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Décisions

CA Grenoble, ch. soc. - A, 16 septembre 2025, n° 23/01642

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 23/01642

16 septembre 2025

C4

N° RG 23/01642

N° Portalis DBVM-V-B7H-LZP6

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Guillaume ALLIX

la SELARL ACT2L

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 16 SEPTEMBRE 2025

Appel d'une décision (N° RG 21/00073)

rendue par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de Valence

en date du 29 mars 2023

suivant déclaration d'appel du 26 avril 2023

APPELANT :

Monsieur [E] [P]

né le 01 Février 1965 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Guillaume ALLIX, avocat au barreau de la Drôme substitué par Me Florine GOMET, avocat au barreau de la Drôme

INTIMEE :

Association OGEC ST VICTOR prise en la personne de son représentant légal en exercice audit siège, monsieur [I] [Y], en sa qualité de président

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Lidwine LECLERCQ de la SELARL ACT2L, avocat au barreau de la Drôme

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère faisant fonction de présidente

Mme Gwenaelle TERRIEUX, conseillère,

M. Frédéric BLANC, conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 mai 2025,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère faisant fonction de présidente en charge du rapport et Mme Gwenaelle TERRIEUX, conseillère, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions, assistées de Mme Fanny MICHON, greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 16 septembre 2025, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 16 septembre 2025.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [E] [P], né le 1er février 1965, a été embauché suivant contrat de travail à durée indéterminée par l'organisme de gestion de l'enseignement catholique (OGEC) [Localité 6] en qualité d'adjoint de direction du lycée [Localité 6] à compter du 1er septembre 2010.

L'OGEC [Localité 6] relève de la convention collective de l'enseignement privé services administratifs, personnel d'éducation et documentalistes du 14 juin 2005, qui a été remplacée par la convention collective des salariés des établissements privés du 7 juillet 2015.

Le 1er septembre 2014, M. [P] a été promu chef de l'établissement.

Le 6 septembre 2020, M. [P] a adressé une lettre ouverte à l'attention des membres du conseil social et économique, du médecin du travail et de l'inspecteur du travail.

Le 2 novembre 2020, M. [P] a été placé en arrêt de travail pour maladie d'origine non professionnelle jusqu'au 18 décembre 2020.

Le 16 novembre 2020, M. [P] et l'OGEC [Localité 6] ont conclu une convention de rupture du contrat de travail.

Le 27 novembre 2020, M. [P] a fait usage de son droit de rétractation.

Le 4 décembre 2020, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 14 décembre 2020.

L'entretien préalable s'est tenu le 16 décembre 2020.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 19 décembre 2020, M. [P] a été licencié pour faute grave.

Par requête réceptionnée par le greffe le 15 mars 2021, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Valence aux fins de voir constater l'irrégularité de la procédure de licenciement, l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, et obtenir la condamnation de l'OGEC [Localité 6] à lui verser les indemnités afférentes à la rupture de la relation de travail, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 29 mars 2023, le conseil de prud'hommes de Valence a :

Débouté M. [P] [E] de l'ensemble de ses demandes,

Condamné M. [P] [E] à verser à l'OGEC [Localité 6] la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné M. [P] [E] aux dépens de l'instance.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception.

M. [P] en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 26 avril 2023.

Par conclusions transmises par voie électronique le 26 février 2025, M. [P] demande à la cour de :

" Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Valence le 29 mars 2023 en ce qu'il a:

- Débouté M. [P] [E] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné M. [P] [E] à verser à l'OGEC [Localité 6] la somme de 300 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [P] [E] aux dépens de l'instance,

En conséquence,

Sur la demande formulée in limine litis par l'OGEC [Localité 6],

Débouter l'OEGC [Localité 6] de sa demande en irrecevabilité de la demande formulée à titre infiniment subsidiaire par M. [P] visant à voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l'absence d'application des dispositions de l'article 167 du statut de l'enseignement catholique,

A titre principal,

Juger irrégulière la procédure appliquée, en ce que l'autorité de tutelle n'a pas entendu M. [E] [P] sur la procédure de licenciement pour faute grave,

Par conséquent,

Juger que le licenciement de M. [E] [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire,

Si la cour devait considérer que la procédure appliquée par l'OGEC est régulière,

Juger que le licenciement de M. [E] [P] n'est pas justifié,

Par conséquent,

Juger que le licenciement de M. [E] [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

A titre infiniment subsidiaire,

Si la cour devait retenir que M. [P] a commis une faute simple qui aurait pu justifier son licenciement,

Juger que le licenciement de M. [E] [P] est sans cause réelle et sérieuse en raison de l'absence d'application des dispositions de l'article 167 du statut de l'enseignement catholique,

Par conséquent et en tout état de cause,

Condamner l'OGEC [Localité 6] à payer à M. [E] [P] la somme de 26 671,53 euros au titre de son indemnité de licenciement,

Condamner l'OGEC [Localité 6] à payer à M. [E] [P] la somme de 44 235,70 euros, outre congés payés y afférents à hauteur de 4 423,57 euros au titre des salaires dus du 19 décembre 2020 au 31 août 2021,

Condamner l'OGEC [Localité 6] à payer à M. [E] [P] la somme de 52 042,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonner la réfection des documents de fin de contrat sous astreinte de 50,00 euros par jour et par document de retard à compter de la notification du jugement à intervenir,

Fixer la moyenne des salaires de M. [E] [P] à 5 204,20 euros,

Condamner l'OGEC [Localité 6] à payer à M. [E] [P] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ".

Par conclusions transmises par voie électronique le 20 janvier 2025, l'OGEC [Localité 6] demande à la cour de :

" In limine litis, déclarer irrecevables les demandes nouvelles de M. [P] en cause d'appel dans ses conclusions d'appelant n° 2, à savoir : " Si la cour devait retenir que M. [P] a commis une faute simple qui aurait pu justifier son licenciement, juger que le licenciement de M. [P] est sans cause réelle et sérieuse en raison de l'absence d'application des dispositions de l'article 167 du statut de l'enseignement catholique ",

Confirmer dans son intégralité le jugement rendu le 29 mars 2023 par le conseil de prud'hommes de Valence en ce qu'il a :

- Jugé la procédure de licenciement régulière et le licenciement de M. [P] pour faute grave comme fondé,

- Débouté M. [P] de l'intégralité de ses demandes,

- Condamné M. [P] à verser à l'OGEC [Localité 6] la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance,

En conséquence,

Débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes,

Condamner M. [P] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ".

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 mai 2025.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 26 mai 2025, a été mise en délibéré au 16 septembre 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

1 - Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande formulée à titre infiniment subsidiaire

Premièrement, l'article 563 du code de procédure civile énonce que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

L'article 564 du code de procédure civile, énonce qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Et l'article 566 du même code énonce que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Deuxièmement, selon l'article 915-2 alinéas 2 et 3 du code de procédure civile :

A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 906-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'article 914-3, demeurent recevables, dans les limites des chefs du dispositif du jugement critiqués et de ceux qui en dépendent, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, l'OGEC [Localité 6] soulève une fin de non-recevoir en visant l'article 563 du code de procédure civile pour soutenir que M. [P] formule des demandes nouvelles dans le cadre de conclusions d'appelant n° 2 responsives et récapitulatives, de sorte qu'il se fonde sur les dispositions de l'article 564 susvisées.

Or, M. [P] avait saisi le conseil de prud'hommes de Valence le 15 mars 2021 en demandant à voir :

" A titre principal,

Constater l'irrégularité de la procédure en ce que l'autorité de tutelle n'a pas entendu M. [E] [P] sur la procédure de licenciement pour faute grave,

A titre subsidiaire,

Constater l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de M. [E] [P],

Par conséquence,

Dire et juger que le licenciement de M. [E] [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse [']".

En cause d'appel, il a maintenu ses prétentions originaires, en y ajoutant, en cours de procédure d'appel, à titre infiniment subsidiaire :

" Si la cour devait retenir que Monsieur [P] a commis une faute simple qui aurait pu justifier son licenciement,

Juger que le licenciement de M. [E] [P] est sans cause réelle et sérieuse en raison de l'absence d'application des dispositions de l'article 167 du statut de l'enseignement catholique ".

Il en résulte que le salarié n'a pas présenté de prétention nouvelle en cause d'appel mais qu'il a seulement mentionné dans le dispositif de ses conclusions un moyen nouveau au soutien de sa prétention de voir dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Etant rappelé que chaque partie peut invoquer des moyens nouveaux en appel, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l'OGEC [Localité 6].

2 - Sur la contestation du licenciement

Selon les dispositions de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Conformément aux articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1235-2 du code du travail, l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave doit établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

La charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur, qui doit prouver à la fois la faute et l'imputabilité au salarié concerné.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La gravité de la faute s'apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l'ancienneté du salarié et des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié et de l'existence ou de l'absence de précédents disciplinaires. L'existence d'un préjudice subi par l'employeur en conséquence du comportement reproché au salarié n'est pas une condition de la faute grave.

Selon l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Il appartient à ce dernier de rapporter la preuve qu'il n'a eu connaissance des faits fautifs que dans ce délai, entendue comme une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés et de l'imputabilité des faits reprochés au salarié.

Si des vérifications ont été entreprises préalablement à l'engagement de poursuites disciplinaires, le point de départ du délai de prescription est fixé à la date à laquelle l'employeur a eu connaissance du résultat de ces investigations.

Cependant, l'employeur peut prendre en compte un fait antérieur à deux mois, dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai.

Encore faut-il que les faits qui se sont poursuivis ou se sont réitérés soient de même nature ou procèdent du même comportement (Soc. 9 avril 2014, pourvoi n°12-23.870 ; Soc. 6 novembre 2013 pourvoi n°12-21.117).

L'employeur, au sens de ce texte, s'entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir (Cass. soc., 26 juin 2024, n° 23-12.475).

Enfin, apprécier la cause réelle du licenciement implique également de rechercher le motif véritable du licenciement (Soc. 23 novembre 1991, n°88-44.099, Bull. N°427 ; Soc., 26 octobre 2022, n° 20-17.501).

En revanche, le juge ne fait qu'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L.1235-1 du code du travail lorsqu'appréciant les éléments versés aux débats, il constate que le motif du licenciement retenu par l'employeur est réel, sans avoir à rechercher l'existence éventuel d'un autre motif allégué par le salarié (Soc.16 novembre 2016, n°15-23.713).

2.1 - Sur la demande principale en contestation de la procédure de licenciement

L'article L 1332-1 du code du travail énonce qu'aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui.

Il a été jugé, avant la réforme opérée par l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 et le nouvel article L. 1235-2 du code du travail, inapplicable au présent litige, que l'irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur, n'est assimilée à la violation d'une garantie de fond et ne rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse que lorsqu'elle a privé le salarié des droits de sa défense ou lorsqu'elle est susceptible d'avoir exercé en l'espèce une influence sur la décision finale de licenciement par l'employeur (Soc., 8 septembre 2021, pourvoi n° 19-15.039).

Il a également été jugé que la consultation d'un organisme chargé, en vertu d'une disposition conventionnelle ou du règlement intérieur, de donner un avis sur la mesure disciplinaire envisagée par l'employeur constitue pour le salarié une garantie de fond. (Soc, 8 mars 2023, nº 21-19.340).

L'article 1235-2, alinéa 5, du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2018, énonce désormais :

" Lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire. ".

Premièrement, le statut de l'enseignement catholique en France, voté par le Comité national de l'Enseignement catholique le 15 février 2013, adopté par l'Assemblée plénière de la Conférence des évêques de France le 18 avril 2013 et publié le 1 er juin 2013, applicable au contrat de travail, prévoit dans un titre intitulé " Retrait de la mission du chef d'établissement " de la section 4 relative au chef d'établissement :

Article 166 : Si le chef d'établissement ne remplit pas, de manière avérée et habituelle, la mission qui lui a été confiée ou si le ou les rappels à la mission sont restés sans effet, l'autorité de tutelle, après avis du conseil de tutelle compétent, ayant entendu au préalable le chef d'établissement, et de l'instance compétente de l'organisme de gestion qui l'emploie, prononce et motive la fin de la mission du chef d'établissement. Le retrait de la mission du chef d'établissement déclenche une procédure de licenciement par l'organisme de gestion, selon les modalités prévues par la loi française. La lettre de licenciement doit comporter les faits qui ont motivé le retrait de mission.

Article 167 : Si l'organisme de gestion, employeur du chef d'établissement, estime que ce dernier a commis des fautes professionnelles ou qu'il se révèle incapable d'exercer sa fonction, l'instance compétente sollicite l'accord de l'autorité de tutelle pour licencier. Cette dernière entend le chef d'établissement et donne à l'organisme de gestion un avis motivé. Le licenciement du chef d'établissement est subordonné à l'accord de l'autorité de tutelle.

Article 168 : En cas de faute grave ou lourde, le président de l'organisme de gestion, de sa propre initiative ou sur celle de l'autorité de tutelle, peut prononcer une mise à pied conservatoire du chef d'établissement. Il procède au licenciement, avec l'accord de l'autorité de tutelle, dans le respect des statuts et des dispositions légales et réglementaires. art. 169 En cas de maintien en poste d'un chef d'établissement contre l'avis de l'organisme de gestion qui a proposé son licenciement pour faute de gestion, l'autorité de tutelle assume les conséquences financières de la faute de gestion prouvée par l'organisme de gestion.

Article 170 : Le chef d'établissement qui fait l'objet d'un retrait de mission et d'un licenciement bénéficie, de droit, des recours que prévoit le droit canonique66 pour le retrait de mission et de ceux que lui octroient les dispositions civiles en cas de licenciement. Il peut aussi saisir une commission de conciliation, instituée au niveau national et constituée à la diligence du secrétaire général de l'Enseignement catholique ; cette commission peut être saisie plus tôt au cours du litige.

Deuxièmement, le statut du chef d'établissement du second degré de l'enseignement catholique adopté par le comité national de l'enseignement catholique le 20 mars 2009, remplacé par le statut du chef d'établissement adopté par le comité national de l'enseignement catholique du 24 mars 2017, qui a unifié les statuts des chefs d'établissement du premier et du second degré, et actualisé le 24 mars 2022, applicable au contrat de travail, reprend les dispositions du statut de l'enseignement catholique en France en énonçant dans un paragraphe 3.4.7 intitulé " Licenciement " :

3.4.7.1 Licenciement suite au retrait de la mission

Lorsque l'autorité de tutelle retire la mission au chef d'établissement, elle transmet la copie de la lettre notifiant ce retrait et ses motivations à l'organisme de gestion qui déclenche une procédure de licenciement selon les modalités prévues par la réglementation. La lettre de licenciement doit comporter les faits qui ont motivé le retrait de mission.

3.4.7.2 Licenciement à l'initiative de l'organisme de gestion

Tout licenciement doit recueillir l'accord de la tutelle.

La notification du licenciement met fin de facto à la mission du chef d'établissement.

a) Licenciement pour faute lourde ou grave

'En cas de faute grave ou lourde, le président de l'organisme de gestion, de sa propre initiative ou sur celle de l'autorité de tutelle, peut prononcer une mise à pied conservatoire du chef d'établissement. Il procède au licenciement, avec l'accord de l'autorité de tutelle, dans le respect des statuts et des dispositions légales et réglementaires.' (Article 168 du Statut de l'enseignement catholique en France)

b) Licenciement hors le cas de faute lourde ou grave

'Si l'organisme de gestion, employeur du chef d'établissement, estime que ce dernier a commis des fautes professionnelles ou qu'il se révèle incapable d'exercer sa fonction, l'instance compétence sollicite l'accord de l'autorité de tutelle pour licencier. Cette dernière entend le chef d'établissement et donne à l'organisme de gestion un avis motivé. Le licenciement du chef d'établissement est subordonné à l'accord de l'autorité de tutelle.' (Article 167 du Statut de l'enseignement catholique en France)

L'accord de l'autorité de tutelle doit être sollicité lors du conseil d'administration qui aura été réuni en vue de donner mandat au président d'engager l'éventuelle procédure de licenciement.

Pour ce faire, le président de l'organisme de gestion prendra soin de faire part de son intention à l'autorité de tutelle dans un délai qui permette à cette dernière d'entendre le chef d'établissement avant le conseil d'administration précité ".

Troisièmement, il est jugé, au visa des articles 166, 167 et 168 du statut de l'enseignement catholique susvisés que, dans les hypothèses de faute grave ou lourde, le licenciement disciplinaire prononcé à l'initiative de l'organisme de gestion, employeur du chef d'établissement, est seulement subordonné à l'accord de l'autorité de tutelle et ne nécessite ni le retrait préalable de la mission tel que prévu par l'article 166, ni un avis motivé de l'autorité de tutelle tel que prévu par l'article 167 (Soc., 24 novembre 2021, pourvoi n° 19-26.064).

En l'espèce, il est acquis aux débats que la procédure de licenciement a été engagée à l'initiative de l'OGEC [Localité 6] par la remise, le 4 décembre 2020, d'une convocation à un entretien préalable fixé au 14 décembre 2020, que l'entretien s'est tenu à la date fixée, et que l'OGEC [Localité 6] a notifié au salarié son licenciement pour faute grave par courrier du 19 décembre 2020.

Il est acquis aux débats que s'agissant d'un licenciement pour faute grave engagé à l'initiative de l'organisme de gestion et non de l'autorité de tutelle, les dispositions de l'article 168 du statut de l'enseignement catholique en France s'appliquent à la procédure litigieuse, sans qu'il soit discuté de l'absence de retrait préalable par l'autorité de tutelle de la mission de chef d'établissement, tel que prévu par l'article 166.

Aussi, l'OGEC [Localité 6] justifie avoir obtenu l'autorisation de l'autorité de tutelle pour licencier M. [P] en produisant un courrier des Religieuses du Saint Sacrement daté du 17 décembre 2020 adressé à M. [Z], président de l'OGEC [Localité 6], l'autorisant à licencier M. [P] dans les termes suivants :

" Suite à l'entretien préalable au licenciement du 16 décembre 2020 de M. [E] [P], chef d'établissement du collège/lycée [Localité 6] de [Localité 7] et aux explications fournies par ce dernier, compte tenu de la gravité des faits découverts par l'organisme de gestion - employeur de M. [E] [P], et porté à notre connaissance, en tant qu'autorité de tutelle, dans l'utilisation des fonds de l'OGEC (') altérant de manière irréversible la confiance indispensable à l'exercice de ses fonctions, suite à la demande de l'OGEC, nous donnons notre accord pour que celui-ci procède au licenciement de M. [E] [P] pour faute grave, les faits reprochés rendant impossible le maintien dans l'OGEC, même pendant le temps du préavis.

Nous rappelons que la notification du licenciement mettra fin de facto à la mission du chef d'établissement ".

Le salarié soutient, au visa des articles 167 et 168 susvisé, que l'autorité de tutelle a manqué de le recevoir et de l'entendre avant d'émettre cet avis motivé, et que faute d'avoir respecté la procédure prévue par le statut de l'enseignement catholique en France, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

D'une première part, il est admis par les parties que M. [P] avait été entendu par l'autorité de tutelle antérieurement à l'engagement de cette procédure d'abord le 9 octobre 2020 afin de s'expliquer sur sa correspondance du 6 septembre 2020, puis le 2 novembre 2020 dans le cadre du projet de rupture conventionnelle, mais qu'il n'a pas été entendu par l'autorité de tutelle dans le cadre de la procédure de licenciement engagée le 4 décembre 2020 et avant qu'elle ne rende son avis du 17 décembre 2020.

Cependant, la cour constate que le salarié ne développe aucun moyen utile concernant l'application des dispositions de l'article 1235-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, ni ne développe de moyen pertinent quant à la qualification de garantie de fond qui prive le salarié des droits de sa défense ou qui est susceptible d'avoir exercé en l'espèce une influence sur la décision finale de licenciement par l'employeur.

D'une deuxième part, M. [P] discute l'interprétation des dispositions du statut de chef d'établissement de l'enseignement relatives au licenciement pour soutenir qu'en cas de licenciement pour faute grave, les dispositions de l'article 167 qui prévoient un entretien avec l'autorité préalable et son avis motivé sont également applicables.

A ce titre, il fait valoir que l'article 167 vise les " fautes professionnelles " sans distinguer leur degré de gravité et que l'article 168 renvoie aux dispositions des statuts en énonçant que le président de l'organisme de gestion procède au licenciement " dans le respect des statuts " pour en déduire que les deux dispositions doivent être cumulativement respectées en cas de licenciement pour faute grave.

Cependant, l'article 168 précité impose seulement un accord préalable de l'autorité de tutelle au licenciement envisagé pour faute grave sans viser les dispositions de l'article 167 ni prévoir l'audition préalable du salarié, le renvoi général au respect des statuts ne permettant pas d'y intégrer les dispositions de l'article 167.

M. [P] soutient encore vainement que l'interprétation inverse aurait pour effet d'empêcher l'organisme de gestion ayant initié une procédure de licenciement pour faute grave de retenir in fine une sanction moins importante, comme un licenciement pour faute simple, alors qu'il n'en résulte aucun empêchement réel.

D'une troisième part, M. [P] soutient que l'absence d'application des conditions prévues à l'article 167 empêcherait le salarié de pouvoir se défendre auprès de l'autorité de tutelle et constituerait une violation des dispositions de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, applicables dans le cadre d'une procédure prud'homale.

Cependant, l'autorité de tutelle ayant un rôle purement consultatif, elle ne constitue pas un tribunal au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de sorte que les dispositions de ce texte ne lui sont applicables.

Il en ressort qu'aucune irrégularité dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par la convention collective n'avait été commise, la décision de licencier étant prise par l'OGEC [Localité 6] le 19 décembre 2020 après avoir recueilli les explications du salarié dans le cadre de l'entretien préalable du 14 décembre 2020 et après avoir reçu l'autorisation de l'autorité de tutelle en date du 17 décembre 2020.

Le moyen tiré d'une irrégularité de la procédure de licenciement est donc rejeté.

Et le moyen selon lequel son licenciement serait sans cause réelle et sérieuse pour non-respect de la procédure de licenciement n'est donc pas fondé.

2.2 - Sur la demande subsidiaire en contestation des motifs du licenciement

Au cas d'espèce, aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, l'employeur reproche successivement au salarié les griefs suivants :

- avoir utilisé à plusieurs reprises la carte bancaire à son nom ouverte sur le compte de l'établissement pour effectuer des dépenses personnelles,

- avoir emprunté régulièrement des espèces dans la caisse de l'établissement,

- s'être approprié du matériel informatique commandé et payé par l'établissement,

- avoir trompé le personnel de l'établissement placé sous sa direction en lui laissant croire que la direction de l'établissement avait connaissance de ces pratiques,

- avoir adressé à tous les membres de la communauté éducative une lettre polémique sans avoir recueilli l'accord préalable de l'OGEC,

- avoir manqué de transmettre les informations et éléments réclamés dans les délais pour le dernier projet d'ordre du jour du CSE du 15 octobre 2020.

D'une première part, l'OGEC [Localité 6] ne développe aucun moyen utile quant au caractère fautif des faits reprochés au salarié concernant l'envoi de son courrier du 6 septembre 2020 et l'ordre du jour du CSE du 15 octobre 2020, de sorte que ces griefs ne sont pas retenus.

D'une deuxième part, l'OGEC [Localité 6] échoue à démontrer que M. [P] a " occasionnellement emprunté de l'espèce, de 10 à 40 euros dans la caisse de l'établissement " en se limitant à produire l'attestation de Mme [X] [B], comptable, qui rend compte de ce comportement en indiquant que l'ancien directeur avait également recours à cette pratique et que pour elle, M. [P] avait le droit d'y recourir en tant que directeur, tout en précisant qu'il aurait toujours restitué l'espèce emprunté.

En l'absence de tout autre élément probant, cette seule attestation n'est pas suffisante pour établir la matérialité de ce fait.

D'une troisième part, les éléments produits par l'OGEC [Localité 6] sont insuffisants pour établir que M. [P] aurait sciemment trompé le personnel placé sous sa responsabilité en lui laissant croire qu'il était autorisé par la présidence de l'OGEC [Localité 6] à effectuer certaines des actions qui lui sont reprochées (emprunter des espèces dans la caisse de l'établissement, effectuer des paiements personnels avec la carte bancaire sur le compte de l'établissement à son nom).

Le fait que M. [P] ait adopté ces comportements en toute connaissance de cause d'une partie du personnel, parmi lequel la comptable de l'établissement et l'informaticien, tous deux placés sous sa subordination, n'est pas un élément suffisant pour établir qu'il aurait cherché à les induire en erreur.

Ainsi, dans son attestation susvisée, Mme [B] se limite à indiquer sans autre précision qu'elle pensait que M. [P] était autorisé en sa qualité de directeur à emprunter des espèces dans la caisse de l'établissement.

En l'absence de preuve de man'uvres du salarié, l'OGEC [Localité 6] échoue à établir que M. [P] aurait trompé ses subordonnés sur l'étendue de ses pouvoirs en tant que directeur.

Ce fait n'est donc pas retenu.

En revanche, d'une quatrième part, l'OGEC [Localité 6] établit que M. [P] a utilisé la carte bancaire de l'établissement à son nom pour réaliser une empreinte bancaire aux fins de caution lors de la location d'un véhicule pour son usage personnel en produisant :

- un relevé des paiements effectués avec la carte bancaire au nom de M. [P] transmis par la banque de l'OGEC [Localité 6] à la comptable de l'OGEC [Localité 6], Mme [X] [B], par courriel du 3 décembre 2020 et faisant apparaître un débit de 2 000 euros en date du 17 novembre 2020, soit après le début de l'arrêt de travail de M. [P],

- un courriel de Mme [B] du 3 décembre 2020 adressé au conseiller bancaire de l'OGEC [Localité 6] afin d'obtenir des informations sur le débit de 2 000 euros du 17 novembre 2020 apparaissant sur le relevé bancaire, et un courriel en réponse de la banque du 7 décembre 2020 fournissant des informations sur ce débit,

- une copie d'un reçu de carte bancaire d'une empreinte d'un montant de 2 000 euros en faveur d'un concessionnaire automobile effectuée avec la carte bancaire de l'établissement en date du 17 novembre 2020.

L'OGEC [Localité 6] établit également que M. [P] a utilisé la carte bancaire de l'établissement à son nom pour des achats personnels sur la période du 1er septembre au 25 novembre 2020 en produisant:

- une attestation de Mme [X] [B], comptable, dans laquelle celle-ci indique que M. [P] et son fils se trompaient régulièrement de carte bancaire pour leurs achats personnels, mais qu'il était convenu avec M. [P] de déduire les paiements personnels de son salaire ou de ses notes de frais,

- un document établi par l'OGEC [Localité 6] listant l'ensemble des paiements personnels réalisés par M. [P] avec sa carte professionnelle pour la période du 1er septembre au 25 novembre 2020, pour un montant total de 553,19 euros,

- un courriel de M. [P] du 18 décembre 2020 dans lequel celui-ci indique : " Comme convenu, je m'engage à rembourser ce que je dois à l'OGEC. (') Merci de me faire parvenir le reste dû car je n'ai pas pris note ".

S'agissant de l'empreinte d'un montant de 2 000 euros réalisée avec la carte de l'établissement le 17 novembre 2020 dans le cadre de la location d'un véhicule, M. [P] ne conteste pas la matérialité des faits en expliquant avoir été contraint de faire usage de sa carte professionnelle, l'empreinte de sa carte personnelle ayant été refusée.

S'agissant des achats réalisés à des fins personnelles, le salarié indique qu'il utilisait exceptionnellement la carte de l'établissement à son nom pour des raisons purement pratiques ou par erreur, tout en précisant que ces avances de dépenses personnelles étaient autorisées par son employeur et qu'elles étaient réalisées en toute transparence car elles apparaissaient sur les relevés bancaires de l'OGEC [Localité 6].

Cependant, la lecture des relevés bancaires ne suffit pas, sans procéder à une vérification de l'objet réel des dépenses, à identifier une dépense personnelle du chef d'établissement.

Aussi, la cour constate qu'il ne s'évince d'aucune pièce versée aux débats que l'organisme de gestion et notamment son président, supérieur hiérarchique de M. [P], avait lui-même connaissance de cette pratique, ni qu'elle était autorisée comme le soutient le salarié.

Et le fait que, dans son attestation susvisée, Mme [B], comptable de l'établissement, confirme que M. [P] utilisait régulièrement la carte de l'établissement à des fins personnelles, ce dont il résulte qu'un salarié de l'OGEC [Localité 6] au moins avait connaissance de cette pratique, ne permet pas d'établir que le propre supérieur hiérarchique de M. [P] en avait connaissance, Mme [B] étant placée sous la direction de M. [P], directeur.

Le salarié échoue donc à établir l'existence d'une telle tolérance de son employeur.

Par ailleurs, M. [P] affirme qu'il remboursait toutes les dépenses personnelles effectuées avec la carte professionnelle de l'établissement, celles-ci étant déduites de son salaire ou de ses notes de frais. Cependant, aucune retenue de salaire n'apparaît sur les bulletins de salaire des mois de décembre 2019 à septembre 2020 produits par le salarié.

En l'absence d'autorisation ou d'une tolérance de l'OGEC [Localité 6] pour permettre au chef d'établissement d'utiliser la carte professionnelle de l'établissement à des fins personnelles, faire un usage personnel de la carte professionnelle de l'établissement, les utilisations par M. [P] de ladite carte sur la période du 1er septembre au 25 novembre 2020 pour effectuer des achats personnels sur internet ainsi qu'une empreinte d'un montant de 2 000 euros pour la location d'un véhicule pendant son arrêt de travail, caractérisent des faits fautifs.

D'une cinquième part, s'agissant du détournement à des fins personnelles par le salarié de deux ordinateurs portables achetés par l'établissement, la lettre de licenciement énonce : " ['] M. [M], responsable informatique, nous a alors révélé que vous aviez détourné et que vous vous étiez approprié des marchandises commandées et payées par l'OGEC. Ainsi, vous avez récupéré deux ordinateurs portables facturés 100 euros chacun par l'association les Restos du C'ur pour lesquels une facture a été établie par les Restaurants du C'ur à l'ordre du Collège Lycée St Victor ['] ".

Et il ressort d'une facture d'achat du 14 février 2020 portant la mention " réglé le 7 février 2020 ", produite par l'employeur que l'établissement a bien commandé et payé à l'association Les Restos du C'ur deux ordinateurs portables reconditionnés d'un montant de 100 euros chacun.

En outre, le salarié a admis avoir effectué cet achat à des fins personnelles dès lors qu'il en a réglé le prix par l'envoi d'un chèque de paiement par lettre recommandée du 14 avril 2022 précisant que le montant du chèque comprenait " l'achat de l'ordinateur d'un montant de 100 € ".

Au visa de l'article 1332-4 du code du travail, M. [P] invoque la prescription de faits anciens datant de plus de neuf mois avant l'engagement de la procédure de licenciement.

En réponse, l'OGEC [Localité 6] fait valoir en substance qu'il n'a été informé de ces faits que par les déclarations de M. [M] dans le cadre des investigations menées après le 2 novembre 2020.

Or, il s'évince des circonstances de l'espèce que si M. [M] avait connaissance de la destination réservée par M. [P] à l'un des deux ordinateurs portables pour l'un de ses enfants, de même que Mme [B], comptable, il ne peut s'en déduire que l'employeur en avait connaissance à la même date. En effet, ni M. [P] ni Mme [B] ne sont le supérieur hiérarchique de M. [P] ou ne sont titulaires du pouvoir disciplinaire à son encontre.

En tout état de cause, les faits reprochés procèdent du même comportement que l'utilisation abusive de la carte bancaire de l'établissement matériellement établie, qui s'est poursuivie au cours du délai de deux mois précédent l'engagement de la procédure disciplinaire.

Dès lors, le fait reproché au salarié n'était pas prescrit à la date d'engagement de la procédure disciplinaire.

S'agissant du grief concernant le premier ordinateur, la lettre de licenciement reproche au salarié d'avoir " affirmé que c'était pour le travail de M. [G] alors qu'il n'était même pas salarié de l'OGEC et qu'il n'est même plus détaché actuellement au sein de l'établissement ".

Or, le salarié confirme que cet ordinateur était destiné à M. [G] et l'employeur ne produit aucun élément pertinent concernant la destination effective de ce premier ordinateur et le détachement de M. [G].

En conséquence, l'employeur échoue à établir la matérialité des faits concernant l'ordinateur confié à M. [G].

S'agissant de l'ordinateur destiné à un usage familial de M. [P], le salarié affirme dans ses conclusions qu'il ne s'est pas caché de l'utilisation qu'il comptait faire de cet ordinateur, ce qui est confirmé par les attestations de M. [M] et de Mme [B].

Dès lors, il est établi que M. [P] a fait commander un ordinateur portable par l'établissement en vue d'un usage personnel.

Et c'est par des moyens inopérants que le salarié reproche à l'OGEC [Localité 6] de ne pas avoir de son propre chef déduit de son salaire le prix de cet ordinateur et qu'il se prévaut du remboursement effectué, le détournement étant caractérisé.

Ce fait matériellement établi par l'employeur caractérise un comportement fautif.

D'une sixième part, le salarié soutient que son licenciement " est la conséquence directe de l'exercice parfaitement légitime de son droit de rétractation " et que " le motif réel du licenciement est la lettre ouverte adressée par M. [P] le 6 octobre 2020 au CSE, à la médecine du travail et à l'inspection du travail qui n'a pas été acceptée par l'OGEC " pour en déduire que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Il convient de relever qu'il ne développe aucun moyen relatif à une éventuelle nullité du licenciement.

Or, il ressort de ce qui précède que deux griefs visés dans la lettre de licenciement sont établis, à savoir l'utilisation à des fins personnelles d'un moyen de paiement de l'entreprise mis à disposition du salarié et l'achat d'un ordinateur portable par l'OGEC [Localité 6] pour son usage personnel, de sorte qu'il est suffisamment démontré que le salarié a été licencié pour ces seuls motifs.

Au demeurant, la cour constate que :

- la rupture conventionnelle a été signée le 16 novembre 2020 et le salarié s'est rétracté par courrier du 27 novembre 2020,

- le salarié a fait usage de la carte bancaire de l'établissement dans le cadre de la location d'un véhicule à des fins personnelles le 17 novembre 2020,

- les échanges de courriels susvisés entre Mme [B] et la banque de l'établissement en date des 3 et 7 décembre 2020 démontrant que l'OGEC [Localité 6] n'a pas eu connaissance de ce débit de 2 000 euros avant le 3 décembre 2020, soit postérieurement à la rétractation du salarié,

- la procédure disciplinaire a été engagée le 4 décembre 2020.

Dès lors, il ne peut être reproché à l'OGEC [Localité 6] de s'être abstenue d'engager une procédure de licenciement avant le 27 novembre 2020, ni de l'avoir engagée ensuite de la décision de rétraction du salarié.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les faits matériellement établis caractérisent, eu égard aux fonctions de directeur de M. [P] et de l'étendue des pouvoirs qui en résultait, des manquements graves du salarié à ses obligations professionnelles.

De tels manquements, qui portent atteinte à l'utilisation des fonds et des biens de l'employeur, y compris pendant une période d'arrêt de travail, sont en effet de nature à empêcher le maintien du contrat pendant la durée du préavis, ou jusqu'au 31 août de l'année en cours, tel que prévu par les statuts.

Ainsi, selon l'article 3.5.2 du statut du chef d'établissement :

" Hormis les cas de licenciement pour faute grave ou lourde, inaptitude ou licenciement économique, le licenciement doit être notifié au chef d'établissement, par l'organisme de gestion par lettre RAR adressée au plus tard le 1er mars. La date d'envoi de la lettre RAR constitue la date de notification.

Dans le cas des licenciements pour faute grave ou lourde, inaptitude ou consécutif à une interdiction d'exercer, le contrat de travail prend fin à la date d'envoi de la notification du licenciement.

Dans les autres cas le contrat prend fin le 31 août de l'année en cours. Les congés non épuisés donnent lieu à une indemnité compensatrice de congés payés.

Sauf accord entre les parties, et hormis les cas de faute lourde ou grave, le contrat prend fin le 31 août de l'année en cours. Les congés non épuisés donnent lieu à une indemnité compensatrice de congés payés ".

L'employeur démontre ainsi la gravité des faits commis par le salarié, justifiant son licenciement pour faute grave.

Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.

Partant, les moyens développés par le salarié, titre infiniment subsidiaire en cas de qualification d'une faute simple, sont rejetés.

M. [P] est donc débouté de ses demandes en paiement d'une indemnité de licenciement statutaire et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le licenciement étant justifié par une faute grave, M. [P] est débouté, par voie de confirmation, de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour la période du 19 décembre 2020 au 31 août 2021.

Le jugement est également confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en remise des documents de fin de contrat rectifiés.

3 - Sur les demandes accessoires

Le jugement entrepris est confirmé sur les dépens.

M. [P], partie perdante, est condamné aux dépens d'appel.

Eu égard aux circonstances de la cause et à la situation respective des parties, l'équité commande d'écarter l'application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et devant la cour d'appel.

Le jugement entrepris est en conséquence infirmé sur les frais irrépétibles et les parties sont déboutées de leurs demandes respectives d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par l'OGEC St Victor ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Débouté M. [P] [E] de ses demandes tendant à voir dire que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, et obtenir paiement d'une indemnité de licenciement, d'un rappel de salaire et des congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la remise des documents de fin contrat rectifié,

- Condamné M. [P] [E] aux dépens de l'instance ;

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [E] [P] à verser à l'OGEC St Victor la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

DEBOUTE l'OGEC St Victor et M. [E] [P] de leurs demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ;

CONDAMNE M. [E] [P] aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Mme Hélène Blondeau-Patissier, conseillère faisant fonction de présidente, et par Mme Fanny Michon, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente,

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