CA Paris, Pôle 4 - ch. 13, 16 septembre 2025, n° 22/07488
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2025
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07488 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFUTR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2022 -TJ de [Localité 6] - RG n° 21/14131
APPELANTE :
Association FEDERATION NATIONALE DES GITES DE FRANCE ET DU TOURISME VERT prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075, avocat postulant et par Me Audrey KULKULSKI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIMEE :
Association GITES DE FRANCE VAR prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié de droit au siège social
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Alexandra BORET, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant et par Me Philippe CAMPOLO, avocat au barreau de Draguignan, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, . et Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre
Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Madame Estelle MOREAU, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Victoria RENARD
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 septembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Michelle NOMO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
La Fédération nationale des Gîtes de France et du tourisme vert (la Fédération) est une association qui regroupe les associations départementales membres du réseau Gîtes de France appelées 'Relais départementaux'. Elle a pour objet de contribuer au développement économique, social et culturel du tourisme principalement en milieu rural, mais également de réunir les relais départementaux autour de valeurs communes de solidarité, de mutualisation et de proximité.
La Fédération procède à l'agrément des services de réservation et de commercialisation auxquels les relais départementaux auraient délégué tout ou partie de leur activité et garantit la propriété des marques et signes distinctifs du réseau Gîtes de France. Elle dispose d'une filiale commerciale, la Sas Gîtes de France qui a pour objet de réaliser toutes prestations de service pour le compte du réseau et de ses acteurs, laquelle a elle-même créée une filiale, la Sasu Fil Services, ayant pour objet de mettre à la disposition des relais départementaux un centre d'appel téléphonique et la fourniture de prestations de service pour les centrales de réservation.
L'association Gîtes de France Var ( l'association), relais départemental du Var depuis 1960, dispose d'une filiale, la société VLV Tourisme, dont l'objet est de commercialiser les hébergements Gîtes de France faisant partie du réseau départemental du Var.
Des désaccords sont apparus entre la Fédération et l'association à propos du défaut de règlement de factures de la Sas Gîtes de France et de la Sasu Fil Services par la société VLV Tourisme et d'un partenariat conclu avec la plate-forme Airbnb sans information préalable de la Fédération.
Par décision unanime du 12 mai 2021, le conseil d'administration de la Fédération a décidé de suspendre dans un premier temps le droit de vote de l'association aux assemblées générales de la Fédération et renvoyé l'examen de la durée de cette sanction et des sanctions supplémentaires à mettre en oeuvre le cas échéant, à une réunion fixée le 26 mai 2021.
Le 26 mai 2021, le conseil d'administration de la Fédération a décidé à l'unanimité d'approfondir ses investigations en effectuant un contrôle sur site, désigné deux contrôleurs et maintenu la suspension du droit de vote dans l'attente des résultats du contrôle.
Au vu du rapport des contrôleurs du 14 septembre 2021et par décision du 29 septembre 2021 notifiée le 1er octobre suivant, le conseil d'administration de la Fédération a décidé à l'unanimité le maintien de la suspension du droit de vote aux assemblées générales de la Fédération jusqu'à décision contraire du conseil d'administration et la mise sous tutelle opérationnelle partielle de l'association, avec nomination d'un comité de suivi.
C'est dans ces conditions que l'association Gîtes de France Var a, par acte du 3 novembre 2021, assigné à jour fixe la Fédération devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir déclarer irrégulière la procédure disciplinaire engagée à son encontre et d'obtenir l'annulation des décisions du conseil d'administration des 12, 26 mai et 29 septembre 2021 et le rétablissement de son droit de vote.
Par jugement du 14 mars 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
- débouté la Fédération de sa demande de renvoi de l'affaire à la mise en état,
- annulé les décisions du conseil d'administration de la Fédération des 12, 26 mai et 29 septembre 2021,
- condamné la Fédération à payer à l'association la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Fédération aux dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 12 avril 2022, la Fédération a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 24 avril 2025, l'association Fédération nationale des Gîtes de France et du tourisme vert demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que :
la procédure de contrôle ayant donné lieu à la décision rendue le 29 septembre 2021 par son conseil d'administration a été régulièrement menée,
le rapport de contrôle en date du 14 septembre 2021 est conforme à ses statuts et règlement intérieur,
- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé nulles les décisions rendues les 12, 26 mai et 29 septembre 2021 par son conseil d'administration,
- juger irrecevable et infondée la demande de dommages et intérêts formulée par l'association pour la première fois en appel,
en toute hypothèse,
- débouter l'association de sa demande de dommages et intérêts,
- débouter l'association de l'ensemble de ses demandes,
- condamner l'association à lui verser la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'association aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par la Selarl JRF & associés représentée par Maître Stéphane Fertier conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 5 mai 2025, l'association Gîtes de France Var demande à la cour de :
- confirmer la décision en toutes ses dispositions,
- débouter la Fédération de toutes ses demandes,
reconventionnellement,
- condamner la Fédération à lui payer la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi,
en tout état de cause,
- condamner la Fédération à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Fédération au paiement des entiers dépens de l'instance.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 mai 2025.
SUR CE,
Sur la demande d'annulation des décisions disciplinaires des 12 et 26 mai 2021
Le contrôle juridictionnel d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un membre d'une association s'exerce sur la régularité de la procédure, la matérialité des manquements reprochés et le caractère proportionné de la sanction prononcée.
- sur les manquements reprochés
Le tribunal a estimé que le non-paiement des factures était établi, précisant qu'il ne lui appartenait pas d'en apprécier le bien-fondé, mais que la Fédération ne justifiait pas que l'association ait commercialisé ses hébergements par le biais de la plateforme Airbnb en faisant usage de la marque 'Gîtes de France' de sorte qu'aucune information préalable n'était nécessaire.
La Fédération fait valoir que :
- l'association a indiqué son intention de ne pas procéder aux règlements des factures de ses filiales, ce qui justifie la mise en oeuvre d'une sanction disciplinaire, peu important l'allégation sur la mauvaise qualité des prestations fournies, laquelle n'est au demeurant pas prouvée,
- l'association a reconnu avoir commercialisé les hébergements de son réseau par le biais de la plateforme Airbnb et elle lui reproche de ne pas l'en avoir informée et d'avoir fait usage de la marque et du logo 'Gîtes de France' et 'VLV Tourisme' pour procéder à cette commercialisation en dehors du site internet Gîtes de France, contrairement aux règles prévues par le règlement intérieur et le contrat de marque,
- le fait que d'autres membres du réseau Gîtes de France commercialisent leurs hébergements par cette plateforme en utilisant le logo n'exonère pas l'intimé de sa responsabilité.
L'association répond que :
- elle n'a pas procédé aux règlements demandés non par la Fédération mais par ses filiales compte tenu des dysfonctionnements apparus sur le site web Gîtes de France l'ayant contrainte à engager des dépenses supplémentaires afin d'y remédier et fait valoir une exception d'inexécution pour justifier le non paiement des frais de commercialisation réclamés par la société Gîtes de France,
- le contrat avec la société Fil Services a pris fin le 31 décembre 2017 et aucun règlement à ce titre ne pouvait donc lui être demandé pour des prestations inexistantes postérieurement à cette date,
- malgré ses demandes, la Fédération ne lui a jamais transmis la copie du contrat dont elle sollicite l'application, indiquant être dans l'impossibilité matérielle de le fournir et ne justifie pas des montants demandés,
- l'interdiction qui lui est faite par la Fédération de conclure un accord avec la plateforme Airbnb s'analyse en une exploitation abusive d'une position dominante, fait pour lequel la Fédération a déjà été condamnée par une décision du Conseil de la concurrence de 2006,
- aucun défaut de communication ne peut lui être reproché car elle n'est tenue que d'une obligation de coopération avec la Fédération concernant la commercialisation des hébergements,
- elle n'a jamais commercialisé ses annonces sur le site Airbnb avec le logo de la marque Gîtes de France, contrairement à certains membres du conseil d'administration de la Fédération.
Selon l'article 9 des statuts de la Fédération, 'le Conseil d'administration a compétence pour engager une procédure disciplinaire contre un Relais et/ou son service de commercialisation, et prendre toute sanction à son encontre (suspension ou retrait du droit d'usage de la marque, mise sous tutelle....) sauf l'exclusion dont le prononcé est réservé à l'assemblée générale ordinaire. Le règlement précise la procédure disciplinaire.'
L'article 8 du règlement intérieur de la Fédération prévoit que :
'Une procédure disciplinaire pourra être engagée à l'encontre d'un membre de la Fédération dans les hypothèses suivantes :
- non-paiement total ou partiel d'une somme due à la Fédération ou à sa filiale,
- non-respect des statuts de la Fédération, de son règlement intérieur ou des chartes 'Gîtes de France',
- non-respect des décisions adoptées par les instances statutaires,
- motifs graves'.
Aux termes de la convocation de l'association devant le conseil d'administration dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée, les faits reprochés étaient les suivants :
- non-paiement des sommes dues à la Fédération et/ou à sa filiale,
- partenariat conclu avec la plateforme Airbnb sans avoir informé la Fédération au préalable.
- sur le premier manquement :
Le non-paiement des factures des frais commercialisation pour les années 2019 et 2020 établies par la société Gîtes de France, filiale de la Fédération, que reconnaît l'association, constitue un grief de nature à entraîner une sanction pécuniaire à son égard et celle-ci oppose vainement une exception d'inexécution dont elle n'apporte pas la preuve suffisante par la production de la seule attestation de la société Itea et dont elle n'a pas saisi la juridiction compétente.
En revanche, l'association conteste à bon droit devoir la facture des prestations fournies par la société Fil services en 2018 puisqu'elle établit que le contrat qu'elle avait conclu avec cette filiale de la Fédération est arrivé à expiration le 31 décembre 2017 et n'a pas été renouvelé.
- sur le second manquement :
L'article 2 du règlement intérieur de la Fédération intitulé 'Unité du mouvement' stipule que :
'2.3 : les Relais ne pourront conclure d'accords de commercialisation avec des groupements, des organismes commerciaux, des agences de voyage, pour les formules d'accueil qu'ils ont agréées, qu'en cohérence avec les préconisations de la Fédération ou sa filiale.'
De même, l'article 3.2 du règlement intérieur précise que "le Relais n'associera pas les labels de la Fédération à d'autres marques ou signes distinctifs mettant en avant un produit ou service susceptible d'affecter l'image des "Gîtes de France".
La Fédération ne peut invoquer le contrat de marque que l'association n'a signé qu'en 2022, lequel n'était d'ailleurs pas mentionné dans la convocation disciplinaire adressée en mai 2021.
La Fédération qui ne reproche pas à l'association d'avoir commercialisé les hébergements de son réseau par le biais de la plateforme Airbnb mais de ne pas l'en avoir informée, ne rapporte pas la preuve d'une obligation imposée à ce titre par son règlement intérieur. En effet, l'article 2.3 du règlement précité n'impose qu'une cohérence entre l'accord commercial conclu avec la plateforme Airbnb et les préconisations de la Fédération ou sa filiale et aucun grief n'est formulé à ce titre.
Par ailleurs, ni le constat d'huissier du 5 mai 2021 produit par la Fédération ni aucun autre document n'établissent que l'association a associé la marque ou le logo 'Gîtes de France' dans les annonces qu'elle a déposées sur le site de la plate-forme Airbnb et aucun manquement ne peut lui être reproché, en confirmation du jugement.
- sur la proportionnalité de la sanction
Le tribunal a annulé les décisions disciplinaires du conseil d'administration des 12 et 26 mai 2021 aux motifs que la suspension du droit de vote de l'association aux assemblées générales de la Fédération sans indication précise de sa durée apparaît disproportionnée eu égard à la seule faute retenue au titre du non-paiement de factures par ailleurs contestées, en ce que :
- la durée de la sanction est laissée à la seule discrétion du conseil d'administration et ne dépend donc pas d'un événement objectif sur lequel l'association pourrait avoir une certaine maîtrise,
- la sanction aboutit de facto à la privation totale du droit de vote depuis près de deux ans au jour où le tribunal statue, étant relevé que le droit de vote présente un caractère fondamental car il constitue le seul moyen pour l'association, relais départemental, de participer aux décisions de la Fédération,
- la Fédération, qui n'a pas saisi le tribunal aux fins d'obtenir le paiement des factures litigieuses, maintient la sanction pour des motifs autres que le non-paiement des factures et l'exploitation du site Airbnb, lesquels n'ont pas été débattus de façon contradictoire lors des conseils d'administration en sorte qu'ils sont inopérants à justifier la proportionnalité de la sanction.
La Fédération sollicite l'infirmation de la décision en ce que :
- le contrôle par le juge judiciaire de la proportionnalité de la sanction est enfermé dans une double limite : il ne peut pas être exercé lorsque les statuts ou le règlement intérieur de l'association contiennent une échelle précise des fautes et des sanctions avec leur correspondance et ne peut devenir un contrôle de l'opportunité de la sanction litigieuse,
- le tribunal ne pouvait remettre en cause l'adéquation entre la sanction et la faute car le règlement intérieur et les statuts, manifestant la volonté des parties, contenaient une échelle précise des fautes et des sanctions correspondantes,
- contrairement à ce que retient le tribunal, la sanction est bien temporaire et non discrétionnaire car elle est assortie d'un délai qui dépend d'un événement, la remise des résultats du contrôle réalisé au sein de l'association, sur lequel la Fédération n'a aucune maîtrise,
- la sanction prononcée est une des sanctions les moins sévères prévues,
- le rapport postérieur du 14 septembre 2021 a fait état de nombreux dysfonctionnements au sein de l'association susceptibles de mettre en péril la présence même du label et de la marque sur un territoire à fort potentiel touristique,
- les 'motifs autres' qu'elle a fait valoir ne lui ont été révélés qu'à l'issue de la mission de contrôle et avaient pour seul but d'illustrer la gravité du comportement général de l'intimée et non de justifier la sanction de suspension du droit de vote,
- ces motifs ont justifié par la suite la mise sous tutelle partielle de l'intimé après avoir été débattus contradictoirement, notamment lors de la remise du rapport le 14 septembre 2021 car l'association a produit un mémoire en réponse le 21 septembre 2021.
L'intimée demande la confirmation de la décision en ce que :
- la privation de son droit de vote, lequel constitue son seul moyen d'action au sein de la Fédération, la met en péril car elle ne peut plus se positionner sur des décisions ayant un impact important sur son activité,
- le fait qu'une sanction plus importante aurait pu être prononcée est inopérant à justifier du caractère proportionné de la suspension de son droit de vote,
- la sanction est disproportionnée compte tenu de l'absence de fixation d'un délai et du caractère discrétionnaire de la décision de la Fédération, les résultats du contrôle ne pouvant constituer un terme acceptable, ce qui justifie l'annulation de la décision du 12 mai 2021 mais également celle du 26 mai 2021.
L'article 8.1 du Règlement intérieur prévoit que :
'Après avoir entendu le membre concerné ou lu ses arguments écrits, le Conseil d'administration délibère. Le Conseil d'Administration peut prendre toute sanction, autre que l'exclusion, qui lui semble opportune. Parmi ces sanctions, peuvent notamment être adoptées des mesures suspendant le Relais de son droit de vote en Assemblée Générale ou de participation aux commissions et groupes de projet de la Fédération, l'avertissement, la mise sous tutelle'.
Contrairement aux allégations de la Fédération, la liste des sanctions disciplinaires mentionnées dans cet article n'est pas exhaustive et la convocation qui a été adressée à l'association en mai 2021 en mentionnait d'autres telles la suspension de tous les comptes utilisateurs sur REZO (site intranet de la Fédération), la suspension du droit d'usage de la marque et la suspension de la remontée des hébergements sur le site internet de la marque, dont certaines comme la suspension de participation aux commissions et groupes de projet de la Fédération ainsi que le simple avertissement, prévu à l'article 8 précité, étaient moins sévères que celle de la suspension du droit de vote aux assemblées générales de la Fédération prononcée, laquelle prive l'association de son moyen d'expression le plus efficace au sein de la Fédération.
Cette sanction dont la durée n'a pas été fixée dès son prononcé apparaît disproportionnée au regard du seul défaut de paiement de factures de frais de commercialisation qui ont toujours été contestées par l'association retenu par la cour.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a annulé la décision du conseil d'administration de la Fédération du 12 mai 2021 qui a prononcé cette sanction disciplinaire et celle du 26 mai 2021 qui l'a maintenue.
Sur la demande d'annulation de la décision du conseil d'administration du 29 septembre 2021
- sur la régularité du contrôle ayant abouti à la décision du 29 septembre 2021
Les premiers juges ont considéré que :
- la désignation des contrôleurs est régulière aux motifs que, si la réalisation du contrôle requiert l'aide des représentants du relais, la désignation relève du seul ressort du président de la Fédération au sens de l'article 6 du règlement intérieur,
- si le rapport ne suit pas exactement les préconisations du règlement intérieur, ce dernier est régulier aux motifs que les préconisations de régularisation ne sont prévues qu'en cas de besoin et ne constituent donc pas une obligation, d'autant plus qu'il n'est pas démontré que les recommandations relatives à la rédaction du rapport soient édictées à peine de nullité.
L'association demande l'infirmation de la décision sur ce point en ce que :
- en désignant seule les deux contrôleurs, la présidente de la Fédération n'a pas respecté l'article 6 du règlement intérieur stipulant que la désignation des contrôleurs aurait dû être réalisée avec l'aide de ses représentants et la Fédération s'est constitué une preuve à soi-même,
- le rapport de mission rendu ne respecte pas les règles de forme prévues par le règlement intérieur,
- les contrôleurs, membres du conseil d'administration de la Fédération ayant participé à l'adoption de la sanction disciplinaire à son encontre, ont manqué à leur devoir d'impartialité et d'objectivité,
- les contrôleurs ne devaient pas, dans le contenu du rapport, faire part de leur analyse personnelle de la situation de l'association mais se limiter à l'exposer et à mettre en évidence d'éventuels dysfonctionnements,
- en proposant la mise sous tutelle et la suspension du droit de vote qui constituent des sanctions et non des préconisations de régularisation, les contrôleurs n'ont pas respecté le règlement intérieur.
La Fédération répond que :
- le non respect de la procédure n'est pas un motif de nullité de la sanction disciplinaire prononcée,
- l'aide des représentants du Relais ne concerne que la réalisation de la mission de contrôle et non la désignation des contrôleurs, ainsi que l'article 6 du règlement le stipule,
- la désignation des contrôleurs par le président de la Fédération n'est pas la constitution d'une preuve pour soi-même ou un manquement au devoir d'impartialité,
- la forme du rapport préconisée par le règlement intérieur n'est pas prescrite à peine de nullité,
- l'association ne peut reprocher que le contenu du rapport soit critique puisque c'est exactement ce qui en est attendu et qu'elle a pu faire valoir des arguments en défense,
- les préconisations de régularisation sont formulées 'en cas de besoin' et ne sont pas exigées comme condition de validité du rapport,
- le rapport contient effectivement des 'solutions d'amélioration' à l'adresse de l'association et la mise sous tutelle opérationnelle constitue bien une préconisation de régularisation au sens de l'article 7.2 du règlement intérieur.
Le dispositif des dernières conclusions de l'association qui seul saisit la cour ne contient pas de demande de nullité du rapport du contrôle de site et la cour n'est donc saisie d'aucune demande à ce titre.
- sur la nullité de la décision
Les premiers juges ont annulé la décision du conseil d'administration du 29 septembre 2021 aux motifs que :
- la mise sous tutelle opérationnelle partielle avec nomination d'un comité de suivi l'a été sans attendre de vérifier que la mise en oeuvre des préconisations proposées a été réalisée, contrairement à ce que prévoit l'article 7.2 du règlement intérieur,
- affirmer que l'association n'aurait de toute façon pas mis en oeuvre les préconisations proposées ou qu'aucun délai n'a été prescrit quant à leur mise en oeuvre ne saurait justifier l'irrégularité de la procédure prescrite par le règlement intérieur.
La Fédération fait valoir que :
- le tribunal a retenu à tort que les recommandations des contrôleurs devaient être assorties d'un délai alors que cette exigence de l'article 7.2 du règlement intérieur concerne la décision de mise sous tutelle prise par la Fédération, uniquement dans l'hypothèse où les préconisations des contrôleurs devaient être mises en place dans un délai imparti, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,
- même si un délai avait été fixé, l'association ne l'aurait pas respecté comme le démontre le contenu de son mémoire en réponse au rapport des contrôleurs,
- elle a adressé un courrier à l'association le 22 octobre 2021 en lui détaillant précisément les mesures à mettre en place ainsi que les délais à respecter pour la mise en oeuvre de la tutelle opérationnelle partielle, la date du 6 décembre 2021 apparaissant comme une date butoir avant la révision des sanctions,
- le tribunal judiciaire n'a pas annulé la délibération du 29 septembre 2021 en ce qu'elle a prononcé la suspension du droit de vote laquelle est demeurée valable sur ce point et la demande de nullité de cette décision à ce titre formulée pour la première fois en appel est irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, les premiers juges ayant prononcé la nullité de cette décision au titre de la seule mise sous tutelle partielle,
- la nullité des décisions des 12 et 26 mai 2021 ne peut avoir d'incidence sur la validité de la décision du 29 septembre 2021 en ce qu'elle a de nouveau prononcé la suspension du droit de vote.
L'association répond que :
- la Fédération a enfreint le règlement intérieur en son article 7.2 car elle l'a sanctionnée par une mesure de tutelle alors qu'aucune préconisation n'a été formulée ni aucun délai prévu afin de les mettre en oeuvre,
- la Fédération reconnaît que des préconisations ont été formulées dans le cadre de la tutelle et donc qu'aucune préconisation n'a été formulée en amont de la sanction conformément aux statuts,
- eu égard à la nullité de la décision du 12 mai 2021 prononçant la suspension du droit de vote et de celle du 26 mai 2021 la maintenant, la décision du 29 septembre 2021, qui n'a fait que maintenir une sanction annulée, est également nulle à ce titre,
- sa demande de nullité de la décision du 29 septembre 2021à ce titre est recevable bien que nouvelle dans la mesure où elle tend à la même fin soit solliciter la nullité de la décision.
L'article 6 du règlement intérieur dispose que :
'Un contrôle sur site des Relais peut avoir lieu à la demande du Président du Relais ou sur décision du Conseil d'Administration de la Fédération. Cette intervention est réalisée par deux personnes désignées par le Président de la Fédération, avec l'aide des représentants du Relais concerné.
Au terme du contrôle, un rapport en deux parties est établi par les contrôleurs. La première partie du rapport est une analyse de la situation du Relais et met en évidence ses éventuels dysfonctionnements. Sa seconde partie propose, en cas de besoin, des préconisations de régularisation (mise en place d'un soutien, mise en demeure de régulariser dans un délai déterminé...)'
L'article 7 du règlement intérieur intitulé procédure de soutien des relais prévoit que :
'7.1 : la Fédération et le Relais concerné peuvent décider ensemble de mettre en place les procédures et modalités de soutien et d'accompagnement adaptées à la situation du Relais, suivant des conditions fixées par le Conseil d'administration de la Fédération.
7.2 : La Fédération peut mettre en place une tutelle du Relais à sa demande, ou suite aux conclusions du contrôle sur site prévu à l'article 6 si le Relais n'a pas mis en oeuvre les préconisations proposées par la Fédération dans le délai imparti. Le Conseil d'administration de la Fédération décide alors de l'opportunité de sa mise en place.
Une procédure disciplinaire de tutelle peut également être mise en oeuvre dans les cas suivants :
1. Non-respect des principes éthiques régissant le Mouvement "Gîtes de France" (directement ou par l'intermédiaire d'une filiale ' Cf Charte des relations Fédération/relais départementaux ou interdépartementaux Gîtes de France) ;
2. Fonctionnement irrégulier d'un relais (non-respect de ses statuts ') ;
3. Situation financière difficile risquant de mettre en péril l'existence de l'association".
Il ressort du procès verbal du conseil d'administration de la Fédération du 26 mai 2021 que le conseil d'administration statuant sur la procédure disciplinaire toujours en cours a, avant de se prononcer sur une éventuelle sanction supplémentaire comme il l'avait envisagé dans sa décision du 12 mai précédent, décidé d'approfondir ses investigations relatives à l'association et à sa filiale afin d'examiner en particulier le respect des principes éthiques régissant le mouvement 'Gîtes de France', leur fonctionnement régulier et leur situation financière et décidé, pour ce faire, d'effectuer un contrôle de site dans le respect des règles prévues à l'article 6 du règlement intérieur précité.
Au vu des conclusions des contrôleurs, le conseil d'administration de la Fédération réuni le 29 septembre 2021 s'est, ainsi qu'il ressort de la seule notification de sa décision (pièce n°23 de la Fédération) puisque le procès verbal de délibération n'est pas versé aux débats, 'prononcé sur les préconisations suivantes :
- le maintien de la sanction de suspension du droit de vote aux assemblées générales de la Fédération prononcée le 12 mai 2021 jusqu'à décision contraire du conseil d'administration,
- la mise sous tutelle opérationnelle partielle de l'association, avec nomination d'un comité de suivi'.
Ainsi, il apparaît que :
- le conseil d'administration n'a pas prononcé de sanction disciplinaire proprement dite mais de simples préconisations, la preuve en étant que dans sa notification de la décision du 1er octobre 2021, la présidente de la Fédération a informé l'association qu'elle reviendrait vers elle pour la mise en oeuvre opérationnelle de cette tutelle, ce qu'elle a fait le 22 octobre suivant en prévoyant un échéancier pour l'accomplissement d'une série de mesures et mentionnant expressément qu'à défaut de respect de l'échéance prévue, le conseil d'administration appliquera les sanctions prévues dans le règlement intérieur,
- ce faisant, il a confondu les préconisations prévues aux articles 6 et 7.2 premier alinéa du règlement intérieur de la Fédération et les sanctions disciplinaires prévues aux articles 8.1 et 7.2 deuxième alinéa du même règlement,
- ainsi et alors que les contrôleurs avaient proposé d'autres préconisations, telles celles relevées par les premiers juges, il a proposé à titre de préconisations, en premier lieu, le maintien d'une sanction disciplinaire déjà prise et, en second lieu, une mise sous tutelle qui ne peut être analysée que comme une sanction disciplinaire aux termes du deuxième alinéa de l'article 7.2 ou une mesure administrative de soutien aux termes du premier alinéa de l'article 7.2 et en aucun cas comme une préconisation, comme le soutient à juste titre l'association.
En tout état de cause et à supposer que le conseil d'administration de la Fédération ait entendu prononcer la mise sous tutelle à titre de sanction disciplinaire à la suite du contrôle qu'il a ordonné, il n'a pas respecté les dispositions du premier alinéa de l'article 7.2 qui prévoit qu'il ne peut mettre en place une tutelle que si l'association n'a pas mis en oeuvre les préconisations proposées par la Fédération et non pas les contrôleurs dans le délai qu'elle devait lui impartir, selon les termes de cet article.
La décision du 29 septembre 2021 doit être annulée pour ce premier motif.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la Fédération, le tribunal a annulé la décision du 20 septembre 2021 en toutes ses dispositions et l'association est recevable au visa de l'article 563 du code de procédure civile visé par l'association (page 28 de ses conclusions), mais également fondée à solliciter en cause d'appel la nullité de cette même décision en ce qu'elle a maintenu la sanction de suspension du droit de vote aux assemblées générales du conseil d'administration de la Fédération en arguant d'un nouveau moyen qu'elle n'avait pas invoqué en première instance lié au fait que cette nullité est la conséquence de la nullité des deux premières décisions du conseil d'administration ayant pour la première prononcé cette suspension et l'ayant maintenue pour la seconde.
La décision du 29 septembre 2021 est également annulée pour ce second motif.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de l'association Gîtes de France Var
L'association soutient que :
- sa demande est recevable en appel au visa de l'article 566 du code de procédure civile si elle s'analyse en une demande nouvelle comme de l'article 567 du même code si elle s'analyse en une demande reconventionnelle puisqu'elle se rattache par un lien suffisant à ses prétentions originaires visant à faire cesser la suspension de son droit de vote,
- elle subit un préjudice certain causé par l'acharnement de mauvaise foi de la Fédération à son égard qui a maintenu la suspension de son droit de vote par deux décisions du 18 mai et 1er juillet 2022, et d'autres décisions jusqu'à ce jour en témoignent, malgré le jugement rendu,
- bien qu'invitée aux réunions statutaires, elle n'a pu y participer.
La Fédération réplique que cette demande formulée pour la première fois en appel est irrecevable au visa de l'article 564 du code de procédure civile mais également infondée en ce que :
- les pièces invoquées par l'intimée sont sans rapport avec son prétendu préjudice,
- le préjudice moral allégué au titre des souffrances psychologiques ne peut avoir été subi par une personne morale,
- en tout état de cause, la suspension du droit de vote n'a pas eu pour conséquence d'exclure l'association du réseau Gîtes de France, l'intimée ayant pu participer à l'ensemble des événements organisés au sein du réseau.
La demande de dommages et intérêts présentée par l'association est recevable bien que nouvelle en appel puisqu'elle est la conséquence ou le complément nécessaire de sa demande de nullité des décisions qui ont prononcé puis maintenu la suspension de son droit de vote à titre de sanction disciplinaire, en application de l'article 566 du code de procédure civile mais aussi en ce qu'elle constitue une demande reconventionnelle visée à l'article 567 du code de procédure civile en ce qu'elle concerne les décisions de maintien de la sanction de suspension du droit de vote de l'association prises en mai et juillet 2022 alors que les décisions antérieures avaient été annulées et que cette sanction ne pouvait donc pas être maintenue.
Cette privation indue de participation à la vie associative qui a perduré même après l'annulation des décisions litigieuses lui a causé nécessairement un préjudice puisqu'elle n'a pas pu faire entendre sa voix sur des décisions ayant un impact important sur son activité, lequel doit être indemnisé par l'octroi de la somme de 5 000 euros.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont confirmées.
Les dépens d'appel doivent incomber à la Fédération, partie perdante, laquelle est également condamnée à payer à l'association une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déclare recevable la demande de dommages et intérêts formée par l'association Gîtes de France du Var,
Condamne la Fédération nationale des Gîtes de France et du tourisme vert à payer à l'association Gîtes de France du Var une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Condamne la Fédération nationale des Gîtes de France et du tourisme vert aux dépens d'appel,
Condamne la Fédération nationale des Gîtes de France et du tourisme vert à payer à l'association Gîtes de France du Var une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2025
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07488 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFUTR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2022 -TJ de [Localité 6] - RG n° 21/14131
APPELANTE :
Association FEDERATION NATIONALE DES GITES DE FRANCE ET DU TOURISME VERT prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075, avocat postulant et par Me Audrey KULKULSKI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIMEE :
Association GITES DE FRANCE VAR prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié de droit au siège social
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Alexandra BORET, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant et par Me Philippe CAMPOLO, avocat au barreau de Draguignan, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, . et Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre
Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Madame Estelle MOREAU, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Victoria RENARD
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 septembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Michelle NOMO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
La Fédération nationale des Gîtes de France et du tourisme vert (la Fédération) est une association qui regroupe les associations départementales membres du réseau Gîtes de France appelées 'Relais départementaux'. Elle a pour objet de contribuer au développement économique, social et culturel du tourisme principalement en milieu rural, mais également de réunir les relais départementaux autour de valeurs communes de solidarité, de mutualisation et de proximité.
La Fédération procède à l'agrément des services de réservation et de commercialisation auxquels les relais départementaux auraient délégué tout ou partie de leur activité et garantit la propriété des marques et signes distinctifs du réseau Gîtes de France. Elle dispose d'une filiale commerciale, la Sas Gîtes de France qui a pour objet de réaliser toutes prestations de service pour le compte du réseau et de ses acteurs, laquelle a elle-même créée une filiale, la Sasu Fil Services, ayant pour objet de mettre à la disposition des relais départementaux un centre d'appel téléphonique et la fourniture de prestations de service pour les centrales de réservation.
L'association Gîtes de France Var ( l'association), relais départemental du Var depuis 1960, dispose d'une filiale, la société VLV Tourisme, dont l'objet est de commercialiser les hébergements Gîtes de France faisant partie du réseau départemental du Var.
Des désaccords sont apparus entre la Fédération et l'association à propos du défaut de règlement de factures de la Sas Gîtes de France et de la Sasu Fil Services par la société VLV Tourisme et d'un partenariat conclu avec la plate-forme Airbnb sans information préalable de la Fédération.
Par décision unanime du 12 mai 2021, le conseil d'administration de la Fédération a décidé de suspendre dans un premier temps le droit de vote de l'association aux assemblées générales de la Fédération et renvoyé l'examen de la durée de cette sanction et des sanctions supplémentaires à mettre en oeuvre le cas échéant, à une réunion fixée le 26 mai 2021.
Le 26 mai 2021, le conseil d'administration de la Fédération a décidé à l'unanimité d'approfondir ses investigations en effectuant un contrôle sur site, désigné deux contrôleurs et maintenu la suspension du droit de vote dans l'attente des résultats du contrôle.
Au vu du rapport des contrôleurs du 14 septembre 2021et par décision du 29 septembre 2021 notifiée le 1er octobre suivant, le conseil d'administration de la Fédération a décidé à l'unanimité le maintien de la suspension du droit de vote aux assemblées générales de la Fédération jusqu'à décision contraire du conseil d'administration et la mise sous tutelle opérationnelle partielle de l'association, avec nomination d'un comité de suivi.
C'est dans ces conditions que l'association Gîtes de France Var a, par acte du 3 novembre 2021, assigné à jour fixe la Fédération devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir déclarer irrégulière la procédure disciplinaire engagée à son encontre et d'obtenir l'annulation des décisions du conseil d'administration des 12, 26 mai et 29 septembre 2021 et le rétablissement de son droit de vote.
Par jugement du 14 mars 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
- débouté la Fédération de sa demande de renvoi de l'affaire à la mise en état,
- annulé les décisions du conseil d'administration de la Fédération des 12, 26 mai et 29 septembre 2021,
- condamné la Fédération à payer à l'association la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Fédération aux dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 12 avril 2022, la Fédération a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 24 avril 2025, l'association Fédération nationale des Gîtes de France et du tourisme vert demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que :
la procédure de contrôle ayant donné lieu à la décision rendue le 29 septembre 2021 par son conseil d'administration a été régulièrement menée,
le rapport de contrôle en date du 14 septembre 2021 est conforme à ses statuts et règlement intérieur,
- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé nulles les décisions rendues les 12, 26 mai et 29 septembre 2021 par son conseil d'administration,
- juger irrecevable et infondée la demande de dommages et intérêts formulée par l'association pour la première fois en appel,
en toute hypothèse,
- débouter l'association de sa demande de dommages et intérêts,
- débouter l'association de l'ensemble de ses demandes,
- condamner l'association à lui verser la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'association aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par la Selarl JRF & associés représentée par Maître Stéphane Fertier conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 5 mai 2025, l'association Gîtes de France Var demande à la cour de :
- confirmer la décision en toutes ses dispositions,
- débouter la Fédération de toutes ses demandes,
reconventionnellement,
- condamner la Fédération à lui payer la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi,
en tout état de cause,
- condamner la Fédération à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Fédération au paiement des entiers dépens de l'instance.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 mai 2025.
SUR CE,
Sur la demande d'annulation des décisions disciplinaires des 12 et 26 mai 2021
Le contrôle juridictionnel d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un membre d'une association s'exerce sur la régularité de la procédure, la matérialité des manquements reprochés et le caractère proportionné de la sanction prononcée.
- sur les manquements reprochés
Le tribunal a estimé que le non-paiement des factures était établi, précisant qu'il ne lui appartenait pas d'en apprécier le bien-fondé, mais que la Fédération ne justifiait pas que l'association ait commercialisé ses hébergements par le biais de la plateforme Airbnb en faisant usage de la marque 'Gîtes de France' de sorte qu'aucune information préalable n'était nécessaire.
La Fédération fait valoir que :
- l'association a indiqué son intention de ne pas procéder aux règlements des factures de ses filiales, ce qui justifie la mise en oeuvre d'une sanction disciplinaire, peu important l'allégation sur la mauvaise qualité des prestations fournies, laquelle n'est au demeurant pas prouvée,
- l'association a reconnu avoir commercialisé les hébergements de son réseau par le biais de la plateforme Airbnb et elle lui reproche de ne pas l'en avoir informée et d'avoir fait usage de la marque et du logo 'Gîtes de France' et 'VLV Tourisme' pour procéder à cette commercialisation en dehors du site internet Gîtes de France, contrairement aux règles prévues par le règlement intérieur et le contrat de marque,
- le fait que d'autres membres du réseau Gîtes de France commercialisent leurs hébergements par cette plateforme en utilisant le logo n'exonère pas l'intimé de sa responsabilité.
L'association répond que :
- elle n'a pas procédé aux règlements demandés non par la Fédération mais par ses filiales compte tenu des dysfonctionnements apparus sur le site web Gîtes de France l'ayant contrainte à engager des dépenses supplémentaires afin d'y remédier et fait valoir une exception d'inexécution pour justifier le non paiement des frais de commercialisation réclamés par la société Gîtes de France,
- le contrat avec la société Fil Services a pris fin le 31 décembre 2017 et aucun règlement à ce titre ne pouvait donc lui être demandé pour des prestations inexistantes postérieurement à cette date,
- malgré ses demandes, la Fédération ne lui a jamais transmis la copie du contrat dont elle sollicite l'application, indiquant être dans l'impossibilité matérielle de le fournir et ne justifie pas des montants demandés,
- l'interdiction qui lui est faite par la Fédération de conclure un accord avec la plateforme Airbnb s'analyse en une exploitation abusive d'une position dominante, fait pour lequel la Fédération a déjà été condamnée par une décision du Conseil de la concurrence de 2006,
- aucun défaut de communication ne peut lui être reproché car elle n'est tenue que d'une obligation de coopération avec la Fédération concernant la commercialisation des hébergements,
- elle n'a jamais commercialisé ses annonces sur le site Airbnb avec le logo de la marque Gîtes de France, contrairement à certains membres du conseil d'administration de la Fédération.
Selon l'article 9 des statuts de la Fédération, 'le Conseil d'administration a compétence pour engager une procédure disciplinaire contre un Relais et/ou son service de commercialisation, et prendre toute sanction à son encontre (suspension ou retrait du droit d'usage de la marque, mise sous tutelle....) sauf l'exclusion dont le prononcé est réservé à l'assemblée générale ordinaire. Le règlement précise la procédure disciplinaire.'
L'article 8 du règlement intérieur de la Fédération prévoit que :
'Une procédure disciplinaire pourra être engagée à l'encontre d'un membre de la Fédération dans les hypothèses suivantes :
- non-paiement total ou partiel d'une somme due à la Fédération ou à sa filiale,
- non-respect des statuts de la Fédération, de son règlement intérieur ou des chartes 'Gîtes de France',
- non-respect des décisions adoptées par les instances statutaires,
- motifs graves'.
Aux termes de la convocation de l'association devant le conseil d'administration dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée, les faits reprochés étaient les suivants :
- non-paiement des sommes dues à la Fédération et/ou à sa filiale,
- partenariat conclu avec la plateforme Airbnb sans avoir informé la Fédération au préalable.
- sur le premier manquement :
Le non-paiement des factures des frais commercialisation pour les années 2019 et 2020 établies par la société Gîtes de France, filiale de la Fédération, que reconnaît l'association, constitue un grief de nature à entraîner une sanction pécuniaire à son égard et celle-ci oppose vainement une exception d'inexécution dont elle n'apporte pas la preuve suffisante par la production de la seule attestation de la société Itea et dont elle n'a pas saisi la juridiction compétente.
En revanche, l'association conteste à bon droit devoir la facture des prestations fournies par la société Fil services en 2018 puisqu'elle établit que le contrat qu'elle avait conclu avec cette filiale de la Fédération est arrivé à expiration le 31 décembre 2017 et n'a pas été renouvelé.
- sur le second manquement :
L'article 2 du règlement intérieur de la Fédération intitulé 'Unité du mouvement' stipule que :
'2.3 : les Relais ne pourront conclure d'accords de commercialisation avec des groupements, des organismes commerciaux, des agences de voyage, pour les formules d'accueil qu'ils ont agréées, qu'en cohérence avec les préconisations de la Fédération ou sa filiale.'
De même, l'article 3.2 du règlement intérieur précise que "le Relais n'associera pas les labels de la Fédération à d'autres marques ou signes distinctifs mettant en avant un produit ou service susceptible d'affecter l'image des "Gîtes de France".
La Fédération ne peut invoquer le contrat de marque que l'association n'a signé qu'en 2022, lequel n'était d'ailleurs pas mentionné dans la convocation disciplinaire adressée en mai 2021.
La Fédération qui ne reproche pas à l'association d'avoir commercialisé les hébergements de son réseau par le biais de la plateforme Airbnb mais de ne pas l'en avoir informée, ne rapporte pas la preuve d'une obligation imposée à ce titre par son règlement intérieur. En effet, l'article 2.3 du règlement précité n'impose qu'une cohérence entre l'accord commercial conclu avec la plateforme Airbnb et les préconisations de la Fédération ou sa filiale et aucun grief n'est formulé à ce titre.
Par ailleurs, ni le constat d'huissier du 5 mai 2021 produit par la Fédération ni aucun autre document n'établissent que l'association a associé la marque ou le logo 'Gîtes de France' dans les annonces qu'elle a déposées sur le site de la plate-forme Airbnb et aucun manquement ne peut lui être reproché, en confirmation du jugement.
- sur la proportionnalité de la sanction
Le tribunal a annulé les décisions disciplinaires du conseil d'administration des 12 et 26 mai 2021 aux motifs que la suspension du droit de vote de l'association aux assemblées générales de la Fédération sans indication précise de sa durée apparaît disproportionnée eu égard à la seule faute retenue au titre du non-paiement de factures par ailleurs contestées, en ce que :
- la durée de la sanction est laissée à la seule discrétion du conseil d'administration et ne dépend donc pas d'un événement objectif sur lequel l'association pourrait avoir une certaine maîtrise,
- la sanction aboutit de facto à la privation totale du droit de vote depuis près de deux ans au jour où le tribunal statue, étant relevé que le droit de vote présente un caractère fondamental car il constitue le seul moyen pour l'association, relais départemental, de participer aux décisions de la Fédération,
- la Fédération, qui n'a pas saisi le tribunal aux fins d'obtenir le paiement des factures litigieuses, maintient la sanction pour des motifs autres que le non-paiement des factures et l'exploitation du site Airbnb, lesquels n'ont pas été débattus de façon contradictoire lors des conseils d'administration en sorte qu'ils sont inopérants à justifier la proportionnalité de la sanction.
La Fédération sollicite l'infirmation de la décision en ce que :
- le contrôle par le juge judiciaire de la proportionnalité de la sanction est enfermé dans une double limite : il ne peut pas être exercé lorsque les statuts ou le règlement intérieur de l'association contiennent une échelle précise des fautes et des sanctions avec leur correspondance et ne peut devenir un contrôle de l'opportunité de la sanction litigieuse,
- le tribunal ne pouvait remettre en cause l'adéquation entre la sanction et la faute car le règlement intérieur et les statuts, manifestant la volonté des parties, contenaient une échelle précise des fautes et des sanctions correspondantes,
- contrairement à ce que retient le tribunal, la sanction est bien temporaire et non discrétionnaire car elle est assortie d'un délai qui dépend d'un événement, la remise des résultats du contrôle réalisé au sein de l'association, sur lequel la Fédération n'a aucune maîtrise,
- la sanction prononcée est une des sanctions les moins sévères prévues,
- le rapport postérieur du 14 septembre 2021 a fait état de nombreux dysfonctionnements au sein de l'association susceptibles de mettre en péril la présence même du label et de la marque sur un territoire à fort potentiel touristique,
- les 'motifs autres' qu'elle a fait valoir ne lui ont été révélés qu'à l'issue de la mission de contrôle et avaient pour seul but d'illustrer la gravité du comportement général de l'intimée et non de justifier la sanction de suspension du droit de vote,
- ces motifs ont justifié par la suite la mise sous tutelle partielle de l'intimé après avoir été débattus contradictoirement, notamment lors de la remise du rapport le 14 septembre 2021 car l'association a produit un mémoire en réponse le 21 septembre 2021.
L'intimée demande la confirmation de la décision en ce que :
- la privation de son droit de vote, lequel constitue son seul moyen d'action au sein de la Fédération, la met en péril car elle ne peut plus se positionner sur des décisions ayant un impact important sur son activité,
- le fait qu'une sanction plus importante aurait pu être prononcée est inopérant à justifier du caractère proportionné de la suspension de son droit de vote,
- la sanction est disproportionnée compte tenu de l'absence de fixation d'un délai et du caractère discrétionnaire de la décision de la Fédération, les résultats du contrôle ne pouvant constituer un terme acceptable, ce qui justifie l'annulation de la décision du 12 mai 2021 mais également celle du 26 mai 2021.
L'article 8.1 du Règlement intérieur prévoit que :
'Après avoir entendu le membre concerné ou lu ses arguments écrits, le Conseil d'administration délibère. Le Conseil d'Administration peut prendre toute sanction, autre que l'exclusion, qui lui semble opportune. Parmi ces sanctions, peuvent notamment être adoptées des mesures suspendant le Relais de son droit de vote en Assemblée Générale ou de participation aux commissions et groupes de projet de la Fédération, l'avertissement, la mise sous tutelle'.
Contrairement aux allégations de la Fédération, la liste des sanctions disciplinaires mentionnées dans cet article n'est pas exhaustive et la convocation qui a été adressée à l'association en mai 2021 en mentionnait d'autres telles la suspension de tous les comptes utilisateurs sur REZO (site intranet de la Fédération), la suspension du droit d'usage de la marque et la suspension de la remontée des hébergements sur le site internet de la marque, dont certaines comme la suspension de participation aux commissions et groupes de projet de la Fédération ainsi que le simple avertissement, prévu à l'article 8 précité, étaient moins sévères que celle de la suspension du droit de vote aux assemblées générales de la Fédération prononcée, laquelle prive l'association de son moyen d'expression le plus efficace au sein de la Fédération.
Cette sanction dont la durée n'a pas été fixée dès son prononcé apparaît disproportionnée au regard du seul défaut de paiement de factures de frais de commercialisation qui ont toujours été contestées par l'association retenu par la cour.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a annulé la décision du conseil d'administration de la Fédération du 12 mai 2021 qui a prononcé cette sanction disciplinaire et celle du 26 mai 2021 qui l'a maintenue.
Sur la demande d'annulation de la décision du conseil d'administration du 29 septembre 2021
- sur la régularité du contrôle ayant abouti à la décision du 29 septembre 2021
Les premiers juges ont considéré que :
- la désignation des contrôleurs est régulière aux motifs que, si la réalisation du contrôle requiert l'aide des représentants du relais, la désignation relève du seul ressort du président de la Fédération au sens de l'article 6 du règlement intérieur,
- si le rapport ne suit pas exactement les préconisations du règlement intérieur, ce dernier est régulier aux motifs que les préconisations de régularisation ne sont prévues qu'en cas de besoin et ne constituent donc pas une obligation, d'autant plus qu'il n'est pas démontré que les recommandations relatives à la rédaction du rapport soient édictées à peine de nullité.
L'association demande l'infirmation de la décision sur ce point en ce que :
- en désignant seule les deux contrôleurs, la présidente de la Fédération n'a pas respecté l'article 6 du règlement intérieur stipulant que la désignation des contrôleurs aurait dû être réalisée avec l'aide de ses représentants et la Fédération s'est constitué une preuve à soi-même,
- le rapport de mission rendu ne respecte pas les règles de forme prévues par le règlement intérieur,
- les contrôleurs, membres du conseil d'administration de la Fédération ayant participé à l'adoption de la sanction disciplinaire à son encontre, ont manqué à leur devoir d'impartialité et d'objectivité,
- les contrôleurs ne devaient pas, dans le contenu du rapport, faire part de leur analyse personnelle de la situation de l'association mais se limiter à l'exposer et à mettre en évidence d'éventuels dysfonctionnements,
- en proposant la mise sous tutelle et la suspension du droit de vote qui constituent des sanctions et non des préconisations de régularisation, les contrôleurs n'ont pas respecté le règlement intérieur.
La Fédération répond que :
- le non respect de la procédure n'est pas un motif de nullité de la sanction disciplinaire prononcée,
- l'aide des représentants du Relais ne concerne que la réalisation de la mission de contrôle et non la désignation des contrôleurs, ainsi que l'article 6 du règlement le stipule,
- la désignation des contrôleurs par le président de la Fédération n'est pas la constitution d'une preuve pour soi-même ou un manquement au devoir d'impartialité,
- la forme du rapport préconisée par le règlement intérieur n'est pas prescrite à peine de nullité,
- l'association ne peut reprocher que le contenu du rapport soit critique puisque c'est exactement ce qui en est attendu et qu'elle a pu faire valoir des arguments en défense,
- les préconisations de régularisation sont formulées 'en cas de besoin' et ne sont pas exigées comme condition de validité du rapport,
- le rapport contient effectivement des 'solutions d'amélioration' à l'adresse de l'association et la mise sous tutelle opérationnelle constitue bien une préconisation de régularisation au sens de l'article 7.2 du règlement intérieur.
Le dispositif des dernières conclusions de l'association qui seul saisit la cour ne contient pas de demande de nullité du rapport du contrôle de site et la cour n'est donc saisie d'aucune demande à ce titre.
- sur la nullité de la décision
Les premiers juges ont annulé la décision du conseil d'administration du 29 septembre 2021 aux motifs que :
- la mise sous tutelle opérationnelle partielle avec nomination d'un comité de suivi l'a été sans attendre de vérifier que la mise en oeuvre des préconisations proposées a été réalisée, contrairement à ce que prévoit l'article 7.2 du règlement intérieur,
- affirmer que l'association n'aurait de toute façon pas mis en oeuvre les préconisations proposées ou qu'aucun délai n'a été prescrit quant à leur mise en oeuvre ne saurait justifier l'irrégularité de la procédure prescrite par le règlement intérieur.
La Fédération fait valoir que :
- le tribunal a retenu à tort que les recommandations des contrôleurs devaient être assorties d'un délai alors que cette exigence de l'article 7.2 du règlement intérieur concerne la décision de mise sous tutelle prise par la Fédération, uniquement dans l'hypothèse où les préconisations des contrôleurs devaient être mises en place dans un délai imparti, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,
- même si un délai avait été fixé, l'association ne l'aurait pas respecté comme le démontre le contenu de son mémoire en réponse au rapport des contrôleurs,
- elle a adressé un courrier à l'association le 22 octobre 2021 en lui détaillant précisément les mesures à mettre en place ainsi que les délais à respecter pour la mise en oeuvre de la tutelle opérationnelle partielle, la date du 6 décembre 2021 apparaissant comme une date butoir avant la révision des sanctions,
- le tribunal judiciaire n'a pas annulé la délibération du 29 septembre 2021 en ce qu'elle a prononcé la suspension du droit de vote laquelle est demeurée valable sur ce point et la demande de nullité de cette décision à ce titre formulée pour la première fois en appel est irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, les premiers juges ayant prononcé la nullité de cette décision au titre de la seule mise sous tutelle partielle,
- la nullité des décisions des 12 et 26 mai 2021 ne peut avoir d'incidence sur la validité de la décision du 29 septembre 2021 en ce qu'elle a de nouveau prononcé la suspension du droit de vote.
L'association répond que :
- la Fédération a enfreint le règlement intérieur en son article 7.2 car elle l'a sanctionnée par une mesure de tutelle alors qu'aucune préconisation n'a été formulée ni aucun délai prévu afin de les mettre en oeuvre,
- la Fédération reconnaît que des préconisations ont été formulées dans le cadre de la tutelle et donc qu'aucune préconisation n'a été formulée en amont de la sanction conformément aux statuts,
- eu égard à la nullité de la décision du 12 mai 2021 prononçant la suspension du droit de vote et de celle du 26 mai 2021 la maintenant, la décision du 29 septembre 2021, qui n'a fait que maintenir une sanction annulée, est également nulle à ce titre,
- sa demande de nullité de la décision du 29 septembre 2021à ce titre est recevable bien que nouvelle dans la mesure où elle tend à la même fin soit solliciter la nullité de la décision.
L'article 6 du règlement intérieur dispose que :
'Un contrôle sur site des Relais peut avoir lieu à la demande du Président du Relais ou sur décision du Conseil d'Administration de la Fédération. Cette intervention est réalisée par deux personnes désignées par le Président de la Fédération, avec l'aide des représentants du Relais concerné.
Au terme du contrôle, un rapport en deux parties est établi par les contrôleurs. La première partie du rapport est une analyse de la situation du Relais et met en évidence ses éventuels dysfonctionnements. Sa seconde partie propose, en cas de besoin, des préconisations de régularisation (mise en place d'un soutien, mise en demeure de régulariser dans un délai déterminé...)'
L'article 7 du règlement intérieur intitulé procédure de soutien des relais prévoit que :
'7.1 : la Fédération et le Relais concerné peuvent décider ensemble de mettre en place les procédures et modalités de soutien et d'accompagnement adaptées à la situation du Relais, suivant des conditions fixées par le Conseil d'administration de la Fédération.
7.2 : La Fédération peut mettre en place une tutelle du Relais à sa demande, ou suite aux conclusions du contrôle sur site prévu à l'article 6 si le Relais n'a pas mis en oeuvre les préconisations proposées par la Fédération dans le délai imparti. Le Conseil d'administration de la Fédération décide alors de l'opportunité de sa mise en place.
Une procédure disciplinaire de tutelle peut également être mise en oeuvre dans les cas suivants :
1. Non-respect des principes éthiques régissant le Mouvement "Gîtes de France" (directement ou par l'intermédiaire d'une filiale ' Cf Charte des relations Fédération/relais départementaux ou interdépartementaux Gîtes de France) ;
2. Fonctionnement irrégulier d'un relais (non-respect de ses statuts ') ;
3. Situation financière difficile risquant de mettre en péril l'existence de l'association".
Il ressort du procès verbal du conseil d'administration de la Fédération du 26 mai 2021 que le conseil d'administration statuant sur la procédure disciplinaire toujours en cours a, avant de se prononcer sur une éventuelle sanction supplémentaire comme il l'avait envisagé dans sa décision du 12 mai précédent, décidé d'approfondir ses investigations relatives à l'association et à sa filiale afin d'examiner en particulier le respect des principes éthiques régissant le mouvement 'Gîtes de France', leur fonctionnement régulier et leur situation financière et décidé, pour ce faire, d'effectuer un contrôle de site dans le respect des règles prévues à l'article 6 du règlement intérieur précité.
Au vu des conclusions des contrôleurs, le conseil d'administration de la Fédération réuni le 29 septembre 2021 s'est, ainsi qu'il ressort de la seule notification de sa décision (pièce n°23 de la Fédération) puisque le procès verbal de délibération n'est pas versé aux débats, 'prononcé sur les préconisations suivantes :
- le maintien de la sanction de suspension du droit de vote aux assemblées générales de la Fédération prononcée le 12 mai 2021 jusqu'à décision contraire du conseil d'administration,
- la mise sous tutelle opérationnelle partielle de l'association, avec nomination d'un comité de suivi'.
Ainsi, il apparaît que :
- le conseil d'administration n'a pas prononcé de sanction disciplinaire proprement dite mais de simples préconisations, la preuve en étant que dans sa notification de la décision du 1er octobre 2021, la présidente de la Fédération a informé l'association qu'elle reviendrait vers elle pour la mise en oeuvre opérationnelle de cette tutelle, ce qu'elle a fait le 22 octobre suivant en prévoyant un échéancier pour l'accomplissement d'une série de mesures et mentionnant expressément qu'à défaut de respect de l'échéance prévue, le conseil d'administration appliquera les sanctions prévues dans le règlement intérieur,
- ce faisant, il a confondu les préconisations prévues aux articles 6 et 7.2 premier alinéa du règlement intérieur de la Fédération et les sanctions disciplinaires prévues aux articles 8.1 et 7.2 deuxième alinéa du même règlement,
- ainsi et alors que les contrôleurs avaient proposé d'autres préconisations, telles celles relevées par les premiers juges, il a proposé à titre de préconisations, en premier lieu, le maintien d'une sanction disciplinaire déjà prise et, en second lieu, une mise sous tutelle qui ne peut être analysée que comme une sanction disciplinaire aux termes du deuxième alinéa de l'article 7.2 ou une mesure administrative de soutien aux termes du premier alinéa de l'article 7.2 et en aucun cas comme une préconisation, comme le soutient à juste titre l'association.
En tout état de cause et à supposer que le conseil d'administration de la Fédération ait entendu prononcer la mise sous tutelle à titre de sanction disciplinaire à la suite du contrôle qu'il a ordonné, il n'a pas respecté les dispositions du premier alinéa de l'article 7.2 qui prévoit qu'il ne peut mettre en place une tutelle que si l'association n'a pas mis en oeuvre les préconisations proposées par la Fédération et non pas les contrôleurs dans le délai qu'elle devait lui impartir, selon les termes de cet article.
La décision du 29 septembre 2021 doit être annulée pour ce premier motif.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la Fédération, le tribunal a annulé la décision du 20 septembre 2021 en toutes ses dispositions et l'association est recevable au visa de l'article 563 du code de procédure civile visé par l'association (page 28 de ses conclusions), mais également fondée à solliciter en cause d'appel la nullité de cette même décision en ce qu'elle a maintenu la sanction de suspension du droit de vote aux assemblées générales du conseil d'administration de la Fédération en arguant d'un nouveau moyen qu'elle n'avait pas invoqué en première instance lié au fait que cette nullité est la conséquence de la nullité des deux premières décisions du conseil d'administration ayant pour la première prononcé cette suspension et l'ayant maintenue pour la seconde.
La décision du 29 septembre 2021 est également annulée pour ce second motif.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de l'association Gîtes de France Var
L'association soutient que :
- sa demande est recevable en appel au visa de l'article 566 du code de procédure civile si elle s'analyse en une demande nouvelle comme de l'article 567 du même code si elle s'analyse en une demande reconventionnelle puisqu'elle se rattache par un lien suffisant à ses prétentions originaires visant à faire cesser la suspension de son droit de vote,
- elle subit un préjudice certain causé par l'acharnement de mauvaise foi de la Fédération à son égard qui a maintenu la suspension de son droit de vote par deux décisions du 18 mai et 1er juillet 2022, et d'autres décisions jusqu'à ce jour en témoignent, malgré le jugement rendu,
- bien qu'invitée aux réunions statutaires, elle n'a pu y participer.
La Fédération réplique que cette demande formulée pour la première fois en appel est irrecevable au visa de l'article 564 du code de procédure civile mais également infondée en ce que :
- les pièces invoquées par l'intimée sont sans rapport avec son prétendu préjudice,
- le préjudice moral allégué au titre des souffrances psychologiques ne peut avoir été subi par une personne morale,
- en tout état de cause, la suspension du droit de vote n'a pas eu pour conséquence d'exclure l'association du réseau Gîtes de France, l'intimée ayant pu participer à l'ensemble des événements organisés au sein du réseau.
La demande de dommages et intérêts présentée par l'association est recevable bien que nouvelle en appel puisqu'elle est la conséquence ou le complément nécessaire de sa demande de nullité des décisions qui ont prononcé puis maintenu la suspension de son droit de vote à titre de sanction disciplinaire, en application de l'article 566 du code de procédure civile mais aussi en ce qu'elle constitue une demande reconventionnelle visée à l'article 567 du code de procédure civile en ce qu'elle concerne les décisions de maintien de la sanction de suspension du droit de vote de l'association prises en mai et juillet 2022 alors que les décisions antérieures avaient été annulées et que cette sanction ne pouvait donc pas être maintenue.
Cette privation indue de participation à la vie associative qui a perduré même après l'annulation des décisions litigieuses lui a causé nécessairement un préjudice puisqu'elle n'a pas pu faire entendre sa voix sur des décisions ayant un impact important sur son activité, lequel doit être indemnisé par l'octroi de la somme de 5 000 euros.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont confirmées.
Les dépens d'appel doivent incomber à la Fédération, partie perdante, laquelle est également condamnée à payer à l'association une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déclare recevable la demande de dommages et intérêts formée par l'association Gîtes de France du Var,
Condamne la Fédération nationale des Gîtes de France et du tourisme vert à payer à l'association Gîtes de France du Var une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Condamne la Fédération nationale des Gîtes de France et du tourisme vert aux dépens d'appel,
Condamne la Fédération nationale des Gîtes de France et du tourisme vert à payer à l'association Gîtes de France du Var une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE