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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 16 septembre 2025, n° 22/00096

CAEN

Arrêt

Autre

CA Caen n° 22/00096

16 septembre 2025

AFFAIRE : N° RG 22/00096 -

N° Portalis DBVC-V-B7G-G5AC

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 10] du 10 Décembre 2021

RG n° 1120000163

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2025

APPELANT :

Monsieur [B] [N]

né le [Date naissance 4] 1948 à [Localité 7] (92)

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté et assisté de Me Marie LE BRET, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉE :

La Société CABINET IFNOR

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : B 490.279.510

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Emmanuelle DUVAL, avocat au barreau de LISIEUX,

assistée de Me Xavier PAULET, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme BARTHE-NARI, Président de chambre,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

Mme GAUCI SCOTTE, Conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 22 avril 2025

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 16 Septembre 2025 par prorogation du délibéré initialement fixé au 1er Juillet 2025 et signé par Mme BARTHE-NARI, président, et Mme FLEURY, greffier

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [N] est propriétaire d'un appartement au sein de la Résidence [9], située [Adresse 1] à [Localité 8] et soumise au statut de la copropriété.

Lors de l'assemblée générale du 17 octobre 2015, les copropriétaires ont voté une résolution pour le remplacement des gardes-corps et la rénovation de l'ensemble des balcons, consistant en des travaux de reprise d'étanchéité. Cette résolution prévoyait que 'les appels seraient réalisés sur les millièmes généraux du règlement de copropriété concernant les travaux d'étanchéité et de peinture, et sur les mètres linéaires pour les travaux de garde-corps et les surfaces de balcons pour les travaux de revêtement.'

A compter du mois d'avril 2016, la Sarl Cabinet Ifnor a été désignée en qualité de syndic, en remplacement du Cabinet Verger.

Les travaux ont été achevés au cours de l'année 2017.

Le 21 avril 2018, l'assemblée générale a approuvé sans réserve en leur forme, teneur, imputation et répartition, le compte travaux de ravalement et balcons de l'exercice clos le 31 décembre 2017.

Il était aussi décidé qu'en préalable à la régularisation de ce compte travaux une vérification serait effectuée avec le conseil syndical sur la répartition en charges communes générales ou en charges bâtiment.

M. [N] s'est vu réclamer de participer à ces charges suivant une répartition par bâtiments et non en tantièmes généraux.

Estimant que le nouveau syndic lui réclamait, au titre des travaux d'étanchéité accomplis en 2017, des sommes excédant la répartition décidée par les assemblées générales des 17 octobre 2015 et 21 avril 2018, M. [N] lui a adressé divers courriers de réclamation pour s'opposer au paiement de la somme réclamée de 252, 96 euros.

Par acte du 21 février 2020, M. [N] a fait assigner la société Cabinet Ifnor devant le tribunal judiciaire de Lisieux aux fins de voir principalement condamner celui-ci à lui payer la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 10 décembre 2021 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal judiciaire de Lisieux a :

- rejeté la fin de non-recevoir proposée par la société Cabinet Ifnor ;

- débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamné M. [N] à payer à la société Cabinet Ifnor la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [N] aux dépens ;

- constaté que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 14 janvier 2022, M. [N] a formé appel de ce jugement, le critiquant en l'ensemble de ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir de la société Cabinet Ifnor.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 5 octobre 2022, M. [N] demande à la cour, au visa des articles 1240 du code civil et 18 de la loi du 10 juillet 1965, de :

- réformer le jugement entrepris rendu 10 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Lisieux sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir de la société Cabinet Ifnor ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir proposée par la société Cabinet Ifnor ;

Statuant à nouveau,

- déclarer sa demande recevable et bien fondée ;

- déclarer qu'il n'est pas débiteur de la somme de 256,96 euros telle que sollicitée par le Cabinet Ifnor conformément aux résolutions votées par l'assemblée générale des copropriétaires les 17 octobre 2015 et 21 avril 2018 ;

- condamner la société Cabinet Ifnor à lui verser la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices par ses soins subis ;

- débouter la société Cabinet Ifnor de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner la société Cabinet Ifnor à lui verser la somme de 4.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre à supporter les entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 8 décembre 2022, la société Cabinet Ifnor demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1240 du code civil, 14 et 18 de la loi du 10 juillet 1965, de :

- dire et juger qu'elle est recevable et fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions contre M. [N] ;

- dire et juger tant irrecevables que non fondées l'ensemble des demandes, fins et prétentions de M. [N] à son encontre ;

- dire et juger que M. [N] est irrecevable à demander la réparation d'un préjudice collectif ;

- dire et juger que M. [N] ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par elle dans l'exercice de son mandat de syndic professionnel ;

- dire et juger en toute hypothèse, que M. [N] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice individuel, direct et certain causé par le manquement reproché à son encontre ;

- dire et juger infondée l'action en responsabilité engagée par M. [N] à son encontre ;

- en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes formées à son encontre ;

Sur la demande reconventionnelle,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle formée contre M. [N] ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger recevable et fondée la demande reconventionnelle formée par elle à l'encontre de M. [N] ;

- dire et juger que M. [N] a commis un abus de droit en engageant une action en responsabilité quasi délictuelle aux fins de condamnation à son encontre ;

- en conséquence, condamner M. [N] à lui payer la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner M. [N] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [N] à tous les dépens.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 12 mars 2025.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour, qui statue dans les limites de l'appel dont la portée est déterminée au regard des dernières conclusions des parties en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dans sa version en vigueur applicable au cas d'espèce, relève qu'elle n'est saisie d'aucune demande de réformation du jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Cabinet Ifnor en retenant que 'M. [N] apparaissait recevable à engager la responsabilité personnelle de la société Cabinet Ifnor de façon directe, à raison des fautes commises par ce dernier dans l'exercice de sa mission de syndic, sans que la mise en cause du syndicat ne constitue une condition nécessaire de cette action'.

- Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [N] :

* Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt et de qualité de M. [N] :

La société Cabinet Ifnor soutient en cause d'appel que M. [N] n'a pas qualité ni intérêt à lui reprocher une faute supposée commise dans l'exercice de son mandat de syndic à l'égard de l'ensemble des copropriétaires à l'origine d'un préjudice collectif alors qu'il n'établit pas l'existence d'un préjudice personnel distinct de celui-ci.

Il est cependant admis que tout copropriétaire peut, sur le fondement délictuel ou quasi-délictuel, se prévaloir de la faute commise par le syndic dans l'exercice de son mandat pourvu qu'il invoque un préjudice personnel que les juges du fond évaluent souverainement.

En l'espèce, M. [N] n'invoque pas le préjudice subi par l'ensemble des copropriétaires mais bien celui qu'il estime avoir personnellement supporté, en raison de la faute commise par le syndic et dont il demande réparation, se prévalant principalement des nombreuses diligences qu'il a dû entreprendre aux fins de voir régulariser la situation et appliquer l'exacte répartition de dépenses de charges conforme aux résolutions adoptées en assemblée générale et non respectées par le syndic.

Ainsi que le souligne M. [N], la caractérisation du préjudice personnel allégué est une condition du bien fondé de sa demande d'indemnisation et non de sa recevabilité.

Dès lors, la fin de non-recevoir sera rejetée.

* Sur le bien fondé :

M. [N] reproche au tribunal de ne pas avoir retenu de faute à la charge de la société Cabinet Ifnor alors que la répartition des charges opérée par ses soins 'en charges de bâtiment' concernant les travaux de reprise de l'étanchéité des balcons contrevenait à la répartition des dépenses en tantièmes généraux de copropriété, régulièrement votée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 17 octobre 2015 ce, en conformité avec le règlement de copropriété.

Il décrit le contexte litigieux résultant du remplacement de l'ancien syndic par la société Cabinet Ifnor et ayant présidé à l'assemblée générale des copropriétaires du 21 avril 2018 conduisant cette dernière à rejeter la répartition des dépenses arbitrairement fixée par ce nouveau syndic. Il dénonce une exécution défectueuse par la société Cabinet Ifnor des résolutions des 17 octobre 2015 et 21 avril 2018 régulièrement votées, laquelle a poursuivi l'application d'une répartition des dépenses relatives aux travaux d'étanchéité , non pas en tantièmes généraux, mais selon la grille de répartition 'bâtiment', lui réclamant à tort une somme indue de 256,96 euros.

Il critique le tribunal ayant, malgré ces constatations, considéré que le syndic n'avait pas commis de faute en ce que celui-ci avait recherché avant tout le respect du règlement de copropriété en prenant l'initiative d'une application selon la grille 'bâtiment' ce encore, au motif erroné que les travaux entrepris devaient être qualifiés de travaux d'amélioration des parties privatives et non de 'gros travaux résultant d'une vétusté normale' tels que mis à la charge de la collectivité par l'article 14 du dit règlement.

Il affirme cependant que les travaux litigieux ont toujours eu pour seul objet de mettre un terme à des désordres d'étanchéité, lesquels, survenus 50 ans après la construction de la copropriété, relevaient de la vétusté normale ce, alors que l'exécution d'une étanchéité liquide était obligatoire pour assurer la pérennité de la copropriété et éviter l'apparition de rouille les années passant.

Enfin, M. [N] fait valoir qu'en tout état de cause, un syndic doit respecter les résolutions prises par les assemblées générales dont il n'a pas à apprécier l'opportunité ou la régularité, peu important que celles-ci ne soient pas en conformité avec le règlement de copropriété.

Il rappelle que le syndic ne peut pas davantage prendre de décision à la place de l'organe délibérant ainsi qu'il y a pourtant procédé en l'espèce.

En définitive, l'appelant prétend que la réformation de la décision entreprise s'impose au regard de la faute commise par le syndic lui ayant occasionné un préjudice résultant du différentiel existant de plus de 250 euros selon la répartition arbitrairement appliquée par le syndic, et surtout des nombreuses diligences qu'il a dû entreprendre aux fins de voir régulariser la situation en se heurtant au refus abusif du syndic ainsi qu'à sa mauvaise foi.

La société Cabinet Ifnor conclut à la confirmation du jugement, rappelant l'obligation pour tout syndic d'appliquer les bonnes clés de répartition telles que prévues dans le règlement de copropriété sauf à engager sa responsabilité délictuelle.

Elle ajoute qu'il est incontestable qu'en l'occurrence, le dit règlement prévoyait que la clé de répartition applicable aux travaux votés était celle en charges de bâtiment et non pas en charges communes générales incombant à tous les propriétaires en ce compris ceux de lots 'jardins'.

Elle soutient alors que la résolution du 17 octobre 2015 prévoyant que les appels de fonds seraient effectués en fonction des millièmes du règlement de copropriété procédait d'une erreur d'interprétation et d'une fausse application de stipulations du règlement ce qui l'a conduite, après constatation de cette erreur, et dans l'exercice de sa mission, à rectifier l'erreur et à modifier de son propre chef les appels de fonds par une exacte application de la bonne clé de répartition, ce qui ne peut lui être reproché.

Elle ajoute que l'assemblée générale du 21 avril 2018 a voté à l'unanimité des voix des copropriétaires présents et représentés l'approbation du compte travaux ravalements et balcons, approuvant ainsi l'imputation et la répartition réalisée au titre de ce compte.

Elle précise avoir agi dans le respect de la mention ajoutée manifestant le voeu des copropriétaires de déterminer préalablement à la régularisation du compte travaux, si les charges devaient être appelées en charges communes générales ou en charges bâtiment, en déterminant la clé de charges à appliquer.

Par ailleurs, elle assure que les travaux litigieux, qui n'ont pas été entrepris pour remédier à la vétusté des balcons et gardes corps, constituent des travaux d'amélioration en ce qu'ils ont consisté en la pose d'une étanchéité liquide sur les dalles bétons des balcons nécessitant la dépose et pose de nouveaux carrelages et le remplacement des gardes corps ainsi que l'a expliqué l'architecte en charge des travaux.

En définitive, la société Cabinet Ifnor estime n'avoir commis aucune faute mais au contraire avoir parfaitement respecté sa mission de syndic et les obligations en résultant ainsi que l'a parfaitement analysé le tribunal. Elle relève in fine qu'à supposer rapportée la preuve de la non-conformité des comptes de travaux par rapport à ce qui aurait été voté lors de l'assemblée générale de 2015, M. [N] ne caractérise nullement un quelconque préjudice personnel qu'il aurait subi du fait de l'exacte répartition de la clé de répartition prévue au règlement de copropriété.

Sur ce,

Aux termes de l'article 17 de la loi n°65-557 du l0 juillet 1965 dans sa rédaction en vigueur applicable au cas d'espèce, 'les décisions du syndicat sont prises en assemblée générale des copropriétaires; leur exécution est confiée à un syndic placé éventuellement sous le contrôle d'un conseil syndical.'

Selon l'article 18 de la même loi, 'indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d'autres dispositions de la présente loi ou par une délibération spéciale de l'assemblée générale, le syndic est chargé, (...) d'assurer l'exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l'assemblée générale'.

Le syndic doit ainsi veiller au respect du règlement de copropriété comme il doit faire en sorte que les décisions prises en assemblée générale soient suivies d'effet.

Il sera rappelé que la responsabilité du syndic dans l'exécution de sa mission à l'égard des copropriétaires est de nature délictuelle dès lors que celui-ci n'est pas le mandataire de chaque copropriétaire individuellement.

En application de l'article 1382 ancien devenu 1240 du code civil, le copropriétaire qui se prétend victime doit dès lors établir l'existence d'une faute à la charge du syndic, d'un préjudice direct et personnel en ayant résulté pour lui, et d'une relation causale entre cette faute et ce dommage.

En l'espèce, il ne fait pas débat que par une résolution n°6 adoptée en assemblée générale du 17 octobre 2015, les copropriétaires ont décidé la réalisation de travaux 'pour le remplacement des garde-corps avec rénovation de l'ensemble des balcons' pour un budget global de 377.512,73 euros TTC, avec cette précision que 'les appels seront réalisés sur les millièmes généraux du règlement de copropriété concernant les travaux d'étanchéité et de peinture, sur les mètres linéaires pour les travaux de garde-corps et les surfaces de balcons pour les travaux de revêtement'. Cette résolution n'a pas fait l'objet de contestation.

Les travaux, entrepris à compter de mars 2016 et achevés au cours du premier semestre 2017, ont fait l'objet de quatre appels de provisions réclamés auprès des copropriétaires dont M. [N] par la société Cabinet Ifnor les 5 juillet, 24 août, 15 septembre et 14 octobre 2016 lesquels portaient sur la totalité des travaux d'étanchéité des balcons (parties privatives et communes), puis d'un cinquième appel de provisions pour régularisation le 3 mars 2017 ce suivant une répartition par tantièmes généraux s'agissant des travaux litigieux.

Il est constant que la convocation des copropriétaires à l'assemblée générale ordinaire du 21 avril 2018 avait pour ordre du jour notamment 'l'approbation compte travaux ravalement et balcons' les dits comptes devant être présentés pour l'exercice du 1er janvier au 31 décembre 2017, et que le 'projet avant approbation' concernant les charges de copropriétés dues notamment par M. [N] prévoyait une répartition de ces dépenses 'en charges bâtiment'.

Le procès-verbal du 21 avril 2018 de cette assemblée générale fait état de l'adoption 'à l'unanimité des voix des copropriétaires présents et représentés', d'une cinquième résolution intitulée 'Approbation compte travaux ravalement et balcons' rédigée comme suit :

' Présentation du compte travaux et factures travaux ravalement et balcons :

Les comptes et factures travaux, ainsi que les annexes, pour l'exercice du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017, sont présentés à l'assemblée.

L'assemblée générale, après avoir examiné les documents joints à la convocation et en avoir délibéré, approuve, sans réserve, en leur forme, teneur, imputation et répartition, le compte travaux ravalement et balcons de l'exercice clos le 31 décembre 2017.

Le montant des dépenses de ce compte est de 229.944,25 euros.

Il est noté que l'ensemble des travaux représente une somme de 404.189,34 euros dont 174.245,09 euros de travaux privatifs.

En préalable à la régularisation de ce compte travaux une vérification sera effectuée avec le conseil syndical sur la répartition en charges communes générales ou en charge bâtiment.'[en gras dans le texte]

M. [N] s'est abstenu de voter cette résolution laquelle n'a pas fait l'objet de recours.

Enfin, il sera noté que la même assemblée générale, après en avoir délibéré a donné quitus, sans réserve, au syndic pour sa gestion arrêtée au 31 décembre 2017 par une 7ème résolution.

Il sera rappelé que le quitus étant donné par l'assemblée au nom du syndicat, et non au nom des copropriétaires pris individuellement, il ne fait pas obstacle à l'action de ces derniers en réparation de leur préjudice personnel sur le fondement de la responsabilité délictuelle, surtout lorsque, comme en l'espèce, M. [N], copropriétaire, a voté contre la résolution dont s'agit.

Postérieurement à cette assemblée, M. [N] s'est vu réclamer à compter du 3 juillet 2018 une participation aux charges relatives aux travaux litigieux repris pour un montant total de 229.944,25 euros, sur la base d'une répartition par bâtiments (443 dix millièmes) et non par tantième généraux (432 dix millièmes) d'un montant le concernant, après régularisation, de 252,96 euros, lequel ne sera jamais réglé malgré plusieurs lettres de relance.

Il résulte de ces éléments qu'en premier lieu, le syndic a procédé aux appels provisionnels de fonds relatifs aux travaux 'ravalement balcons' dans le respect de la résolution précitée du 17 octobre 2015 et qu'en second lieu, le compte travaux, corrigé par celui-ci qui estimait que la répartition ainsi décidée ne respectait pas le règlement intérieur, a été présenté lors de l'assemblée générale du 21 avril 2018 examiné et débattu, la question de la conformité de la répartition décidée précédemment ayant été ainsi soulevée et soumise à l'assemblée. La cour ne peut que constater que celle-ci a approuvé 'sans réserve' le dit compte ainsi corrigé nonobstant un premier vote de rejet dont l'existence n'est pas remise en cause malgré l'absence de toute mention de celui-ci au procès-verbal.

L'assemblée a certes marqué sa volonté de voir effectuée 'au préalable à la régularisation du compte travaux' une vérification sur la répartition des charges litigieuses en charges communes générales ou en charges bâtiment ce, 'avec' le conseil syndical.

Le tribunal a constaté qu'il n'était pas rapporté quelle avait été la solution retenue par le conseil syndical dans le cadre de cette délégation de pouvoirs.

Toutefois, la cour relève que dans son mail de réponse adressé le 20 septembre 2018 à M. [N] et en copie au [Adresse 11], M. [D] [K], pour la société Cabinet Ifnor, indiquait : 'Nous vous confirmons qu'une vérification a été effectuée en concertation avec le conseil syndical concernant la clef de répartition à utiliser pour les travaux de ravalement et des balcons.

Il en est ressorti, après analyse des documents que la clef de répartition 'charges bâtiment' que l'on retrouve sur le tableau de répartitions en annexe du règlement de copropriété, était la clef la plus adéquate concernant les travaux en question. En effet, cette clef concerne l'ensemble des lots du bâtiment soit l'ensemble des lots ayant bénéficié de ces travaux. Les lots de jardins n'étant pas concernés par les travaux.

Maintenant, comme nous vous l'avions indiqué lors de l'assemblée générale, la rédaction de votre règlement de copropriété n'est pas très claire et ouvre à différentes interprétations. Nous avons essayé de retenir la solution la plus logique au vu de la situation.

Il serait souhaitable afin d'éviter ce genre de problèmes d'envisager un modificatif du règlement de copropriété afin de préciser les modalités de répartition des charges' (pièce 37 de M. [N]).

Il n'apparaît pas que ce courriel ait fait l'objet de critiques de la part du syndicat de copropriétaires.

Il sera rappelé qu'aux termes de l'article 21 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 dans sa version en vigueur applicable au cas d'espèce, 'une délégation de pouvoir donnée, en application de l'article 25 a de la loi du 10 juillet 1965, par l'assemblée générale au syndic, au conseil syndical ou à toute autre personne ne peut porter que sur un acte ou une décision expressément déterminé.'

Même à retenir que le conseil syndical n'ait pas procédé à la vérification voulue par l'assemblée ni rendu compte de l'exécution de la délégation à l'assemblée générale comme le prévoit le même article, il reste que l'éventuelle carence du conseil syndical dans l'exécution de sa mission ne saurait être imputée au syndic, lequel, au regard de l'approbation du compte travaux corrigé décidée par l'assemblée générale le 21 avril 2018, ne peut se voir reprocher, dans ces circonstances, la mise en oeuvre de cette décision auprès des copropriétaires par application de la répartition en 'charges bâtiment'.

La cour relève par ailleurs qu'il n'est pas prétendu que le conseil syndical, qui, en vertu de l'article 26 du décret, 'contrôle la gestion du syndic, notamment la comptabilité du syndicat, la répartition des dépenses, ainsi que l'élaboration du budget prévisionnel dont il suit l'exécution' ait remis en cause la répartition des dépenses litigieuses telle qu'approuvée le 21 avril 2018 et appliquée par le syndic.

Enfin, il est noté que la production complète du règlement de copropriété et de ses annexes n'est pas versée aux débats par les parties.

La cour déduit de ces constatations que l'initiative prise par le syndic de présenter un compte travaux avec une répartition des charges relatives aux travaux litigieux bien que différente de celle décidée par l'assemblée générale du 17 octobre 2015 jusqu'alors respectée, de la soumettre à l'assemblée générale qui, tout en approuvant in fine le compte travaux ainsi corrigé a souhaité la seule 'vérification' de la répartition ainsi proposée et approuvée ce, 'sans réserve', puis, après vérification de sa conformité au règlement de copropriété que le syndic a la charge légale de respecter et en l'absence de toute autre manifestation contraire du conseil syndical, d'opérer la régularisation du compte travaux en appliquant la répartition en charges bâtiment, conformément à la volonté exprimée par l'assemblée générale, n'est pas fautive.

M. [N] ne rapporte pas la preuve que le syndic, en agissant ainsi, avec la volonté de répondre à ses obligations de mise en oeuvre des résolutions successives prises par l'assemblée générale et de respecter un règlement intérieur sujet par ailleurs à interprétation ainsi qu'en attestent les conclusions divergentes des parties sur ce point, ait commis une faute en lien avec le préjudice personnel invoqué au titre des charges réclamées après régularisation à hauteur de 252,96 euros et des démarches et 'tracas' occasionnés par le copropriétaire pour manifester son désaccord avec l'application d'une répartition débattue et approuvée par l'assemblée générale.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'en l'absence de faute caractérisée commise par la société Cabinet Ifnor, il a rejeté les demandes formées par M. [N] de ce chef.

- Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Cabinet Ifnor pour procédure abusive :

La société Cabinet Ifnor fait valoir que l'action indemnitaire engagée par M. [N] est abusive en ce que celle-ci a pour unique objet de la décrédibiliser aux yeux des autres copropriétaires, lesquels se sont abstenus de toute action à son encontre.

Elle affirme avoir été harcelée par M. [N] par diverses mises en demeure injustifiées usant d'accusations diffamatoires en l'accusant de tenir des 'propos mensongers'.

Elle estime être en droit d'obtenir réparation de son préjudice moral causé par M. [N] qui persiste dans son action dilatoire ce, au regard des accusations infondées portant atteinte à son image et à sa réputation professionnelle.

Sur ce,

L'article 32-1 du code de procédure civile sanctionne l'abus du droit d'agir ou de se défendre en justice par le versement d'une amende civile au trésor public et de dommages et intérêts à l'adversaire.

L'abus suppose la caractérisation d'une faute susceptible de faire dégénérer en abus le droit d'ester ou de se défendre en justice.

En l'espèce, le tribunal doit être approuvé en ce qu'il a retenu que la société Cabinet Ifnor ne démontrait pas que M. [N] avait agi en justice avec l'intention de nuire ou une particulière légèreté dans son action.

Il sera ajouté qu'il ne peut être considéré que l'appréciation inexacte de ses droits par le copropriétaire soit constitutive d'un abus dans l'exercice de son droit d'agir en justice ni qu'elle caractérise sa mauvaise foi.

Enfin, il n'apparaît pas que les lettres de mise en demeure adressées par M. [N] en réponse aux relances envoyées par la société Cabinet Ifnor, puis l'action en justice engagée par le copropriétaire qui a usé de son droit de relever appel, soient de nature à porter atteinte à l'image et la réputation professionnelle de la société Cabinet Ifnor.

Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.

- Sur les demandes accessoires :

Le jugement étant confirmé au principal, il en sera de même s'agissant de ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [N], partie qui succombe, sera condamné aux dépens de la procédure d'appel et sa demande présentée au titre de ses frais irrépétibles sera rejetée.

La nature de l'affaire et l'équité conduisent la cour à ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la société Cabinet Ifnor.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, dans les limites de l'appel, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu le 13 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Lisieux en toutes ses dispositions dont la cour est saisie ;

Y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société Cabinet Ifnor ;

Rejette toutes autres demandes formées par les parties en ce compris celles formées en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [B] [N] aux dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Estelle FLEURY Hélène BARTHE-NARI

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