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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 16 septembre 2025, n° 24/04877

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 24/04877

16 septembre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

JONCTION RG 24-4877 et

24-5184 sous le premier numéro

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 24/04877 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QMSV

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 SEPTEMBRE 2024

TJ HORS [17], JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 20]

N° RG 23/00342

RG 24.4877

APPELANTS :

Madame [U] [T] épouse [H]

née le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 11] (80)

de nationalité française

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par Me Marie camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant et Me COCLES Léo, avocat au barreau des PYRENEES ORIENTALES, plaidant substituant Me COHEN Olivier

Monsieur [M] [H]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 12] (21)

de nationalité française

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représenté par Me Marie camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER postulant et Me COCLES Léo, avocat au barreau des PYRENEES ORIENTALES, plaidant substituant Me COHEN Olivier

INTIMES :

Monsieur [Z] [X]

né le [Date naissance 5] 1934 à [Localité 19] (59)

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER subsitué par Me JULIE Lola, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A.S. [22] prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 13]

[Localité 10]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER subsitué par Me JULIE Lola, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A.R.L. [21] prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER subsitué par Me JULIE Lola, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 30 mai 2025

RG 24.05184

APPELANTS :

Monsieur [Z] [X]

né le [Date naissance 5] 1934 à [Localité 19] (59)

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER subsitué par Me JULIE Lola, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A.S. [22] prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 13]

[Localité 10]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER subsitué par Me JULIE Lola, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A.R.L. [21] prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER subsitué par Me JULIE Lola, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Madame [U] [T] épouse [H]

née le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 11] (80)

de nationalité française

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par Me Marie camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant et Me COCLES Léo, avocat au barreau des PYRENEES ORIENTALES, plaidant substituant Me COHEN Olivier

Monsieur [M] [H]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 12] (21)

de nationalité française

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représenté par Me Marie camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER postulant et Me COCLES Léo, avocat au barreau des PYRENEES ORIENTALES, plaidant substituant Me COHEN Olivier

Ordonnance de clôture du 30 mai 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 906-5 et 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 juin 2025, en audience publique, devant Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrats a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

M. Fabrice VETU, conseiller

Greffier lors des débats : Mme Gaëlle DELAGE

Ministère public :

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Gaëlle DELAGE, greffière.

*

* *

FAITS et PROCEDURE

La SARL [22] exploite un golf, hôtel, restaurant, spa, sous le nom commercial « le domaine de Falgos ».

Les sociétés [24] et [21], dont le gérant est M. [Z] [X], étaient les associés initiaux de la société [22], puis M. [Z] [X] et la société [21], jusqu'à la cession intégrale des actions à la société [16] en janvier 2021.

Par contrat à durée indéterminée du 16 mai 1995, la société [22] employait M. [M] [H] en qualité de directeur et co-gérant du domaine de [Localité 14]. En 2006, il lui avait été confié, moyennant une commission, la vente du domaine de [Adresse 15].

Par assemblée générale du 10 octobre 2008, M. [H] a été révoqué de ses fonctions de gérant de la société [22].

Par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 14 décembre 2012, M. [H] a perçu la somme de 150 000 euros en réparation de sa perte de chance de percevoir la commission, la vente n'ayant pas été réalisée, et celle de 100 000 euros au titre du préjudice moral.

Parallèlement, la SARL [22] avait recruté Mme [U] [T], épouse [H] au titre de contrats à durée déterminée saisonniers entre 2002 et 2005, puis sous contrat à durée indéterminée par contrat du 3 mars 2005 pour exercer la fonction de responsable du spa, de la boutique du golf ainsi que de l'animation.

A compter du 1er janvier 2008, Mme [U] [H] est devenue directrice du golf. Elle a été licenciée le 21 novembre 2008.

Par arrêt du 15 janvier 2025, la 1ère chambre sociale de la cour d'appel de céans a confirmé un jugement du 29 septembre 2022 du conseil des prud'hommes de Carcassonne ayant jugé que le licenciement de Mme [U] [H] était fondé sur une faute grave, mais la cour a infirmé le jugement sur le rejet de toute demande indemnitaire.

Par ailleurs, la société [22], qui a fait l'objet d'un redressement fiscal pour les années de 2006 à 2008, a déposé plainte contre les époux [H] pour abus de biens sociaux et abus de confiance.

Aucune décision pénale n'a été rendue à l'égard de Mme [H] et une ordonnance de non-lieu a été rendue à l'égard de M. [H].

Par exploit du 30 janvier 2023, les époux [H] ont assigné les sociétés [22], [21] et M. [Z] [X] en responsabilité civile, aux fins d'obtenir le versement de dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire du 16 septembre 2024 (le jugement déféré), le tribunal judiciaire de Perpignan a :

débouté M. [M] [H] et Mme [U] [T] épouse [H] de l'intégralité de leurs demandes ;

débouté la SARL [22], la SARL [21] et M. [Z] [X] de leurs demandes reconventionnelles ;

condamné solidairement M. [M] [H] et Mme [U] [H] aux dépens de l'instance, et dit que chacune des parties conservera à sa charge ses frais irrépétibles.

Le tribunal, après avoir énuméré toutes les procédures judiciaires entre les parties, retient en ses motifs qu'en mettant en cause d'abord M. [H] dans le cadre de la procédure commerciale puis n'ayant pas obtenu gain de cause, en interjetant appel, et en formant un pourvoi en cassation manifestement non fondé (rejet du pourvoi non spécialement motivé), la société [23] a abusivement usé de son droit d'agir ; qu'il en va de même de la procédure pénale dans laquelle celle-ci s'est constituée partie civile par deux fois jusqu'au pourvoi en cassation contre la décision de rendue au bénéfice de M. [K] ; que ce comportement traduit en effet un acharnement procédural constitutif d'une faute ; qu'en revanche, rien ne permet d'établir une faute contre la société [21] ou contre M. [X] à titre personnel qui ne sont pas intervenus dans ces différentes procédures ; qu' en ce qui concerne Mme [H], que la seule procédure qui la concerne réellement est celle qu'elle a engagée elle-même devant le conseil des prud'hommes, lequel, à ce stade, a jugé que son licenciement était fondé sur une faute, et qui l'a déboutée de sa demande de requalification ainsi que de ses demandes financières, alors que par ailleurs c'est Mme [H] qui a interjeté appel, la chambre sociale de la cour d'appel n'ayant pas encore statué sur son appel ; qu'en ce qui concerne le préjudice subi par M. [H], aucun élément n'est versé aux débats pour l'établir dans son principe et dans son quantum, alors que la preuve incombe au demandeur et ne saurait se déduire d'agissements fautifs préjudice systématiques qui ne peut être évalués de manière forfaitaire ; qu'en outre s'agissant de la procédure commerciale, M. [H] n'établit pas avoir subi un dommage autre que celui

d'ores et déjà indemnisé à hauteur de 100 000 €; et que bien qu'une faute délictuelle soit objectivée, la demande de M. [H] ne pourra qu'être elle aussi rejetée.

Par déclaration du 1er octobre 2024, M. [M] [H] et Mme [U] [T] épouse [H] ont relevé appel de ce jugement, appel enregistré sous le n° RG 24-4877.

Par déclaration du 16 octobre 2024, la SAS [22], la SARL [21] et M. [Z] [X] également relevé appel de ce jugement, appel enregistré sous le n° RG 24-5184.

La décision ayant fait l'objet d'appels croisés, il conviendra de joindre les deux procédures sous le premier numéro RG 24-4877.

Par conclusions du 10 janvier 2025, identiques, prises les unes sous le n° RG 24- 4877 et les autres sous le n°24-5184, M. [M] [H] et Mme [U] [T] épouse [H] demandent à la cour, au visa des articles 1240 et suivants du code civil, de :

réformer le jugement déféré en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés aux dépens de l'instance ;

le confirmer pour le surplus ;

statuant à nouveau

condamner solidairement les sociétés [22] et [21] et M. [Z] [X] au paiement de la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi ;

les débouter de toutes leurs demandes, notamment reconventionnelles ;

et les condamner solidairement au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 3 février 2025 sous les n° RG 24-4877 et 24-5184 la SAS [22],la SARL [21] et M. [Z] [X] demandent à la cour, au visa des articles 1240 et suivants du code civil, de :

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté intégralement les époux [H] de leurs demandes ;

infirmer le jugement déféré pour le surplus ;

statuant à nouveau,

débouter les époux [H] de leurs demandes ;

condamner les époux [H] à verser respectivement à la société [21] et à M. [Z] [X] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et à verser à M. [X] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

et condamner les époux [H] à leur verser respectivement la somme de 6 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec distraction.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est datée du 30 mai 2025.

MOTIFS

Il convient de relever en premier lieu que la cour n'étant saisie que par le dispositif des écritures, le moyen de prescription de l'action soulevé dans le corpus de leurs écritures et qui ne trouve aucune traduction au dispositif des conclusions en termes d'irrecevabilité ne peut qu'être écarté en application de 954 code de procédure civile.

Les appelants en premier, les époux [H], font valoir au fond en cause d'appel que le cumul d'actions engagées contre eux relève d'un acharnement procédural ; et que pendant 17 ans ils ont souffert l' accumulation de procédures angoissantes, voire pendant 34 ans, en cumulé, car se sont succédés :

' la révocation de M. [H] le 10 octobre 2008 : elle a été jugée abusive par un jugement du 7 décembre 2009 du tribunal de commerce de Paris, qui a été confirmé par arrêt du 13 décembre 2012 rendu par la cour d'appel de Paris, puis par la Cour de cassation, six ans plus tard ;

' l'expertise judiciaire au cours de laquelle la société [22] a cherché à mettre en cause la responsabilité de M. [H] : le rapport déposé le 21 décembre 2012 a mis en lumière la circonstance déjà connue selon laquelle c'est M. [X] qui avait toujours chapeauté la comptabilité de la société [22] laquelle n'avait subi aucun préjudice ; cette expertise a été diligentée pendant trois ans pour rien, "si ce n'est pour faire peur à M. [H]" ;

' la procédure fiscale pénale : la société [22] s'est constituée partie civile pour de multiples chefs (soustraction frauduleuse à l'impôt, fraude fiscale) contre M. [H] qui a dû trouver la force mentale pour surmonter l'épreuve ; le tribunal correctionnel a relaxé M. [H] le 10 juillet 2013 ; l'administration fiscale, qui avait interjeté appel, s'est désistée ;

' la procédure pénale pour abus de biens sociaux et abus de confiance : la société [22] a déposé plainte pour faire condamner M. [H], gérant de droit, pour des fautes commises en réalité par M. [X], le gérant de fait ; 10 ans après le 19 septembre 2019 une ordonnance de non-lieu a été rendue au bénéfice de M. [H], laquelle a été l'objet d'un appel et par arrêt du 15 octobre 2020 la chambre criminelle de la cour d'appel de Montpellier a confirmé qu'il n'existait aucun élément contre M. [H] ; enfin le 17 novembre 2021, le pourvoi été déclaré non admis ;

' en ce qui concerne Mme [H] en octobre 2010, le conseil des prud'hommes a sursis à statuer en attendant l'arrêt de la chambre de l'instruction et celui de la Cour de cassation rendus au bénéfice de M. [H] ; le litige prud'homal a repris mais contre toute attente, le 29 septembre 2022, le licenciement pour faute a été validé ; Mme [H] a dû interjeter appel pour obtenir l'infirmation sur l'octroi de dommages et intérêts par le juge d'appel.

Mais la SAS [22],la SARL [21] et M. [Z] [X] répondent que la procédure diligentée jusqu'à son terme contre M. [S] et surtout contre l'acquéreur, la société [18], leur a permis d'établir le montant de leur préjudice et d'obtenir le remboursement par la SCP de notaires du montant des condamnations prononcées au profit de M. [K] ; que les plaintes pénales ont pour origine le redressement fiscal subi par la société [22], à l'initiative de la seule administration fiscale ; que mettre en cause la gestion de M. [K], gérant au moment des faits, ayant selon eux causé les redressements, visait à défendre la société [22], soupçonnée par le fisc de fraude sous la direction des époux [S].

S'agissant de Mme [H], la SAS [22], la SARL [21] et M. [Z] [X] ajoutent exactement que le licenciement de celle-ci avait été jugé fondé sur une faute grave par le conseil des prud'hommes. Ayant eu gain de cause en première instance avant réformation, aucun abus ne peut être relevé.

La cour relève que le fait pour les défendeurs de ne pas avoir obtenu gain de cause et le vain épuisement à chaque fois de voies de recours, sont insuffisants à caractériser l'existence d'une intention malveillante et à démontrer la conscience de ce que les actions engagées seraient vouées à l'échec, faits constitutifs de l'abus de droit.

En l'absence de preuve de ce que des moyens dépourvus de toute pertinence auraient été invoqués avec malice, alors que les décisions rendues, à l'exception du rejet de pourvoi, sont motivées, il ne peut être exclu que la société [22] se soit considérée, fût-ce à tort, comme victime des agissements de M. [H].

La faute retenue par le tribunal en ses motifs, n'étant pas visée au dispositif du jugement déféré, et ce dernier ayant rejeté toutes les demandes indemnitaires des époux [H], le dispositif de cette décision sera confirmé.

Pour le même motif tenant l'absence de démonstration d'un abus du droit d'ester en justice, la demande indemnitaire des intimés pour abus de procédure sera également rejetée

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne la jonction des deux procédures d'appel numéro RG 24-4877 et 24-5184 sous le premier numéro ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant

Déboute la SAS [22], la SARL [21] et M. [Z] [X] de leurs demandes tendant à l'octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive et préjudice moral ;

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens d'appel, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

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