CA Paris, Pôle 4 - ch. 13, 16 septembre 2025, n° 24/17341
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2025
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/17341 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKGHA
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Février 2024 -Juge de la mise en état de [Localité 6] - RG n° 20/09033
APPELANTES
S.C. REUILLY 66 prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 4]
S.N.C. FAIDHERBE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 4]
S.C.I. EBE 26 prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 4]
S.C.I. DU REUILLY 66 prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 4]
S.C.I. BJ2E prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentées par Maître Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050, avocat postulant,
et par Maître Ornella FITOUSSI de la CS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, substituée par Maître Rachel CLEMENT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Madame [S] [Y] épouse [P]
[Adresse 1]
Chez Mme [I] [Y]
[Localité 3]
Représentée par Maître Rachid ELMAM, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, et Madame Estelle MOREAU, Conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre
Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de Chambre
Madame Estelle MOREAU, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Michelle NOMO
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 septembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Michelle NOMO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
Mme [S] [Y], M. [K] [P] et Mme [N] [B], mère de M. [P], ont créé cinq sociétés civiles pour l'acquisition et la gestion de plusieurs biens immobiliers.
Ainsi :
- le 23 mars 2010, Mme [Y] et M. [P] ont créé la société civile immobilière Ebe dont ils détiennent 50 parts sociales chacun, Mme [Y] étant nommée gérante lors d'une assemblée générale du 10 janvier 2012,
- le 2 août 2012, Mme [Y] et Mme [B] ont créé la société civile immobilière BJ2E dont elles détiennent 50 parts sociales chacune. Par acte du 10 septembre 2012, Mme [B] a cédé l'intégralité des parts qu'elle détenait dans la Sci BJ2E à M. [P],
- le 26 décembre 2013, Mme [Y] et M. [P] ont créé la société en nom collectif Faidherbe dont ils détenaient respectivement une part sociale et 99 parts sociales. Ce dernier a été nommé gérant le 19 décembre 2013,
- le 30 juillet 2015, Mme [Y] et Mme [B] ont créé la société civile holding Reuilly 66. Par acte du 30 septembre 2015, Mme [B] a cédé l'intégralité de ses parts sociales à M. [P],
- le 3 septembre 2015 a été créée la société civile immobilière Du Reuilly 66, filiale de la société Holding Reuilly 66, dont Mme [Y] détenait alors 10 parts sociales et la Sc Reuilly 66 990 parts.
Soutenant que de nombreuses décisions sociales entre le 10 janvier 2012 et le 19 juin 2019 ont été passées en violation des dispositions légales et statutaires, en fraude de ses droits et par dissimulation, faux et usage de faux, Mme [Y] a, par actes des 28 et 29 juin 2020, fait assigner la Sc Reuilly 66, la Snc Faidherbe, la Sci Ebe 26, la Sci Du Reuilly 66 et la Sci B2JE devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins de voir prononcer la nullité de l'ensemble des actes et assemblées générales intervenues, annuler les transferts de parts et les désignations de gérant et désigner un mandataire aux fins d'administration des sociétés. Cette instance a été enrôlée sous le numéro RG 20/09033.
Par actes des 23 avril et 3 mai 2021, Mme [Y] a assigné en intervention forcée la Sas Bereshit investissements, M. [P] en qualité de bénéficiaire des augmentations de capital, Mme [B] en qualité de cessionnaire, Mme [R] [P] épouse [F], soeur de M. [P], en qualité de cessionnaire et la Sas Waterlot et Associés étude d'huissier, en sa qualité de successeur de Mme [A] [V], aux fins, notamment, de voir dire et juger que certains actes sont des faux, déclarer nuls et sans effets ses démissions en date du 12 septembre 2016 et la réintégrer en qualité de gérante des sociétés et annuler les désignations de gérants intervenues en violation des dispositions légales et statutaires et en fraude de ses droits. Cette instance a été enrôlée sous le numéro RG 21/06343.
Par ordonnance rendue le 14 mars 2022 dans l'instance numéro RG 20/09033, le juge de la mise en état a :
- déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation soulevée par les sociétés Sc Reuilly 66, Snc Faidherbe, Sci Ebe 26, Sci Du 66 Reuilly, Sci BJ2E,
- dit que les demandes de nullité relatives aux actes et délibérations suivants des défendresses sont prescrites :
- pour la holding Reuilly 66, acte de cession de parts du 1er septembre 2015 ; PV d'AG du 8 novembre 2016,
- pour la Snc Faidherbe, acte séparé de nomination du gérant du 19 décembre 2013,
- pour la Sci Ebe 26, PV d'AG extraordinaire du 10 janvier 2012,
- pour la Sci Du Reuilly 66, PV d'AG extraordinaire du 10 août 2015 de modification des statuts, PV d'AG du 8 novembre 2016 de changement de gérant,
- pour la Sci BJ2E, PV d'AG ordinaire du 8 novembre 2016 de changement de gérant, PV de cession de parts du 10 janvier 2012,
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription s'agissant des autres demandes,
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et réservé les dépens.
Par ordonnance rendue le 14 mars 2022 dans l'instance numéro RG 21/06343, le juge de la mise en état a rejeté l'irrecevabilité des demandes de Mme [Y] soulevée par la Sas Waterlot et Associés, débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la Sas Waterlot et Associés aux dépens de l'incident.
Par ordonnance du 12 février 2024 rendue dans l'instance RG 20/09033, le juge de la mise en état a :
- déclaré irrecevables les demandes de prescription soulevées par les sociétés Sc Reuilly 66, Snc Faidherbe, Sci Ebe 26, Sci Du Reuilly 66, Sci BJ2E,
- déclaré prescrites dans le cadre de l'instance enrôlée sous le numéro RG 21/06343 les demandes en nullité des actes et délibération suivants :
- pour la société Sc Reuilly 66, le procès-verbal de l'assemblée générale du 8 novembre 2016 concernant le changement de gérant,
- pour la Sci Du Reuilly 66, le procès-verbal de l'assemblée générale du 8 novembre 2016 concernant le changement de gérant,
- pour la Sci BJ2E, le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 8 novembre 2016 concernant le changement de gérant,
- pour la Sci Ebe 26, le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 8 novembre 2016 concernant le changement de gérant,
- ordonné la jonction de la cause inscrite sous le numéro RG 21/06343 avec la cause inscrite sous le numéro RG 20/09033, l'affaire étant désormais appelée sous ce dernier numéro,
- débouté Mme [Y] de sa demande de communication des 'minutiers mensuels entre octobre 2016 et janvier 2020", de 'la clôture des répertoires mensuels entre octobre 2016 et janvier 2020", de 'l'historique du logiciel métier' et des 'lettres découlant de la prescription de l'article 658 du code de procédure civile' à l'encontre de la Sas Waterlot et Associés,
- enjoint les sociétés Sc Reuilly 66, Snc Faidherbe, Sci Ebe 26, Sci Du 66 Reuilly et Sci BJ2E à communiquer à Mme [Y] dans le délai de deux mois à compter de sa décision les pièces suivantes :
- l'original de la lettre de démission de Mme [Y] datée du 12 septembre 2016 de la Sci BJ2E,
- l'original de la lettre de démission de Mme [Y] datée du 12 septembre 2016 de la Sci Ebe 26,
- l'original de la lettre de démission de Mme [Y] datée du 12 septembre 2016 de la Sci Du Reuilly 66,
- l'original de la lettre de démission de Mme [Y] datée du 12 décembre 2016 de la Sc Holding Reuilly 66,
- la convocation pour l'assemblée générale ordinaire du 5 juin 2017 de la Sc Du Reuilly 66 concernant l'augmentation de capital,
- la convocation pour l'assemblée générale mixte du 5 juin 2017 de la Sci Ebe 26 concernant l'augmentation de capital,
- la convocation pour l'assemblée générale mixte du 5 juin 2017 de la Sci BJ2E concernant l'augmentation de capital,
- la notification de l'assemblée générale du 5 juin 2017 de la Sc Du Reuilly 66 par acte du 8 juin 2017,
- la notification d'un constat d'huissier en date du 7 juin 2018 (sur l'acte figure la date du 7 juin 2017) pour le compte de la Sci Ebe 26 et une convocation pour consulter les comptes de la société le 16 juillet 2018 par acte en date du 3 juillet 2018,
- débouté Mme [Y] de sa demande de communication à l'encontre de M. [P] et la Sas Waterlot et Associés,
- débouté Mme [Y] du surplus de ses demandes de communication de pièces,
- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
- mis hors de cause la Sas Waterlot et Associés,
- débouté la Sas Waterlot et Associés de sa demande de dommages et intérêts,
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
- réservé les dépens de l'incident.
Par déclaration du 11 octobre 2024, la Sc Reuilly 66, la Snc Faidherbe, la Sci Ebe 26, la Sci Du Reuilly 66 et la Sci BJ2E ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 4 avril 2025, la société civile Reuilly 66, la société en nom collectif Faidherbe, la société civile immobilière Ebe 26, la société civile immobilière Du Reuilly 66 et la société civile immobilière BJ2E demandent à la cour de :
- les juger recevables en leur appel,
- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes de prescription qu'elles ont soulevées,
en conséquence, statuant à nouveau,
à titre principal,
- renvoyer l'affaire devant la formation de jugement de première instance afin qu'elle statue sur la date d'acquisition du délai de prescription des actions en nullité contre les délibérations introduites par Mme [Y],
à titre subsidiaire,
- juger que les actions en nullité contre les délibérations antérieures au 23 avril 2018 sont prescrites,
en tout état de cause,
- condamner Mme [Y] à leur verser à chacune une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [Y] au paiement des dépens de l'instance.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 5 février 2025, Mme [S] [Y] épouse [P] demande à la cour de :
- la recevoir en ses demandes et la dire bien fondée en son appel incident,
- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle :
- a déclaré irrecevables les demandes de prescription soulevées par les sociétés Reuilly 66, Faidherbe, Ebe 26, Du Reuilly 66, BJ2E,
- a ordonné la jonction de la cause inscrite sous le numéro RG 21/06343 avec la cause inscrite sous le numéro RG 20/09033, l'affaire étant désormais appelée sous ce dernier numéro,
- a enjoint les sociétés Reuilly 66, Faidherbe, Ebe 26, Du Reuilly 66, et BJ2E à lui communiquer dans le délai de deux mois à compter de sa décision les pièces suivantes :
- l'original de la lettre de démission de Mme [Y] datée du 12 septembre 2016 de la Sci BJ2E,
- l'original de la lettre de démission de Mme [Y] datée du 12 septembre 2016 de la Sci Ebe 26,
- l'original de la lettre de démission de Mme [Y] datée du 12 septembre 2016 de la Sci Du Reuilly 66,
- l'original de la lettre de démission de Mme [Y] datée du 12 décembre 2016 de la Sc Holding Reuilly 66,
- la convocation pour l'assemblée générale ordinaire du 5 juin 2017 de la Sc Du Reuilly 66 concernant l'augmentation de capital,
- la convocation pour l'assemblée générale mixte du 5 juin 2017 de la Sci Ebe 26 concernant l'augmentation de capital,
- la convocation pour l'assemblée générale mixte du 5 juin 2017 de la Sci BJ2E concernant l'augmentation de capital,
- la notification de l'assemblée générale du 5 juin 2017 de la Sc Du Reuilly 66 par acte du 8 juin 2017,
- la notification d'un constat d'huissier en date du 7 juin 2018 (sur l'acte figure la date du 7 juin 2017) pour le compte de la Sci Ebe 26 et une convocation pour consulter les comptes de la société le 16 juillet 2018 par acte en date du 3 juillet 2018,
- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
- condamner in solidum la Sc Reuilly 66, la Snc Faidherbe, la Sci Ebe 26, la Sci Du Reuilly 66, la Sci BJ2E, et la Sas Waterlot et Associés au paiement d'une astreinte de 200 euros par jour de retard au profit de Mme [Y] à compter de l'expiration du délai de 8 jours suivant le prononcé de l'arrêt,
- condamner in solidum la Sc Reuilly 66, la Snc Faidherbe, la Sci Ebe 26, la Sci Du Reuilly 66, la Sci BJ2E à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la Sc Reuilly 66, la Snc Faidherbe, la Sci Ebe 26, la Sci Du Reuilly 66 et la Sci BJ2E aux entiers dépens dont distraction au profit de M. [G] [O].
La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 mai 2025.
SUR CE,
Sur la prescription :
Le juge de la mise en état a jugé irrecevable la nouvelle fin de non-recevoir, soulevée par les sociétés Sc Reuilly 66, Snc Faidherbe, Sci Ebe 26, Sci Du Reuilly 66, Sci BJ2E et tirée de la prescription des actions en nullité des délibérations antérieures au 23 avril 2018, objets des assignations délivrées par Mme [Y] les 28 et 29 juin 2020, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée. Il a retenu que ces sociétés ont déjà fait valoir la prescription des actions en nullité contre les délibérations antérieures au 29 juin 2017 devant le juge de la mise en état qui a statué par ordonnance du 14 mars 2022 (RG 20-09033), en retenant comme point de départ du délai de prescription triennale de l'article 1844-14 du code de procédure civile la date de dépôt des actes au greffe du tribunal de commerce de Paris, soit le 11 août 2017, en sorte que la prescription n'était pas acquise lors de l'introduction de l'instance par actes des 28 et 29 juin 2020, et en jugeant prescrites les seules demandes de nullité des actes des sociétés datant de plus de trois ans avant l'introduction de l'instance et dont il n'est pas démontré que Mme [Y] en aurait eu connaissance moins de trois ans avant l'engagement de l'action.
Le juge de la mise en état a rejeté la demande de prescription des actions en nullité contre les délibérations antérieures au 23 avril 2018 soulevées par Mmes [B] et [F] ainsi que la société Bereshit investissements à la suite de leur intervention forcée à la procédure par actes des 23 avril et 3 mai 2021, en ce que :
- l'effet interruptif de prescription de la demande en justice dans le cadre de l'instance enrôlée sous le numéro RG 20-09033 (procédure principale) à la suite des assignations délivrées les 28 et 29 juin 2020 peut être étendu à l'instance enrolée sous le numéro RG 20/09033 (action en intervention forcée), ces actions tendant à un même objectif, soit la remise en cause des actes et délibérations,
- les assignations délivrées les 28 et 29 juin 2020 ont donc interrompu la prescription pour les demandes de nullités des actes qui n'ont pas été déclarées prescrites par ordonnance du juge de la mise en état du 14 mars 2022,
- ne sont pas davantage prescrites les demande de nullité relatives à des actes datant de moins de trois ans avant l'introduction de l'instance en intervention forcée par acte du 23 avril 2021.
Il a retenu que sont en revanche prescrites les demandes relatives à des actes des sociétés datant de plus de trois ans avant l'introduction de l'instance et qui n'ont pas bénéficié de l'interrruption de prescription du fait des assignations délivrées les 28 et 29 juin 2020.
Les appelantes font valoir que :
- pour juger irrecevable leur fin de non-recevoir tirée de la prescription, le juge de la mise en état s'est exclusivement fondé sur l'ordonnance du 14 mars 2022, dont elles ont interjeté appel et par laquelle le juge de la mise en état a statué directement sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, alors qu'en application des dispositions de l'article 789 6° du code de procédure civile, il lui incombait de renvoyer l'affaire devant la formation de jugement de première instance pour qu'elle tranche au préalable sur la question de fond tirée de la date à laquelle Mme [Y] a eu connaissance des actes litigieux, constituant le point de départ de la prescription,
- en se fondant sur les motifs erronés de l'ordonnance du 14 mars 2022 ayant retenu comme point de départ du délai de prescription la date du 11 août 2017 plutôt que celle du 8 juin 2017 ainsi qu'elles le soutenaient, le juge de la mise en état a à nouveau violé les dispositions de l'article 789 6° du code de procédure civile,
- l'affaire doit être renvoyée devant la formation de jugement pour qu'elle statue sur la date d'acquisition du délai de prescription.
Subsidiairement, sollicitant le bénéfice de leur argumentation devant le juge de la mise en état, elles soutiennent que les actions en nullité contre les délibérations antérieures au 23 avril 2018 sont prescrites en ce que :
- en application de l'article 1844-14 du code civil, les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieures à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue, et l'assignation en intervention forcée a été délivrée le 23 avril 2021,
- s'agissant des actes relatifs au changement de gérant consécutivement à la démission de Mme [Y] du 12 septembre 2016, la prescription a couru compter du 30 janvier 2017, date de dépôt de ces actes au greffe du tribunal de commerce et à laquelle Mme [Y] a pu en avoir connaissance de façon certaine, et était donc acquise depuis le 30 janvier 2020,
- la prescription triennale de l'article 1844-14 du code civil est également acquise s'agissant des demandes en nullité d'actes datés du mois de juin 2017 et déposés au greffe le 11 août 2017, l'instance ayant été introduite le 23 avril 2021,
- les actes de signification du 8 juin 2017 à Mme [Y], ayant trait aux assemblées générales de la Sci du [Adresse 2] et de la Sci EBE 26 du 5 juin 2017, constituent le point de départ du délai de prescription triennale des actions en nullité des actes y afférants, ces procès-verbaux de signification n'étant pas inédits en ce qu'ils étaient mentionnés dans leurs conclusions d'incident du 16 septembre 2017 et leur valeur probatoire n'étant pas utilement discutée en raison de la condamnation pénale de Me [V], huissier instrumentaire, pour des faits autres, et alors que ces actes de signification n'ont fait l'objet d'aucune inscription de faux et bénéficient de la présomption de véracité au titre de l'article 1371 du code civil, en sorte que les actions en nullité contre ces actes sont prescrites.
Mme [Y], sollicitant la confirmation de l'ordonnance, souligne que :
- le juge de la mise en état a statué sur la demande de prescription formée par les appelantes par ordonnance du 14 mars 2022 ayant autorité de la chosé jugée, ayant retenu comme point de départ de la prescription la date du dépôt des actes au greffe, soit le 11 août 2017,
- les actes de signification du 8 juin 2017 n'ont jamais été versés aux débats au soutien des différentes conclusions notifiées entre 2020 et 2023, aucune signification ne lui a été adressée et ces actes ont été dressés par un huissier de justice condamné pénalement pour faux en écriture authentique, en sorte que la prescription ne peut avoir couru à compter du 8 juin 2017,
- les actes de la Sc Holding Reuilly 66 (PV de l'assemblée générale ordinaire du 5 juin 2017), de la Sc Holding Reuilly 66 (délibération du gérant du 30 juin 2017 constatant l'augmentation de capital), de la Sci Ebe 26 (PV de l'assemblée générale ordinaire du 5 juin 2017, délibération du gérant du 30 juin 2017 constatant l'augmentation de capital), et de la Sci BJ2E (PV de l'assemblée générale ordinaire du 5 juin 2017, délibération du gérant du 30 juin 2017 constatant l'augmentation de capital) ont été déposés le 11 août 2017 au greffe du tribunal de commerce de Paris, date à laquelle elle a pu avoir connaissance des anomalies qu'ils comportent et point de départ du délai de prescription, en sorte que l'action engagée les 28 et 29 juin 2020 n'est pas prescrite.
Selon l'article 122 du code de procédure civile, 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.
Aux termes de l'article 794 du code de procédure civile, 'Les ordonnances du juge de la mise en état n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l'instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l'article 789".
L'article 481 du code de procédure civile énonce que 'Le juge, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche (...)'.
Selon l'article 789-6 du code de procédure civile dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2020,
'Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ;
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;
2° Allouer une provision pour le procès ;
3° Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ;
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
5° Ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction ;
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.
Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n'estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l'affaire devant le juge de la mise en état.
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état'.
Les appelantes ont été assignées par Mme [Y] par actes des 28 et 29 juin 2020 aux fins d'annulation de nombreuses décisions sociales entre le 10 janvier 2012 et le 19 juin 2019 qui auraient été passées en violation des dispositions légales et statutaires, en fraude de ses droits et par dissimulation, faux et usage de faux.
Par dernières conclusions du 15 octobre 2021, les sociétés Sc Reuilly 66, Snc Faidherbe, Sci Ebe 26, Sci Du 66 Reuilly, Sci BJ2E ont soulevé devant le juge de la mise en état (RG 20-09033) la prescription des actions en nullité contre les délibérations antérieures au 29 juin 2017.
Mme [Y] a en particulier contesté la prescription des actions en nullité des actes suivants :
- pv de l'assemblée générale ordinaire du 5 juin 2017 de la holding Reuilly 66,
- délibération du gérant du 30 juin 2017 constatant l'augmentation du capital de la holding Reuilly 66,
- pv de l'assemblée générale ordinaire du 5 juin 2017 de la Sci EBE 26,
- délibération du gérant du 30 juin 2017 constatant l'augmentation du capital de la Sci EBE 26,
- pv de l'assemblée générale ordinaire du 5 juin 2017 de la Sci BJ2E,
- délibération du gérant du 30 juin 2017 constatant l'augmentation du capital de la Sci BJ2E.
Par ordonnance du 14 mars 2022, le juge de la mise en état, après avoir retenu comme point de départ du délai de prescription la date à laquelle les actes au titre desquels la prescription de l'action est contestée ont été déposés devant le greffe du tribunal de commerce de Paris, soit le 11 août 2017, et que l'action avait été engagée les 28 et 29 juin 2020, a jugé prescrites les demandes de nullité relatives aux actes et délibérations des sociétés demanderesses :
- pour la Holding Reuilly 66, acte de cession de parts du 1er septembre 2015, PV d'AG du 8 novembre 2016,
- pour la Snc Faidherbe, acte séparé de nomination du gérant du 19 décembre 2013,
- pour la Sci Ebe 26, PV d'AG extraordinaire du 10 janvier 2012,
- pour la Sci Du Reuilly 66, PV d'AG extraordinaire du 10 août 2015 de modification des statuts, PV d'AG du 8 novembre 2016 de changement de gérant,
- pour la Sci BJ2E, PV d'AG ordinaire du 8 novembre 2016 de changement de gérant, PV de cession de parts du 10 janvier 2012.
Il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription s'agissant des autres demandes, soit:
- PV d'AG ordinaire du 5 juin 2017 de la Holding Reuilly 66,
- délibération du gérant du 30 juin 2017 de la Holding Reuilly 66,
- PV d'AG du 5 juin 2017 de la Sci Ebe 26,
- délibération du gérant du 30 juin 2017 constatant l'augmentation de capital de la Sci EBE 26,
- PV D'AG du 5 juin 2017 de la Sci BJ2F,
- délibération du gérant du 30 juin 2017 constatant l'augmentaion de capital de la SCI BJ2E,
- l'ensemble des demandes de nullité relatives à des actes datant de moins de trois ans avant l'introduction de l'instance.
L'appréciation du bien fondé de la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à une décision de justice, soulevée devant le juge de la mise en état, ne constitue pas une question de fond nécessitant d'être tranchée au préalable par le tribunal en application de l'article 789 6° du code de procédure civile.
Les moyens qui tendent à critiquer le bien fondé de l'ordonnance du 14 mars 2022, tant au titre de la prétendue méconnaissance des dispositions de l'article 789 6° du code de procédure civile que s'agissant de l'appréciation du point de départ de délai de prescription, en particulier quant aux actes déposés au greffe le 11 août 2017 et aux délibérations des assemblées générales de la Sci du [Adresse 2] et de la Sci EBE 26 du 5 juin 2017 qui auraient été signifiées le 8 juin 2017, sont inopérants compte tenu de l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision, ne pouvant qu'être constatée par le juge de la mise en état.
De même, cette ordonnance a jugé prescrites les actions en nullité des procès-vervaux d'assemblée générale des 8 novembre 2016 ayant voté le changement de gérant en sorte que les développements des appelantes à ce titre, concluant dans le même sens, sont inopérants.
Au regard de l'autorité de la chose jugée de l'ordonnance du 14 mars 2022, la demande des appelantes tendant à voir juger irrecevables comme prescrites les actions en nullité contre les délibérations antérieures au 23 avril 2018, objets de l'instance principale enregistrée sous le numéro RG 20-09033, est irrecevable ainsi que l'a pertinemment retenu le premier juge.
Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance de ce chef.
Sur le prononcé d'une astreinte assortissant la condamnation à la communication de pièces :
Le juge de la mise en état a jugé que le prononcé d'une astreinte assortissant la condamnation des sociétés Sc Reuilly 66, Snc Faidherbe, Sci Ebe 26, Sci Du Reuilly 66, Sci BJ2E à communiquer diverses pièces à Mme [Y] n'était pas nécessaire, le tribunal pouvant tirer toute conséquence d'un défaut de communication.
Mme [Y] sollicite que la condamnation à la communication de pièces soit assortie d'une astreinte de 200 euros par jour de retard en ce que malgré l'expiration du délai de deux mois fixé par le juge de la mise en état, les sociétés appelantes se sont abstenues de lui communiquer les documents visés par l'ordonnance, en particulier les convocations extra-judiciaires aux assemblées générales, qui sont indispensables à la juridiction mais également pour lui permettre d'agir en inscription de faux et en responsabilité, ainsi que les lettres de démission dont elle conteste être la signataire et au titre desquelles elle envisage de faire réaliser une expertise et de rechercher la responsabilité des appelantes pour usage de faux documents.
Les sociétés Reuilly 66, Faidherbe, Ebe 26, Du Reuilly 66 et BJ2E considèrent que le prononcé d'une astreinte n'est pas justifié, en ce que :
- les actes de signification des procès-verbaux d'assemblée générale sont d'ores et déjà versés aux débats,
- s'agissant des lettres de démission datées du 12 septembre 2016, le juge de la mise en état a expressément ordonné leur production par ordonnance du 12 février 2024 ayant autorité de la chose jugée en sorte que cette demande ne peut faire l'objet d'un nouvel examen, et l'intimée tente de transformer la procédure civile en un instrument d'atteinte à la sécurité juridique en confondant les voies civiles avec des prétendus griefs pénaux.
Mme [Y] ayant interjeté appel incident de la disposition de l'ordonnance du 12 février 2024 ayant dit n'y avoir lieu au prononcé de l'astreinte, la cour doit examiner le bien fondé de cette demande.
Ni le défaut d'exécution par les sociétés Reuilly 66, Faidherbe, Ebe 26, Du Reuilly 66 et BJ2E de l'intégralité de l'ordonnance dont appel, ni le souhait allégué de Mme [Y] d'engager diverses actions en inscription de faux ou de nature pénale, ni la procédure en cours ne justifient que la condamnation à la communication de diverses pièces soit assortie d'une astreinte, alors que le tribunal, saisi de demandes de nullité des actes des sociétés, pourra le cas échéant tirer toutes conséquences utiles du défaut de communication de ces pièces dont Mme [Y] conteste la validité ou l'opposabilité et au titre desquelles aucune action en inscription de faux n'a été engagée.
L'ordonnance est donc confirmée de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les sociétés Reuilly 66, Faidherbe, Ebe 26, Du Reuilly 66 et BJ2E sont condamnées in solidum aux dépens d'appel avec les modalités de recouvrement de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à Mme [Y] une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Condamne in solidum la société civile Reuilly 66, la société en nom collectif Faidherbe, la société civile immobilière Ebe 26, la société civile immobilière Du Reuilly 66 et la société civile immobilière BJ2E à payer à Mme [S] [Y] épouse [P] une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la société civile Reuilly 66, la société en nom collectif Faidherbe, la société civile immobilière Ebe 26, la société civile immobilière Du Reuilly 66 et la société civile immobilière BJ2E aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2025
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/17341 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKGHA
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Février 2024 -Juge de la mise en état de [Localité 6] - RG n° 20/09033
APPELANTES
S.C. REUILLY 66 prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 4]
S.N.C. FAIDHERBE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 4]
S.C.I. EBE 26 prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 4]
S.C.I. DU REUILLY 66 prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 4]
S.C.I. BJ2E prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentées par Maître Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050, avocat postulant,
et par Maître Ornella FITOUSSI de la CS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, substituée par Maître Rachel CLEMENT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Madame [S] [Y] épouse [P]
[Adresse 1]
Chez Mme [I] [Y]
[Localité 3]
Représentée par Maître Rachid ELMAM, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, et Madame Estelle MOREAU, Conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre
Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de Chambre
Madame Estelle MOREAU, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Michelle NOMO
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 septembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Michelle NOMO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
Mme [S] [Y], M. [K] [P] et Mme [N] [B], mère de M. [P], ont créé cinq sociétés civiles pour l'acquisition et la gestion de plusieurs biens immobiliers.
Ainsi :
- le 23 mars 2010, Mme [Y] et M. [P] ont créé la société civile immobilière Ebe dont ils détiennent 50 parts sociales chacun, Mme [Y] étant nommée gérante lors d'une assemblée générale du 10 janvier 2012,
- le 2 août 2012, Mme [Y] et Mme [B] ont créé la société civile immobilière BJ2E dont elles détiennent 50 parts sociales chacune. Par acte du 10 septembre 2012, Mme [B] a cédé l'intégralité des parts qu'elle détenait dans la Sci BJ2E à M. [P],
- le 26 décembre 2013, Mme [Y] et M. [P] ont créé la société en nom collectif Faidherbe dont ils détenaient respectivement une part sociale et 99 parts sociales. Ce dernier a été nommé gérant le 19 décembre 2013,
- le 30 juillet 2015, Mme [Y] et Mme [B] ont créé la société civile holding Reuilly 66. Par acte du 30 septembre 2015, Mme [B] a cédé l'intégralité de ses parts sociales à M. [P],
- le 3 septembre 2015 a été créée la société civile immobilière Du Reuilly 66, filiale de la société Holding Reuilly 66, dont Mme [Y] détenait alors 10 parts sociales et la Sc Reuilly 66 990 parts.
Soutenant que de nombreuses décisions sociales entre le 10 janvier 2012 et le 19 juin 2019 ont été passées en violation des dispositions légales et statutaires, en fraude de ses droits et par dissimulation, faux et usage de faux, Mme [Y] a, par actes des 28 et 29 juin 2020, fait assigner la Sc Reuilly 66, la Snc Faidherbe, la Sci Ebe 26, la Sci Du Reuilly 66 et la Sci B2JE devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins de voir prononcer la nullité de l'ensemble des actes et assemblées générales intervenues, annuler les transferts de parts et les désignations de gérant et désigner un mandataire aux fins d'administration des sociétés. Cette instance a été enrôlée sous le numéro RG 20/09033.
Par actes des 23 avril et 3 mai 2021, Mme [Y] a assigné en intervention forcée la Sas Bereshit investissements, M. [P] en qualité de bénéficiaire des augmentations de capital, Mme [B] en qualité de cessionnaire, Mme [R] [P] épouse [F], soeur de M. [P], en qualité de cessionnaire et la Sas Waterlot et Associés étude d'huissier, en sa qualité de successeur de Mme [A] [V], aux fins, notamment, de voir dire et juger que certains actes sont des faux, déclarer nuls et sans effets ses démissions en date du 12 septembre 2016 et la réintégrer en qualité de gérante des sociétés et annuler les désignations de gérants intervenues en violation des dispositions légales et statutaires et en fraude de ses droits. Cette instance a été enrôlée sous le numéro RG 21/06343.
Par ordonnance rendue le 14 mars 2022 dans l'instance numéro RG 20/09033, le juge de la mise en état a :
- déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation soulevée par les sociétés Sc Reuilly 66, Snc Faidherbe, Sci Ebe 26, Sci Du 66 Reuilly, Sci BJ2E,
- dit que les demandes de nullité relatives aux actes et délibérations suivants des défendresses sont prescrites :
- pour la holding Reuilly 66, acte de cession de parts du 1er septembre 2015 ; PV d'AG du 8 novembre 2016,
- pour la Snc Faidherbe, acte séparé de nomination du gérant du 19 décembre 2013,
- pour la Sci Ebe 26, PV d'AG extraordinaire du 10 janvier 2012,
- pour la Sci Du Reuilly 66, PV d'AG extraordinaire du 10 août 2015 de modification des statuts, PV d'AG du 8 novembre 2016 de changement de gérant,
- pour la Sci BJ2E, PV d'AG ordinaire du 8 novembre 2016 de changement de gérant, PV de cession de parts du 10 janvier 2012,
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription s'agissant des autres demandes,
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et réservé les dépens.
Par ordonnance rendue le 14 mars 2022 dans l'instance numéro RG 21/06343, le juge de la mise en état a rejeté l'irrecevabilité des demandes de Mme [Y] soulevée par la Sas Waterlot et Associés, débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la Sas Waterlot et Associés aux dépens de l'incident.
Par ordonnance du 12 février 2024 rendue dans l'instance RG 20/09033, le juge de la mise en état a :
- déclaré irrecevables les demandes de prescription soulevées par les sociétés Sc Reuilly 66, Snc Faidherbe, Sci Ebe 26, Sci Du Reuilly 66, Sci BJ2E,
- déclaré prescrites dans le cadre de l'instance enrôlée sous le numéro RG 21/06343 les demandes en nullité des actes et délibération suivants :
- pour la société Sc Reuilly 66, le procès-verbal de l'assemblée générale du 8 novembre 2016 concernant le changement de gérant,
- pour la Sci Du Reuilly 66, le procès-verbal de l'assemblée générale du 8 novembre 2016 concernant le changement de gérant,
- pour la Sci BJ2E, le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 8 novembre 2016 concernant le changement de gérant,
- pour la Sci Ebe 26, le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 8 novembre 2016 concernant le changement de gérant,
- ordonné la jonction de la cause inscrite sous le numéro RG 21/06343 avec la cause inscrite sous le numéro RG 20/09033, l'affaire étant désormais appelée sous ce dernier numéro,
- débouté Mme [Y] de sa demande de communication des 'minutiers mensuels entre octobre 2016 et janvier 2020", de 'la clôture des répertoires mensuels entre octobre 2016 et janvier 2020", de 'l'historique du logiciel métier' et des 'lettres découlant de la prescription de l'article 658 du code de procédure civile' à l'encontre de la Sas Waterlot et Associés,
- enjoint les sociétés Sc Reuilly 66, Snc Faidherbe, Sci Ebe 26, Sci Du 66 Reuilly et Sci BJ2E à communiquer à Mme [Y] dans le délai de deux mois à compter de sa décision les pièces suivantes :
- l'original de la lettre de démission de Mme [Y] datée du 12 septembre 2016 de la Sci BJ2E,
- l'original de la lettre de démission de Mme [Y] datée du 12 septembre 2016 de la Sci Ebe 26,
- l'original de la lettre de démission de Mme [Y] datée du 12 septembre 2016 de la Sci Du Reuilly 66,
- l'original de la lettre de démission de Mme [Y] datée du 12 décembre 2016 de la Sc Holding Reuilly 66,
- la convocation pour l'assemblée générale ordinaire du 5 juin 2017 de la Sc Du Reuilly 66 concernant l'augmentation de capital,
- la convocation pour l'assemblée générale mixte du 5 juin 2017 de la Sci Ebe 26 concernant l'augmentation de capital,
- la convocation pour l'assemblée générale mixte du 5 juin 2017 de la Sci BJ2E concernant l'augmentation de capital,
- la notification de l'assemblée générale du 5 juin 2017 de la Sc Du Reuilly 66 par acte du 8 juin 2017,
- la notification d'un constat d'huissier en date du 7 juin 2018 (sur l'acte figure la date du 7 juin 2017) pour le compte de la Sci Ebe 26 et une convocation pour consulter les comptes de la société le 16 juillet 2018 par acte en date du 3 juillet 2018,
- débouté Mme [Y] de sa demande de communication à l'encontre de M. [P] et la Sas Waterlot et Associés,
- débouté Mme [Y] du surplus de ses demandes de communication de pièces,
- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
- mis hors de cause la Sas Waterlot et Associés,
- débouté la Sas Waterlot et Associés de sa demande de dommages et intérêts,
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
- réservé les dépens de l'incident.
Par déclaration du 11 octobre 2024, la Sc Reuilly 66, la Snc Faidherbe, la Sci Ebe 26, la Sci Du Reuilly 66 et la Sci BJ2E ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 4 avril 2025, la société civile Reuilly 66, la société en nom collectif Faidherbe, la société civile immobilière Ebe 26, la société civile immobilière Du Reuilly 66 et la société civile immobilière BJ2E demandent à la cour de :
- les juger recevables en leur appel,
- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes de prescription qu'elles ont soulevées,
en conséquence, statuant à nouveau,
à titre principal,
- renvoyer l'affaire devant la formation de jugement de première instance afin qu'elle statue sur la date d'acquisition du délai de prescription des actions en nullité contre les délibérations introduites par Mme [Y],
à titre subsidiaire,
- juger que les actions en nullité contre les délibérations antérieures au 23 avril 2018 sont prescrites,
en tout état de cause,
- condamner Mme [Y] à leur verser à chacune une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [Y] au paiement des dépens de l'instance.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 5 février 2025, Mme [S] [Y] épouse [P] demande à la cour de :
- la recevoir en ses demandes et la dire bien fondée en son appel incident,
- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle :
- a déclaré irrecevables les demandes de prescription soulevées par les sociétés Reuilly 66, Faidherbe, Ebe 26, Du Reuilly 66, BJ2E,
- a ordonné la jonction de la cause inscrite sous le numéro RG 21/06343 avec la cause inscrite sous le numéro RG 20/09033, l'affaire étant désormais appelée sous ce dernier numéro,
- a enjoint les sociétés Reuilly 66, Faidherbe, Ebe 26, Du Reuilly 66, et BJ2E à lui communiquer dans le délai de deux mois à compter de sa décision les pièces suivantes :
- l'original de la lettre de démission de Mme [Y] datée du 12 septembre 2016 de la Sci BJ2E,
- l'original de la lettre de démission de Mme [Y] datée du 12 septembre 2016 de la Sci Ebe 26,
- l'original de la lettre de démission de Mme [Y] datée du 12 septembre 2016 de la Sci Du Reuilly 66,
- l'original de la lettre de démission de Mme [Y] datée du 12 décembre 2016 de la Sc Holding Reuilly 66,
- la convocation pour l'assemblée générale ordinaire du 5 juin 2017 de la Sc Du Reuilly 66 concernant l'augmentation de capital,
- la convocation pour l'assemblée générale mixte du 5 juin 2017 de la Sci Ebe 26 concernant l'augmentation de capital,
- la convocation pour l'assemblée générale mixte du 5 juin 2017 de la Sci BJ2E concernant l'augmentation de capital,
- la notification de l'assemblée générale du 5 juin 2017 de la Sc Du Reuilly 66 par acte du 8 juin 2017,
- la notification d'un constat d'huissier en date du 7 juin 2018 (sur l'acte figure la date du 7 juin 2017) pour le compte de la Sci Ebe 26 et une convocation pour consulter les comptes de la société le 16 juillet 2018 par acte en date du 3 juillet 2018,
- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
- condamner in solidum la Sc Reuilly 66, la Snc Faidherbe, la Sci Ebe 26, la Sci Du Reuilly 66, la Sci BJ2E, et la Sas Waterlot et Associés au paiement d'une astreinte de 200 euros par jour de retard au profit de Mme [Y] à compter de l'expiration du délai de 8 jours suivant le prononcé de l'arrêt,
- condamner in solidum la Sc Reuilly 66, la Snc Faidherbe, la Sci Ebe 26, la Sci Du Reuilly 66, la Sci BJ2E à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la Sc Reuilly 66, la Snc Faidherbe, la Sci Ebe 26, la Sci Du Reuilly 66 et la Sci BJ2E aux entiers dépens dont distraction au profit de M. [G] [O].
La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 mai 2025.
SUR CE,
Sur la prescription :
Le juge de la mise en état a jugé irrecevable la nouvelle fin de non-recevoir, soulevée par les sociétés Sc Reuilly 66, Snc Faidherbe, Sci Ebe 26, Sci Du Reuilly 66, Sci BJ2E et tirée de la prescription des actions en nullité des délibérations antérieures au 23 avril 2018, objets des assignations délivrées par Mme [Y] les 28 et 29 juin 2020, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée. Il a retenu que ces sociétés ont déjà fait valoir la prescription des actions en nullité contre les délibérations antérieures au 29 juin 2017 devant le juge de la mise en état qui a statué par ordonnance du 14 mars 2022 (RG 20-09033), en retenant comme point de départ du délai de prescription triennale de l'article 1844-14 du code de procédure civile la date de dépôt des actes au greffe du tribunal de commerce de Paris, soit le 11 août 2017, en sorte que la prescription n'était pas acquise lors de l'introduction de l'instance par actes des 28 et 29 juin 2020, et en jugeant prescrites les seules demandes de nullité des actes des sociétés datant de plus de trois ans avant l'introduction de l'instance et dont il n'est pas démontré que Mme [Y] en aurait eu connaissance moins de trois ans avant l'engagement de l'action.
Le juge de la mise en état a rejeté la demande de prescription des actions en nullité contre les délibérations antérieures au 23 avril 2018 soulevées par Mmes [B] et [F] ainsi que la société Bereshit investissements à la suite de leur intervention forcée à la procédure par actes des 23 avril et 3 mai 2021, en ce que :
- l'effet interruptif de prescription de la demande en justice dans le cadre de l'instance enrôlée sous le numéro RG 20-09033 (procédure principale) à la suite des assignations délivrées les 28 et 29 juin 2020 peut être étendu à l'instance enrolée sous le numéro RG 20/09033 (action en intervention forcée), ces actions tendant à un même objectif, soit la remise en cause des actes et délibérations,
- les assignations délivrées les 28 et 29 juin 2020 ont donc interrompu la prescription pour les demandes de nullités des actes qui n'ont pas été déclarées prescrites par ordonnance du juge de la mise en état du 14 mars 2022,
- ne sont pas davantage prescrites les demande de nullité relatives à des actes datant de moins de trois ans avant l'introduction de l'instance en intervention forcée par acte du 23 avril 2021.
Il a retenu que sont en revanche prescrites les demandes relatives à des actes des sociétés datant de plus de trois ans avant l'introduction de l'instance et qui n'ont pas bénéficié de l'interrruption de prescription du fait des assignations délivrées les 28 et 29 juin 2020.
Les appelantes font valoir que :
- pour juger irrecevable leur fin de non-recevoir tirée de la prescription, le juge de la mise en état s'est exclusivement fondé sur l'ordonnance du 14 mars 2022, dont elles ont interjeté appel et par laquelle le juge de la mise en état a statué directement sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, alors qu'en application des dispositions de l'article 789 6° du code de procédure civile, il lui incombait de renvoyer l'affaire devant la formation de jugement de première instance pour qu'elle tranche au préalable sur la question de fond tirée de la date à laquelle Mme [Y] a eu connaissance des actes litigieux, constituant le point de départ de la prescription,
- en se fondant sur les motifs erronés de l'ordonnance du 14 mars 2022 ayant retenu comme point de départ du délai de prescription la date du 11 août 2017 plutôt que celle du 8 juin 2017 ainsi qu'elles le soutenaient, le juge de la mise en état a à nouveau violé les dispositions de l'article 789 6° du code de procédure civile,
- l'affaire doit être renvoyée devant la formation de jugement pour qu'elle statue sur la date d'acquisition du délai de prescription.
Subsidiairement, sollicitant le bénéfice de leur argumentation devant le juge de la mise en état, elles soutiennent que les actions en nullité contre les délibérations antérieures au 23 avril 2018 sont prescrites en ce que :
- en application de l'article 1844-14 du code civil, les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieures à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue, et l'assignation en intervention forcée a été délivrée le 23 avril 2021,
- s'agissant des actes relatifs au changement de gérant consécutivement à la démission de Mme [Y] du 12 septembre 2016, la prescription a couru compter du 30 janvier 2017, date de dépôt de ces actes au greffe du tribunal de commerce et à laquelle Mme [Y] a pu en avoir connaissance de façon certaine, et était donc acquise depuis le 30 janvier 2020,
- la prescription triennale de l'article 1844-14 du code civil est également acquise s'agissant des demandes en nullité d'actes datés du mois de juin 2017 et déposés au greffe le 11 août 2017, l'instance ayant été introduite le 23 avril 2021,
- les actes de signification du 8 juin 2017 à Mme [Y], ayant trait aux assemblées générales de la Sci du [Adresse 2] et de la Sci EBE 26 du 5 juin 2017, constituent le point de départ du délai de prescription triennale des actions en nullité des actes y afférants, ces procès-verbaux de signification n'étant pas inédits en ce qu'ils étaient mentionnés dans leurs conclusions d'incident du 16 septembre 2017 et leur valeur probatoire n'étant pas utilement discutée en raison de la condamnation pénale de Me [V], huissier instrumentaire, pour des faits autres, et alors que ces actes de signification n'ont fait l'objet d'aucune inscription de faux et bénéficient de la présomption de véracité au titre de l'article 1371 du code civil, en sorte que les actions en nullité contre ces actes sont prescrites.
Mme [Y], sollicitant la confirmation de l'ordonnance, souligne que :
- le juge de la mise en état a statué sur la demande de prescription formée par les appelantes par ordonnance du 14 mars 2022 ayant autorité de la chosé jugée, ayant retenu comme point de départ de la prescription la date du dépôt des actes au greffe, soit le 11 août 2017,
- les actes de signification du 8 juin 2017 n'ont jamais été versés aux débats au soutien des différentes conclusions notifiées entre 2020 et 2023, aucune signification ne lui a été adressée et ces actes ont été dressés par un huissier de justice condamné pénalement pour faux en écriture authentique, en sorte que la prescription ne peut avoir couru à compter du 8 juin 2017,
- les actes de la Sc Holding Reuilly 66 (PV de l'assemblée générale ordinaire du 5 juin 2017), de la Sc Holding Reuilly 66 (délibération du gérant du 30 juin 2017 constatant l'augmentation de capital), de la Sci Ebe 26 (PV de l'assemblée générale ordinaire du 5 juin 2017, délibération du gérant du 30 juin 2017 constatant l'augmentation de capital), et de la Sci BJ2E (PV de l'assemblée générale ordinaire du 5 juin 2017, délibération du gérant du 30 juin 2017 constatant l'augmentation de capital) ont été déposés le 11 août 2017 au greffe du tribunal de commerce de Paris, date à laquelle elle a pu avoir connaissance des anomalies qu'ils comportent et point de départ du délai de prescription, en sorte que l'action engagée les 28 et 29 juin 2020 n'est pas prescrite.
Selon l'article 122 du code de procédure civile, 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.
Aux termes de l'article 794 du code de procédure civile, 'Les ordonnances du juge de la mise en état n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l'instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l'article 789".
L'article 481 du code de procédure civile énonce que 'Le juge, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche (...)'.
Selon l'article 789-6 du code de procédure civile dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2020,
'Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ;
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;
2° Allouer une provision pour le procès ;
3° Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ;
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
5° Ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction ;
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.
Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n'estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l'affaire devant le juge de la mise en état.
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état'.
Les appelantes ont été assignées par Mme [Y] par actes des 28 et 29 juin 2020 aux fins d'annulation de nombreuses décisions sociales entre le 10 janvier 2012 et le 19 juin 2019 qui auraient été passées en violation des dispositions légales et statutaires, en fraude de ses droits et par dissimulation, faux et usage de faux.
Par dernières conclusions du 15 octobre 2021, les sociétés Sc Reuilly 66, Snc Faidherbe, Sci Ebe 26, Sci Du 66 Reuilly, Sci BJ2E ont soulevé devant le juge de la mise en état (RG 20-09033) la prescription des actions en nullité contre les délibérations antérieures au 29 juin 2017.
Mme [Y] a en particulier contesté la prescription des actions en nullité des actes suivants :
- pv de l'assemblée générale ordinaire du 5 juin 2017 de la holding Reuilly 66,
- délibération du gérant du 30 juin 2017 constatant l'augmentation du capital de la holding Reuilly 66,
- pv de l'assemblée générale ordinaire du 5 juin 2017 de la Sci EBE 26,
- délibération du gérant du 30 juin 2017 constatant l'augmentation du capital de la Sci EBE 26,
- pv de l'assemblée générale ordinaire du 5 juin 2017 de la Sci BJ2E,
- délibération du gérant du 30 juin 2017 constatant l'augmentation du capital de la Sci BJ2E.
Par ordonnance du 14 mars 2022, le juge de la mise en état, après avoir retenu comme point de départ du délai de prescription la date à laquelle les actes au titre desquels la prescription de l'action est contestée ont été déposés devant le greffe du tribunal de commerce de Paris, soit le 11 août 2017, et que l'action avait été engagée les 28 et 29 juin 2020, a jugé prescrites les demandes de nullité relatives aux actes et délibérations des sociétés demanderesses :
- pour la Holding Reuilly 66, acte de cession de parts du 1er septembre 2015, PV d'AG du 8 novembre 2016,
- pour la Snc Faidherbe, acte séparé de nomination du gérant du 19 décembre 2013,
- pour la Sci Ebe 26, PV d'AG extraordinaire du 10 janvier 2012,
- pour la Sci Du Reuilly 66, PV d'AG extraordinaire du 10 août 2015 de modification des statuts, PV d'AG du 8 novembre 2016 de changement de gérant,
- pour la Sci BJ2E, PV d'AG ordinaire du 8 novembre 2016 de changement de gérant, PV de cession de parts du 10 janvier 2012.
Il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription s'agissant des autres demandes, soit:
- PV d'AG ordinaire du 5 juin 2017 de la Holding Reuilly 66,
- délibération du gérant du 30 juin 2017 de la Holding Reuilly 66,
- PV d'AG du 5 juin 2017 de la Sci Ebe 26,
- délibération du gérant du 30 juin 2017 constatant l'augmentation de capital de la Sci EBE 26,
- PV D'AG du 5 juin 2017 de la Sci BJ2F,
- délibération du gérant du 30 juin 2017 constatant l'augmentaion de capital de la SCI BJ2E,
- l'ensemble des demandes de nullité relatives à des actes datant de moins de trois ans avant l'introduction de l'instance.
L'appréciation du bien fondé de la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à une décision de justice, soulevée devant le juge de la mise en état, ne constitue pas une question de fond nécessitant d'être tranchée au préalable par le tribunal en application de l'article 789 6° du code de procédure civile.
Les moyens qui tendent à critiquer le bien fondé de l'ordonnance du 14 mars 2022, tant au titre de la prétendue méconnaissance des dispositions de l'article 789 6° du code de procédure civile que s'agissant de l'appréciation du point de départ de délai de prescription, en particulier quant aux actes déposés au greffe le 11 août 2017 et aux délibérations des assemblées générales de la Sci du [Adresse 2] et de la Sci EBE 26 du 5 juin 2017 qui auraient été signifiées le 8 juin 2017, sont inopérants compte tenu de l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision, ne pouvant qu'être constatée par le juge de la mise en état.
De même, cette ordonnance a jugé prescrites les actions en nullité des procès-vervaux d'assemblée générale des 8 novembre 2016 ayant voté le changement de gérant en sorte que les développements des appelantes à ce titre, concluant dans le même sens, sont inopérants.
Au regard de l'autorité de la chose jugée de l'ordonnance du 14 mars 2022, la demande des appelantes tendant à voir juger irrecevables comme prescrites les actions en nullité contre les délibérations antérieures au 23 avril 2018, objets de l'instance principale enregistrée sous le numéro RG 20-09033, est irrecevable ainsi que l'a pertinemment retenu le premier juge.
Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance de ce chef.
Sur le prononcé d'une astreinte assortissant la condamnation à la communication de pièces :
Le juge de la mise en état a jugé que le prononcé d'une astreinte assortissant la condamnation des sociétés Sc Reuilly 66, Snc Faidherbe, Sci Ebe 26, Sci Du Reuilly 66, Sci BJ2E à communiquer diverses pièces à Mme [Y] n'était pas nécessaire, le tribunal pouvant tirer toute conséquence d'un défaut de communication.
Mme [Y] sollicite que la condamnation à la communication de pièces soit assortie d'une astreinte de 200 euros par jour de retard en ce que malgré l'expiration du délai de deux mois fixé par le juge de la mise en état, les sociétés appelantes se sont abstenues de lui communiquer les documents visés par l'ordonnance, en particulier les convocations extra-judiciaires aux assemblées générales, qui sont indispensables à la juridiction mais également pour lui permettre d'agir en inscription de faux et en responsabilité, ainsi que les lettres de démission dont elle conteste être la signataire et au titre desquelles elle envisage de faire réaliser une expertise et de rechercher la responsabilité des appelantes pour usage de faux documents.
Les sociétés Reuilly 66, Faidherbe, Ebe 26, Du Reuilly 66 et BJ2E considèrent que le prononcé d'une astreinte n'est pas justifié, en ce que :
- les actes de signification des procès-verbaux d'assemblée générale sont d'ores et déjà versés aux débats,
- s'agissant des lettres de démission datées du 12 septembre 2016, le juge de la mise en état a expressément ordonné leur production par ordonnance du 12 février 2024 ayant autorité de la chose jugée en sorte que cette demande ne peut faire l'objet d'un nouvel examen, et l'intimée tente de transformer la procédure civile en un instrument d'atteinte à la sécurité juridique en confondant les voies civiles avec des prétendus griefs pénaux.
Mme [Y] ayant interjeté appel incident de la disposition de l'ordonnance du 12 février 2024 ayant dit n'y avoir lieu au prononcé de l'astreinte, la cour doit examiner le bien fondé de cette demande.
Ni le défaut d'exécution par les sociétés Reuilly 66, Faidherbe, Ebe 26, Du Reuilly 66 et BJ2E de l'intégralité de l'ordonnance dont appel, ni le souhait allégué de Mme [Y] d'engager diverses actions en inscription de faux ou de nature pénale, ni la procédure en cours ne justifient que la condamnation à la communication de diverses pièces soit assortie d'une astreinte, alors que le tribunal, saisi de demandes de nullité des actes des sociétés, pourra le cas échéant tirer toutes conséquences utiles du défaut de communication de ces pièces dont Mme [Y] conteste la validité ou l'opposabilité et au titre desquelles aucune action en inscription de faux n'a été engagée.
L'ordonnance est donc confirmée de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les sociétés Reuilly 66, Faidherbe, Ebe 26, Du Reuilly 66 et BJ2E sont condamnées in solidum aux dépens d'appel avec les modalités de recouvrement de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à Mme [Y] une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Condamne in solidum la société civile Reuilly 66, la société en nom collectif Faidherbe, la société civile immobilière Ebe 26, la société civile immobilière Du Reuilly 66 et la société civile immobilière BJ2E à payer à Mme [S] [Y] épouse [P] une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la société civile Reuilly 66, la société en nom collectif Faidherbe, la société civile immobilière Ebe 26, la société civile immobilière Du Reuilly 66 et la société civile immobilière BJ2E aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE