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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 16 septembre 2025, n° 23/07291

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/07291

16 septembre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 36C

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 SEPTEMBRE 2025

N° RG 23/07291 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WEVT

AFFAIRE :

[X] [M]

C/

S.A.S. [6]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Septembre 2023 par le Tribunal de Commerce de CHARTRES

N° RG : 2022J00014

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Dan ZERHAT

Me Marc MONTI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANT :

Monsieur [X] [M]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 - N° du dossier 23078161

Plaidant : Me Olivia CHAFIR de la SELARL LE 190 AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0551 -

****************

INTIMES :

S.A.S. [6]

Ayant son siège

[Adresse 10]

[Localité 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Marc MONTI de la SCP IMAGINE BROSSOLETTE, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000034 - N° du dossier 2021144

S.A.R.L. [7]

Ayant son siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Marc MONTI de la SCP IMAGINE BROSSOLETTE, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000034 - N° du dossier 2021144

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Mai 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,

Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,

Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

M. [J] [N] a fondé les deux sociétés :

- SAS [6] intervenant dans le secteur de la publicité sur lieu de vente (PLV),

- SARL [7] (société [7]) exerçant une activité de prestation de services, conseil et assistance aux entreprises, notamment dans le traitement informatique de données.

Ces sociétés étaient dirigées par M. [C] [N] (fils de M. [J] [N]) en qualité de président pour la société [6], et de co-gérant (aux côtés de MM. [S] [N] et [U] [L]) pour la société [7].

Au cours du mois de mai 2018, M. [M], président de la société [9], s'est rapproché de la société [6] pour lui proposer des prestations de conseil et développement commercial pour son activité [9] (publicité sur lieu de vente). Les parties ont alors envisagé : d'une part une convention de prestation de services qui a été signée le 4 juin 2018, moyennant une rémunération mensuelle de 4 650 euros HT, puis 4 000 euros HT à compter de janvier 2019, d'autre part un contrat de travail pour M. [M] à compter de la fin de sa période de chômage qui devait s'achever en décembre 2018. Ce contrat de travail n'a toutefois pas été conclu, les parties préférant recourir à d'autres modalités.

Intégration de M. [M] dans la SARL [7]

Selon procès-verbal du 2 janvier 2019, l'assemblée générale extraordinaire de la société [7] a autorisé la cession d'une part sociale à M. [M], nommant en outre ce dernier aux fonctions de co-gérant, aux côtés de MM. [J] [N], [S] [N], et [U] [L]. Cette assemblée a en outre décidé que M. [M], travailleur non-salarié, percevrait une rémunération mensuelle nette de 10 000 euros, ses charges sociales de travailleur indépendant étant prises en charge par la société.

Par courrier recommandé du 10 février 2021, la société [7] a convoqué ses associés, dont M. [M], à une assemblée générale extraordinaire pour le 26 février 2021, celle-ci étant notamment appelée à délibérer sur la révocation de M. [M] de son mandat de co-gérant. Le rapport de gérance joint à la convocation énonçait les reproches adressés à M. [M], faisant notamment état d'une convention de direction entre les sociétés [7] et [6] et du fait que M. [M] n'aurait pas veillé à la bonne exécution de cette convention, omettant de tout mettre en 'uvre pour garantir la rentabilité de la société [6].

Selon procès-verbal du 26 février 2021, l'assemblée générale de la société [7] a pris la décision de révoquer M. [M] de son mandat de co-gérant.

Intégration de M. [M] dans la société [6]

Selon procès-verbal du 7 janvier 2019, le conseil de surveillance de la société [6] a nommé M. [M] en qualité de membre du directoire, et de directeur général, aux côtés de 5 autres directeurs généraux.

Selon procès-verbaux du 26 février 2021, le conseil de surveillance et l'assemblée générale de la société [6] ont révoqué M. [M] de ses mandats de directeur général et de membre du directoire, au motif de « multiples erreurs dans l'exercice de ses fonctions de directeur général, et malgré des demandes répétées de recadrage de la stratégie commerciale pour retrouver un niveau correct de rentabilité et qu'il se conforme aux procédures internes ».

Le 14 janvier 2022, M. [M] a assigné les sociétés [7] et [6] devant le tribunal de commerce de Chartres, aux fins d'indemnisation des préjudices subis du fait des révocations qu'il considère comme prononcées sans juste motif.

Le 27 septembre 2023, par jugement contradictoire, le tribunal de commerce de Chartres a :

- dit M. [M] irrecevable et mal fondé en l'ensemble de ses demandes ;

- l'en a débouté intégralement ;

- débouté les sociétés [7] et [6] de leur demande reconventionnelle ;

- dit l'exécution provisoire incompatible avec la nature de l'affaire ;

- condamné M. [M] à verser aux sociétés [6] et [7] la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [M] aux entiers dépens.

Le 24 octobre 2023, M. [M] a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'il a débouté les sociétés [7] et [6] de leur demande reconventionnelle, et dit l'exécution provisoire incompatible avec la nature de l'affaire.

Par dernières conclusions du 17 juillet 2024, il demande à la cour de :

- le recevoir en son appel et le déclarer bien fondé ;

- confirmer le jugement dont appel, en ce qu'il a débouté les sociétés [7] et [6] de leur demande reconventionnelle ; et dit que l'exécution provisoire était incompatible avec la nature de l'affaire ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a:

dit irrecevable en ses demandes;

débouté intégralement ;

condamné à verser aux sociétés [7] et [6] la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau :

Concernant la société [6] :

D'une part,

- condamner la société [6] à l'indemniser des préjudices résultant des révocations de ses fonctions de directeur général et de membre du directoire, dès lors qu'elles ont été réalisées sans juste motif ;

- en conséquence, condamner la société [6] à lui verser les sommes de

- 29 620,83 euros en réparation du préjudice résultant des révocations sans juste motif ;

- 15 000 euros en réparation du caractère parfaitement abusif, des circonstances dans lesquelles ces révocations ont été mises en 'uvre ;

- 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi tant en raison de ses révocations sans justes motifs, qu'abusives ;

Concernant la société [7] :

D'une part,

- condamner la société [7] à l'indemniser des préjudices résultant de sa révocation de sa fonction de gérant, dès lors que cette révocation a été faite sans juste motif ;

- en conséquence, condamner la société [7] à lui verser les sommes de :

- 60 000 euros en réparation du préjudice financier résultant de cette révocation sans juste motif, et de la perte de revenu en résultant ;

- 15 000 euros en réparation du caractère parfaitement abusif, des circonstances dans lesquelles sa révocation a été mise en 'uvre ;

- 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi du fait d'avoir fait l'objet d'une révocation sans motif, et par ailleurs abusive dans les circonstances dans lesquelles elle a été mise en 'uvre ;

En tout état de cause :

- condamner in solidum les sociétés [7] et [6] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- débouter les sociétés [7] et [6] de toutes leurs demandes ;

- condamner in solidum les sociétés [7] et [6] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions formant appel incident du 19 avril 2024, les sociétés [6] et [7] demandent à la cour de :

- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes ;

- infirmer le jugement du 27 septembre 2023 en ce qu'il les a déboutées de leur demande reconventionnelle ;

Statuant à nouveau,

- condamner M. [M] à leur verser la somme de 25 000 euros chacune au titre du préjudice subi en raison du caractère abusif de la procédure diligentée ;

- confirmer le jugement pour le surplus ;

En tout état de cause,

- condamner M. [M] à leur verser la somme de 6 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 mars 2025.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

1 - Sur la recevabilité de l'action exercée par M. [M]

Dans le dispositif de son jugement, le tribunal a dit que M. [M] était « irrecevable et mal fondé » en ses demandes.

M. [M] sollicite l'infirmation du jugement quant à l'irrecevabilité de ses demandes, précisant que celle-ci n'était pas sollicitée par les défenderesses, et que le tribunal n'a pas motivé sa décision sur ce point.

Bien que sollicitant la confirmation du jugement, les intimées ne soulèvent aucune fin de non-recevoir.

Réponse de la cour

Les intimées n'ont soulevé aucune fin de non-recevoir ni en première instance, ni en appel. En outre, le tribunal n'a pas motivé l'irrecevabilité retenue, qu'il ne pouvait pas prononcer en même temps qu'il rejetait les demandes de M. [M], de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré M. [M] irrecevable en ses demandes.

2 ' sur la révocation de M. [M] de ses différents mandats, et les motifs allégués

Les intimées soutiennent que les révocations ont été prises pour de justes motifs, ces derniers devant être appréciés de manière globale pour les deux sociétés [7] et [6], compte tenu du fait que, dans le cadre de la convention de direction qui les liaient, M. [M] était mis à disposition, par la société [7], au profit de la société [6].

M. [M] conteste cette mise à disposition, affirmant qu'il réalisait des prestations distinctes pour chacune des deux sociétés, même s'il n'était rémunéré que par la société [7]. Il conteste en outre l'existence d'une convention de direction liant les deux sociétés, et soutient dès lors qu'il convient d'examiner les révocations de manière séparée.

Compte tenu de la divergence des parties quant au lien pouvant exister entre les deux sociétés, impactant les fonctions exercées par M. [M], il convient de rechercher, dans un premier temps, quelles étaient ces fonctions, avant de statuer sur l'existence ou non de justes motifs de révocation.

2-1 ' sur le lien existant entre les sociétés [7] et [6], et les conséquences qui en découlent quant aux fonctions exercées par M. [M]

Les sociétés [7] et [6] affirment être liées par une « convention de direction » ancienne et renouvelée chaque année, par laquelle la première fournit à la seconde des prestations de service d'assistance et de conseil en matière de direction d'entreprise (budget, gestion financière et administrative, assistance technique, promotion, communication'). Elles précisent que l'intégralité du chiffre d'affaires de la société [7] provient des prestations réalisées au profit de la société [6]. Elles font ainsi valoir la société [7] a intégré M. [M] en qualité de co-gérant, avec une rémunération en qualité de travailleur non-salarié, dans le cadre de cette convention, afin d'aider la société [6] dans le développement de son secteur [9]. Elles ajoutent que cette intégration s'inscrivait en fait dans la suite des prestations de service que M. [M] fournissait antérieurement par le biais de sa société [9] (convention du 4 juin 2018). Elles indiquent que M. [M] était ainsi mandaté par la société [7], dans le cadre de la convention de direction précitée (dont il avait une parfaite connaissance dès lors qu'elle faisait l'objet d'une approbation en assemblée générale). Elles ajoutent que M. [M] n'a jamais sollicité aucune rémunération de la société [6] durant les 26 mois de sa collaboration, sa nomination en tant que membre du directoire et de directeur général de cette société ayant pour seul objet de lui conférer de plus larges pouvoirs pour lui permettre d'exercer sa mission d'intervenant extérieur. Elles soutiennent enfin que ce mode de fonctionnement est parfaitement licite, les contrôles URSSAF n'ayant relevé aucune anomalie à ce titre.

M. [M] observe en premier lieu que, même s'il n'existe aucun lien capitalistique entre elles, les deux sociétés [7] et [6] font partie d'un même « groupe familial » (famille [N]). Il soutient ne jamais avoir eu connaissance d'une prétendue convention de direction entre les deux sociétés, et conteste avoir été mandaté par la société [7] pour exercer des fonctions de directeur général dans la société [6]. Il affirme que son intégration dans la société [6] (en qualité de directeur général non rémunéré, mais également en qualité de prestataire technique rémunéré) résulte d'une attestation du 27 décembre 2018, avec effet au 1er janvier 2019, de sorte qu'elle est antérieure tant à son intégration dans la société [7] en qualité de co-gérant (le 2 janvier 2019), qu'à la signature de la convention de direction le 4 janvier 2019, de sorte que celle-ci ne le concerne nullement. Il ajoute n'avoir jamais eu connaissance de la convention litigieuse, observant que le rapport de gérance de la société [7] dont il a eu connaissance en février 2020 ne fait état que d'un flux de trésorerie entre les deux sociétés, sans faire mention de cette convention. Il soutient enfin que la rémunération qui lui était versée par la société [7] ne pouvait pas correspondre pas à un travail réalisé pour la société [6], contestant ainsi toute « mise à disposition » de celle-ci.

Réponse de la cour

Pour contester l'existence d'une convention de direction qui lui soit applicable, M. [M] soutient en premier lieu que, dès lors qu'il était intégré dans la société [6] - avec la « double casquette » de directeur général et de prestataire technique ' avant de rejoindre la société [7], la prétendue convention prévoyant une mise à disposition du personnel [7] au profit de la société [6] ne le concerne pas. Il conteste en second lieu l'existence même des conventions de direction litigieuses.

Sur l'antériorité de l'intégration de M. [M] dans la société [6]

Pour soutenir que son intégration dans la société [6] est antérieure à celle dans la société [7], M. [M] se fonde sur une attestation que la première lui a délivrée le 27 décembre 2018.

Cette attestation signée de M. [C] [N], indique que M. [M] : « rejoindra notre société à compter du 1er janvier 2019 en qualité de directeur général. Il sera affilié au régime général des indépendants et percevra une rémunération nette mensuelle de 10 000 euros, ainsi qu'une prime annuelle nette de 5% sur le résultat brut. »

M. [M] en conclut, d'une part qu'il a intégré la société [6] dès le 1er janvier 2019, d'autre part qu'il avait une « double casquette » de directeur général non rémunéré, et de prestataire technique avec une rémunération mensuelle de 10 000 euros, outre une prime.

La société [6] soutient pour sa part que cette attestation, rédigée à la demande expresse de M. [M] pour l'obtention d'un prêt, ne peut prévaloir sur le procès-verbal d'assemblée générale qui l'a nommé à ses fonctions le 7 janvier 2019. Elle ajoute que la rémunération, en qualité de travailleur indépendant était incompatible avec la forme sociale de SAS, de sorte qu'elle ne pouvait lui être versée que par la société [7], ce qui était d'ailleurs prévu par l'assemblée générale de cette société.

Le 20 novembre 2018, [C] [N] a écrit au service des ressources humaines de la société [6] en ces termes : « [X] [M] a besoin d'une attestation comme quoi il est bien embauché à partir du 1er janvier chez nous. Peux-tu me l'envoyer ' ». Le service des ressources humaines a répondu en indiquant : « [X] [M] ne sera pas salarié, mais TNS (travailleur non salarié), de ce fait je ne peux pas lui faire d'attestation d'embauche. C'est le PV d'AG qui le nomme directeur général qui fait foi ».

Si l'attestation du 27 décembre 2018 mentionne ainsi que M. [M] rejoindra la société à compter du 1er janvier 2019, elle ne peut toutefois prévaloir sur le procès-verbal d'assemblée générale qui seul fait foi, daté du 7 janvier 2019. La nomination de M. [M] en qualité de directeur général de la société [6] ne peut donc être antérieure au 7 janvier 2019.

Quant à la « double casquette » invoquée par M. [M], et au fait qu'il aurait assuré des prestations techniques au profit de la société [6] moyennant une rémunération mensuelle de 10 000 euros en qualité de TNS, la cour constate d'une part que le statut de TNS n'est pas compatible avec des fonctions de directeur général dans une SAS, d'autre part que la société [6] n'a jamais réglé la moindre somme à M. [M] durant les 26 mois qu'il a travaillé à son service, les seuls règlements mensuels de 10 000 euros provenant de la société [7], ce qui ne peut s'analyser que comme une « mise à disposition » de M. [M], par cette dernière au profit de la société [6] pour assurer les fonctions de directeur général (direction commerciale de la société [6]), selon « convention de direction » comme il sera vu plus avant.

M. [M] n'a d'ailleurs jamais sollicité aucun paiement de la part de la société [6] durant sa période d'activité, attendant sa révocation pour saisir le conseil de prud'hommes en vue d'une requalification de ses fonctions, étant observé que cette demande a été rejetée par jugement du 21 mars 2023 qui n'a fait l'objet d'aucune voie de recours.

La thèse de M. [M] selon laquelle les parties auraient en fait trouvé un accord pour suspendre les paiements de la société [6] en raison d'abord de ses difficultés financières, puis de la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid, n'apparaît pas sérieuse en ce qu'elle porterait sur une période de plus de 2 années, durant lesquelles M. [M] n'aurait jamais émis la moindre demande financière.

Il apparaît ainsi que les prestations réalisées par M. [M] au profit de la société [6] en sa qualité de directeur général, à savoir la direction de son équipe commerciale, étaient uniquement rémunérées par la société [7] (selon les modalités définies dans le procès-verbal d'assemblée générale de cette société en date du 2 janvier 2019, soit antérieurement à l'intégration dans la société [6] selon procès-verbal d'assemblée générale du 7 janvier 2019) à raison de 10 000 euros par mois en régime TNS, ce qui ne peut correspondre qu'à « une mise à disposition » de M. [M] par la société [7] au profit de la société [6].

Sur l'existence des conventions

La société [7] justifie en outre que la mise à disposition de personnel au profit de la société [6] était une pratique ancienne, résultant de « conventions de direction » renouvelées chaque année. Elle produit à ce titre les conventions de 2005, 2016 et 2019 à 2021 prévoyant toutes un renouvellement annuel tacite, sauf dénonciation trois mois avant l'expiration annuelle.

La convention de direction du 4 janvier 2019 précise qu'elle est « conclue pour une durée déterminée d'un an qui commencera à courir le 1er janvier 2019 », de sorte qu'elle était applicable au moment de l'intégration de M. [M] dans la société [7] le 2 janvier 2019, avant qu'il rejoigne la société [6] le 7 janvier 2019.

Cette convention précise que la société [7] fournit à la société [6] : « son assistance et ses conseils en matière de direction d'entreprise ». Il est en outre indiqué que la société [7] : « s'oblige à affecter à l'exécution des prestations mises à sa charge les moyens matériels et humains les plus appropriés », et qu'elle sera : « seul maître de la définition desdits moyens, et notamment du choix de ceux des membres de son personnel à faire intervenir, sans que la société cliente ([6]) puisse interférer de quelque manière que ce soit dans ce choix ('). »

S'il est exact que le procès-verbal d'assemblée générale de la société [7] du 2 janvier 2019 ne fait aucune mention de cette convention de direction, il n'en reste pas moins qu'en sa qualité de co-gérant de la société [7] d'une part, et de membre du directoire et directeur général de la société [6] d'autre part, M. [M] ne pouvait ignorer le fonctionnement de ces deux sociétés et les conventions qui les liaient, étant observé que l'un des autres directeurs généraux de la société [6] (M. [L]) était également rémunéré par la société [7] avec le statut d'indépendant alors qu'il exerçait principalement ses fonctions dans la société [6] dans le cadre de la même convention de direction.

M. [M] est d'autant moins fondé à contester l'existence des conventions de direction liant les deux sociétés qu'il a, le 26 février 2020, signé le procès-verbal d'assemblée générale de la société [7] approuvant les « conventions règlementées », telles qu'énoncées au rapport spécial de la gérance daté du 31 décembre 2019, ce rapport précisant que : « la société [7] a facturé à la société [6] des honoraires pour un montant de 379 000 euros HT ». S'il est exact que le rapport de la gérance se contente d'évoquer le flux de trésorerie entre les deux sociétés sans énumérer de manière précise les conventions concernées et leurs modalités, M. [M] ne peut sérieusement prétendre, qu'en sa qualité de co-gérant de la société [7], mais également de membre du directoire de la société débitrice, il aurait approuvé une convention dont il ne connaissait pas les termes.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de retenir que M. [M], exerçant un mandat social dans les deux sociétés familiales [7] et [6], ne bénéficiait que d'une seule rémunération, versée par la société [7] alors même qu'il exerçait son activité principale au profit de la société [6], ce qui s'analyse nécessairement en « une mise à disposition de ses services » par la première au profit de la seconde, et ce dans le cadre de la convention de direction prenant effet au 1er janvier 2019.

Il ressort en outre du compte de résultat de la société [7], arrêté au 30 septembre 2019, publié sur le site société.com (pièce 16 de M. [M]) que son chiffre d'affaires était de 379 000 euros, représentant ainsi l'exact montant des honoraires versés par la société [6], manifestant dès lors une dépendance financière totale de la société [7] envers elle, et le fait que la rémunération versée à M. [M] ne provenait que des honoraires versés par la société [6] à la société [7], confirmant ainsi à nouveau la mise à disposition.

Compte tenu de l'organisation particulière des deux sociétés [7] et [6], du fait que la première avait pour unique cliente la société [6] et qu'elle n'avait donc pas d'activité autre que les prestations fournies à cette dernière, il convient d'examiner les révocations des mandats de M. [M] de manière globale.

2-2 ' sur l'existence de justes motifs de révocation de M. [M] de ses mandats exercés dans les sociétés [7] et [6]

M. [M] soutient que la révocation de ses mandats ne repose pas sur de justes motifs, ce qui lui cause un préjudice dont il sollicite réparation. S'agissant de son mandat de directeur général dans la société [6], il conteste être responsable de ventes à perte, indiquant notamment que le prix était déterminé en amont par le bureau d'études, et que les ventes à perte ne pouvaient résulter que d'erreurs commises par ce bureau (oubli de postes) ou par le service production, placé sous la responsabilité d'[C] [N]. Il admet avoir parfois accordé aux clients des remises importantes, soutenant toutefois qu'elles étaient uniquement destinées à pallier les erreurs des autres services (bureau d'étude et production). Il fait valoir que les attestations produites par les intimées ne sont pas probantes. Il conteste le fait que la santé financière des sociétés se soit améliorée après son départ, faisant notamment valoir un redressement de cette situation en 2020, alors qu'il était présent dans la société. Il conclut que les griefs invoqués au soutien des révocations ne sont pas démontrés et même contredits par les éléments qu'il produit. Il ajoute qu'en tout état de cause, ces griefs ne sont pas en lien avec sa fonction de directeur général, mais uniquement avec les prestations techniques commerciales rémunérées par la société [6] (double casquette), contestant dès lors tout manquement à l'intérêt social. Il soutient qu'aucune perte de rentabilité ne peut lui être imputée dans la mesure ou le directoire de la société [6] comprenait d'autres membres, les décisions stratégiques étant nécessairement prises en commun.

La société [7] rappelle que M. [M] était mandaté par ses soins pour intervenir dans la société [6] dans le cadre de la convention de direction dont l'objet était d'apporter à cette dernière une aide dans le développement de son secteur [9], de sorte que les agissements de M. [M] impactaient directement les deux sociétés. Les sociétés [7] et [6] reprochent à M. [M] d'avoir agi à l'encontre de leurs intérêts sociaux, notamment en validant des contrats ayant eu pour effet, à de multiples reprises, d'entraîner des ventes à perte. Elles rappellent qu'en sa qualité de directeur général chargé du service commercial du secteur [9], M. [M] fixait les objectifs et négociait les prix avec les clients. Elles lui reprochent de ne pas avoir tenu compte des coûts minimum et d'avoir fréquemment validé des ventes à perte, et ce malgré plusieurs rappels à l'ordre. Elles indiquent qu'au regard de la persistance du comportement de M. [M] et de l'impact négatif sur la rentabilité des deux sociétés, elles ont été contraintes de le révoquer de ses mandats pour justes motifs.

Réponse de la cour

Selon l'article L. 223-25 du code de commerce, le gérant d'une SARL peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l'article L. 223-29 (majorité de la moitié des parts sociales), à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages-intérêts.

Selon l'article L. 225-61 du même code, les membres du directoire ou le directeur général unique peuvent être révoqués par l'assemblée générale, ainsi que, si les statuts le prévoient, par le conseil de surveillance. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts.

Selon l'article L.227-5 du même code, les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée.

En l'espèce, l'article 21-1 des statuts de la société [6] dispose que les membres du directoire sont révoqués par l'assemblée générale aux conditions de majorité requise pour les décisions ordinaires. L'article 21-4 des statuts précise que la qualité de directeur général peut être retirée par décision du conseil de surveillance.

Les dispositions statutaires prévoient ainsi les modalités de révocation des membres du directoire et des directeurs généraux, mais elles ne prévoient pas les causes de révocation. Ce silence sur les causes de révocation devrait conduire, selon les règles du droit commun du mandat, à considérer que les membres du directoire et les directeurs généraux sont révocables ad nutum. Les parties s'accordent toutefois à conditionner la révocation de M. [M] à l'existence de justes motifs, de sorte que la cour est liée par cette qualification, et qu'elle doit ainsi statuer sur l'existence ou non de justes motifs.

Tout acte, même non fautif, de nature à compromettre l'intérêt social ou le fonctionnement de la société, peut constituer un juste motif.

En l'espèce, le procès-verbal d'assemblée générale et celui du conseil de surveillance de la société [6] mentionnent les motifs suivants : « multiples erreurs dans les fonctions de directeur général ('), malgré les demandes répétées de M. [C] [N] afin qu'il [M. [M]] recadre sa stratégie commerciale pour permettre à la société de retrouver un niveau correct de rentabilité et qu'il se conforme aux procédures internes ».

S'agissant de la société [7], les motifs sont détaillés dans le rapport de gérance en vue de l'assemblée générale, à savoir essentiellement non-respect de la mission de « recadrage de la stratégie commerciale de [6] » et « prise de dossiers à perte. »

En l'espèce, il a été démontré que, contrairement à ce qu'il soutient, M. [M] ne disposait pas d'une « double casquette » dans la société [6], sa seule mission étant celle de directeur général chargé du service commercial.

Pour justifier de la réalité des motifs de révocation, les sociétés [6] et [7] invoquent 6 dossiers de ventes à perte, entraînant un impact négatif sur leur rentabilité.

Le premier dossier concerne le laboratoire [8] : la société [6] produit aux débats un courriel du 4 septembre 2019 par lequel une salariée attire l'attention de M. [M] en lui demandant s'il est « normal » que le « prix de vente » unitaire soit inférieur au « prix unitaire » (entendu comme prix de revient unitaire). Ainsi que le fait observer M. [M], il n'est pas établi que le document joint soit un document final, de sorte qu'il ne permet pas d'établir une réelle vente à perte.

S'agissant du dossier [G], le seul courriel du 5 novembre 2020, au terme duquel M. [N] indique à M. [M] : « il faut que l'on se voit (') : au sujet d'un dossier [G] vendu à perte dont je ne suis pas informé. Demain après-midi dispo ' », en ce qu'il n'est accompagné d'aucun document ultérieur pouvant confirmer une éventuelle vente à perte et responsabilité de M. [M] ne permet pas de caractériser un quelconque manquement de sa part.

S'agissant des trois dossiers [Z], [O] [H] et [T], M. [M] admet qu'il y a eu des pertes importantes, soutenant toutefois qu'elles sont liées à des erreurs du bureau d'études ou de la production. Il produit à ce titre un échange de courriels non discuté sur le dossier [Z] faisant état d'un dysfonctionnement de kits miroir référence POLA33-00, ce qui a nécessité une nouvelle livraison, étant observé que le montant de facturation de ces kits est de 32 671,50 euros HT, ce qui peut expliquer la perte qui est ainsi imputable à la production et non pas à M. [M].

Pour le dossier [O] [H] (mini vitrine ' pièces 51), il est justifié d'une commande passée le 19 novembre 2019 pour un montant de 31 678 euros HT. Le tableau produit par la société [6], détaillant les coûts de fabrication, aboutit à un « prix unitaire » de 36,27 euros pour un « prix vendu unitaire » légèrement plus élevé de 36,33 euros, de sorte qu'il n'est pas justifié d'une vente à perte.

Pour le dossier Altavia (pièces 52) la société [6] soutient que le marché aurait dû être vendu au minimum 15 658 euros HT, alors qu'il n'a été facturé que 14 786 euros HT. Les seuls documents produits par la société [6] ne permettent pas toutefois d'établir un écart de prix. Il est justifié d'une commande de la société Altavia le 29 juillet 2019 pour 14 786, 46 euros HT, et d'un document à en-tête de la société [6] indiquant un montant identique, à savoir : « montant à facturer 14 786,46 euros ». Il n'est donc pas justifié d'une vente à perte.

S'agissant enfin du dossier Clarins, la société [6] expose que la commande a été passée le 1er décembre 2020, avec un tarif unitaire à 75 euros, alors que les éléments techniques ont été transmis au bureau d'études postérieurement, ce qui a occasionné de multiples échanges pour trouver des solutions pour maintenir le prix de 75 euros accepté par le client, sans toutefois y parvenir. La société [6] reproche notamment à M. [M] d'avoir vendu un stock à 0 euros, et de ne pas avoir facturé une modification demandée par le client, de sorte que le prix de revient final était de 89,83 euros pour un prix de vente de 75 euros. Elle fait valoir une perte de 3 114 euros sur ce dossier.

M. [M] soutient que les pièces produites ne concernent pas cette commande, mais une commande postérieure à son départ.

S'il est exact que la société [6] a produit certaines pièces relatives à une commande postérieure, c'était pour démontrer qu'il n'y avait pas d'amortissement possible sur les outils, contrairement à ce que soutient M. [M]. Les autres pièces produites démontrent bien un « prix vendu unitaire de 75 euros » pour un prix unitaire de 81,97 euros, ce que M. [M] admet d'ailleurs expressément dans un courriel du 18 décembre 2020. Il s'agit donc bien d'une vente à perte imputable à M. [M], la cour observant toutefois qu'il s'agit de l'unique vente à perte dont il est justifié, avec un impact financier de 3 114 euros pour la société [6].

S'agissant des prétendus rappels à l'ordre que M. [N] aurait adressé à M. [M], la société [6] ne produit aux débats qu'un seul échange de courriels des 20 et 24 août 2020 qui est en fait relatif aux frais (voiture, essence') avancés par M. [M], M. [N] indiquant : « je t'ai déjà vu à deux reprises pour te demander de te restreindre au maximum afin de limiter les pertes actuelles, malheureusement tu ne t'en préoccupes visiblement pas'.Tes frais sont beaucoup trop importants et plus on avance pire c'est, ce qui est inversement proportionnel à la rentabilité de la société. On en reparlera donc à mon retour, mais nous allons modifier l'approche ». Ce courriel porte uniquement sur les frais exposés par M. [M], jugés trop élevés, sans qu'il soit ici question de ventes à perte.

La société [6] produit également des attestations de ses collaborateurs qui évoquent notamment le fait que M. [M] leur demandait « d'appliquer systématiquement des remises exceptionnelles », et de renégocier avec les fournisseurs pour leur demander des efforts supplémentaires, ajoutant que les « dossiers étaient sous-vendus » et que l'on « perdait de l'argent à chaque lancement de dossier ». Ces attestations qui ne sont pas circonstanciées, mais rédigées en termes très généraux, sont ainsi dépourvues de force probante, d'autant que les pièces produites ne font état que d'une seule vente à perte pour un montant peu significatif.

La société [6] soutient enfin que les prétendues ventes à perte auraient eu un impact significatif sur ses résultats, largement déficitaires entre janvier 2019 et février 2021, la rentabilité ayant été retrouvée après le départ de M. [M]. La société [6] produit à ce titre une courbe du chiffre d'affaires de janvier 2018 à février 2022 (pièce numéro 27), et un tableau de l'évolution de son résultat d'exploitation de 2017 à 2023, avec les extraits de compte de résultat correspondant (pièce numéro 67). La pièce 27 est un tableau interne à la société qui n'est corroboré par aucun élément comptable, de sorte qu'elle n'est pas probante. La pièce 67 est accompagnée d'extraits de compte de résultat, ce qui lui confère une force probante suffisante et d'ailleurs non discutée. Il résulte de ce document que si la société [6] a enregistré des pertes importantes en 2019 (377 444 euros), puis celles-ci ont été réduites de manière significative en 2020 (2 739 euros), avant d'augmenter à nouveau de manière très significative en 2021 (809 238 euros) alors même que M. [M] a quitté la société en février 2021. Contrairement à ce qui est soutenu par la société [6] il n'est donc pas établi que M. [M] ait eu une responsabilité dans les pertes enregistrées, sa situation s'étant nettement améliorée en 2020 (période de présence de M. [M]), avant de se dégrader de manière très significative après son départ en février 2021.

S'agissant de la qualité de membre du directoire de M. [M], il n'est invoqué aucun motif de révocation.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les sociétés [6] et [7] ne justifient pas des justes motifs qu'elles invoquent à l'appui des révocations de M. [M]. Ce dernier est donc fondé à solliciter réparation des préjudices qui en découlent, et qu'il convient d'examiner plus avant.

3 ' sur la réparation des préjudices résultant de l'absence de justes motifs de révocation et son caractère abusif

3-1 ' sur les demandes formées à l'encontre de la société [6]

Sur la demande formée au titre des circonstances abusives dans lesquelles les révocations ont été mises en 'uvre

M. [M] soutient que la révocation de ses mandats s'est réalisée dans des circonstances abusives en ce qu'il n'a pas été invité à participer, d'une part à la réunion du conseil de surveillance, d'autre part à l'assemblée générale ayant pris les décisions de révocation, de sorte qu'il n'a pas été en mesure de faire valoir ses observations. Il ajoute ne pas avoir eu la possibilité d'informer les clients de son départ, l'information transmise par la société [6] portant atteinte à son honneur.

La société [6] soutient qu'elle n'avait pas à convoquer M. [M] à son assemblée générale dès lors qu'il n'était pas actionnaire, ajoutant qu'il ne faisait pas non plus partie du conseil de surveillance à la réunion de laquelle il n'avait pas à participer. Elle ajoute que M. [M] avait reçu, dès le 11 février 2021, la convocation à l'assemblée générale de la société [7] comprenant le projet de résolution proposant sa révocation, ainsi que le rapport de gérance expliquant les griefs formulés à son encontre dans les deux sociétés, de sorte qu'il était informé de ces derniers.

Réponse de la cour

Il résulte de l'article 21-1 des statuts de la société que les membres du directoire sont nommés par le conseil de surveillance et révoqués par l'assemblée générale, aux conditions de majorité requises pour les décisions ordinaires.

L'article 21-4 des statuts dispose que la qualité de directeur général peut être retirée par décision du conseil de surveillance.

M. [M] n'ayant ni la qualité d'actionnaire de la société [6], ni la qualité de membre du conseil de surveillance, la société [6] ne pouvait le convoquer aux réunions correspondantes, de sorte qu'aucun manquement au principe contradictoire n'est établi. Il est en outre constant que M. [M] était en possession, dès le 11 février 2021, du rapport de gérance de la société [7] (pièce 35) évoquant en détail les griefs qui lui étaient reprochés, tant dans la société [7] que dans la société [6], de sorte qu'il avait nécessairement connaissance des griefs formulés à son encontre ' qu'il a d'ailleurs contestés au cours de l'assemblée générale de la société [7] - les circonstances de révocation de ses mandats de membre du directoire et de directeur général n'étant dès lors pas abusives.

La cour observe au surplus que le courrier adressé par la société [6] à ses clients pour les informer du départ de M. [M] est tout à fait neutre, indiquant notamment que ce départ : « n'impacte en rien l'écoute et la disponibilité des équipes qui vous accompagnent au quotidien », et faisant état des interlocuteurs habituels restant disponibles. Ce courrier ne comprend donc aucune atteinte à l'honneur ou à la considération de M. [M].

Aucune circonstance abusive n'est ainsi établie quant à la révocation des mandats de M. [M], de sorte que ce dernier doit être débouté de sa demande indemnitaire à ce titre.

Sur les demandes indemnitaires formées au titre de l'absence de juste motif

M. [M] sollicite à ce titre paiement d'une somme de 29 620,83 euros au titre de son préjudice matériel, outre une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral. Il reprend l'argumentation selon laquelle il aurait dû percevoir une rémunération mensuelle de 10 000 euros pour les « prestations techniques » réalisées pour la société [6], rappelant également le refus de requalification de ses fonctions par le conseil de prud'hommes. Il indique que les autres directeurs généraux percevaient une rémunération moyenne de 4 938 euros par mois, et sollicite donc à ce titre 6 mois de rémunération, soit la somme de 29 620,83 euros. Il invoque également un préjudice moral, du fait d'une collusion frauduleuse visant à l'évincer totalement de la société, précisant avoir été profondément impacté par la situation qu'il a vécue comme un acharnement à son égard.

La société [6] rappelle que M. [M] n'a jamais sollicité la moindre rémunération en qualité de directeur général durant ses 26 mois d'activité, de sorte qu'il est mal fondé à solliciter réparation d'un préjudice quelconque à ce titre. Elle ajoute qu'il n'est justifié d'aucun préjudice dès lors qu'il a constitué une nouvelle société dès le 15 avril 2021. Elle soutient enfin qu'en l'absence de la moindre justification, la demande au titre du préjudice moral est totalement infondée.

Réponse de la cour

Il a été démontré plus avant que M. [M] n'exerçait en fait aucune prestation technique au profit de la société [6] et qu'il était uniquement délégué par la société [7] pour assurer des fonctions de directeur général au profit de la société [6], sans qu'il perçoive une quelconque rémunération à ce titre. Il n'est donc justifié d'aucun préjudice matériel en lien avec la révocation des mandats de M. [M].

Le seul fait que la révocation soit dépourvue de justes motifs suffit à caractériser un préjudice moral subi par M. [M] qui s'est ainsi retrouvé exclu sans motif de la société [6]. Ce préjudice moral sera justement indemnisé par l'allocation d'une somme de 4 000 euros. Le jugement sera infirmé de ce chef.

3-2- sur les demandes formées à l'encontre de la société [7]

Sur la demande formée au titre des circonstances abusives dans lesquelles la révocation a été mise en 'uvre

M. [M] invoque la brutalité de sa révocation, au motif qu'il n'a été informé de la volonté des associés de le révoquer qu'au moment de la réception de l'ordre du jour de l'assemblée du 26 février 2021, évoquant ainsi une atteinte à son honorabilité et à sa réputation professionnelle.

La société [7] rappelle que M. [M] a reçu, dès le 11 février 2021, une convocation à l'assemblée générale mentionnant la proposition de révocation de son mandat, outre le rapport de gérance détaillant les griefs à son encontre. Elle conteste toute brutalité dans cette révocation.

Réponse de la cour

Dès lors que M. [M] a été informé dès le 11 février des griefs formulés à son encontre et de la proposition de sa révocation qui n'est intervenue que le 26 février, après qu'il ait pu s'exprimer au cours de l'assemblée générale, il n'est pas fondé à invoquer la brutalité, ni les circonstances abusives de celle-ci. Sa demande indemnitaire à ce titre doit donc être rejetée.

Sur les demandes indemnitaires formées au titre de l'absence de juste motif

M. [M] sollicite à ce titre paiement d'une somme de 60 000 euros au titre de son préjudice matériel, correspondant à 6 mois de rémunération, outre une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral. Il ajoute qu'un protocole d'accord avait été envisagé après sa révocation, la société [7] évaluant alors son préjudice à 40 000 euros.

La société [7] s'oppose à cette demande, rappelant qu'initialement M. [M] ne contestait pas les révocations, ce qui l'avait conduite à faire une proposition de transaction. Elle précise que M. [M] ayant totalement changé de position en critiquant les conditions de sa révocation, aucune transaction n'était plus envisageable. Elle ajoute que M. [M] ne justifie d'aucun préjudice dès lors qu'il a créé une nouvelle société dès le 15 avril 2021, précisant enfin qu'une proposition amiable n'est en rien comparable à une procédure contentieuse dans laquelle les prétentions ne peuvent être fixées que sur la base de pièces, observant qu'aucune pièce n'est ici produite par M. [M].

Réponse de la cour

S'il est certain que M. [M] s'est retrouvé subitement privé de rémunération à compter de sa révocation le 26 février 2021, ce qui suffit à caractériser le principe d'un préjudice matériel, ce dernier ne peut toutefois être équivalent au montant de la rémunération. M. [M] ne produit en outre aucun élément permettant d'établir que cette privation de rémunération se serait prolongée durant 6 mois, et ne discute notamment pas le fait qu'il ait créé une nouvelle société dès le 15 avril 2021, dans le domaine du commerce de gros.

Au regard de ces éléments, la cour estime pouvoir fixer le préjudice matériel de M. [M] à hauteur de 7 000 euros. La société [7] sera condamnée au paiement de cette somme. Le jugement sera infirmé de ce chef.

L'absence de justes motifs de révocation suffit à caractériser l'existence d'un préjudice moral subi par M. [M] qui s'est retrouvé exclu de la société [7]. Ce préjudice moral sera justement indemnisé par l'allocation d'une somme de 2 000 euros. Le jugement sera infirmé de ce chef.

4 ' sur les demandes accessoires

Dès lors qu'il est fait droit, même partiellement, aux demandes formées par M. [M], la procédure ne peut être qualifiée d'abusive, de sorte que la demande indemnitaire formée par les sociétés [6] et [7] sera rejetée. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens. Les sociétés [6] et [7] seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel, et il sera alloué à M. [M] une somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du 27 septembre 2023 en ce qu'il déboute les sociétés [6] et [7] de leur demande indemnitaire,

Infirme le jugement pour le surplus,

Condamne la société [6] à payer à M. [X] [M] la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice moral du fait de la révocation réalisée sans juste motif de ses fonctions de membre du directoire et de directeur général,

Condamne la société [7] à payer à M. [X] [M] les sommes de :

- 7 000 euros au titre de son préjudice matériel, du fait de la révocation sans juste motif de son mandat de co-gérant,

- 2 000 euros au titre de son préjudice moral, du fait de la révocation sans juste motif de son mandat de co-gérant,

Déboute M. [X] [M] du surplus de ses demandes indemnitaires,

Condamne solidairement les sociétés [6] et [7] à payer à M. [X] [M] la somme globale de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles,

Condamne solidairement les sociétés [6] et [7] aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Cyril ROTH, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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