CA Chambéry, 1re ch., 16 septembre 2025, n° 24/01302
CHAMBÉRY
Autre
Autre
IRS/SL
N° Minute
[Immatriculation 2]/519
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 16 Septembre 2025
N° RG 24/01302 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HSF5
Décision attaquée : Ordonnance du Président du TJ d'[Localité 3] en date du 26 Juillet 2024
Appelante
S.A.R.L. D.R.C.T.E., dont le siège social est situé [Adresse 4]
Représentée par Me Jordan GOURMAND, avocat au barreau de CHAMBERY
Intimée
S.C.I. LES ECOURS, dont le siège social est situé [Adresse 7]
Représentée par la SELARL PADZUNASS SALVISBERG & ASSOCIÉS, avocats postulants au barreau d'ALBERTVILLE
Représentée par la SELAS ORATIO AVOCATS, avocats plaiants au barreau de LYON
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Date de l'ordonnance de clôture : 02 Juin 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 juillet 2025
Date de mise à disposition : 16 septembre 2025
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Composition de la cour :
- Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
- Mme Inès REAL DEL SARTE, Magistrat Honoraire,
avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
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Faits et procédure
Par acte sous-seing privé du 30 décembre 2016, la SCI les Ecours a donné à bail commercial à la société D.R.C.T.E. dix studios et quatre garages situés dans une partie de l'immeuble cadastré section A n°[Cadastre 1], lieu-dit [Adresse 5] à Saint-Jean-d'Arves (73530), pour une durée de 9 ans s'achevant au 31 décembre 2026, aux fins d'exploitation en résidence hôtelière, en contrepartie d'un loyer annuel de 15.000 euros, toutes charges comprises, payable mensuellement.
Par acte d'huissier du 11 août 2023, la SCI les Ecours a fait délivrer à la société D.R.C.T.E. un commandement de payer les loyers dus entre le mois de juin 2022 et le mois de juillet 2023 pour un total de 17.697,67 euros, visant la clause résolutoire insérée au bail.
Par acte d'huissier du 18 avril 2024, la SCI Les Ecours a fait assigner la société D.R.C.T.E. devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Albertville aux fins de constat de la résiliation du bail commercial, expulsion et versement d'une provision.
Par ordonnance réputée contradictoire du 26 juillet 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Albertville a :
- Constaté que la résolution du bail commercial conclu entre la SCI Les Ecours et la société D.R.C.T.E. le 30 décembre 2016 est acquise au 11 septembre 2023 à minuit ;
- Déclaré la société D.R.C.T.E. sans droit ni titre et l'a condamnée à restituer les lots, objet du contrat de bail conclu avec le 30 décembre 2016, dans un délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance de référé ;
- Ordonné, faute de libération volontaire des lots précités de ses biens et de sa personne ainsi que de tous occupants de son chef dans le délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance de référé, l'expulsion de la société D.R.C.T.E., des occupants de son chef et de ses biens avec le concours de la force publique, si besoin est ;
- Débouté la SCI les Ecours de sa demande d'astreinte et de sa demande relative aux meubles ;
- Fixé l'indemnité d'occupation due par la société D.R.C.T.E. à la SCI les Ecours à la somme de 1.250 euros par mois, proratisée le cas échéant par jour ;
- Condamné la société D.R.C.T.E. à payer à la SCI les Ecours la somme provisionnelle de 1250 euros par mois, au titre de l'indemnité d'occupation ;
- Condamné la Société D.R.C.T.E. à payer à la SCI les Ecours une provision d'un montant de 18.750 euros, à valoir sur les arriérés de loyers de juin 2022 à août 2023, outre intérêts au taux légal à compter du 11 août 2023 sur la somme de 17.500 euros et à compter du 18 avril 2024 pour le surplus ;
- Condamné la société D.R.C.T.E. à payer à la SCI les Ecours la somme de 2.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société D.R.C.T.E. aux dépens de la présente instance.
Au visa principalement des motifs suivants :
' Le commandement de payer délivré le 11 août 2023 vise expressément la clause résolutoire insérée au contrat de bail et l'article L. 145-41 du code de commerce ; en l'absence de paiement de sommes dues au titre des loyers impayés des mois de juin 2022 à juillet 2023 visés par le commandement de payer, le bail commercial a été résilié de plein droit le 11 septembre 2023 à minuit ;
' Il résulte des pièces produites que le montant des loyers exigibles entre juin 2022 et août 2023 s'élève à la somme de 18 750 euros.
Par déclaration au greffe de la cour d'appel du 18 septembre 2024, la société D.R.C.T.E. a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions hormis en ce qu'elle a :
- Condamné la société D.R.C.T.E. à payer à la SCI les Ecours la somme provisionnelle de 1.250 euros par mois, au titre de l'indemnité d'occupation.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 2 décembre 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société D.R.C.T.E. sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour de :
Statuant de nouveau,
- Débouter la société SCI les Ecours de l'intégralité de ses demandes ;
- Condamner la société SCI les Ecours à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société SCI les Ecours aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société D.R.C.T.E. fait notamment valoir que :
' Le commandement de payer signifié le 11 août 2023, soit seulement 8 mois après l'arrêté des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2022, est infondé dans la mesure où à cette date, elle était toujours créancière de la SCI les Ecours ;
' Le décompte produit en première instance était parfaitement erroné et sans aucune valeur juridique.
Par dernières écritures du 31 janvier 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SCI les Ecours demande à la cour de :
Rejetant toutes fins et conclusions contraires,
- Débouter la société D.R.C.T.E de l'intégralité de ses demandes ;
- Confirmer l'ordonnance déférée rendue le 26 juillet 2024 par le tribunal judiciaire d'Albertville ;
Par conséquent,
- Constater que la résolution du bail commercial conclu avec la société D.R.C.T.E conclu le 30 décembre 2016 est acquise au 11 septembre 2023 à minuit ;
- Déclarer la société D.R.C.T.E sans droit, ni titre et la condamner à restituer les lots objets du contrat de bail conclu le 30 décembre 2016, dans un délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance de référé ;
- Ordonner, faute de libération volontaire des lots précités de ses biens et de sa personne ainsi que de tout occupant de son chef dans le délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance de référé, l'expulsion de la société D.R.C.T.E, des occupants de son chef et de ses biens avec le concours de la force publique, si besoin est ;
- Débouter la SCI les Ecours de sa demande d'astreinte et de sa demande relative aux meubles ;
- Fixer l'indemnité d'occupation due par la société D.R.C.T.E à la somme de 1.250 euros par mois proratisé le cas échéant par jour ;
- Condamner la société D.R.C.T.E à lui payer à la SCI les Ecours la somme provisionnelle de 1.250 euros par mois au titre de l'indemnité d'occupation ;
- Condamner la société D.R.C.T.E à lui payer une provision d'un montant de 18.750 euros à valoir sur les arriérés de loyers de juin 2022 à août 2023, outre intérêts légal à compter du 11 août 2023 sur la somme de 17.500 euros et à compter du 18 avril 2024 pour le surplus ;
- Condamner la société D.R.C.T.E à lui payer une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société D.R.C.T.E aux dépens de l'instance ;
Y ajoutant,
- Condamner la société D.R.C.T.E à lui payer une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société D.R.C.T.E aux entiers dépens de l'instance et de ses suites en application de l'article 696 du code de procédure civile et notamment le coût des frais d'huissier de justice qu'elle a exposés.
Au soutien de ses prétentions, la SCI les Ecours fait notamment valoir que :
' La société D.R.C.T.E a manqué à son obligation de payer les loyers dus au bailleur en ce qu'elle a stoppé ses virements au titre de son loyer mensuel de 1.250 euros à compter du mois de juin 2022 ;
' Il n'existe aucun accord entre les parties établissant d'une part que cette dernière aurait autorisé son locataire à suspendre le règlement de ses loyers à compter du mois de juin 2022, (ce qu'elle conteste) ni d'autre part que la société D.R.C.T.E puisse unilatéralement procéder à une « compensation automatique » (ce qu'elle conteste également) entre ses dettes de loyers et la créance qu'elle dit détenir à son encontre d'un montant de 14.014,59 euros au 31 décembre 2022 ;
' Subsidiairement, la société D.R.C.T.E ne justifie pas du règlement des loyers dus à elle à hauteur de 17.500 euros TTC dans le délai imparti par le commandement de payer qui a été signifié à la société D.R.C.T.E.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance du 2 juin 2025 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 1er juillet 2025.
Motifs et décision
I - Sur le contexte du litige
A titre liminaire, au vu des courriers échangés entre les conseils des deux parties (pièces 10 intimée, pièce 1 appelante) et des pièces produites, il importe d'apporter des précisions sur le contexte de cette affaire.
La société DRCTE dont l'activité est « Colonies de vacances et classes de neige » a pour associé et gérant M. [J] [N] et loue suivant bail commercial du 30 décembre 2016 à la SCI les Ecours partie de l'immeuble [Adresse 6] à Saint Jean d'Arves 73130.
Le bailleur, la SCI les Ecours a été constituée en 1996 entre quatre associés : M. [Z] [F], M. [J] [N], Mme [A] [N] et M. [U] [M] [N], M. [Z] [F] ayant été nommé gérant de la société.
Selon extrait RC du 18 mars 2024, les associés étaient à cette date :
- M. [Z] [F],
- M. [J] [N],
- Mme [A] [N],
- Mme [R] [N],
- M. [X] [N],
- M. [C] [N],
Ces trois derniers étant les ayant-droits de M. [U] [N]
Suivant assemblée générale du 28 avril 2022, M. [J] [N] a été nommé co-gérant associé et autorisé à vendre pour le compte de la SCI tout ou partie des lots composant l'immeuble [Adresse 6] comprenant 10 studios et 4 garages.
La valorisation des parts sociales a fait l'objet, en accord entre les associés, d'une expertise judiciaire diligentée par M. [K] [H], expert judiciaire, et a donné lieu à des promesses de cession de parts sociales.
M. [B] [N] cogérant de la SCI et gérant de la société D.R.C.T.E s'est occupé de la vente de trois lots appartenant à la SCI en vue de désintéresser les ayant-droits de M. [U] [N] qui ont demandé à sortir de cette dernière.
Il résulte des relevés bancaires de la SCI que le notaire en charge des ventes a procédé aux virements suivants en faveur de cette dernière :
- 5.000 euros le 7 août 2023 à titre d'acompte sur le prix de vente
- 16.000 euros le 5 septembre 2023 à titre d'acompte sur le prix de vente
- 1.500 euros le 14 septembre 2023 à titre d'acompte sur le prix de vente
- 26.000 euros le 20 décembre 2023 toujours à titre d'acompte,0
Puis les 10, 15 et 16 janvier 2024,
- 81.324,60 euros au titre du solde d'une vente [O] et [V],
- 113.693,85 euros au titre du solde d'une vente [D] [W]
- 18.926,59 euros au titre du solde d'une vente [S]
- 68,10 euros au titre des intérêts sur une vente [E]
- 303,22 euros au titre des intérêts sur la vente [D] [W]
- 30,50 euros au titre des intérêts sur la vente [O] [V]
- 1.171,05 euros au titre du solde du prix de la vente [T].
II - Sur la compensation invoquée par la société DRCTE
Pour s'opposer à la demande en paiement et résiliation de bail, la société DRCTE fait valoir qu'elle a, en qualité de preneur, avancé un certain nombre de charges pour le compte de son bailleur auxquelles ce dernier n'était pas en mesure de faire face à une certaine période.
Aux termes de l'article 1347 du code civil, la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes. Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.
L'article 1347-1 du même code pose le principe que la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.
Seules des créances liquides, c'est-à-dire déterminées dans leur montant et non contestées, peuvent se compenser. Il va de soi qu'une créance dont le montant reste à fixer ne peut s'éteindre par compensation. Tel est le cas lorsqu'il faut d'abord apurer un compte, procéder à une expertise, liquider une indivision successorale ou post-communautaire, évaluer un préjudice ou une autre dette de valeur.
Quant à l'existence d'une contestation, elle met en cause le caractère certain de la créance. Une créance non certaine ne peut pas davantage se compenser qu'une créance non déterminée.
En l'espèce, force est de constater à la lecture des conclusions et pièces communiquées par la société DRCTE que cette dernière n'explicite en rien les dépenses qu'elle aurait effectuées pour le compte de son bailleur durant l'exercice 2022 ou antérieurement, qu'elle ne fournit aucun justificatif des paiements allégués desdites dépenses et encore moins d'un accord du bailleur pour effectuer une compensation avec les loyers.
Rien n'indique donc que la société DRCTE se serait acquittée de sommes dues par la SCI en lien avec la relation contractuelle liant les parties.
En revanche, les relevés bancaires de la SCI du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023, produits par cette dernière, montrent qu'à compter juin 2022, la société DRCTE, qui réglait son loyer par virements mensuels d'un montant de 1.250 euros, a cessé tout règlement, de sorte qu'au jour du commandement de payer du 11 août 2023, quatorze mensualités étaient dues représentant une somme de 17.500 euros TTC.
En outre, non seulement l'appelante ne justifie pas de sa créance alléguée, mais il résulte de la lecture des relevés bancaires de la SCI les Ecours, que les virements suivants ont été effectués par M. [B] [N] au profit de la société DRCTE :
- 15.500 euros le 6 septembre 2023,
- 4.500 euros le 20 décembre 2023.
En outre le 20 décembre 2023, un virement de 13 000 euros a été effectué par M. [B] [N] par débit du compte de la SCI les Ecours au profit de la SCI la Bonne Equipe.
Or, il résulte de la pièce 3 de l'intimée que :
- Cette SCI dont le siège est à Saint Jean d'Arves, a pour activité l'acquisition la construction l'administration de tous immeubles dont elle est propriétaire.
- Mme [A] [N] et M. [B] [N] en sont les associés et ce dernier en est également le gérant.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il sera retenu qu'aucune compensation n'a pu intervenir entre la créance de loyers de la SCI les Ecours et la créance invoquée par la société DRCTE et non justifiée.
L'ordonnance déférée sera ainsi confirmée en toutes ses dispositions.
III - Sur les demandes accessoires
La société DRCTE qui échoue en son appel est tenue aux dépens exposés devant la cour.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SCI les Ecours.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société D.R.C.T.E. aux dépens exposés en appel.
Condamne la société D.R.C.T.E. à payer à la SCI les Ecours la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 16 septembre 2025
à
Me Jordan GOURMAND
la SELARL PADZUNASS SALVISBERG & ASSOCIÉS
Copie exécutoire délivrée le 16 septembre 2025
à
Me Jordan GOURMAND
la SELARL PADZUNASS SALVISBERG & ASSOCIÉS
N° Minute
[Immatriculation 2]/519
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 16 Septembre 2025
N° RG 24/01302 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HSF5
Décision attaquée : Ordonnance du Président du TJ d'[Localité 3] en date du 26 Juillet 2024
Appelante
S.A.R.L. D.R.C.T.E., dont le siège social est situé [Adresse 4]
Représentée par Me Jordan GOURMAND, avocat au barreau de CHAMBERY
Intimée
S.C.I. LES ECOURS, dont le siège social est situé [Adresse 7]
Représentée par la SELARL PADZUNASS SALVISBERG & ASSOCIÉS, avocats postulants au barreau d'ALBERTVILLE
Représentée par la SELAS ORATIO AVOCATS, avocats plaiants au barreau de LYON
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Date de l'ordonnance de clôture : 02 Juin 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 juillet 2025
Date de mise à disposition : 16 septembre 2025
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Composition de la cour :
- Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
- Mme Inès REAL DEL SARTE, Magistrat Honoraire,
avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
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Faits et procédure
Par acte sous-seing privé du 30 décembre 2016, la SCI les Ecours a donné à bail commercial à la société D.R.C.T.E. dix studios et quatre garages situés dans une partie de l'immeuble cadastré section A n°[Cadastre 1], lieu-dit [Adresse 5] à Saint-Jean-d'Arves (73530), pour une durée de 9 ans s'achevant au 31 décembre 2026, aux fins d'exploitation en résidence hôtelière, en contrepartie d'un loyer annuel de 15.000 euros, toutes charges comprises, payable mensuellement.
Par acte d'huissier du 11 août 2023, la SCI les Ecours a fait délivrer à la société D.R.C.T.E. un commandement de payer les loyers dus entre le mois de juin 2022 et le mois de juillet 2023 pour un total de 17.697,67 euros, visant la clause résolutoire insérée au bail.
Par acte d'huissier du 18 avril 2024, la SCI Les Ecours a fait assigner la société D.R.C.T.E. devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Albertville aux fins de constat de la résiliation du bail commercial, expulsion et versement d'une provision.
Par ordonnance réputée contradictoire du 26 juillet 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Albertville a :
- Constaté que la résolution du bail commercial conclu entre la SCI Les Ecours et la société D.R.C.T.E. le 30 décembre 2016 est acquise au 11 septembre 2023 à minuit ;
- Déclaré la société D.R.C.T.E. sans droit ni titre et l'a condamnée à restituer les lots, objet du contrat de bail conclu avec le 30 décembre 2016, dans un délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance de référé ;
- Ordonné, faute de libération volontaire des lots précités de ses biens et de sa personne ainsi que de tous occupants de son chef dans le délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance de référé, l'expulsion de la société D.R.C.T.E., des occupants de son chef et de ses biens avec le concours de la force publique, si besoin est ;
- Débouté la SCI les Ecours de sa demande d'astreinte et de sa demande relative aux meubles ;
- Fixé l'indemnité d'occupation due par la société D.R.C.T.E. à la SCI les Ecours à la somme de 1.250 euros par mois, proratisée le cas échéant par jour ;
- Condamné la société D.R.C.T.E. à payer à la SCI les Ecours la somme provisionnelle de 1250 euros par mois, au titre de l'indemnité d'occupation ;
- Condamné la Société D.R.C.T.E. à payer à la SCI les Ecours une provision d'un montant de 18.750 euros, à valoir sur les arriérés de loyers de juin 2022 à août 2023, outre intérêts au taux légal à compter du 11 août 2023 sur la somme de 17.500 euros et à compter du 18 avril 2024 pour le surplus ;
- Condamné la société D.R.C.T.E. à payer à la SCI les Ecours la somme de 2.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société D.R.C.T.E. aux dépens de la présente instance.
Au visa principalement des motifs suivants :
' Le commandement de payer délivré le 11 août 2023 vise expressément la clause résolutoire insérée au contrat de bail et l'article L. 145-41 du code de commerce ; en l'absence de paiement de sommes dues au titre des loyers impayés des mois de juin 2022 à juillet 2023 visés par le commandement de payer, le bail commercial a été résilié de plein droit le 11 septembre 2023 à minuit ;
' Il résulte des pièces produites que le montant des loyers exigibles entre juin 2022 et août 2023 s'élève à la somme de 18 750 euros.
Par déclaration au greffe de la cour d'appel du 18 septembre 2024, la société D.R.C.T.E. a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions hormis en ce qu'elle a :
- Condamné la société D.R.C.T.E. à payer à la SCI les Ecours la somme provisionnelle de 1.250 euros par mois, au titre de l'indemnité d'occupation.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 2 décembre 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société D.R.C.T.E. sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour de :
Statuant de nouveau,
- Débouter la société SCI les Ecours de l'intégralité de ses demandes ;
- Condamner la société SCI les Ecours à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société SCI les Ecours aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société D.R.C.T.E. fait notamment valoir que :
' Le commandement de payer signifié le 11 août 2023, soit seulement 8 mois après l'arrêté des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2022, est infondé dans la mesure où à cette date, elle était toujours créancière de la SCI les Ecours ;
' Le décompte produit en première instance était parfaitement erroné et sans aucune valeur juridique.
Par dernières écritures du 31 janvier 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SCI les Ecours demande à la cour de :
Rejetant toutes fins et conclusions contraires,
- Débouter la société D.R.C.T.E de l'intégralité de ses demandes ;
- Confirmer l'ordonnance déférée rendue le 26 juillet 2024 par le tribunal judiciaire d'Albertville ;
Par conséquent,
- Constater que la résolution du bail commercial conclu avec la société D.R.C.T.E conclu le 30 décembre 2016 est acquise au 11 septembre 2023 à minuit ;
- Déclarer la société D.R.C.T.E sans droit, ni titre et la condamner à restituer les lots objets du contrat de bail conclu le 30 décembre 2016, dans un délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance de référé ;
- Ordonner, faute de libération volontaire des lots précités de ses biens et de sa personne ainsi que de tout occupant de son chef dans le délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance de référé, l'expulsion de la société D.R.C.T.E, des occupants de son chef et de ses biens avec le concours de la force publique, si besoin est ;
- Débouter la SCI les Ecours de sa demande d'astreinte et de sa demande relative aux meubles ;
- Fixer l'indemnité d'occupation due par la société D.R.C.T.E à la somme de 1.250 euros par mois proratisé le cas échéant par jour ;
- Condamner la société D.R.C.T.E à lui payer à la SCI les Ecours la somme provisionnelle de 1.250 euros par mois au titre de l'indemnité d'occupation ;
- Condamner la société D.R.C.T.E à lui payer une provision d'un montant de 18.750 euros à valoir sur les arriérés de loyers de juin 2022 à août 2023, outre intérêts légal à compter du 11 août 2023 sur la somme de 17.500 euros et à compter du 18 avril 2024 pour le surplus ;
- Condamner la société D.R.C.T.E à lui payer une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société D.R.C.T.E aux dépens de l'instance ;
Y ajoutant,
- Condamner la société D.R.C.T.E à lui payer une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société D.R.C.T.E aux entiers dépens de l'instance et de ses suites en application de l'article 696 du code de procédure civile et notamment le coût des frais d'huissier de justice qu'elle a exposés.
Au soutien de ses prétentions, la SCI les Ecours fait notamment valoir que :
' La société D.R.C.T.E a manqué à son obligation de payer les loyers dus au bailleur en ce qu'elle a stoppé ses virements au titre de son loyer mensuel de 1.250 euros à compter du mois de juin 2022 ;
' Il n'existe aucun accord entre les parties établissant d'une part que cette dernière aurait autorisé son locataire à suspendre le règlement de ses loyers à compter du mois de juin 2022, (ce qu'elle conteste) ni d'autre part que la société D.R.C.T.E puisse unilatéralement procéder à une « compensation automatique » (ce qu'elle conteste également) entre ses dettes de loyers et la créance qu'elle dit détenir à son encontre d'un montant de 14.014,59 euros au 31 décembre 2022 ;
' Subsidiairement, la société D.R.C.T.E ne justifie pas du règlement des loyers dus à elle à hauteur de 17.500 euros TTC dans le délai imparti par le commandement de payer qui a été signifié à la société D.R.C.T.E.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance du 2 juin 2025 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 1er juillet 2025.
Motifs et décision
I - Sur le contexte du litige
A titre liminaire, au vu des courriers échangés entre les conseils des deux parties (pièces 10 intimée, pièce 1 appelante) et des pièces produites, il importe d'apporter des précisions sur le contexte de cette affaire.
La société DRCTE dont l'activité est « Colonies de vacances et classes de neige » a pour associé et gérant M. [J] [N] et loue suivant bail commercial du 30 décembre 2016 à la SCI les Ecours partie de l'immeuble [Adresse 6] à Saint Jean d'Arves 73130.
Le bailleur, la SCI les Ecours a été constituée en 1996 entre quatre associés : M. [Z] [F], M. [J] [N], Mme [A] [N] et M. [U] [M] [N], M. [Z] [F] ayant été nommé gérant de la société.
Selon extrait RC du 18 mars 2024, les associés étaient à cette date :
- M. [Z] [F],
- M. [J] [N],
- Mme [A] [N],
- Mme [R] [N],
- M. [X] [N],
- M. [C] [N],
Ces trois derniers étant les ayant-droits de M. [U] [N]
Suivant assemblée générale du 28 avril 2022, M. [J] [N] a été nommé co-gérant associé et autorisé à vendre pour le compte de la SCI tout ou partie des lots composant l'immeuble [Adresse 6] comprenant 10 studios et 4 garages.
La valorisation des parts sociales a fait l'objet, en accord entre les associés, d'une expertise judiciaire diligentée par M. [K] [H], expert judiciaire, et a donné lieu à des promesses de cession de parts sociales.
M. [B] [N] cogérant de la SCI et gérant de la société D.R.C.T.E s'est occupé de la vente de trois lots appartenant à la SCI en vue de désintéresser les ayant-droits de M. [U] [N] qui ont demandé à sortir de cette dernière.
Il résulte des relevés bancaires de la SCI que le notaire en charge des ventes a procédé aux virements suivants en faveur de cette dernière :
- 5.000 euros le 7 août 2023 à titre d'acompte sur le prix de vente
- 16.000 euros le 5 septembre 2023 à titre d'acompte sur le prix de vente
- 1.500 euros le 14 septembre 2023 à titre d'acompte sur le prix de vente
- 26.000 euros le 20 décembre 2023 toujours à titre d'acompte,0
Puis les 10, 15 et 16 janvier 2024,
- 81.324,60 euros au titre du solde d'une vente [O] et [V],
- 113.693,85 euros au titre du solde d'une vente [D] [W]
- 18.926,59 euros au titre du solde d'une vente [S]
- 68,10 euros au titre des intérêts sur une vente [E]
- 303,22 euros au titre des intérêts sur la vente [D] [W]
- 30,50 euros au titre des intérêts sur la vente [O] [V]
- 1.171,05 euros au titre du solde du prix de la vente [T].
II - Sur la compensation invoquée par la société DRCTE
Pour s'opposer à la demande en paiement et résiliation de bail, la société DRCTE fait valoir qu'elle a, en qualité de preneur, avancé un certain nombre de charges pour le compte de son bailleur auxquelles ce dernier n'était pas en mesure de faire face à une certaine période.
Aux termes de l'article 1347 du code civil, la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes. Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.
L'article 1347-1 du même code pose le principe que la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.
Seules des créances liquides, c'est-à-dire déterminées dans leur montant et non contestées, peuvent se compenser. Il va de soi qu'une créance dont le montant reste à fixer ne peut s'éteindre par compensation. Tel est le cas lorsqu'il faut d'abord apurer un compte, procéder à une expertise, liquider une indivision successorale ou post-communautaire, évaluer un préjudice ou une autre dette de valeur.
Quant à l'existence d'une contestation, elle met en cause le caractère certain de la créance. Une créance non certaine ne peut pas davantage se compenser qu'une créance non déterminée.
En l'espèce, force est de constater à la lecture des conclusions et pièces communiquées par la société DRCTE que cette dernière n'explicite en rien les dépenses qu'elle aurait effectuées pour le compte de son bailleur durant l'exercice 2022 ou antérieurement, qu'elle ne fournit aucun justificatif des paiements allégués desdites dépenses et encore moins d'un accord du bailleur pour effectuer une compensation avec les loyers.
Rien n'indique donc que la société DRCTE se serait acquittée de sommes dues par la SCI en lien avec la relation contractuelle liant les parties.
En revanche, les relevés bancaires de la SCI du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023, produits par cette dernière, montrent qu'à compter juin 2022, la société DRCTE, qui réglait son loyer par virements mensuels d'un montant de 1.250 euros, a cessé tout règlement, de sorte qu'au jour du commandement de payer du 11 août 2023, quatorze mensualités étaient dues représentant une somme de 17.500 euros TTC.
En outre, non seulement l'appelante ne justifie pas de sa créance alléguée, mais il résulte de la lecture des relevés bancaires de la SCI les Ecours, que les virements suivants ont été effectués par M. [B] [N] au profit de la société DRCTE :
- 15.500 euros le 6 septembre 2023,
- 4.500 euros le 20 décembre 2023.
En outre le 20 décembre 2023, un virement de 13 000 euros a été effectué par M. [B] [N] par débit du compte de la SCI les Ecours au profit de la SCI la Bonne Equipe.
Or, il résulte de la pièce 3 de l'intimée que :
- Cette SCI dont le siège est à Saint Jean d'Arves, a pour activité l'acquisition la construction l'administration de tous immeubles dont elle est propriétaire.
- Mme [A] [N] et M. [B] [N] en sont les associés et ce dernier en est également le gérant.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il sera retenu qu'aucune compensation n'a pu intervenir entre la créance de loyers de la SCI les Ecours et la créance invoquée par la société DRCTE et non justifiée.
L'ordonnance déférée sera ainsi confirmée en toutes ses dispositions.
III - Sur les demandes accessoires
La société DRCTE qui échoue en son appel est tenue aux dépens exposés devant la cour.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SCI les Ecours.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société D.R.C.T.E. aux dépens exposés en appel.
Condamne la société D.R.C.T.E. à payer à la SCI les Ecours la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 16 septembre 2025
à
Me Jordan GOURMAND
la SELARL PADZUNASS SALVISBERG & ASSOCIÉS
Copie exécutoire délivrée le 16 septembre 2025
à
Me Jordan GOURMAND
la SELARL PADZUNASS SALVISBERG & ASSOCIÉS