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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 16 septembre 2025, n° 22/05133

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

S21Y (SELARL), BNP Paribas Personal Finance (SA)

Défendeur :

S21Y (SELARL), BNP Paribas Personal Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fallenot

Conseillers :

Mme Beauvais, Mme Des Robert

Avocats :

Me Guyot, Me Rouland, Me Robit, Me Delahousse, Me Deffrennes

TJ Amiens, du 13 juin 2022

13 juin 2022

DECISION :

Selon contrat signé le 21 janvier 2019, M. [Z] [B] a commandé à la société France pac environnement l'acquisition et l'installation de panneaux photovoltaïques, de domotique et d'une batterie enphase pour un prix de 24 900 euros. Cette vente a été financée au moyen d'un crédit affecté d'un même montant, consenti le 31 janvier 2019 par la société BNP Paribas Personal Finance, au taux d'intérêt contractuel de 4,84% l'an.

Par jugement du 15 septembre 2021, la société France pac environnement a été placée en liquidation judiciaire. M. [B] a déclaré sa créance le 20 octobre 2021.

Par actes du 2 novembre 2021, M. [B] a attrait Mme [L], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société France pac environnement, et la société BNP Paribas Personal Finance devant le tribunal judiciaire d'Amiens, aux fins d'obtenir l'annulation des contrats de vente et de crédit, et d'être exonéré du remboursement des sommes dues au prêteur.

Par jugement rendu le 13 juin 2022, le tribunal judiciaire d'Amiens a :

- annulé le contrat de vente et de prestation de services passé le 21 janvier 2019 entre la société France pac environnement et M. [B] ;

- autorisé M. [B] à démonter et déposer en déchetterie le matériel installé à son domicile, passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement et sauf récupération dans ce même délai dudit matériel par le liquidateur de la société France pac environnement ;

- déclaré inopposable à M. [B] le contrat de crédit affecté du 31 janvier 2019 ;

- rejeté toutes les demandes de la société BNP Paribas Personal Finance à l'encontre de M. [B] en exécution du contrat de prêt ;

- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [B] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens ;

- débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Par jugement rendu le 6 octobre 2022, le tribunal judiciaire d'Amiens a rejeté la requête en omission de statuer présentée par M. [B] sur la condamnation de la société BNP Paribas Personal Finance à lui restituer l'intégralité des sommes prélevées sur son compte bancaire.

Par déclaration du 28 novembre 2022, M. [B] a relevé appel de ces deux décisions,

- la première en ce qu'elle a : -rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société BNP Paribas Personal Finance à lui restituer l'intégralité des sommes prélevées sur son compte bancaire au titre des prélèvements et du remboursement anticipé liés au crédit litigieux ; - condamné la société BNP Paribas Personal Finance à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; « débouté M. [B] de sa demande tendant à la condamnation » ;

- la seconde en ce qu'elle a rejeté sa requête.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées le 30 octobre 2023, M. [B] demande à la cour de :

Débouter la société BNP Paribas Personal Finance de ses demandes ;

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il :

- a annulé le contrat de vente et de prestations de services passé le 21 janvier 2019 ;

- l'a autorisé à démonter et déposer en déchetterie le matériel installé à son domicile, passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement et sauf récupération dans ce même délai dudit matériel par le liquidateur judiciaire de la société France pac environnement ;

- lui a déclaré inopposable le contrat de crédit affecté du 31 janvier 2019

- a rejeté toutes les demandes de la société BNP Paribas Personal Finance à son encontre en exécution du contrat de prêt ;

- a condamné la société BNP Paribas Personal Finance à lui payer la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Infirmer pour le surplus le jugement attaqué en ce qu'il :

- l'a débouté de sa demande tendant à la condamnation de la société BNP Paribas Personal Finance à lui restituer l'intégralité des sommes prélevées sur son compte bancaire ;

Et le réformant :

Condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui rembourser la somme de 10848,34 euros (= 293,46 euros + 232,86 euros × 3 + 195,21 euros × 30 +4000 euros) au titre des prélèvements et du remboursement anticipé liés au crédit litigieux en date du 31 janvier 2019 ;

Condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui payer la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.

Par conclusions notifiées le 3 novembre 2023, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :

Réformer le jugement intervenu en ce qu'il a annulé le contrat de vente et de prestation de services passé le 21 janvier 2019, en ce qu'il a déclaré inopposable à M. [B] le contrat de crédit affecté du 31 janvier 2019, en ce qu'il a rejeté toutes ses demandes à l'encontre de M. [B] en exécution du contrat de prêt, en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [B] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, et en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes plus amples ou contraires.

Et statuant à nouveau '

A titre principal,

Débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes formulées à son encontre.

Ordonner à M. [B] de reprendre le règlement des échéances du prêt conformément aux stipulations du contrat de crédit affecté qui lui a été consenti et ce, jusqu'au plus parfait paiement.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel devait confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé le contrat de vente et de prestation de services passé le 21 janvier 2019,

Condamner M. [B] à lui rembourser le montant du capital prêté au titre du contrat de crédit affecté litigieux, déduction faite des paiements d'ores et déjà effectués.

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour d'appel devait considérer qu'elle a commis une faute dans le déblocage de fonds,

Condamner M. [B] à lui rembourser le montant du capital prêté au titre du contrat de crédit affecté litigieux, déduction faite des paiements d'ores et déjà effectués par l'emprunteur.

A défaut, réduire à de bien plus justes proportions le préjudice subi par M. [B] et le condamner à tout le moins à lui restituer une fraction du capital prêté, fraction qui ne saurait être inférieure aux deux tiers.

En tout état de cause,

Condamner M. [B] à lui payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner M. [B] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d'appel dont distraction au profit de la SELARL [J] et associés.

S'étant vu dénoncer la déclaration d'appel à domicile le 4 janvier 2023, Mme [L], ès qualités, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 2024.

MOTIFS

A titre préliminaire, il est constaté que M. [B] ne demande ni l'annulation ni l'infirmation du jugement rendu le 6 octobre 2022 par le tribunal judiciaire d'Amiens, ayant rejeté sa requête en omission de statuer. Ses moyens au soutien de sa demande d'infirmation du jugement rendu précédemment, le 13 juin 2022, par cette même juridiction, démontrent d'ailleurs qu'il reconnaît qu'il avait bien été statué sur sa prétention aux fins de voir condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui restituer l'intégralité des sommes prélevées sur son compte bancaire. Le jugement rendu le 6 octobre 2022 ne peut donc qu'être confirmé.

1. Sur la demande d'annulation du contrat de vente

M. [B] plaide que le contrat de vente est nul, en ce que le bon de commande :

- indique des panneaux de marque Francilienne ou Solutex, ce qui signifie que la marque est indéterminée et laissée à la libre appréciation du vendeur ;

- mentionne une date de livraison avant le 21 juillet 2019, mais ne précise aucun délai concernant les démarches administratives ;

- ne comporte pas le numéro de TVA de la venderesse et les coordonnées de l'assureur responsabilité professionnelle (ou civile) du vendeur.

Il ajoute qu'il n'a jamais eu connaissance des vices de forme affectant le contrat de vente. Dès lors, le simple fait d'avoir laissé la vente s'exécuter ne suffit pas à justifier qu'il a eu l'intention de purger les vices de forme du contrat.

La société BNP Paribas Personal Finance répond que le contrat de vente conclu le 21 janvier 2019 a été exécuté. L'installation est en parfait état de fonctionnement. Elle produit d'ailleurs l'attestation de conformité revêtue du visa du consuel le 25 février 2019. Le contrat litigieux comporte en outre toutes les indications pouvant éclairer un consommateur. Les biens offerts et services proposés par la société France pac environnement sont expressément précisés. Aucune disposition du code de la consommation n'impose de mentionner, à peine de nullité, la marque des biens objets du bon de commande. En l'espèce, la marque des panneaux photovoltaïques est expressément indiquée, tout comme les délais de livraison et d'exécution.

La société BNP Paribas Personal Finance rappelle par ailleurs que la méconnaissance des dispositions légales n'est sanctionnée que par une nullité relative, susceptible de confirmation en cas d'exécution volontaire du contrat. Elle observe que le bon de commande régularisé par M. [B] comporte en caractères parfaitement lisibles les dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, de sorte que si un vice l'affectait au sens des dispositions précitées, M. [B] pouvait en avoir pleinement conscience. Elle considère que plusieurs éléments traduisent l'exécution volontaire du contrat, à savoir l'absence de rétractation dans le délai légal, le règlement des échéances du prêt, l'acceptation de la livraison et de l'installation des matériels commandés ainsi que le caractère tardif de la contestation.

Sur ce,

Au regard de la date de conclusion du contrat, les textes applicables sont ceux issus de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.

Dans le cadre d'un contrat conclu hors établissement, et en application des articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 et celles relatives aux conditions, délai et modalités d'exercice du droit de rétractation, ainsi qu'un exemplaire daté du contrat, sur papier signé par les parties comprenant toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 accompagné du formulaire type de rétractation.

L'article L. 111-1 précise notamment que le professionnel communique au consommateur les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service ; le prix du bien ou du service ; en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; s'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales.

L'article R.111-2 du code de la consommation dispose en outre que, pour l'application des dispositions de l'article L. 111-2, outre les informations prévues à l'article R. 111-1, le professionnel communique au consommateur ou met à sa disposition les informations suivantes :

5° S'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et identifié par un numéro individuel en application de l'article 286 ter du code général des impôts, son numéro individuel d'identification ;

9° L'éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, les coordonnées de l'assureur ou du garant ainsi que la couverture géographique du contrat ou de l'engagement.

Les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat en application de l'article L. 242-1 du même code.

Il est rappelé que selon l'article L. 111-5 du code de la consommation, en cas de litige relatif à l'application des articles L. 111-1, L. 111-2 et L. 111-4, il appartient au professionnel de prouver qu'il a exécuté ses obligations, cette disposition étant d'ordre public conformément à l'article L. 111-8.

En l'espèce, le bon de commande daté du 21 janvier 2019 produit aux débats porte notamment sur l'installation de 10 panneaux photovoltaïques monocristallins 300 WC certifiés CE et NF, de marque Francilienne ou Solutex, avec frais de raccordement ERDF/EDENIS et démarches administratives (mairie, contrat d'obligation d'achat EDF/EDENIS pendant 20 ans, attestation de conformité photovoltaïque du consuel), à la charge de la société France pac environnement, avec une livraison prévue avant le 21 juillet 2019.

Il s'impose de constater que cette dernière indication est insuffisante pour répondre aux exigences de l'article L. 111-1, 3°, du code de la consommation, dès lors qu'il n'était pas distingué entre le délai des opérations matérielles de livraison des biens, celui de leur installation et celui d'exécution des autres prestations auxquelles le vendeur s'était s'engagé. En effet, un tel délai global ne permet pas à l'acquéreur de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aura exécuté ses différentes obligations. Il s'ensuit que le contrat principal encourt la nullité pour irrespect des dispositions précitées du code de la consommation, en application de l'article L. 221-9 du même code. (voir notamment : Civ. 1ère, 20 décembre 2023, n° 22-13.014).

S'agissant d'une nullité relative, sa confirmation est possible dans les conditions prévues par l'article 1182 du code civil, aux termes duquel la confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat. L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.

Cependant, aucune des mentions du bon de commande versé aux débats n'était susceptible de révéler à l'acquéreur les vices l'affectant. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune autre pièce produite aux débats que M. [B] a eu conscience de ceux-ci au moment de la souscription du contrat ou de son exécution. Il sera rappelé à cet égard que la reproduction des dispositions du code de la consommation, même lisible, dans le bon de commande, ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat (voir notamment : Civ. 1ère, 24 janvier 2024, n° 22-16.115). Il s'ensuit que la confirmation de l'acte entaché de nullité n'est pas caractérisée.

Le contrat doit être annulé.

2. Sur les demandes relatives au contrat de crédit

M. [B] réfute être le signataire de l'offre de prêt, et produit différentes pièces de comparaison pour le démontrer. Il en conclut que le contrat lui est inopposable et que le prêteur doit lui rembourser l'intégralité des sommes qu'il lui a versées.

Il ajoute que le prêteur a commis des fautes qui doivent l'exonérer de son obligation de remboursement du capital prêté, en consentant un financement au vu d'un contrat principal nul à raison des irrégularités qui l'affectent, au surplus sans s'assurer de la solvabilité de l'emprunteur.

Ces fautes du prêteur lui causent un préjudice puisqu'il se retrouverait davantage endetté s'il devait rembourser le crédit, qu'il n'est plus propriétaire des matériels installés et devra les démonter à ses frais. Il rappelle que le vendeur est en liquidation judiciaire et ne le remboursera jamais.

La société BNP Paribas Personal Finance répond M. [B] ne rapporte pas la preuve de l'imitation de sa signature. Le bon de commande signé indique expressément que la prestation commandée auprès de la société France pac environnement sera financée par un contrat de crédit. En page 7 de son acte introductif d'instance, M. [B] écrivait en outre que « le vendeur a convaincu M. [B] de contracter un crédit à la consommation auprès de la société BNP Paribas Personal Finance au TAEG de 4,95% remboursable sur 144 mois ». Il a donc nécessairement reconnu avoir signé le contrat de crédit. C'est également ce qu'il a déclaré lors de son dépôt de plainte.

En tout état de cause, à supposer que M. [B] parvienne à rapporter la preuve qu'il n'a effectivement pas apposé sa signature sur l'offre préalable de crédit affecté litigieuse, il a, par ses agissements, incontestablement démontré son intention de souscrire un contrat de crédit. En effet :

- il a remis à la société BNP Paribas Personal Finance les documents nécessaires à l'étude de sa demande de crédit, et notamment sa fiche de paie ;

- il a ensuite accepté la livraison et l'installation par la société France pac environnement des panneaux photovoltaïques et des autres biens commandés ;

- il s'est régulièrement acquitté des premières échéances mensuelles de remboursement du crédit et a opéré de son propre chef un remboursement anticipé partiel en lui adressant le 6 janvier 2020 un chèque de 4 000 euros.

Le prêteur en conclut que le contrat est valable et demande à la cour d'ordonner à M. [B] de reprendre le règlement des échéances mensuelles de remboursement du crédit qui lui a été consenti conformément aux stipulations du contrat, et ce, jusqu'au plus parfait paiement.

Il rappelle que sauf faute du prêteur dans la remise des fonds au vendeur, l'emprunteur doit lui rembourser le capital prêté sous déduction des sommes déjà versées. Il nie avoir commis la moindre faute. A cet égard, il souligne qu'il a versé les fonds au vu de l'autorisation expresse donnée par M. [B], qui a attesté que les matériels, objets du financement, lui avaient bien été livrés ainsi que sur la base de l'attestation de conformité de l'installation ayant reçu le visa du consuel le 25 février 2019. Il soutient que le prêteur n'a pas à mener des investigations plus poussées quant à la réalisation des travaux ou à la livraison du bien et que l'appelant ne saurait mettre à sa charge une prétendue obligation de s'assurer de la régularité du contrat principal de vente.

La société BNP Paribas Personal Finance souligne également qu'elle verse aux débats l'ensemble des éléments contractuels du prêt litigieux, en ce compris la fiche de renseignements, la fiche explicative, la fiche conseil en assurance, ainsi que l'offre préalable de crédit affecté litigieuse, laquelle contient toutes les informations relatives au crédit affecté litigieux. Elle ne s'est pas contentée des déclarations du futur emprunteur, puisqu'elle a également pris soin de recueillir des justificatifs de ressources et notamment le dernier bulletin de paie de M. [B], afin de s'assurer de la solvabilité du futur emprunteur et de sa capacité à rembourser le crédit affecté sollicité. Ces éléments démontrent que M. [B] n'était nullement exposé, par la souscription de ce crédit, à un risque d'endettement excessif. Si l'emprunteur a omis certains renseignements, il ne saurait en être faire reproche à l'établissement financier prêteur.

Elle ajoute qu'il est constant qu'un éventuel manquement du prêteur à ses obligations ne saurait faire obstacle à l'obligation pour les emprunteurs de restituer au prêteur le capital emprunté. La Cour de cassation définit le préjudice subi par l'emprunteur du fait du manquement par le banquier à son devoir d'information ou de mise en garde en « la perte de chance de ne pas contracter ». La perte de chance ne peut jamais donner lieu à la réparation intégrale du préjudice. Or M. [B] ne rapporte pas la preuve d'un quelconque dysfonctionnement qui affecterait les matériels installés à son domicile. Il se plaint uniquement, sans le démontrer, d'une insuffisance de performance de son installation photovoltaïque. De surcroît, il ne justifie d'aucun préjudice que lui aurait causé le comportement prétendument fautif de l'établissement financier prêteur.

Sur ce,

Aux termes des articles 287 et 288 du code de procédure civile, si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte.

Il appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d'écriture.

Dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l'une des parties, qu'ils aient été émis ou non à l'occasion de l'acte litigieux.

En l'espèce, s'il existe effectivement une différence entre les échantillons de signature produits par M. [B] aux débats, et celle portée sur l'offre préalable de crédit, il doit être constaté que :

- le bon de commande mentionne un paiement par le biais d'un prêt de 24 900 euros remboursable en 141 mensualités ;

- l'accord du prêteur au financement sollicité a été donné sur production de la fiche de paie de M. [B] du mois de décembre 2018 ;

- M. [B] a remboursé les échéances dudit contrat à compter du 6 septembre 2019 et procédé à un remboursement anticipé de capital à hauteur de 4000 euros le 30 janvier 2020 ;

- il a indiqué, dans son dépôt de plainte du 23 mars 2022, qu'il avait signé « un contrat de crédit de 24 900 euros ».

Ce comportement démontre qu'il est bien de signataire du contrat litigieux. La décision entreprise est donc infirmée en ce qu'elle le lui a déclaré inopposable.

Il demeure qu'en application de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Il s'ensuit qu'en raison de la nullité du contrat principal de vente et de l'interdépendance des deux contrats, le contrat de prêt conclu avec la société BNP Paribas Personal Finance doit également être annulé.

Le jugement querellé est donc confirmé en ce qu'il a débouté le prêteur de sa demande tendant à voir ordonner à M. [B] de reprendre le règlement des échéances du prêt conformément aux stipulations du contrat de crédit affecté qui lui a été consenti et ce, jusqu'au plus parfait paiement.

Selon l'article 1178 du code civil, le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé et les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

L'annulation ou la résolution du contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat de vente ou prestation de service qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté.

Cependant, le prêteur qui a délivré les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal (Civ. 1re, 9 mai 2019, n°18-14.988 ; Civ. 1re, 3 mai 2018, n°17-13.308) peut être privé de tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

En l'espèce, le préjudice subi par l'emprunteur consiste à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont il n'est plus propriétaire du fait de l'annulation du contrat de vente, et ce en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal (Civ. 1re, 10 juillet 2024, n° 22-24.754).

Il convient donc de priver le prêteur de sa créance de restitution, et de le condamner à rembourser à M. [B] la somme de 10 848,34 euros, qu'il ne contestait qu'en son principe et non en son montant, au titre des prélèvements et du remboursement anticipé liés au crédit litigieux en date du 31 janvier 2019.

3. Sur l'amende civile

Aux termes de l'article 295 du code de procédure civile, s'il est jugé qu'une pièce a été écrite ou signée par la personne qui l'a déniée, celle-ci est condamnée à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

M. [B] sera en conséquence condamné à une amende civile de 500 euros.

4. Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 et 699 du code de procédure civile, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel et de confirmer la décision entreprise du chef des dépens de première instance. La SELARL [J] et associés est donc déboutée de sa demande de recouvrement direct.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, les parties sont déboutées de leurs demandes respectives au titre de leurs frais irrépétibles, la décision querellée étant confirmée du chef des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, après débats publics, par arrêt par défaut, en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 13 juin 2022 par le tribunal judiciaire d'Amiens, sauf en ce qu'il a déclaré inopposable à M. [B] le contrat de crédit affecté du 31 janvier 2019 et l'a débouté de sa demande de remboursement de la somme de 10 848,34 euros au titre des prélèvements et du remboursement anticipé liés au crédit litigieux en date du 31 janvier 2019 ;

Statuant à nouveau,

Prononce l'annulation du contrat de crédit affecté conclu le 21 janvier 2019 entre M. [Z] [B] et la société Cetelem, devenue BNP Paribas Personal Finance ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à rembourser à M. [Z] [B] la somme de 10 848,34 euros au titre des prélèvements et du remboursement anticipé liés au crédit litigieux en date du 31 janvier 2019 ;

Confirme le jugement rendu le 6 octobre 2022 par le tribunal judiciaire d'Amiens ;

Et y ajoutant,

Condamne M. [Z] [B] à une amende civile de 500 euros ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel ;

Déboute la SELARL [J] et associés de sa demande de recouvrement direct ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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