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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 16 septembre 2025, n° 23/12864

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/12864

16 septembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2025

(n° / 2025, 26 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/12864 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIA6A

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2023 -Tribunal de commerce de Créteil - RG n° 2018F00190

APPELANT

Monsieur [R] [U]

Né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 20]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 7]

[Localité 5]

Représenté par Me Olivier TOURNILLON de la SELARL MODERE & ASSOCIES, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 43,

Assisté de Me Bernard RINEAU de la SELARL TURENNE AVOCATS, avocat au barreau de NANTES,

INTIMÉS

Maître [X] [Z], mandataire judiciaire, dont l'étude est située au [Adresse 6], en qualité de mandataire ad'hoc de la société à responsabilité limitée [13], désigné à ces fonctions par ordonnance du 31 mars 2021 du présidente du tribunal de commerce de CRETEIL,

Dont l'étude est située [Adresse 6]

[Localité 10]

S.E.L.A.R.L. [17], en qualité de liquidateur judiciaire de la société à responsabilité limitée [13], désignée à ces fonctions par ordonnance du 31 mars 2021 présidente du tribunal de commerce de CRETEIL,

Dont l'étude est située [Adresse 4]

[Localité 11]

Représentés par Me Jean-Baptiste LE ROY, avocat au barreau de PARIS, toque E 2313,

Monsieur [H] [Y]

Né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 14] (92)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 3]

[Localité 9]

Représenté par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125,

Assisté de Me Marc ARTINIAN de la SELEURL MAPG Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : B 0016,

S.A.R.L. [13], représentée par son mandataire ad'hoc Maître [X] [Z], nommé en cette qualité par ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de Créteil du 31 mars 2021,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CRÉTEIL sous le numéro 480 397 769,

Dont le siège social est situé [Adresse 8]

[Localité 12]

Non constituée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l' article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 mars 2025, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

Monsieur François VARICHON, conseiller,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Contance LACHEZE dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La société à responsabilité limitée [13] a été créée en 2004 pour exercer une activité de prestation de services informatiques. Elle était dirigée depuis l'origine par M. [U], gérant désigné aux termes des statuts pour une durée indéterminée. Depuis 2006, son capital social est détenu à hauteur de 52,50 % par M. [Y], de 25 % par M. [U], de 11,30 % par M. [E] et de 11,20 % par M. [K].

Le 2 janvier 2006, M. [U] a conclu avec la société [13] un contrat de travail à durée indéterminée portant sur un emploi d'ingénieur en informatique.

Parallèlement à la constitution de la société [13], M. [Y] a créé plusieurs autres sociétés intervenant également dans le domaine de l'informatique, dont la société à responsabilité limitée [18] aujourd'hui dénommée '[16]', dont il était l'associé majoritaire et le gérant.

Le 14 décembre 2006, la société [18] a conclu avec la société [13], d'une part, un contrat de licence aux termes duquel la société [18] a consenti à la société [13] un droit d'exploitation portant sur la marque '[16]', d'autre part, un contrat dénommé 'convention d'assistance' aux termes duquel la société [18] s'est engagée à effectuer diverses prestations de services à titre onéreux en matière de gestion et de développement, notamment dans les domaines du coaching en stratégie, du marketing, de la communication, de la publicité et du développement des offres de services en informatique.

Ces conventions ont été renouvelées le 27 septembre 2016 selon deux contrats signés par la société [18], entre-temps renommée [16], représentée par M. [Y], et la société [13] représentée par M. [U].

Le même jour, soit le 27 septembre 2016, l'assemblée générale de la société [13] a approuvé rétroactivement la rémunération perçue par M. [U] en ses qualités de gérant et de salarié pour les exercices antérieurs courant du 31 mars 2012 au 31 mars 2016. En revanche, l'assemblée a refusé d'approuver sa rémunération de gérant pour la période courant à compter du 1er avril 2016 fixée à la somme de 6.000 euros brut par an outre une rémunération variable complémentaire correspondant à 6 % du chiffre d'affaires hors taxe réalisé par M. [U].

Le 23 novembre 2016, M. [U] a convoqué une assemblée générale de la société [13] pour le 8 décembre 2016 afin de voter sur l'approbation du contrat de licence et de la convention d'assistance signés le 27 septembre 2016 en application de l'article

L. 223-19 du code de commerce relatif aux conventions réglementées.

Lors de cette assemblée, M. [Y], après un échange avec M. [U], a demandé que soient inscrites à l'ordre du jour deux résolutions supplémentaires prévoyant, d'une part, la révocation de M. [U] de ses fonctions de gérant avec effet immédiat, d'autre part, son remplacement par M. [L]. Ces deux résolutions ont été adoptées sur le seul vote favorable de M. [Y], associé majoritaire. En outre, l'assemblée, sur proposition du nouveau gérant, a décidé de ne pas mettre aux voix l'approbation du contrat de licence et de la convention d'assistance du 27 septembre 2016, cette résolution ayant également été adoptée sur le seul vote favorable de M. [Y].

Par courrier du 13 février 2017, la société [13], faisant valoir qu'elle contestait le cumul du contrat de travail et du mandat social de M. [U], a informé ce dernier qu'elle le considérait comme ne faisant plus partie de ses effectifs. Par ailleurs, elle l'a vainement mis en demeure de lui payer la somme de 107.084 euros correspondant, selon elle, à la rémunération brute que son ancien gérant s'était indûment octroyée au titre de son mandat social, outre les charges sociales patronales afférentes.

Lors de l'assemblée générale ordinaire d'approbation des comptes annuels réunie le 29 septembre 2017, la résolution prévoyant l'approbation des rémunérations versées à

M. [U] au titre de ses fonctions de mandataire social et de salarié a été rejetée.

Par acte du 30 janvier 2018, M. [U] a fait assigner M. [Y] et la société [13] devant le tribunal de commerce de Créteil aux fins d'obtenir leur condamnation à réparer le préjudice résultant de la révocation sans juste motif et abusive de son mandat de gérant. La société [13] a demandé à titre reconventionnel la condamnation de son ancien gérant à lui payer la rémunération qu'il s'était indûment versée ainsi que les charges sociales afférentes. C'est la présente procédure.

Pendant le cours de l'instance, le 1er mars 2019, M. [L], faisant valoir que les dissensions entre associés rendaient impossible la poursuite de son mandat de gérant de la société [13], a démissionné de ses fonctions. Par ordonnance du 10 avril 2019, le président du tribunal de commerce de Créteil, saisi par requête de M. [Y], a désigné la SCP [S] [N] en qualité d'administrateur provisoire avec mission de gérer et d'administrer la société [13].

Par jugement du 3 mars 2021, le tribunal de commerce de Créteil, statuant sur déclaration de cessation des paiements de l'administrateur provisoire, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société [13] et désigné la société [17] en qualité de mandataire liquidateur. Le 8 avril 2021, M. [U] a déclaré une créance de 700.000 euros au passif de la société [13] au titre de ses prétentions indemnitaires formées devant le tribunal de commerce de Créteil. Le montant total du passif déclaré de la société [13] s'élève à la somme de 4.913.572,98 euros selon les indications non contestées du liquidateur.

Par ordonnance du 31 mars 2021, le président du tribunal de commerce de Créteil a désigné Maître [Z] en qualité de mandataire ad hoc de la société [13] pour exercer ses droits propres de débiteur dans le cadre de la sa liquidation judiciaire et des différents contentieux l'impliquant.

Par ordonnance du 1er juillet 2021, le juge-commissaire a désigné la société d'expertise-comptable [15] en qualité de technicien avec mission d'identifier d'éventuels flux anormaux avec plusieurs sociétés du 'groupe' constitué autour de la société [16] et d'identifier les causes de la défaillance de la société [13]. La société [15] a déposé son rapport le 1er décembre 2021.

Le liquidateur judiciaire et le mandataire ad hoc sont intervenus volontairement à l'instance pendante devant le tribunal de commerce de Créteil.

Parallèlement à cette instance, trois autres procédures judiciaires ont été en engagées.

En premier lieu, M. [U] a saisi le conseil des prud'hommes de Nantes aux fins d'obtenir la condamnation de la société [13] à lui verser diverses indemnités du fait de la rupture de son contrat de travail. Après avoir été débouté de ses demandes en raison de l'absence de démonstration de l'existence d'un contrat de travail, M. [U] a saisi la cour d'appel de Rennes qui, par arrêt du 27 novembre 2024, a infirmé le jugement du conseil des Prud'hommes, dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [U] et fixé sa créance indemnitaire au passif de la société [13]. La société [17] ès qualités a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.

En deuxième lieu, la société [17] ès qualités a fait assigner devant le tribunal de commerce de Créteil M. [L] et M. [Y], pris en leur qualité respective de gérant de droit et de gérant de fait de la société [13], afin de les voir condamner à contribuer à l'insuffisance d'actif de cette dernière et de voir prononcer à leur encontre une sanction personnelle. Par jugement du 22 mai 2024, le tribunal les a solidairement condamnés au paiement de la somme de 350.000 euros au titre de leur contribution à l'insuffisance d'actif et a prononcé à leur égard une mesure de faillite personnelle pour une durée de sept ans. M. [L] et M. [Y] ont relevé appel de ce jugement dont le premier président de la cour d'appel de Paris a arrêté l'exécution provisoire par ordonnance du 10 septembre 2024.

En troisième lieu, le 28 juillet 2022, la société [17] ès qualités a saisi le tribunal de commerce de Créteil d'une demande d'extension de la procédure collective de la société [13] à la société [16] et à une autre société constituée par M. [Y], la société [19]. Aucune décision n'a encore été rendue à ce jour dans cette procédure.

Dans le cadre de la présente procédure, le tribunal de commerce de Créteil, statuant par jugement du 27 juin 2023, a:

dit M. [U] mal fondé en ses demandes de dommages et intérêts pour révocation sans juste motif et l'en a débouté ;

dit la société [17] ès qualités mal fondée en sa demande aux fins de voir déclarer irrégulière la déclaration de créance de M. [U] et l'en a débouté ;

fixé le montant de la créance de M. [U] envers la société [13] à titre de dommages-intérêts pour révocation abusive à la somme de 15.000 euros à titre chirographaire échue, condamné M. [H] [Y] solidairement avec la société [13] pour le règlement de cette somme à M. [U] et débouté ce dernier du surplus de sa demande;

dit qu'en vertu de l'article R. 622-20 du code de commerce, il appartiendra à la société [17] ès qualités, lorsque le jugement sera passé en force de chose jugée, de demander au greffier de porter cette créance sur l'état des créances;

condamné M. [U] à payer à la société [17] ès qualités la somme de 162.554 euros au titre de ses rémunérations indues avec intérêt au taux légal à compter du 13 février 2017 et débouté le liquidateur du surplus de sa demande ;

dit M. [U] mal fondé en ses demandes tendant à voir condamner M. [Y] à le relever et à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et l'en a débouté ;

condamné M. [U] à payer à la société [17] ès qualités et à M. [Y] la somme de 5.000 euros à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté les parties défenderesses du surplus de leurs demandes et débouté M. [U] de sa demande formée de ce chef ;

ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

condamné la partie demanderesse aux dépens.

Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a estimé que la révocation de M. [U] était fondée sur de justes motifs et que la mésentente profonde entre le gérant et l'associé majoritaire constituait à elle seule un juste motif de révocation. Le tribunal a néanmoins considéré que la révocation de M. [U] était intervenue dans des conditions brusques et vexatoires justifiant la condamnation indemnitaire de la société [13] au motif que par deux courriers émis le jour même de la révocation de M. [U], le nouveau gérant avait dispensé ce dernier à compter de cet instant de toute présence dans les locaux de la société et avait reconnu avoir constaté la destruction par M. [U] de sa carte bancaire et de sa carte d'authentification pour la connexion au site internet de la banque de la société. En considération de cette révocation jugée comme abusive, le tribunal a condamné solidairement M. [Y] à l'indemniser de son préjudice compte tenu de sa qualité d'associé majoritaire à l'origine de la révocation de M. [U]. S'agissant de la demande reconventionnelle en paiement de la société [17] ès qualités, le tribunal a jugé que

M. [U] s'était indûment octroyé une rémunération de gérant contre l'avis des associés, de sorte qu'il devait être condamné à la restituer. En ce qui concerne les charges patronales afférentes à cette rémunération, le tribunal a débouté le liquidateur de sa demande de paiement au motif qu'il fondait cette prétention sur la répétition de l'indu et non sur l'indemnisation d'un préjudice subi.

Le 7 août 2023, M. [U] a relevé appel de ce jugement en intimant Maître [Z] ès qualités, la société [17] ès qualités, la société [13] et M. [Y].

Par ordonnance du 16 janvier 2024, le premier président a suspendu l'exécution provisoire attachée au jugement dont appel au regard des conséquences manifestement excessives que celle-ci présenterait pour l'appelant.

Aux termes de ses dernières conclusions n°7 datées du 17 février 2025 mais déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 26 février 2025, M. [U] demande à la cour de :

« ' INFIRMER le Jugement n°2018F00190 rendu par le Tribunal de commerce de CRETEIL, le 27 juin 2023, en ce qu'il a :

- Dit Monsieur [R] [U] mal fondé en ses demandes de dommages et intérêts pour révocation sans justes motifs et l'en a débouté ;

- Fixé le montant de la créance de Monsieur [R] [U] envers la société [13] à titre de dommages et intérêts pour révocation abusive à la somme de 15.000,00 € seulement à titre chirographaire échue ;

- Limité la condamnation de Monsieur [H] [Y] au titre de ses fautes personnelles commises à l'occasion de la révocation du mandat social à la seule solidarité avec la société [13] sur la condamnation de 15.000,00 € précitée;

- Débouté Monsieur [R] [U] du surplus de ses demandes ;

- Condamné Monsieur [R] [U] à payer à la SELARL [17], mandataire liquidateur de la société [13], la somme de 162.554,00 € avec intérêts au taux légal à compter du 13 fe'vrier 2017 ;

- Dit Monsieur [R] [U] mal fondé en ses demandes tendant à voir condamner M. [H] [Y] à le relever et à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et l'en a débouté ;

- Condamné Monsieur [R] [U] à payer à chacun de la SELARL [17], ès qualité de mandataire judiciaire de la société [13], et à M. [H] [Y] la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du CPC, et débouté Monsieur [R] [U] de sa demande formée de ce chef.

En conséquence :

FIXER la somme de 530.000 € au passif de la société [13], au profit de Monsieur [R] [U], au titre de la réparation du préjudice subi à raison de la révocation sans justes motifs, tel qu'arrêté dans son chiffrage à la date de la déclaration de cre'ances;

FIXER la somme de 150 000 € au passif de la société [13], au profit de Monsieur [R] [U], au titre du préjudice subi à raison de la révocation abusive ;

CONDAMNER Monsieur [H] [Y] in solidum à verser à Monsieur [R] [U] la somme de 964.500 € à titre de dommages et intérêts, en réparation des différents préjudices subis à raison des fautes personnelles commises par Monsieur [Y] à l'occasion de la révocation du mandat social, dans les conditions suivantes :

- le condamner in solidum jusqu'à concurrence du montant de la dé'claration de cré'ance;

- le condamner au-delà du montant de la déclaration de créance dans la mesure où il ne peut, à titre personnel, alléguer une limite qui ne concerne que la société en liquidation;

REJETER l'appel incident formé par Monsieur [Y], s'agissant de sa condamnation in solidum au versement de dommages et intérêts à Monsieur [U], sur le fondement de la révocation abusive du mandat de ce dernier ;

REJETER l'appel incident formé par la SELARL [17], s'agissant du rejet de sa demande tendant à la condamnation de Monsieur [U] à rembourser également les charges patronales ;

REJETER l'ensemble des appels incidents, demandes, fins et conclusions formées par Monsieur [H] [Y] et la SELARL [17], ès qualités de mandataire judiciaire de la société [13] à l'encontre de Monsieur [R] [U] ;

En tant que de besoin pour le rejet des demandes présentées contre Monsieur [U]

' ANNULER la troisième résolution prise par l'Assemblée générale de la société [13] du 29 septembre 2017, sur le fondement de l'abus de majorité commis par Monsieur [Y], excipé par voie d'exception ;

' REJETER en conséquence l'ensemble des demandes de restitution des sommes perçues par Monsieur [R] [U] au titre de la rémunération de son mandat social de gérant de la société [13] ;

A titre subsidiaire et en tant que de besoin pour le rejet des demandes présentés contre Monsieur [U] :

' DECLARER inopposable à Monsieur [R] [U] la troisième résolution prise par l'Assemblée générale de la société [13] du 29 septembre 2017, sur le fondement de la fraude ;

' REJETER en conséquence l'ensemble des demandes de restitution des sommes perçues par Monsieur [R] [U] au titre de la rémunération de son mandat social de gérant de la société [13] ;

A titre encore plus subsidiaire, et en tant que de besoin pour le rejet des demandes présentées contre Monsieur [U] :

AMENAGER les restitutions à opérer ensuite de toute nullité d'une rémunération perçue par Monsieur [R] [U], sur le fondement du principe de proportionnalité, et juger, en conséquence, que Monsieur [R] [U] n'aura pas à restituer les sommes perçues, dès lors que la société [13] n'est pas en capacité de restituer le travail fourni en contrepartie ;

LIMITER, à tout le moins, toute condamnation à ce titre aux seuls montants effectivement perçus par Monsieur [U] et rejetés lors de l'assemblée générale du 29 septembre 2017, soit la somme de 85.736 € ;

A titre infiniment subsidiaire :

CONDAMNER à tout le moins Monsieur [Y] à verser à Monsieur [U], à titre de dommages et intérêts, une somme égale à toute condamnation prononcée à son encontre et au profit de la SELARL [17], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [13] ;

En tout état de cause :

CONDAMNER Monsieur [Y] à relever et garantir Monsieur [U] de toute condamnation prononcée à son encontre et au profit de la SELARL [17], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [13] ;

CONDAMNER Monsieur [H] [Y] à verser à Monsieur [U] la somme de 50 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens. »

Aux termes de leurs dernières conclusions n°2 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 16 février 2025, la SELARL [17] ès qualités et Maître [Z] ès qualités demandent à la cour de :

« DECLARER recevable et bien fondée l'intervention volontaire à titre principal et à titre accessoire de la SELARL [17] es qualité de liquidateur judiciaire de la société [13] et de Maître [X] [Z] es qualité de mandataire ad hoc de la société [13];

A TITRE PRINCIPAL :

CONFIRMER le jugement attaqué en ce qu'il a :

fixé le montant de la créance de Monsieur [R] [U] envers la société [13] à titre de dommages intérêts pour révocation abusive à la somme de 15.000 euros à titre chirographaire échue, condamné solidairement Monsieur [H] [Y] à la solidarité avec la société [13] pour le règlement de cette somme à Monsieur [R] [U] et débouté Monsieur [R] [U] du surplus de sa demande.

condamné Monsieur [R] [U] à payer à la SELARL [17], mandataire liquidateur de la société [13] la somme de 162.554,00 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2017 ;

INFIRMER le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes de condamnation de la SELARL [17] au titre des charges patronales réglées qui sont liées aux rémunérations de gérant indues de Monsieur [U] pour un montant de 66.088,29 € ;

JUGER A NOUVEAU ET CONDAMNER Monsieur [U] à verser à la société [13] la somme de 66.088,29 € au titre de son préjudices certain constitué par le règlement des charges patronales liées aux rémunérations de gérant indues que Monsieur [U] s'est octroyées sans autorisation de l'assemblée des associés.

A TITRE SUBSIDIAIRE :

LIMITER la condamnation de la société [13] aux préjudices clairement quantifiés et motivés par la Cour qui devront correspondre aux rémunérations de gérant de Monsieur [U] et non à l'intégralité de ses revenus déclarés aux impôts et être conformes à sa déclaration de créance.

EN TOUTE HYPOTHESE :

CONDAMNER Monsieur [R] [U] à payer à la Société [13] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 Code de procédure civile,

CONDAMNER Monsieur [R] [U] aux entiers dépens ».

Aux termes de ses dernières conclusions n°6 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 28 février 2025, M. [Y] demande à la cour de :

« - DECLARER IRRECEVABLES, comme nouvelles en cause d'appel, les demandes de Monsieur [R] [U] aux fins de :

A titre principal :

' CONDAMNER Monsieur [H] [Y] in solidum à verser à Monsieur [R] [U] la somme de 964 500 € à titre de dommages et intérêts, en réparation des différents préjudices subis à raison des fautes personnelles commises par Monsieur [Y] à l'occasion de la révocation du mandat social, dans les conditions suivantes:

- le condamner in solidum jusqu'à concurrence du montant de la déclaration de créance;

- le condamner au-delà du montant de la déclaration de créance dans la mesure où il ne

peut, à titre personnel, alléguer une limite qui ne concerne que la société en liquidation;

A titre subsidiaire :

' ANNULER la troisième résolution prise par l'Assemblée générale de la société [13] du 29 septembre 2017, sur le fondement de l'abus de majorité commis par Monsieur [Y], excipé par voie d'exception ;

En conséquence :

' REJETER l'ensemble des demandes de restitution des sommes perçues par Monsieur [R] [U] au titre de la rémunération de son mandat social de gérant de la société [13] ;

A titre très subsidiaire :

' DECLARER inopposable à Monsieur [R] [U] la troisième résolution prise par l'Assemblée générale de la société [13] du 29 septembre 2017, sur le fondement de la fraude ;

En conséquence :

' REJETER l'ensemble des demandes de restitution des sommes perçues par Monsieur [R] [U] au titre de la rémunération de son mandat social de gérant de la société [13] ;

A titre encore plus subsidiaire :

' AMENAGER les restitutions à opérer en suite de toute nullité d'une rémunération perçue par Monsieur [R] [U], sur le fondement du principe de proportionnalité, et juger, en conséquence, que Monsieur [R] [U] n'aura pas à restituer les sommes perçues, dès lors que la société [13] n'est pas en capacité de restituer le travail fourni en contrepartie ;

' LIMITER, à tout le moins, toute condamnation à ce titre aux seuls montants effectivement perçus par Monsieur [U] et rejetés lors de l'assemblée générale du 29 septembre 2017, soit la somme de 85 736 € ;

- CONFIRMER le jugement prononcé par la 3ème chambre du Tribunal de commerce de Créteil le 27 juin 2023 dans son intégralité, sauf en ce qu'il a fixé le montant de la créance de Monsieur [R] [U] envers la société [13] à titre de dommages et intérêts pour révocation abusive à la somme de 15.000 euros à titre chirographaire échue et condamné Monsieur [H] [Y] à la solidarité avec la société [13] pour le règlement de cette somme à Monsieur [R] [U] ;

INFIRMER le jugement prononcé par la 3ème chambre du Tribunal de commerce de Créteil le 27 juin 2023 en ce qu'il a fixé le montant de la créance de Monsieur [R] [U] envers la société [13] à titre de dommages et intérêts pour révocation abusive à la somme de 15.000 euros à titre chirographaire échue et condamné Monsieur [H] [Y] à la solidarité avec la société [13] pour le règlement de cette somme à Monsieur [R] [U] ;

Statuant à nouveau,

DEBOUTER Monsieur [R] [U] de ses demandes de dommages-intérêts pour révocation abusive formées à l'encontre de Monsieur [H] [Y] ;

En tout état de cause,

REJETER toutes demandes, fins et conclusions de Monsieur [R] [U] formées à l'encontre de Monsieur [H] [Y] ;

CONDAMNER Monsieur [R] [U] à payer à Monsieur [H] [Y] la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 Code de procédure civile ;

CONDAMNER Monsieur [R] [U] aux entiers dépens de l'instance d'appel ».

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 4 mars 2025.

A l'issue des débats, le conseil de M. [U] a été invité à transmettre à la cour une note en délibéré précisant les modalités de calcul de son préjudice avec faculté pour les conseils des intimés d'y répliquer.

Le 28 mars 2025, le conseil M. [U] a adressé à la cour une note en délibéré à laquelle le conseil de M. [Y] a répliqué par une note transmise le 8 avril 2025.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour un plus ample exposé des faits de l'espèce et des moyens invoqués à l'appui de leurs prétentions.

SUR CE,

Sur l'intervention volontaire de la société [17] ès qualités et de Maître [Z] ès qualités

Il convient d'accueillir en leur intervention volontaire la société [17] et Maître [Z] en leur qualité respective de mandataire liquidateur et de mandataire ad hoc de la société [13].

Sur la recevabilité des notes en délibéré transmises par les parties

Aux termes de l'article 442 du code de procédure civile, le président et les juges peuvent inviter les parties à fournir les explications de droit ou de fait qu'ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur.

L'article 445 du même code dispose qu'après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.

En l'espèce, la note en délibéré adressée par le conseil de M. [Y] le 8 avril 2025 répond dans sa première partie à la note de M. [U] du 28 mars 2025. Elle comporte toutefois une seconde partie dans laquelle M. [Y] développe des explications sur les deux conventions du 27 septembre 2016 que la cour n'avait pas sollicitées et qui seront en conséquence écartées des débats en application de l'article 445 du code de procédure civile.

Sur demande de M. [Y] aux fins de voir dire irrecevables plusieurs des demandes formées par M. [U]

M. [Y] fait valoir que plusieurs demandes de M. [U] figurant dans le dispositif de ses dernières conclusions constituent des prétentions nouvelles à hauteur d'appel et sont donc irrecevables en application de l'article 564 du code de procédure civile.

M. [U] réplique qu'il ne forme pas de demandes nouvelles mais a simplement ajouté d'autres moyens de défense en cause d'appel qui poursuivent la même fin que les demandes présentées devant le tribunal de commerce de Créteil.

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, il convient d'examiner successivement les différentes demandes dont M. [Y] conteste la recevabilité.

a) sur la demande de M. [U] de condamnation de M. [Y] à lui payer la somme de 964.500 euros à titre de dommages et intérêts, in solidum jusqu'à concurrence du montant de sa déclaration de créance et au delà dans la mesure où il ne peut à titre personnel alléguer une limite qui ne concerne que la société en liquidation

Il résulte de l'exposé des prétentions des parties figurant dans le jugement du 27 juin 2023 que M. [U] demandait déjà en première instance la condamnation in solidum de M. [Y] à lui payer la somme de 964.500 euros à titre de dommages et intérêts. La référence au montant de sa déclaration de créance au passif de la société [13], dans le dispositif de ses conclusions d'appel, ne constitue pas une prétention nouvelle mais une simple précision apportée par l'appelant concernant les modalités du prononcé de la condamnation sollicitée.

M. [Y] sera donc débouté de sa demande aux fins de voir dire cette prétention irrecevable.

b) sur les demandes de M. [U] aux fins de voir annuler la troisième résolution de l'assemblée générale du 29 septembre 2017, ou subsidiairement de la voir déclarer inopposable, ou très subsidiairement de voir aménager les restitutions à opérer sur le fondement du principe de proportionnalité de sorte qu'il n'aura pas à restituer les sommes perçues

Il résulte de l'article 954 du code de procédure civile que ces demandes, énoncées au dispositif des conclusions d'appel de M. [U], constituent des prétentions devant être tranchées par la cour dans le dispositif de son arrêt et non de simples moyens. Pour autant, ces prétentions sont recevables au regard de l'article 564 du code de procédure civile dès lors qu'elles visent à faire écarter des prétentions adverses, constituées en l'espèce par les demandes de la société [17] ès qualités de condamnation de M. [U] à lui payer des rémunérations indues de gérant et les charges sociales afférentes. Cet objet est d'ailleurs clairement exprimé dans le dispositif des conclusions de M. [U] qui mentionne que les trois demandes précitées sont formées 'en tant que de besoin pour le rejet des demandes présentées contre Monsieur [U]'.

M. [Y] sera donc débouté de sa demande aux fins de voir dire ces prétentions irrecevables.

c) sur la demande de M. [U] aux fins de voir limiter toute condamnation concernant sa rémunération aux seuls montants effectivement perçus et rejetés lors de l'assemblée générale du 29 septembre 2017 soit la somme de 85.736 euros

Il résulte de l'exposé des prétentions des parties figurant dans le jugement du 27 juin 2023 que M. [U] demandait déjà en première instance que son éventuelle condamnation soit limitée aux sommes nettes effectivement encaissées. Il ne s'agit donc pas d'une prétention nouvelle formulée pour la première fois à hauteur d'appel.

M. [Y] sera donc débouté de sa demande aux fins de voir dire cette prétention irrecevable.

Sur la demande d'indemnisation de M. [U] pour révocation sans juste motif

a) sur l'existence de justes motifs de révocation

A l'appui de sa demande fondée sur l'article L. 223-25 alinéa 1er du code de commerce,

M. [U] soutient:

- qu'il a été révoqué sans juste motif de ses fonctions de gérant;

- que M. [Y] a mis en place un système frauduleux destiné à organiser le 'siphonage' de la société [13] au profit de la société [16] dont il était l'associé majoritaire; que la conclusion des deux conventions du 27 septembre 2016 s'inscrivait dans ce contexte; qu'il n'a accepté de signer lesdites conventions qu'en raison de la contrainte exercée par M. [Y] qui l'a menacé, à défaut de signature, de ne pas valider rétroacivement ses rémunérations de gérant des exercices antérieurs, qui n'avaient alors jamais été formellement approuvées par l'assemblée générale;

- qu'après avoir signé ces deux conventions et obtenu la validation de ses rémunérations antérieures lors de l'assemblée générale le 27 septembre 2016, il a convoqué l'assemblée générale du 8 décembre 2016 pour les soumettre au vote, s'agissant de conventions réglementées, avec l'intention qu'elles soient rejetées en raison de leur caractère contraire à l'intérêt social de la société [13] et sachant que M. [Y] n'aurait pas pu prendre part au vote sur ces conventions réglementées conclues avec la société [16];

- que cette démarche a déplu à M. [Y] qui a cherché des prétextes pour se débarrasser de lui; qu'il a ainsi inventé un prétendu incident de séance lors de l'assemblée générale du 8 décembre 2016 pour ajouter à l'ordre du jour une résolution sur sa révocation;

- que les griefs allégués à son encontre lors de l'assemblée générale étaient totalement injustifiés; qu'ainsi, il était fondé à soumettre à l'approbation des associés les deux contrats du 27 septembre 2016 puisqu'ils constituaient des conventions réglementées défavorables aux intérêts de la société [13]; qu'en outre, il n'a jamais eu l'intention de quitter la société [13], ainsi que le reproche lui a en été fait par M. [Y] qui, pour tenter de convaincre la cour, verse aux débats un extrait tronqué d'échanges de messages à M. [L] ; qu'enfin, il ne peut lui être fait grief d'avoir tardé à régler les factures de la société [16] alors que ces retards de paiement faisaient partie intégrante du fonctionnement du groupe mis en place par M. [Y], à telle enseigne qu'aucune relance n'a été adressée à la société [13] par la société [16];

- que les motifs invoqués à son encontre lors de l'assemblée générale du 8 décembre 2016 étant inopérants, M. [Y] en a inventé d'autres après-coup pour tenter de justifier sa révocation, notamment la mésentente entre associés ainsi qu'une prétendue perte de confiance, motifs qui ne figuraient même pas dans le procès-verbal et sont dénués de toute pertinence; que de même, M. [Y] s'appuie désormais sur un rapport du commissaire aux comptes de la société [13] que ce dernier n'a toutefois adressé que le 8 décembre 2016, jour de l'assemblée générale, de sorte que les associés n'en avaient pas connaissance lors des débats ayant conduit à sa révocation.

La société [17] ès qualités et Maître [Z] ès qualités expliquent:

- que M. [U] a été révoqué pour justes motifs en raison d'agissements qui ont été pointés dans le rapport du commissaire aux comptes de la société [13] du 6 décembre 2016 et auxquels s'ajoute la mésentente entre le gérant, M. [U], et son associé, M. [Y];

- qu'ainsi le commissaire aux comptes a relevé les faits suivants:

- carence de M. [U] dans la convocation et la tenue des assemblées générales pendant plusieurs années;

- allégation infondée par M. [U] de l'existence d'un contrat de travail;

- versement par M. [U] de rémunérations non approuvées par l'assemblée générale, ce qui s'analyse comme l'usage prohibé d'un compte courant d'associé débiteur;

- non-respect des règles relatives à la représentation des salariés;

- dégradation progressive des résultats de la société [13], conjuguée à des retards de paiement des fournisseurs et la majoration des provisions pour RTT.

M. [Y] fait valoir:

- que M. [U], alors qu'il était gérant, a entrepris de faire pression sur lui en subordonnant sa signature des deux conventions du 27 septembre 2016 avec la société [16] à la validation des rémunérations passées qu'il s'était auto-attribuées sans aucune

autorisation de l'assemblée générale;

- qu'après avoir obtenu la validation de ses rémunérations lors de l'assemblée générale du 27 septembre 2016, il a remis en cause ultérieurement les conventions qu'il avait pourtant signées et qui n'avaient rien de défavorable pour la société [13] contrairement à ce qu'il prétend;

- que ce n'est qu'à l'occasion de la discussion qu'il a eue avec M. [U] lors de l'assemblée générale du 8 décembre 2016 que la décision de le révoquer s'est imposée à lui pour les motifs qui ont été retranscrits dans le procès-verbal, qui révèlent sa mésentente avec M. [U] et une perte de confiance dans la gestion de ce dernier;

- que l'ensemble des fautes de gestion de M. [U] invoquées par le liquidateur judiciaire est caractérisé.

Aux termes de l'article L. 223-25 alinéa 1er du code de commerce relatif aux sociétés à responsabilité limitée, le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l'article L. 223-29, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.

Le juste motif, dont l'existence est appréciée souverainement par les juges du fond, peut résulter d'une faute de gestion du dirigeant ou d'un comportement de ce dernier de nature à compromettre l'intérêt social ou le fonctionnement de la société.

En l'espèce, l'article 12.4 des statuts de la société [13] stipule que : « Tout gérant, associé ou non, est révocable par décision ordinaire de la collectivité des associés représentant plus de la moitié des parts sociales ».

Il convient, pour apprécier la régularité de la révocation de M. [U], d'examiner les motifs de cette décision tels qu'ils ont été retranscrits dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 8 décembre 2016 versé aux débats. Les autres griefs invoqués par les intimés, notamment la carence dans la tenue des assemblées générales et le non-respect de la représentation des salariés, se fondent sur un rapport du commissaire aux comptes de la société [13] adressé à M. [U] le 6 décembre 2016 qui n'est pas évoqué dans le procès-verbal de l'assemblée réunie le 8 décembre et dont il n'est pas établi que les associés avaient connaissance lors de la tenue des débats. Ces motifs additionnels mis en avant après-coup par les intimés sont donc inopérants.

Le premier motif de révocation visé dans le procès-verbal concerne la décision de M. [U] de soumettre à l'approbation des associés de la société [13] les deux conventions conclues par cette dernière avec la société [16] le 27 septembre 2016, et ce en application de l'article L. 223-19 du code de commerce relatif aux conventions réglementées conclues dans les sociétés à responsabilité limitée.

Il n'est pas contesté que M. [U] projetait de s'opposer à l'approbation de ces conventions qu'il avait pourtant signées. Toutefois, le grief d'une telle intention ne figure pas dans le procès-verbal du 8 décembre 2016, pas davantage que la perte de confiance qui en aurait résulté de la part de la société [13] et de son associé majoritaire M. [Y]. Ce motif, invoqué a posteriori, est donc inopérant.

Il ressort des termes du procès-verbal que M. [Y] a en fait reproché à M. [U] de soumettre les conventions du 27 septembre 2016 à l'approbation des associés de la société [13] alors que selon M. [Y], ces contrats portaient sur des opérations courantes et avaient été conclus à des conditions normales de sorte qu'une telle formalité n'était pas requise.

Telle n'est toutefois pas l'opinion du commissaire aux comptes de la société [13] qui, en vue de l'assemblée générale du 8 décembre 2016, a établi le 22 novembre 2016 un rapport sur les conventions réglementées afin de se conformer à l'exigence formulée par l'article L. 223-19 du code de commerce. En outre, il apparaît que dans le cadre de la procédure judiciaire ayant conduit au prononcé du jugement du tribunal de commerce de Créteil du 22 mai 2024 condamnant M. [Y] et M. [L] à contribuer à l'insuffisance d'actif de la société [13], la société [17] ès qualités a elle même fait valoir que les deux contrats du 27 septembre 2016 constituaient des conventions réglementées nécessitant d'être approuvées par les associés. Elle reprend d'ailleurs cette analyse dans l'assignation aux fins d'extension de procédure collective qu'elle a fait délivrer le 28 juillet 2022 aux sociétés [16] et [19]. Tel est également l'avis du technicien désigné par le juge-commissaire, la société [15], qui, dans son rapport du 1er décembre 2021, relève que 'l'achat de prestations 'support' aux autres sociétés de l''écosystème' ne relève pas de l'activité courante de l'entreprise' et nécessitait par conséquent l'approbation des associés en vertu des dispositions précitées du code de commerce. M. [U] n'a donc pas commis de faute en portant cette question à l'ordre du jour de l'assemblée générale du 8 décembre 2016.

Par ailleurs, le procès-verbal mentionne que M. [Y] a reproché à M. [U] d'avoir méconnu 'la bonne application des procédures' consistant selon lui à faire valider les conventions réglementées à l'occasion de l'assemblée générale d'approbation des comptes annuels.

Toutefois, aucune disposition légale n'imposait à M. [U] d'attendre l'assemblée générale annuelle pour inviter les associés de la société [13] à se prononcer sur ces conventions. Sa décision d'anticiper leur examen par les associés n'apparaît pas contraire à l'intérêt social compte tenu du risque de conflit d'intérêt auquel la société [13] se trouvait exposée du fait de la signature de ces deux conventions conclues avec une société dirigée par l'un de ses associés, qui plus est majoritaire, M. [Y]. Cette initiative apparaît au contraire d'autant plus opportune que lorsque les deux conventions seront finalement soumises au vote des associés, non par le successeur de M. [U] mais par l'administrateur provisoire de la société [13], le 14 octobre 2020, leur approbation sera rejetée par l'unanimité des associés pouvant voter. La volonté exprimée par M. [U] d'anticiper un débat sur l'opportunité de ces contrats pour la société [13] était donc parfaitement justifiée.

Au vu de ces éléments, il convient de dire non fondé le motif de révocation figurant dans le procès-verbal de l'assemblée générale concernant l'inscription à l'ordre du jour des deux conventions réglementées conclues le 27 septembre 2016.

Par ailleurs, il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale que la révocation de

M. [U] a été motivée par le fait que ce dernier aurait eu l'intention de quitter la société [13]. Ainsi, le procès-verbal mentionne que M. [Y] a émis l'hypothèse que

M. [U] aurait pu convoquer l'assemblée générale afin de 'faire pression sur les conditions de son départ'. Il a indiqué avoir été sollicité par M. [U] 'pour organiser son départ moyennant le versement d'une indemnité subséquente'. Par ailleurs, il a estimé que 'cette volonté de départ soulève aussi la question de l'investissement de Monsieur [R] [U] dans le développement d'Altendis'. En réponse, M. [U] a assuré lors de la réunion qu'il n'avait jamais eu l'intention de quitter la société [13] et que son objectif demeurait le développement de l'entreprise.

Pour justifier l'existence d'une volonté de M. [U] de quitter la société [13],

M. [Y] verse aux débats un extrait d'échanges de messages entre M. [L] et M. [U] au cours duquel ce dernier a écrit ce qui suit, le 26 novembre 2016: 'Donc il faut que l'on gère au mieux la suite et désolé mais je ne veux pas échanger avec [H] [[Y]] mais qu'avec toi donc mon départ sera effectif à fin décembre'. Bien qu'interpellés sur ce point par M. [U], qui soutient qu'il évoquait dans cet extrait sorti de son contexte la résiliation d'un contrat de domiciliation auprès d'une autre société créée par M. [Y] et

non sa démission de ses fonctions de gérant de la société [13], les intimés n'ont pas produit les autres messages afférents à cette discussion avec M. [L], de sorte qu'il ne peut être déduit avec certitude de la phrase précitée que M. [U] avait effectivement l'intention de quitter la société [13].

En tout état de cause, M. [Y] ne fait pas état de faits précis défavorables aux intérêts de la société [13] en lien avec la volonté de départ qu'il prête à M. [U]. La seule attestation de M. [G], qui déclare que M. [U] voulait 'négocier son départ avec [H]' et 'récupérer un maximum d'argent de ses parts d'Altendis', ne peut suffire à emporter la conviction de la cour s'agissant de la 'pression' évoquée par M. [Y], et ce d'autant que l'auteur du témoignage précité entretient des liens avec M. [Y] selon les indications non contestées de M. [U], qui indique que M. [G] est salarié d'une société détenue par M. [Y], a été rémunéré par la société [13] et que son épouse a été embauchée par la société [16], ce dernier point étant confirmé par le curriculum vitae de Mme [O] [G] versé aux débats qui fait état d'un emploi de 'chargée de recrutement chez [16]'.

Au vu de ces éléments, il convient de dire non fondé le motif de révocation figurant dans le procès-verbal de l'assemblée générale concernant l'intention prêtée à M. [U] de quitter la société [16] et de faire pression sur cette dernière pour obtenir une indemnité de départ conséquente.

Le procès-verbal mentionne en troisième lieu que M. [Y] reproche à M. [U] de n'avoir réglé aucune des factures de la société [16] émises en 2016 pour un montant global de 423.639,20 euros, cette omission mettant 'clairement en péril la poursuite des activités d'Excilys'.

Il convient de relever à titre liminaire que le 'péril' invoqué par M. [Y] concerne la société [16] et non la société [13] dirigée par M. [U]. Par ailleurs, l'affirmation de ce dernier selon laquelle les retards de paiement des factures de la société [16] s'inscrivaient dans le cadre du fonctionnent usuel du groupe d'entreprises constitué par

M. [Y] est confirmée par le rapport du technicien, la société [15], qui relève que 'Jusqu'à l'exercice clos au 31/03/16 qui précède la naissance du litige entre les associés, le fonctionnement d'Altendis est financé par le délai de paiement anormalement élevé des dettes, principalement envers [16] (certaines factures non réglées datant de plus d'un an)'. Dans ces conditions, M. [Y] ne peut sérieusement soutenir dans ses conclusion que 'les factures d'Excilys ont systématiquement été réglées à échéance (...)'. Il est d'ailleurs notable que la société [17] ès qualités et M. [Y], bien qu'interpellés sur ce point par

M. [U], n'ont produit aucun courrier de relance adressé à la société [13] pour obtenir le règlement des factures impayées de la société [16], ce qui confirme l'existence d'un mode de fonctionnement mis en oeuvre, ou à tout le moins tacitement accepté, par la société [13] et son associé majoritaire.

Au vu de ces éléments, il convient de dire non fondé le motif de révocation figurant dans le procès-verbal de l'assemblée générale concernant le défaut de paiement par la société [13] des factures de la société [16] émises en 2016.

Quant à la mésentente invoquée par les intimés, celle-ci ne figure pas comme motif de révocation dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 8 décembre 2016. En tout état de cause, les intimés ne démontrent pas que la mésentente existant entre M. [U] et

M. [Y] a eu pour effet de compromettre le fonctionnement de la société [13] et de rendre la gestion de l'entreprise impossible en pratique. Ce motif est donc inopérant.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient d'infirmer le jugement et de dire sans juste motif la révocation de M. [U] par la société [13] lors de l'assemblée générale du 8 décembre 2016.

b) sur l'indemnisation du préjudice de M. [U]

M. [U] expose:

- que du fait de sa révocation après dix années d'investissement personnel dans la société [13], il a été privé des revenus qu'il aurait pu percevoir en qualité de gérant; qu'après avoir travaillé plus d'une année jusqu'en 2018 dans le prolongement de sa révocation, il a traversé une période sans activité puis a retrouvé un emploi qui lui procure toutefois un quart des revenus antérieurs à son éviction; que son épouse a dû reprendre un emploi salarié pour apporter plus de sécurité financière au ménage;

- qu'ainsi, il résulte de ses avis d'imposition que la moyenne de ses revenus annuels, pour les trois années précédant sa révocation, était de 247.500 euros alors qu'elle n'est plus que de 69.443 euros pour les quatre années suivantes, soit une perte de revenu de 178.057 euros par an ou 14.838 euros par mois; qu'il convient d'appliquer à ce chiffre un coefficient de perte de chance très réduit de 10 % seulement dans la mesure où il n'existait aucune raison objective pour qu'il perde son mandat de gérant compte tenu de sa bonne gestion et des performances de l'entreprise; qu'ainsi, sur une période courant du 9 décembre 2016 au 7 septembre 2021, son préjudice de perte de revenu s'élève à 774.500 euros;

- qu'en outre, il a subi un préjudice moral découlant de l'absence de juste motifs de révocation, à telle enseigne que son organisme de prévoyance a refusé de couvrir toute incapacité de travail ou toute invalidité qui serait en lien avec des troubles de l'adaptation et/ou anxio-dépressifs; qu'il est fondé à ce titre à solliciter la somme additionnelle de 40.000 euros de dommages et intérêts, soit un montant total de dommages et intérêts réclamés de 814.500 euros.

Dans sa note en délibéré du 28 mars 2015, le conseil de M. [U] a précisé que la date précitée du 7 septembre 2021 correspondait 'à une approche du préjudice mentionnée dans les conclusions notifiées devant le tribunal de commerce de Créteil dans la perspective de cette audience' et que son préjudice actualisé s'élevait à la somme de 1.366.200 euros selon décompte arrêté en 2024.

La société [17] ès qualités et Maître [Z] ès qualités répliquent:

- que le délai pour déclarer une éventuelle créance au passif de la société [13] ayant expiré le 12 mai 2021, la cour ne peut fixer au passif de la société une créance supérieure à la somme de 700.000 euros correspondant à la créance déclarée par M. [U];

- que le calcul de son préjudice par M. [U] est infondé; qu'il cumule en effet les revenus tirés de son activité de gérant avec son salaire et des revenus n'ayant pas été versés par la société [13]; que M. [U] tente ainsi de se faire indemniser deux fois de la résiliation de son contrat de travail alors qu'il a déjà été indemnisé de ce chef de préjudice par la cour d'appel de Rennes;

- qu'en outre, il a retrouvé rapidement un emploi et même des fonctions de gérant en 2017; que la cour devra donc réduire à 12 mois la durée d'indemnisation de M. [U] correspondant à la période durant laquelle il n'a plus occupé d'emploi salarié;

- qu'au regard de la moyenne de ses revenus de gérant sur les trois derniers exercices avant son éviction, qui s'élève à 194.169,47 euros, et d'un coefficient de perte de chance qui doit être fixé à 80 % a minima compte tenu du fait que 95 % de sa rémunération étaient conditionnés par les résultats financiers de la société [13], le montant maximal de l'indemnité susceptible d'être fixé au passif de la société s'élève par conséquent, sur la durée de 12 mois précitée, à 24.945,30 euros.

M. [Y] fait valoir:

- que M. [U] ne peut intégrer dans son calcul la rémunération qu'il s'est indûment versée en tant que salarié alors que la cour d'appel de Rennes lui a déjà accordé une indemnité de plus de 98.000 euros;

- que la perception d'une rémunération variable en qualité de gérant était parfaitement hypothétique; que par ailleurs, un dirigeant qui retrouve un emploi, même moins rémunéré, après sa révocation sans juste motif ne peut prétendre à des dommages et intérêts correspondant à la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait été maintenu en fonction;

- que l'indemnité de 40.000 euros sollicitée par M. [U] pour préjudice moral ne peut être accordée qu'en cas de révocation abusive.

Par ailleurs, dans sa note en délibéré du 8 avril 2025 en réponse à la note de M. [U], le conseil de M. [Y] a contesté le bien-fondé de l'actualisation de son préjudice pratiquée par l'appelant.

Il est de principe que la révocation d'un dirigeant sans juste motif, lorsque ceux-ci sont requis, n'est pas privée d'effet mais peut donner lieu à l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé au dirigeant évincé.

En l'espèce, il convient de relever à titre liminaire qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour, s'agissant de la demande d'indemnisation de M. [U] pour révocation sans juste motif, n'est saisie que de la seule demande de paiement de la somme de 814.500 euros figurant dans le dispositif des dernières conclusions de l'intéressé (somme incluse dans la somme de 964.500 euros mentionnée page 104) et non de la demande de paiement de la somme de 1.366.200 euros évoquée dans sa note en délibéré du 28 mars 2015.

Il convient désormais de déterminer la nature et le montant du préjudice subi par M. [U].

Il résulte de sa révocation sans juste motif que M. [U] a été privé de sa rémunération de gérant à compter du 8 décembre 2016.

Cette perte de revenu constitue un préjudice qui s'analyse en une perte de chance. En effet, la perception d'une rémunération par M. [U] au delà du 8 décembre 2016 présentait un caractère aléatoire, tant dans son principe que dans son montant. Ainsi, elle supposait qu'il continue à exercer ses fonctions de gérant, qu'il était susceptible de quitter soit volontairement, soit sur décision des associés. Par ailleurs, il est constant que sa rémunération était quasi exclusivement déterminée sur la base du chiffre d'affaires réalisé par la société [13], de sorte que son montant avait vocation à évoluer en fonction des résultats enregistrés par l'entreprise. Or, il est notable que M. [U] a quitté ses fonctions de gérant dans un contexte marqué par l'existence d'un vif conflit entre les trois autres associés, MM. [Y], [E] et [K], qui a affecté négativement l'activité de l'entreprise, donc son chiffre d'affaires. Ainsi, le chapitre du rapport de fin de mission de l'administrateur provisoire de la société [13] consacré à l'origine des difficultés de cette dernière mentionne que 'les difficultés rencontrées par ces sociétés [du 'groupe' constitué par M. [Y]] résultent d'un conflit entre Messieurs [Y], [E] et [K], actionnaires de l'ensemble des sociétés partenaires relevant de l'ensemble économique. (...) Cette situation a engendré des conséquences économiques pour la société [13]. L'administrateur provisoire constate ainsi 'une chute de son chiffre d'affaires de près de 70 % entre 2016 et 2019".

Pour chiffrer le préjudice de M. [U], il convient de se baser sur la rémunération qu'il a perçue de la part la société [13] pour l'exercice de ses fonctions de gérant exclusivement, telle qu'approuvée par les associés conformément aux statuts.

Au vu du procès verbal de l'assemblée générale du 27 septembre 2016 ayant approuvé les rémunérations de gérant de M. [U], sa rémunération annuelle brut moyenne pour les trois derniers exercices courant du 1er avril 2013 au 31 mars 2016 s'est élevée à la somme 238.702,33 euros [(228.873 euros + 318.387 euros + 168.847) / 3 ans].

Au regard des aléas précités, notamment de la très forte dégradation du chiffre d'affaires de la société [13] observée à partir de 2016, la probabilité pour M. [U] de percevoir cette somme au delà du 8 décembre 2016 n'apparaît pas supérieure à 50 % et doit être appréciée sur une durée n'excédant pas deux ans.

Il convient donc d'affecter ce coefficient de 50 % à la rémunération moyenne déterminée ci-dessus, soit un préjudice de perte de chance de 238.702,33 euros [(238.702,33 euros x 0,50) x 2 ans)], somme qui sera toutefois ramenée à 190.000 euros afin de tenir compte du fait que la rémunération approuvée par les associés, qui sert de base au calcul de l'indemnisation de M. [U], est exprimée brut de charges sociales.

Par ailleurs, il convient de déduire de cette somme de 190.000 euros les rémunérations que M. [U] a perçues de la part d'autres entreprises après sa révocation de la société [13]. En effet, les sommes correspondantes ne lui auraient pas été versées s'il était demeuré le gérant de la société [13]. Au vu des avis d'impôt sur le revenu versés aux débats, ces rémunérations s'élèvent à 63.023 euros pour l'année 2017, déduction faite de la somme de 3.423 euros correspondant a priori au salaire versé par la société [13] avant le licenciement de M. [U] intervenu le 13 février 2017, et à 103.563 euros pour l'année 2018, soit la somme totale de 166.586 euros.

La créance de dommages et intérêts de M. [U] à l'égard de la société [13] pour révocation sans juste au motif sera donc fixée à la somme de 23.414 euros (190.000 euros - 166.586 euros).

En ce qui concerne le préjudice moral invoqué par M. [U], il apparaît que sa demande indemnitaire, telle que formulée dans ses conclusions, fait double emploi avec sa demande de dommages et intérêts pour révocation abusive, qui sera examinée ci-après. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de cette prétention.

Sur la demande d'indemnisation de M. [U] pour révocation abusive

a) sur le caractère abusif de la révocation

A l'appui de sa demande fondée sur l'article 1240 du code civil , M. [U] fait valoir:

- que sa révocation a été mise en oeuvre de façon vexatoire après une modification brutale et préméditée de l'ordre du jour;

- que M. [L], lui a demandé le jour même de sa révocation de lui remettre le badge d'accès de l'entreprise avec interdiction d'y remettre les pieds ainsi que les chèques et moyens de paiement de l'entreprise;

- qu'en outre, dès le lendemain, M. [L] a écrit aux salariés de la société [13] pour les informer de sa nomination en qualité de nouveau gérant sans leur expliquer ce qui s'était passé, ce qui a dû les conduire à suspecter la commission d'une faute par son prédécesseur.

La société [17] ès qualités et Maître [Z] ès qualités indiquent qu'il est exact que la révocation de M. [U], bien que justifiée, présentait un caractère brutal et vexatoire pour les motifs relevés par le tribunal.

M. [Y] réplique:

- que la révocation de M. [U] ne présente pas de caractère abusif en l'absence de démonstration de conditions brutales ou vexatoires;

- que sa réputation n'a pas été compromise auprès du personnel puisque M. [U] était très peu présent dans l'entreprise et peu connu des salariés; qu'en outre, en vertu de la théorie dite de 'l'ordre du jour implicite', il n'est pas nécessaire que la révocation du gérant ait été mise à l'ordre du jour de l'assemblée générale dès lors que les questions inscrites à l'ordre du jour étaient susceptibles de déboucher sur la révocation du gérant, ce qui est le cas en l'espèce.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La révocation d'un dirigeant est abusive lorsqu'elle est accompagnée de circonstances portant atteinte à sa réputation ou à son honneur ou lorsqu'elle est décidée brutalement et sans respect du principe de la contradiction, l'entreprise étant à cet égard tenue d'un devoir de loyauté.

En l'espèce, M. [U] se prévaut d'un premier courrier daté du 8 décembre 2016 à 12h20 établi à son attention par M. [L], aux termes duquel ce dernier lui demande de lui remettre son badge d'accès à l'entreprise, en accuse réception dans le même temps et le 'dispense de toute présence dans les locaux de la société à compter de cet instant et jusqu'à nouvel ordre'.

La restitution par M. [U] des moyens d'accès à l'entreprise s'inscrit dans la suite logique de sa révocation et il n'est pas établi, au vu du seul courrier précité, qu'elle ait été sollicitée dans des conditions vexatoires pour l'intéressé. Par ailleurs, M. [U] n'articule aucune explication sur le préjudice que la dispense de se présenter dans les locaux de l'entreprise lui a concrètement causé.

M. [U] se prévaut d'un second courrier de M. [L], également daté du 8 décembre 2016 à 12h20, aux termes duquel son successeur reconnaît avoir reçu de ses mains un chéquier de la société [13] et avoir constaté la destruction par M. [U] d'une carte bancaire au nom de l'entreprise et d'une carte d'authentification pour la connexion au site internet de la banque.

Ici encore, la restitution des moyens de paiement de la société [13] et des moyens d'accès au compte bancaire de l'entreprise s'inscrit dans la suite logique de la révocation de M. [U] et ne présente pas en soi, en l'absence d'explication particulière de l'intéressé sur ce point, de caractère vexatoire.

Par ailleurs, le courriel que M. [L] a adressé le 9 décembre 2016 aux salariés de la société [13] pour les informer de sa prise de fonction en qualité de nouveau gérant ne comporte aucune mention dénigrante concernant son prédécesseur. Le fait que M. [L] n'y ait pas expliqué 'ce qui s'est réellement passé' selon les mots de M. [U] ne constitue pas une circonstance de nature à porter atteinte à sa réputation.

En revanche, il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale du 8 décembre 2016 que la révocation de M. [U] a été ajoutée à l'ordre du jour en cours de réunion alors que l'examen des résolutions portées à l'ordre du jour, qui concernaient exclusivement l'approbation des deux conventions du 27 septembre 2016, n'était pas naturellement susceptible de déboucher sur la révocation du gérant pour les trois motifs mis en avant par l'associé majoritaire. Par ailleurs, ainsi que l'a justement relevé l'un des associés présents selon les mentions du procès-verbal, aucun incident de séance susceptible de justifier cet ajout à l'ordre du jour n'est survenu à l'occasion des débats. Il résulte de ces circonstances que M. [U] n'a pas été mis à même de préparer utilement sa défense, ce qui constitue un manquement au devoir de loyauté qui pèse sur la société.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a jugé que la révocation de M. [U] présentait un caractère abusif.

b) sur l'indemnisation du préjudice de M. [U]

M. [U] fait valoir que sa révocation dans des conditions brutales et vexatoires l'a plongé dans un état de sidération médicalement constaté le lendemain de l'assemblée générale du 8 décembre 2025; que ses proches attestent de sa perte d'énergie et de son isolement; que son organisme de prévoyance a refusé de couvrir toute incapacité de travail ou toute invalidité qui serait en lien avec des troubles de l'adaptation et/ou anxio-dépressifs; que ces circonstances justifient l'allocation d'une indemnité de 150.000 euros.

La société [17] ès qualités et Maître [Z] ès qualités soutiennent que le préjudice invoqué par M. [U] est excessif et que l'indemnité de 15.000 euros allouée par le tribunal doit être confirmée.

M. [Y] fait valoir que le préjudice allégué par M. [U] est inexistant.

La révocation de M. [U], décidée à l'occasion d'une assemblée générale lors de laquelle l'intéressé n'a pas été mis à même de se défendre utilement sur les griefs formulés à son encontre compte tenu de la modification abrupte de l'ordre du jour, l'a plongé dans un état de sidération dont atteste le certificat médical établi dès le lendemain. Le docteur [J] y atteste en effet que M. [U] 'se présente à la consultation ce jour en état de sidération suite à des événements professionnels passés hier. Son état de santé ne lui permet pas à ce jour de reprendre son activité professionnelle'. Une amie de M. [U], Mme [W], atteste par ailleurs de son 'comportement léthargique et déprimé' à la suite de sa révocation. M. [A] témoigne quant à lui de son 'isolement'.

Au vu de ces éléments, il convient de fixer la créance de dommages et intérêts de M. [U] à l'égard de la société [13] pour révocation abusive à la somme de 15.000 euros. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Au vu de ces éléments, il convient de fixer la créance de dommages et intérêts de M. [U] à l'égard de la société [13] pour révocation abusive à la somme de 15.000 euros à titre chirographaire échue.

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes dirigées à l'encontre de M. [Y] en sa qualité d'associé de la société [13]

M. [U] soutient:

- que la responsabilité personnelle de M. [Y], en sa qualité d'associé majoritaire de la société [13], est engagée in solidum avec celle de la société [13]; que l'intéressé a en effet commis une faute delictuelle à son égard en préméditant et exécutant son éviction injuste et brutale, dans le seul dessein de lui nuire et afin de réaliser son projet prédateur au détriment de l'intérêt social; que contrairement à ce que soutient M. [Y], la responsabilité personnelle d'un associé peut être engagée en cas de révocation abusive d'un dirigeant mais également en cas de révocation sans juste motif;

- que la condamnation in solidum de M. [Y] avec la société [17] ès qualités est donc justifiée selon les modalités décrites dans le dispositif de ses conclusions, lesquelles tiennent compte de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société [13] et du montant de la créance qu'il a déclarée au passif de cette dernière.

M. [Y] réplique:

- qu'il est de principe qu'en cas de révocation d'un dirigeant sans juste motif, seule la société peut être condamnée à des dommages et intérêts à l'exclusion des associés ayant pris part au vote;

- qu'il résulte de la jurisprudence et de la doctrine qu'en cas de révocation abusive intervenant dans des circonstances injurieuses ou vexatoires inspirées par des mobiles personnels à certains associés et manifestant une intention de nuire, ceux-ci peuvent être condamnés, seuls ou avec la société, au paiement de dommages et intérêts au dirigeant évincé; qu'il n'a toutefois jamais été animé d'une telle intention à l'égard de M. [U];

- qu'en outre, la demande de condamnation in solidum formulée par M. [U] est incompréhensible et juridiquement mal fondée au regard des principes applicables à ce type de responsabilité.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La décision d'un associé de révoquer le dirigeant social procède de l'exercice des droits que sa qualité d'associé lui confère et n'est pas fautive en elle-même, sauf à dégénérer en abus. Tel est le cas lors qu'elle exprime de la part de l'associé une volonté de nuire à l'égard du dirigeant: en évinçant ce dernier, l'associé n'entend pas seulement prendre une décision qu'il estime, à tort ou à raison, conforme à l'intérêt social, il poursuit par ailleurs l'objectif distinct de porter atteinte à la personne même du dirigeant évincé.

En l'espèce, le fait que la révocation de M. [U] ait pu être préméditée par M. [Y] ne suffit pas à caractériser une intention de lui nuire, de même que les conditions contestables dans lesquelles la question de sa révocation a été ajoutée à l'ordre du jour de l'assemblée générale.

Une telle volonté ne peut davantage se déduire du fait que M. [U] et M. [Y] se sont opposés au sujet de l'opportunité pour la société [13] de conclure les deux conventions du 27 septembre 2016. A cet égard, l'existence des menaces que M. [U] affirme avoir subies de la part de M. [Y] n'est pas démontrée. M. [U] se prévaut en effet d'une attestation de M. [A] aux termes de laquelle celui-ci se borne à rapporter le contenu de propos que lui a tenus M. [U] au sujet de menaces proférées à son encontre par M. [Y] mais dont il n'a pas lui-même été le témoin. M. [U] produit par ailleurs la copie tronquée d'un SMS que M. [Y] lui a adressé après une réunion tenue le 24 novembre 2016 lors de laquelle les deux associés s'étaient vivement opposés. Toutefois, ce message, dans lequel M. [Y] reconnaît qu'il est allé 'trop loin' et demande à son associé de l'excuser, n'exprime aucune intention vindicative à l'endroit de M. [U]. M. [Y] y manifeste au contraire le souhait d'une reprise de contact apaisée avec son associé.

Au vu de ces éléments, la preuve d'une volonté de nuire de M. [Y] n'est pas rapportée par M. [U].

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné M. [Y] à payer à M. [U] la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts pour révocation abusive.

Sur la demande reconventionnelle de condamnation de M. [U] à restituer à la société [13] une partie de la rémunération perçue au titre de son mandat social et à payer les cotisations sociales afférentes à titre de dommages et intérêts

La société [17] ès qualités et Maître [Z] ès qualités soutiennent:

- qu'en l'absence de toute approbation de l'assemblée générale de la société [13],

M. [U] s'est octroyé la somme de 107.084 euros à titre de rémunération de ses fonctions de gérant, outre une prime de gérance de 55.470 euros en juin 2016, soit la somme totale de 162.554 euros dont le liquidateur de la société [13] est fondé à réclamer la restitution sur le fondement de l'article 1302-1 du code civil;

- qu'en outre, l'octroi fautif de rémunérations non autorisées a créé un préjudice pour la société [13] constitué par le paiement des charges patronales afférentes, soit la somme de 66.088,29 euros dont elle est fondée à solliciter le paiement sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

M. [U] réplique:

- que la demande de la société [17] ès qualités ne peut prospérer puisque sa rémunération avait été mise en place par l'associé majoritaire M. [Y], et non par lui-même;

- qu'en tant que de besoin pour le rejet de la demande du liquidateur, la cour doit juger qu'en faisant rejeter la troisième résolution de l'assemblée générale le 29 septembre 2017 qui devait approuver sa rémunération de gérant, alors que cette question n'avait pas posé de difficulté par le passé, M. [Y] a agi dans l'unique dessein de lui nuire et a commis ce faisant un abus de majorité qui justifie l'annulation de cette résolution;

- que subsidiairement, le refus de validation de sa rémunération s'inscrit dans le cadre du schéma frauduleux mis en place par M. [Y] destiné à détourner à son profit les ressources de la société [13]; qu'en application du principe 'la fraude corrompt tout', la résolution précitée doit lui être déclarée inopposable;

- que plus subsidiairement, dans le cadre du régime de la nullité, les restitutions à opérer peuvent être arbitrées par le juge en considération des faits de l'espèce et de l'impossibilité d'une remise en état par les parties; qu'en l'espèce, la cour peut aménager la sanction en décidant qu'il n'aura pas à restituer la rémunération perçue, solution qui serait disproportionnée puisqu'en cas de restitution de sa rémunération à la société [13], cette dernière serait elle-même dans l'incapacité de lui restituer le travail qu'il a réalisé en contrepartie;

- que s'agissant de la somme de 107.084 euros réclamée par le liquidateur, il convient de limiter son éventuelle condamnation en ne retenant que la rémunération nette qu'il a effectivement perçue, soit 85.736 euros;

- qu'en ce qui concerne la prime de gérance de 55.470 euros, celle-ci constitue une prime pour l'exercice 2015/2016 qui avait été provisionnée dans les comptes de la société [13] au titre de l'exercice clos le 31 mars 2016 et dont le versement a été validé lors de l'assemblée générale du 27 septembre 2016 sur la base d'un 'coût entreprise' de 77.164 euros; qu'il ne peut donc être tenu de la restituer.

M. [Y] conteste toute volonté de nuire dirigée contre M. [U] et s'associe à la demande de paiement formée par la société [17] ès qualités et Maître [Z] ès qualités.

Aux termes de l'article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, l'article 12 des statuts de la société [13] stipule que le gérant a droit à une rémunération dont les modalités sont déterminées par une décision collective ordinaire des associés.

Il ressort du décompte figurant dans les conclusions de la société [17] ès qualités et de Maître [Z] ès qualités (cf. page 19) que la somme de 107.084 euros dont le liquidateur réclame le paiement est constituée de la rémunération de gérant de M. [U] pour la période courant du mois d'avril 2016 au mois de décembre 2016, en ce non comprise la rémunération fixe de 500 euros par mois dont la perception par M. [U] n'est donc pas remise en cause.

L'assemblée générale du 27 septembre 2016 a approuvé a posteriori les rémunérations perçues par M. [U] au titre de ses fonctions de gérant pour les cinq exercices successifs courant du 1er avril 2011 au 31 mars 2016. En revanche, elle a rejeté la résolution fixant sa rémunération à compter du 1er avril 2016 à la somme 6.000 euros brut par an outre une rémunération variable complémentaire égale à 6 % du chiffre d'affaires hors taxe qu'il aura réalisé.

L'assemblée générale réunie le 29 septembre 2017 a refusé d'approuver la rémunération de gérant de M. [U] pour l'exercice échu, d'un montant de 111.213,04 euros brut (troisième résolution). Il ressort du décompte du liquidateur que ce montant est constitué, d'une part, de la somme précitée de 107.084 euros, d'autre part de la rémunération fixe du gérant d'un montant total de 4.129,04 euros.

Ainsi, il est constant qu'aucune décision collective des associés n'est venue approuver le versement à M. [U] de la somme de 107.084 euros réclamée par le liquidateur.

Il est indifférent que la rémunération du gérant ait été fixée par le passé par l'associé majoritaire M. [Y], ainsi que l'affirme M. [U], cette modalité de détermination de sa rémunération n'étant pas de nature à se substituer à l'accord de la collectivité des associés requis par les statuts.

Par ailleurs, M. [U] ne démontre pas que la décision de l'assemblée générale du 29 septembre 2017 d'approuver a posteriori la rémunération qu'il s'était versée est constitutive d'un abus de majorité commis par M. [Y]. En tout état de cause, l'annulation de la résolution refusant d'entériner sa rémunération de gérant n'aurait pas pour effet de lui conférer le droit de la conserver et ne serait donc pas de nature à faire obstacle à la demande de restitution formée par la société [17] ès qualités et de Maître [Z] ès qualités.

De même, M. [U] ne démontre pas que le refus d'approuver sa rémunération de gérant opposé par l'assemblée générale du 29 septembre 2017 participe d'une fraude de M. [Y] destinée à appauvrir cette dernière. En tout état de cause, l'inopposabilité de la résolution correspondante n'aurait pas davantage pour effet de lui conférer le droit de conserver la rémunération qu'il s'est versée sans l'accord des associés.

Enfin, la restitution des rémunérations que M. [U] a indûment perçues ne s'inscrivant pas dans le cadre d'une action en nullité mais d'une action en répétition de l'indu, les considérations de l'appelant au sujet du régime des restitutions sont également inopérantes.

S'agissant du quantum de la somme à restituer, les intimés n'opposent aucune objection motivée à l'affirmation de M. [U] selon laquelle il ne peut être tenu de restituer que la rémunération qu'il a effectivement perçue soit la somme de 85.736 euros nette de charges correspondant à une rémunération brute de 107.084 euros. C'est donc cette somme que l'intéressé sera condamné à restituer à la société [17] ès qualités, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 février 2017.

En ce qui concerne la demande de restitution d'une prime de gérance de 55.470 euros, il n'est pas contesté que cette somme a été versée à M. [U] au mois de juin 2016.

M. [U] produit un extrait du compte de résultat de la société [13] de l'exercice courant du 1er avril 2015 au 31 mars 2016 qui mentionne, dans la rubrique 'salaires et traitement', 'primes à payer', une somme de 55.470 euros, ce qui corrobore son affirmation selon laquelle cette prime, bien que versée au mois de juin 2016, est afférente à la rémunération perçue au cours de l'exercice précédent.

Il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale du 27 septembre 2016 que les associés ont non seulement approuvé les rémunérations de M. [U] pour les exercices courant jusqu'au 31 mars 2016 mais ont aussi décidé de lui attribuer 'au titre de ses fonctions de gérant, une prime exceptionnelle d'un montant brut de 77.164 euros étant précisé que le montant de la prime a d'ores et déjà été provisionné dans les comptes de la Société clos au 31 mars 2016".

Les intimés n'opposent aucune objection motivée à l'affirmation de M. [U] selon laquelle ce montant de 77.164 euros correspond au 'coût entreprise' de la prime de 55.470 euros figurant dans le compte de résultat de sorte que son versement a bien été approuvé par la collectivité des associés. Cette affirmation est corroborée par le fait que le paiement de cette prime de 55.470 euros n'a pas été remis en cause lors de l'assemblée générale du 29 septembre 2017 alors qu'à cette date, l'existence de ce versement était nécessairement connue du nouveau gérant en poste depuis le 8 décembre 2016.

Au vu de ces éléments, il convient de dire que la société [17] ès qualités et Maître [Z] ès qualités ne rapportent pas la preuve d'un versement indu de 55.470 euros en faveur de M. [U]. Leur demande de paiement sera donc rejetée.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné M. [U] à restituer à la société [17] ès qualités la somme totale de 162.554 euros, ce montant devant être réduit à la somme précitée de 85.736 euros.

En ce qui concerne la demande de paiement de la somme de 66.088,29 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au montant allégué des charges sociales, la société [17] ès qualités ne produit aucune pièce démontrant que la société [13] s'est effectivement acquittée de cette somme ou qu'elle lui a été réclamée par les organismes sociaux. Cette prétention sera donc rejetée faute de preuve de l'existence du préjudice invoqué. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande de M. [U] de condamnation de M. [Y] à lui verser à titre de dommages et intérêts une somme égale à toute condamnation prononcée à son encontre au profit de la société [17] ès qualités

Il résulte du jugement dont appel que le tribunal, bien que saisi de cette demande qu'il a rejetée dans les motifs de sa décision, a omis de statuer sur ce point dans le dispositif.

A l'appui de cette demande, M. [U] fait valoir qu'en refusant de valider a posteriori sa rémunération sans aucune raison alors qu'il avait exercé ses fonctions comme par le passé, M. [Y] a agi dans le seul but de lui nuire et a ainsi commis une faute à égard.

Toutefois, M. [U] ne démontre pas que M. [Y] a commis une faute en refusant d'approuver la rémunération qu'il s'était accordée sous sa seule responsabilité et alors qu'il ne pouvait méconnaître les stipulations des statuts de la société [13] concernant la rémunération du gérant. Il sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la demande de M. [U] de condamnation de M. [Y] à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au profit de la société [17] ès qualités

Cette demande, fondée sur la même motivation que celle exposée au précédent paragraphe, sera rejetée pour le même motif. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné M. [U] aux dépens et au paiement des frais irrépétibles.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties seront déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de l'appel,

Dit recevable en leur intervention volontaire la société [17] et Maître [Z] ès qualités respectives de mandataire liquidateur et de mandataire ad hoc de la société [13],

Ecarte des débats les éléments de la note en délibéré de M. [Y] du 8 avril 2025 figurant sous l'intitulé '2. Sur l'application des conventions de licence de marque et de prestations de services' (pages 8 à 10),

Déboute M. [Y] de sa demande aux fins de voir dire irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les demandes suivantes figurant dans le dispositif des conclusions de M. [U]:

'A titre principal :

' CONDAMNER Monsieur [H] [Y] in solidum à verser à Monsieur [R] [U] la somme de 964 500 € à titre de dommages et intérêts, en réparation des différents préjudices subis à raison des fautes personnelles commises par Monsieur [Y] à l'occasion de la révocation du mandat social, dans les conditions suivantes:

- le condamner in solidum jusqu'à concurrence du montant de la déclaration de créance;

- le condamner au-delà du montant de la déclaration de créance dans la mesure où il ne

peut, à titre personnel, alléguer une limite qui ne concerne que la société en liquidation;

A titre subsidiaire :

' ANNULER la troisième résolution prise par l'Assemblée générale de la société [13] du 29 septembre 2017, sur le fondement de l'abus de majorité commis par Monsieur [Y], excipé par voie d'exception ;

En conséquence :

' REJETER l'ensemble des demandes de restitution des sommes perçues par Monsieur [R] [U] au titre de la rémunération de son mandat social de gérant de la société [13] ;

A titre très subsidiaire :

' DECLARER inopposable à Monsieur [R] [U] la troisième résolution prise par l'Assemblée générale de la société [13] du 29 septembre 2017, sur le fondement de la fraude ;

En conséquence :

' REJETER l'ensemble des demandes de restitution des sommes perçues par Monsieur [R] [U] au titre de la rémunération de son mandat social de gérant de la société [13] ;

A titre encore plus subsidiaire :

' AMENAGER les restitutions à opérer en suite de toute nullité d'une rémunération perçue par Monsieur [R] [U], sur le fondement du principe de proportionnalité, et juger, en conséquence, que Monsieur [R] [U] n'aura pas à restituer les sommes perçues, dès lors que la société [13] n'est pas en capacité de restituer le travail fourni en contrepartie ;

' LIMITER, à tout le moins, toute condamnation à ce titre aux seuls montants effectivement perçus par Monsieur [U] et rejetés lors de l'assemblée générale du 29 septembre 2017, soit la somme de 85 736 € ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté M. [U] de sa demande de dommages et intérêts pour révocation sans juste motif dirigée contre la société [17] ès qualité de mandataire liquidateur de la société [13],

- condamné M. [Y] à payer à M. [U] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour révocation abusive,

- condamné M. [U] à payer à la société [17] ès qualités de mandataire liquidateur de la société [13] la somme de 162.554 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2017,

- condamné M. [U] à payer à la société [17] ès qualités et à M. [Y] la somme de 5.000 euros à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [U] aux dépens,

Le confirme pour le surplus des chefs déférés à la cour,

Et, statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe le montant de la créance de M. [U] envers la société [13] à titre de dommages et intérêts pour révocation sans juste motif à la somme de 23.414 euros à titre chirographaire échue et déboute M. [U] du surplus de sa demande à ce titre,

Déboute M. [U] de ses demandes de condamnation de M. [Y] à l'indemniser de ses différents préjudices subis du fait de sa révocation,

Déboute M. [U] de sa demande d'annulation de la troisième résolution adoptée par l'assemblée générale de la société [13] du 29 septembre 2017,

Déboute M. [U] de sa demande aux fins de lui voir déclarer inopposable la troisième résolution adoptée par l'assemblée générale de la société [13] du 29 septembre 2017,

Déboute M. [U] de sa demande aux fins de voir aménager les restitutions à opérer dans le cadre du régime de la nullité,

Condamne M. [U] à payer à la société [17] ès qualités la somme de 85.736 euros au titre de la répétition de l'indu, outre les intérêts au taux légal à compter du 13 février 2017, et déboute la société [17] ès qualités et Maître [Z] ès qualités du surplus de leur demande à ce titre,

Déboute M. [U] de sa demande de condamnation de M. [Y] à lui verser à titre de dommages et intérêts une somme égale à toute condamnation prononcée à son encontre au profit de la société [17] ès qualités,

Déboute les parties de leur demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire de la société [13].

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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