déclare la société CSD mal fondée en sa demande de remboursement de la somme de 463 824,03, l'en déboute ;

- déclare la société CSD mal fondée en sa demande de remboursement de la somme de 153 016 euros au titre de la régularisation des cotisations sociales, l'en déboute ;

- déclare la société CSD mal fondée en sa demande de restitution du produit de la vente du véhicule de marque Smart immatriculé [Immatriculation 12], l'en déboute ;

- déclare la société CSD mal fondée en sa demande de restitution d'un ordinateur, d'un téléphone et des clés des locaux, l'en déboute ;

- déboute la société CSD du surplus de ses demandes ;

- condamne in solidum les sociétés CSD MCG et CSD aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 416,71 euros TTC ;

- infirmer le jugement du 8 mars 2023 en ce qu'il a statué ainsi :

dit que sa demande reconventionnelle de désignation d'un expert ne se rattache pas suffisamment aux demandes principales des sociétés CSD MCG et CSD ;

dit que sa demande reconventionnelle de versement par la société CSD d'une provision de 152 000 euros est mal fondée ;

- le déclare mal fondé en toutes ses demandes reconventionnelles, l'en déboute ;

- le déboute du surplus de ses demandes à l'encontre des sociétés CSD MCG et CSD ;

- déclare les parties mal fondées en leurs demandes en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les en déboute ;

En conséquence, statuant à nouveau,

Avant dire droit et à titre reconventionnel,

- désigner un expert-comptable qui aura pour mission auprès de la SARL CSD :

- l'audit des comptes de la société CSD pour les 3 derniers exercices ;

- l'établissement de la comptabilité ;

- l'analyse de son compte courant ;

- l'analyse du compte courant de Mme [T] ;

- l'analyse des opérations financières effectuées au profit des associés ;

- l'analyse du bien-fondé de décisions financières ou de gestion prises en 2018-2019 ;

- l'appréciation des diligences effectuées sur les 3 derniers exercices 2017, 2018 et 2019 ;

- se voir remettre l'ensemble des documents comptables et tous les justificatifs ayant permis l'établissement des comptes de la société CSD ;

En tout état de cause,

- débouter la société CSD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- fixer au passif de la société CSD la somme de 831 999,00 euros au titre de la rémunération qui lui est due ;

Subsidiairement,

- fixer au passif de la société CSD la somme de 36 000 euros au titre de la rémunération qui lui est due ;

- fixer au passif de la société CSD la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (pour la première instance) à son profit ;

- fixer au passif de la société CSD la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (pour la procédure d'appel) à son profit, outre les entiers dépens d'appel.

La déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante ont été signifiées à Mme [T] le 7 juillet 2023 par remise à personne. Celle-ci n'a pas constitué avocat.

La déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante ont été signifiées à la société Arva le 3 octobre 2024 par remise à l'étude de l'huissier instrumentaire. Celle-ci n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 mai 2025.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur la mise hors de cause de la société Arva

La mission de la société Arva, administrateur judiciaire de la société CSD, ayant pris fin au jour du jugement de conversion, sa présence dans la cause n'est plus nécessaire. Elle sera mise hors de cause.

Sur la qualification de l'arrêt

L'arrêt sera réputé contradictoire, Mme [T] ayant été intimée à personne.

Sur la recevabilité de l'appel

M. [J] ne formule aucun moyen tendant à l'irrecevabilité de l'appel, qui sera en conséquence déclaré recevable.

Sur la recevabilité de la demande d'expertise

Formulée pour la première fois en cause d'appel, cette demande se rattache directement aux prétentions financières de la société CSD. Elle est donc manifestement recevable au regard des dispositions des articles 564 et suivants du code de procédure civile, contrairement à ce que soutient celle-ci.

Sur les sommes réclamées à M. [J] en remboursement de sa rémunération

L'appelante fait valoir que M. [J] a prélevé à titre de rémunération des sommes importantes, proches de la totalité du résultat des exercices 2017, 2018 et de la période allant du 1er janvier au 8 mars 2019, sans aucune autorisation de l'assemblée générale des associés, pour le total réclamé de 631 549,88 euros ; qu'il n'existe aucun accord implicite des associés à cette perception.

M. [J] soutient que sa rémunération a été validée à l'occasion de l'approbation des comptes annuels ; qu'elle faisait l'objet de virements explicites ordonnés par sa s'ur.

Pour rejeter la demande de ce chef, le tribunal de commerce retient que la rémunération du gérant était connue des associés, en particulier de Mme [T], qui assurait la paie, de sorte que la société CSD ne démontre pas l'absence d'approbation de cette rémunération.

Réponse de la cour

Il résulte de l'article L. 223-18 du code de commerce que la rémunération du gérant d'une société à responsabilité limitée est déterminée soit par les statuts, soit par une décision expresse de la collectivité des associés, même dans le cas où la société est constituée d'un associé unique (Cass. com., 25 sept. 2012, n° 11-22.754, publié ; 15 mars 2017, n° 14-17.873 ; 29 nov. 2023, n° 22-18.957) ; cette décision peut être postérieure à sa perception (Com, 9 janvier 2019, n°17-18.864 ; 18 décembre 2019, n°18-13.850).

Aux termes de l'article L. 223-27 de ce code, dans une SARL, les décisions sont prises en assemblée ; toutefois, les statuts peuvent stipuler que toutes les décisions ou certaines d'entre elles peuvent être prises par consultation écrite des associés ou pourront résulter du consentement de tous les associés exprimé dans un acte, y compris, dans ces cas, par voie électronique, selon les délais et les modalités qu'ils définissent ; les statuts peuvent admettre le vote par correspondance.

Aucune rémunération n'est due au gérant en l'absence de décision collective en ayant fixé le montant, même lorsque les statuts prévoient que la gérance est rémunérée (Com., 12 décembre 2018, n°16-25.849).

Toutefois, cette rémunération peut être fixée par une mention détaillée des rémunérations et avantages perçus par le gérant au cours de l'exercice dans le procès-verbal d'approbation des comptes (Com., 9 janvier 2019, n° 17-16.504).

La société CSD est une SARL.

Les rémunérations dont le remboursement est réclamé sont celles versées à M. [J] au cours de clos au 31 décembre 2017, de l'exercice clos au décembre 2018 et de la période allant du 1er janvier au 8 mars 2019, date de l'assemblée générale au cours de laquelle les associés ont pris acte de sa démission. Leur montant total brut de 631 548,88 euros, selon le calcul de la société CSD, n'est pas contesté par M. [J].

Les statuts de la société prévoient en leur article 14 le principe selon lequel le gérant perçoit un " traitement ", sans en fixer le montant.

Ils n'apportent pas de précision sur la détermination de cette rémunération et n'organisent aucune autre modalité de décision collective que l'assemblée générale.

Il est constant que la fixation de la rémunération de M. [J] n'a fait l'objet d'aucune résolution expresse adoptée en assemblée générale.

La connaissance prétendue que les autres associés pouvaient avoir de la rémunération du gérant, le fait qu'elle ait été mise en paiement par Mme [T], qui assurait l'administration de l'entreprise, l'ancienneté de M. [J] dans ses fonctions de gérant, l'importance du chiffre d'affaires de la société, le fait que la rémunération en cause pouvait être déduite des comptes sociaux sont à cet égard indifférents.

Le 8 mars 2019, en assemblée générale, les associés ont expressément rejeté une résolution tendant à l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2017.

Mais le même jour, ils ont voté le maintien de la rémunération de M. [J] à jusqu'à la conclusion d'un protocole d'accord.

Le procès-verbal de d'assemblée générale, signé par M. [J] lui-même en qualité de

" président ", mentionne le maintien de cette rémunération à hauteur de 10 000 euros par mois. Mais un commissaire de justice y ayant assisté a constaté que M. [J] réclamait le maintien de sa rémunération à hauteur de 13 000 euros par mois et que ces conditions étaient acceptées par les associés ; son procès-verbal est pourvu d'une force probante supérieure à celle du procès-verbal d'assemblée générale. La cour retient donc que l'assemblée générale a décidé le maintien de la rémunération de M. [J] à hauteur de 13 000 euros par mois.

S'il n'est produit aucun autre procès-verbal d'assemblée générale mentionnant le montant de la rémunération due ou versée à M. [J], la cour considère qu'en maintenant la rémunération du gérant à 13 000 euros par mois, les associés ont, en assemblée générale, le 8 mars 2019, implicitement mais nécessairement décidé de fixer sa rémunération à ce montant pour le passé ; la résolution ne précisant pas si cette somme est brute ou nette, la cour retient qu'elle est brute, dès lors qu'il est constant que M. [J] avait la qualité de salarié.

Les rémunérations suivantes étaient donc dues à M. [J] :

- au titre de 2017, 12 x 13 000 = 156 000 euros ;

- au titre de 2018, 12 x 13 000 = 156 000 euros ;

- au titre de 2019, jusqu'au 8 mars inclus, (2 x 13 000) + (8/31) x 13 000 = 3 354,84 euros ;

soit un total de 341 354,84 euros.

Il n'est pas contesté qu'il a touché au titre de cette période une somme totale de 631 548,88 euros brute, de sorte qu'aucune expertise n'est nécessaire sur ce point.

Il convient en conséquence de condamner M. [J] à restituer à la société CSD la somme de 631 548,88 - 341 354,84 = 290 195,04 euros indûment perçue au titre de sa rémunération et de réformer le jugement entrepris de ce chef.

Sur les sommes réclamées à M. [J] au titre de son compte courant débiteur

L'appelante soutient que M. [J] a opéré des prélèvements en compte courant d'un montant total de 425 822,76 euros ; que ces faits sont pénalement répréhensibles ; qu'à la suite d'un contrôle, l'URSSAF a constaté que ce compte était débiteur de 463 824 euros au 31 décembre 2018 et lui a infligé une régularisation de cotisations afférentes à ces prélèvements dont M. [J] doit être condamné à lui rembourser le montant, soit 153 016 euros.

M. [J] prétend que les comptes de la société CSD présentent des anomalies si sérieuses que l'existence du prétendu compte courant débiteur n'est pas établie ; que la société lui devait de l'argent au titre de ses rémunérations ; que les relevés bancaires produits ne justifient pas l'existence d'un compte courant débiteur ; qu'une expertise judiciaire est nécessaire pour établir les comptes ; que sa s'ur prélève sur les comptes sociaux pour ses dépenses personnelles.

Pour écarter la demande de ce chef, le tribunal de commerce retient que les comptes des années 2017, 2018 et 2019 sont incohérents s'agissant des avances sur primes, des comptes courants d'associé et des " autres créances ".

Réponse de la cour

L'article L. 223-21 du code de commerce dispose qu'il est interdit aux gérants d'une SARL de se faire consentir par elle un découvert, en compte courant ou autrement.

La société CSD verse aux débats l'extrait de son grand livre pour l'année 2018 correspondant au compte courant d'associé de M. [J]. Il fait apparaître un solde débiteur de 463 824,03 euros au 31 décembre 2018.

M. [J] produit en pièce 6-10 la dernière page d'une analyse présentée comme émanant de M. [U], expert-comptable et commissaire aux comptes, selon laquelle, si le compte de résultat pour l'année 2018 comporte un compte courant d'associé au nom de M. [J] débiteur de 463 824 euros, alors qu'il était créditeur de 4 730 euros au 31 décembre 2017, le détail n'est pas fourni, ces sommes pouvant avoir été versées en réalité à l'intéressé à titre de salaire non déclaré.

Mais le grand livre produit contient plus d'une quinzaine d'écritures distinctes, sur lesquelles M. [J] ne s'explique pas.

La plus importante de ces écritures est de 337 777,84 euros, passée le 31 décembre 2018. La société CSD produit des relevés de son compte dans les livres du CIC attestant de l'existence en faveur de M. [J] de nombreux virements entre 2016 et 2018, alors qu'il était gérant, sur le détail desquels celui-ci ne s'explique pas.

La société CSD produit son journal de paye d'où il résulte qu'en 2017, M. [J] a perçu à titre de salaire la somme brute de 194 400 euros, ce dont il résulte suffisamment que les sommes portées au débit de son compte courant d'associé en 2018 ne correspondent pas à des rémunérations.

Enfin, par une lettre d'observations du 3 février 2020, ayant contrôlé les comptes de l'entreprise pour les années 2017 et 2018, l'URSSAF d'Ile-de-France a constaté que le compte courant d'associé de M. [J] était débiteur de 463 824 euros au 31 décembre 2018 ; que les débits de compte étaient des dépenses personnelles et des dépenses non justifiées devant être qualifiées d'avantages en espèces au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale (lettre, pages 9 à 11).

En considération de l'ensemble de ces éléments d'appréciation, suffisants pour qu'une expertise ne soit pas nécessaire, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la demande de remboursement de la société CSD au titre du compte courant d'associé débiteur de M. [J] et de condamner celui-ci à lui restituer la somme de 425 822,76 euros à laquelle la demande est limitée.

M. [J] sera en outre condamné à rembourser à la société CSD la somme de 153 016 euros correspondant au montant total des régularisations opérées par l'URSSAF en 2020 au titre des avantages en espèces non déclarées qu'il a perçus.

Sur la demande de M. [J] au titre d'un rappel de salaire

M. [J] prétend que la société CSD s'est engagée le 8 mars 2019 à lui verser un salaire de 13 000 euros net par mois et ne s'est pas exécutée ; qu'il lui est dû un rappel de salaire de 831 999 euros correspondant à 13 000 euros x 64 mois, subsidiairement de 13 000 euros x 3 mois = 36 000 euros.

La société CSD soutient que cette demande est irrecevable en cause d'appel comme ne se rattachant pas suffisamment aux prétentions originaires de M. [J] ; qu'elle est en tout cas mal fondée, la rémunération maintenue étant d'un montant mensuel de 10 000 euros et d'une durée limitée à trois mois ; que la demande revient pour M. [J] à réclamer la rémunération d'un mandat dont il a démissionné le 8 mars 2019.

Réponse de la cour

M. [J] a en première instance réclamé le paiement d'une somme de 152 000 euros au titre du rappel de salaire litigieux, cette demande, augmentée en appel, ne peut être considérée comme nouvelle au regard des dispositions des articles 564 et 566 du code de procédure civile, dès lors que le litige a pour objet le règlement des relations financières des parties et que le rappel de salaire complémentaire réclamé est la conséquence de la résolution du 8 mars 2019 déjà évoquée.

Le 8 mars 2019, en assemblée générale, les associés ont pris acte de la démission de M. [J] et sont convenus d'élaborer un protocole d'accord dans un délai maximum de trois mois afin de définitif les conditions et les modalités de son départ ainsi que le rachat de ses parts.

Ils ont, ainsi qu'il a déjà été relevé, décidé dans l'intervalle et jusqu'à la conclusion du protocole d'accord susmentionné le maintien à M. [J] d'un salaire mensuel de 13 000 euros brut.

Il est constant que ce protocole n'a jamais été conclu.

La rémunération de M. [J] est donc due pour une durée de trois mois à compter du 8 mars 2019 ; il est constant qu'elle ne lui a jamais été versée.

Il convient en conséquence d'accueillir sa demande à hauteur de la somme de 3 x 13 000 = 36 000 euros.

Sur les demandes accessoires

M. [J], qui succombe dans l'essentiel de ses prétentions, supportera les dépens de première instance et d'appel.

L'équité ne commande pas d'allouer une indemnité de procédure à l'une des parties.

Sur la communication de l'arrêt au ministère public

Aux termes de l'article 40 du code de procédure pénale, toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.

L'existence d'un compte courant d'associé débiteur constituant une infraction pénale, le présent arrêt sera communiqué au ministère public à toutes fins.

PAR CES MOTIFS,

la cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,

Met hors de cause la société Arva ;

Dit recevable l'appel de la société CSD ;

Dit recevable les demandes de M. [J] tendant à une expertise et à un rappel de salaire ;

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :

- déclaré la société CSD mal fondée en sa demande de remboursement de la somme de 631 549,88 euros, l'en a déboutée ;

- déclaré la société CSD mal fondée en sa demande de remboursement de la somme de 463 824,03 euros, l'en a déboutée ;

- déclaré la société CSD mal fondée en sa demande de remboursement de la somme de 153 016 euros au titre de la régularisation des cotisations sociales, l'en a déboutée ;

- dit que la demande reconventionnelle de M. [J] de désignation d'un expert ne se rattache pas avec un lien suffisant à la demande de la société CSD ;

- débouté M. [J] de sa demande à titre de rappel de salaire ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit n'y avoir lieu à expertise ;

Condamne M. [J] à restituer à la société CSD les sommes de 290 195,04 euros et de 425 822,76 euros ;

Condamne M. [J] à payer à la société CSD la somme de 153 016 euros ;

Condamne la société CSD à payer à M. [J] la somme de 36 000 euros ;

Condamne M. [J] aux dépens d'appel ;

Rejette le surplus des demandes des parties ;

Ordonne la communication de l'arrêt au ministère public.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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