CA Grenoble, ch. civ. B, 16 septembre 2025, n° 24/00437
GRENOBLE
Arrêt
Autre
N° RG 24/00437 - N° Portalis DBVM-V-B7I-MDNE
C2
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
la SELARL GUMUSCHIAN-ROGUET-BONZY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE CIVILE SECTION B
ARRÊT DU MARDI 16 SEPTEMBRE 2025
Appel d'un jugement (N° R.G 22/02816) rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble en date du 07 décembre 2023, suivant déclaration d'appel du 23 janvier 2024
APPELANTS :
M. [D] [T]
né le 01 Avril 1950 à [Localité 5] (ITALIE)
de nationalité Italienne
[Adresse 4]
[Localité 2]
Mme [M] [P] ÉPOUSE [T]
née le 16 Juillet 1949 à [Localité 7] (38)
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentés par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIM É :
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice la société FONCIERE ETOILE, SARL, dont le siège social est situé [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me David ROGUET de la SELARL GUMUSCHIAN-ROGUET-BONZY, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère faisant fonction de présidente
Mme Ludivine Chetail, conseillère,
M. Jean-Yves Pourret, conseiller,
DÉBATS
A l'audience publique du 03 Juin 2025, Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Claire Chevallet, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [D] [T] et Madame [M] [P] épouse [T] sont copropriétaires d'un appartement au sein de la copropriété sise [Adresse 3] à [Localité 6].
L'assemblée générale annuelle a été convoquée le 02 mars 2022 pour se tenir le 30 mars 2022. Le procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars a été notifié aux époux [T] par courrier recommandé du 04 avril 2022, réceptionné le 06 avril 2022.
L'assemblée générale a voté en point 4.2 la réalisation de travaux de renfort de plancher depuis le logement de Monsieur [K], copropriétaire d'un appartement situé au 1er étage, pour un montant de 18.911,20 TTC par l'entreprise Rénover et bâtir.
Madame et Monsieur [T] ont assigné par acte d'huissier de justice du 03 juin 2022 le syndicat des copropriétaires devant le tribunal judiciaire de Grenoble aux fins notamment de dire et juger Monsieur [D] [T] et Madame [M] [P] épouse [T] recevables et bien fondés en son action en nullité à l'encontre des résolutions du point 4, soit 4.1, 4.2 et du point 5 du procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2022 des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 6] ;
Par jugement en date du 07 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Grenoble a :
- Déclaré l'action des époux [T] recevable,
- Débouté les mêmes de leurs demandes d'annulation des résolutions du point 4, soit 4.1 et 4.2, et point 5 pour non-respect de l'article 11 du décret du 17 mars 1967,
- Débouté les mêmes de leur demande de nullité des résolutions 4,4.1 et 4,2, et point 5, engageant les travaux et leurs modalités de financement,
- Condamné les mêmes à la somme de 1.500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Les époux [T] ont interjeté appel de cette décision le 23 janvier 2024.
Dans leurs conclusions notifiées le 20 août 2024, les époux [T] demandent à la cour de :
Vu les articles 10-1, 42, 24 et suivant de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965,
Vu l'article 11 du décret du 17 mars 1967,
Vu les pièces versées aux débats,
- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par les époux [T],
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré recevable l'action intentée par les époux [T],
- réformer la décision pour le surplus,
Statuant à nouveau :
- dire que les époux [T] sont recevables et bien fondés en son action en nullité à l'encontre des résolutions du point 4, soit 4.1, 4.2 et du point 5 du procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2022 des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 6] ;
- dire que le vote des résolutions du point 4, soit 4.1, 4.2 et du point 5 du procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2022 des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 6] est intervenu en violation des dispositions de l'article 11 du décret du 17 mars 1967 ;
- dire que le vote des résolutions du point 4, soit 4.1, 4.2 et du point 5 du procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2022 des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 6] constitue un abus de majorité ;
- annuler par conséquent les résolutions du point 4, soit 4.1, 4.2 et du point 5 du procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2022 des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 6] ;
- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 6] à payer aux époux [T] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
- dispenser les époux [T] de toute participation à la dépense commune des frais de procédure engagées par le syndicat des copropriétaires en application de l'article 10-1 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965.
Au soutien de leurs demandes, les époux [T] font valoir, sur le fondement de l'article 11 du décret 17 mars 1967, que la règle générale demeure l'obligation d'assurer un consentement aussi éclairé que possible au vote des copropriétaires, spécialement s'agissant du vote des travaux.
Ils affirment que les informations fournies aux copropriétaires préalablement au vote de la résolution contestée apparaissent particulièrement insuffisantes au visa des dispositions de l'article 11 du décret du 17 mars 1967 précitées, que les résolutions 4.2 et 4.3 du procès-verbal d'assemblée générale du 30 mars 2022 sont dépourvues d'intérêt collectif de sorte qu'elles constituent un abus de majorité.
Ils rappellent les conclusions de l'expert et en déduisent qu'il s'agit là indéniablement de désordres sur des parties privatives, relevant de la seule responsabilité du copropriétaire ou de la société ayant mis en 'uvre le carrelage de son appartement.
Ils soulignent que le rapport d'expertise n'a pas été porté à la connaissance des copropriétaires, dont certains attestent que si tel avait été le cas, ils n'auraient pas voté les travaux mis à la charge des copropriétaires au motifs que cela relèverait des parties communes.
Ils ajoutent qu'il est constant qu'il ne ressort d'aucun des deux rapports la nécessité de reprendre les solives, qu'il n'existe pas de risque de rupture, que les seuls dommages concernent des éléments privatifs.
Dans ses conclusions notifiées le 26 juin 2024, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de :
Vu les dispositions de l'article 11 du décret du 17 mars 1967,
Vu les dispositions de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble le 7 décembre 2023 en ce qu'il a notamment débouté les consorts [T] de l'ensemble de leurs demandes, et dit régulières les délibérations attaquées,
Y ajoutant,
- condamner Monsieur [D] [T] et Madame [M] [P] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] la somme de 2000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel.
Le syndicat des copropriétaires expose que l'alinéa 14° du texte n'a pas vocation à s'appliquer dès lors qu'il concerne les « travaux d'intérêt collectif réalisés sur parties privatives, en application du II de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Il énonce que le syndic a décidé de mettre à l'ordre du jour ces travaux sur la base d'un rapport du bureau d'études Bois conseil en date du 9 août 2021, que ce dernier conclut que « les deux solives supportant le chevêtre situé devant la colonne de chute doivent être renforcées par doublage avec un UPE 140. Les autres solives courantes pourront être renforcées, si cette décision est prise, avec des UPE 120, suivant les principes indiqués dans le carnet des schémas et photos n° 1 joint. », que le rapport était joint à la convocation à l'assemblée générale, ce que ne contestent pas les consorts [T].
En revanche, les consorts [T] indiquent qu'un rapport expertal n'a pas été adressé aux copropriétaires, et qu'il remettrait en cause les conclusions du bureau d'études. Or tel n'est absolument pas le cas.
Il déclare qu'il est totalement indifférent au stade de l'exécution des travaux de savoir qui aura une responsabilité finale.
La clôture a été prononcée le 6 mai 2025.
MOTIFS
Selon l'article 11 du décret du 17 mars 1967, sont notifiés au plus tard en même temps que l'ordre du jour :
I.-Pour la validité de la décision :
1° L'état financier du syndicat des copropriétaires et son compte de gestion général, lorsque l'assemblée est appelée à approuver les comptes. Ces documents sont présentés avec le comparatif des comptes de l'exercice précédent approuvé ;
2° Le projet du budget présenté avec le comparatif du dernier budget prévisionnel voté, lorsque l'assemblée est appelée à voter le budget prévisionnel ;
La présentation des documents énumérés au 1° et au 2° ci-dessus est conforme aux modèles établis par le décret relatif aux comptes du syndicat des copropriétaires et ses annexes ;
3° Les conditions essentielles du contrat ou, en cas d'appel à la concurrence, des contrats proposés, lorsque l'assemblée est appelée à approuver un contrat, un devis ou un marché, notamment pour la réalisation de travaux ainsi que les conditions générales et particulières du projet de contrat et la proposition d'engagement de caution mentionné au deuxième alinéa de'l'article 26-7'de la loi du 10 juillet 1965 lorsque le contrat proposé a pour objet la souscription d'un prêt bancaire au nom du syndicat dans les conditions prévues à'l'article 26-4'de cette loi ;
Il est de jurisprudence constante que le défaut de communication est susceptible d'entraîner sa nullité lorsque l'assemblée générale n'a pas été en mesure de prendre une décision suffisamment éclairée.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que l'assemblée générale des copropriétaires a pris sa décision sur la base des seules pièces fournies, à savoir les devis et le rapport établi par la société Bois Conseil, rapport constitué principalement de photographies, et d'un schéma intitulé «'renforcement du solivage du R+1'» accompagné de quelques mentions manuscrites, ainsi que d'une note plus explicite en date du 9 août 2021 qui énonce notamment': «'il est possible que la démolition d'une cloison en briques remplacée par du placostil ait aggravé les déformations lors des travaux au RDC, mais il est à noter que les solives étaient trop faibles dès le départ pour supporter les charges actuelles (surtout avec le carrelage sur chape)'».
Cette note de la société Bois conseil pouvait prêter à confusion de par sa rédaction, l'expression «'charges actuelles'» ne permettant pas nécessairement de savoir si celles-ci incluaient ou non le carrelage sur chape posé par M.[K], et si par conséquent, les seules parties communes étaient de par leur structure initiale responsables de l'affaissement du plancher relevé chez M.[K].
Suite à cette note, une mesure d'expertise amiable a été diligentée. Sur ce point, l'expert est beaucoup plus clair que la société Bois conseil puisqu'il indique': «'Nous partageons les conclusions du bureau d'études, à savoir que le carrelage avec sa chape dans l'appartement de M.[K] a apporté une surcharge à l'origine du fléchissement du plancher.
La démolition d'une cloison par la société Auréa en 2019 a pu participer au fléchissement du plancher, mais cela ne reste qu'une hypothèse qu'il sera difficile à démontrer, d'autant plus face à la surcharge du carrelage'».
Au titre de l'évaluation des dommages, l'expert note': «'M.[K] a indiqué qu'il avait l'intention de rénover le sol de son appartement.
S'il procède à la mise en 'uvre d'un revêtement léger en remplacement de la chape et du carrelage, les solives devraient pouvoir rester en l'état.
S'il souhaite conserver un carrelage, les solives devront être confortées sur la base du rapport du bureau d'études Bois conseil'».
Au titre des responsabilités': l'expert énonce': «'la responsabilité de la société Aurea ne pourra pas être démontrée.
Il peut éventuellement être recherché en responsabilité M.[K] ou la société ayant mis en 'uvre le carrelage dans son appartement'». Il ajoute': «'il semblerait que le syndic, l'agence Immobilier Chartreuse, représentant le syndicat des copropriétaires, ne souhaite pas rechercher en responsabilité M.[K]'».
En conséquence, et même si le rapport de la société Bois Conseil et celui de l'expert ne s'opposent pas, ils sont complémentaires et surtout l'expert, qui était beaucoup plus à même de le faire, d'une part se montre très clair et affirmatif sur l'origine du fléchissement du plancher et d'autre part, souligne que si le carrelage litigieux est enlevé, il ne serait pas nécessaire d'effectuer des travaux.
Cette information était essentielle pour permettre aux copropriétaires de se prononcer en connaissance de cause sur le vote des travaux. Il convient d'annuler les résolutions litigieuses, soit 4.1, 4.2 et du point 5 du procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2022 des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 6], le jugement sera infirmé.
Les demandes relatives à l'abus de majorité sont sans objet.
Le syndicat des copropriétaires qui succombe à l'instance sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Infirme le jugement en ses dispositions déférées et statuant de nouveau :
Annule les résolutions du point 4, soit 4.1, 4.2 et du point 5 du procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2022 des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 6] ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic en exercice, à verser aux époux [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Dispense les époux [T] de toute participation à la dépense commune des frais de procédure engagées par le syndicat des copropriétaires en application de l'article 10-1 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère de la chambre civile section B faisant fonction de présidente, et par la greffière Mme Claire Chevallet, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
C2
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
la SELARL GUMUSCHIAN-ROGUET-BONZY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE CIVILE SECTION B
ARRÊT DU MARDI 16 SEPTEMBRE 2025
Appel d'un jugement (N° R.G 22/02816) rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble en date du 07 décembre 2023, suivant déclaration d'appel du 23 janvier 2024
APPELANTS :
M. [D] [T]
né le 01 Avril 1950 à [Localité 5] (ITALIE)
de nationalité Italienne
[Adresse 4]
[Localité 2]
Mme [M] [P] ÉPOUSE [T]
née le 16 Juillet 1949 à [Localité 7] (38)
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentés par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIM É :
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice la société FONCIERE ETOILE, SARL, dont le siège social est situé [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me David ROGUET de la SELARL GUMUSCHIAN-ROGUET-BONZY, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère faisant fonction de présidente
Mme Ludivine Chetail, conseillère,
M. Jean-Yves Pourret, conseiller,
DÉBATS
A l'audience publique du 03 Juin 2025, Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Claire Chevallet, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [D] [T] et Madame [M] [P] épouse [T] sont copropriétaires d'un appartement au sein de la copropriété sise [Adresse 3] à [Localité 6].
L'assemblée générale annuelle a été convoquée le 02 mars 2022 pour se tenir le 30 mars 2022. Le procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars a été notifié aux époux [T] par courrier recommandé du 04 avril 2022, réceptionné le 06 avril 2022.
L'assemblée générale a voté en point 4.2 la réalisation de travaux de renfort de plancher depuis le logement de Monsieur [K], copropriétaire d'un appartement situé au 1er étage, pour un montant de 18.911,20 TTC par l'entreprise Rénover et bâtir.
Madame et Monsieur [T] ont assigné par acte d'huissier de justice du 03 juin 2022 le syndicat des copropriétaires devant le tribunal judiciaire de Grenoble aux fins notamment de dire et juger Monsieur [D] [T] et Madame [M] [P] épouse [T] recevables et bien fondés en son action en nullité à l'encontre des résolutions du point 4, soit 4.1, 4.2 et du point 5 du procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2022 des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 6] ;
Par jugement en date du 07 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Grenoble a :
- Déclaré l'action des époux [T] recevable,
- Débouté les mêmes de leurs demandes d'annulation des résolutions du point 4, soit 4.1 et 4.2, et point 5 pour non-respect de l'article 11 du décret du 17 mars 1967,
- Débouté les mêmes de leur demande de nullité des résolutions 4,4.1 et 4,2, et point 5, engageant les travaux et leurs modalités de financement,
- Condamné les mêmes à la somme de 1.500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Les époux [T] ont interjeté appel de cette décision le 23 janvier 2024.
Dans leurs conclusions notifiées le 20 août 2024, les époux [T] demandent à la cour de :
Vu les articles 10-1, 42, 24 et suivant de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965,
Vu l'article 11 du décret du 17 mars 1967,
Vu les pièces versées aux débats,
- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par les époux [T],
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré recevable l'action intentée par les époux [T],
- réformer la décision pour le surplus,
Statuant à nouveau :
- dire que les époux [T] sont recevables et bien fondés en son action en nullité à l'encontre des résolutions du point 4, soit 4.1, 4.2 et du point 5 du procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2022 des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 6] ;
- dire que le vote des résolutions du point 4, soit 4.1, 4.2 et du point 5 du procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2022 des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 6] est intervenu en violation des dispositions de l'article 11 du décret du 17 mars 1967 ;
- dire que le vote des résolutions du point 4, soit 4.1, 4.2 et du point 5 du procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2022 des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 6] constitue un abus de majorité ;
- annuler par conséquent les résolutions du point 4, soit 4.1, 4.2 et du point 5 du procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2022 des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 6] ;
- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 6] à payer aux époux [T] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
- dispenser les époux [T] de toute participation à la dépense commune des frais de procédure engagées par le syndicat des copropriétaires en application de l'article 10-1 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965.
Au soutien de leurs demandes, les époux [T] font valoir, sur le fondement de l'article 11 du décret 17 mars 1967, que la règle générale demeure l'obligation d'assurer un consentement aussi éclairé que possible au vote des copropriétaires, spécialement s'agissant du vote des travaux.
Ils affirment que les informations fournies aux copropriétaires préalablement au vote de la résolution contestée apparaissent particulièrement insuffisantes au visa des dispositions de l'article 11 du décret du 17 mars 1967 précitées, que les résolutions 4.2 et 4.3 du procès-verbal d'assemblée générale du 30 mars 2022 sont dépourvues d'intérêt collectif de sorte qu'elles constituent un abus de majorité.
Ils rappellent les conclusions de l'expert et en déduisent qu'il s'agit là indéniablement de désordres sur des parties privatives, relevant de la seule responsabilité du copropriétaire ou de la société ayant mis en 'uvre le carrelage de son appartement.
Ils soulignent que le rapport d'expertise n'a pas été porté à la connaissance des copropriétaires, dont certains attestent que si tel avait été le cas, ils n'auraient pas voté les travaux mis à la charge des copropriétaires au motifs que cela relèverait des parties communes.
Ils ajoutent qu'il est constant qu'il ne ressort d'aucun des deux rapports la nécessité de reprendre les solives, qu'il n'existe pas de risque de rupture, que les seuls dommages concernent des éléments privatifs.
Dans ses conclusions notifiées le 26 juin 2024, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de :
Vu les dispositions de l'article 11 du décret du 17 mars 1967,
Vu les dispositions de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble le 7 décembre 2023 en ce qu'il a notamment débouté les consorts [T] de l'ensemble de leurs demandes, et dit régulières les délibérations attaquées,
Y ajoutant,
- condamner Monsieur [D] [T] et Madame [M] [P] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] la somme de 2000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel.
Le syndicat des copropriétaires expose que l'alinéa 14° du texte n'a pas vocation à s'appliquer dès lors qu'il concerne les « travaux d'intérêt collectif réalisés sur parties privatives, en application du II de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Il énonce que le syndic a décidé de mettre à l'ordre du jour ces travaux sur la base d'un rapport du bureau d'études Bois conseil en date du 9 août 2021, que ce dernier conclut que « les deux solives supportant le chevêtre situé devant la colonne de chute doivent être renforcées par doublage avec un UPE 140. Les autres solives courantes pourront être renforcées, si cette décision est prise, avec des UPE 120, suivant les principes indiqués dans le carnet des schémas et photos n° 1 joint. », que le rapport était joint à la convocation à l'assemblée générale, ce que ne contestent pas les consorts [T].
En revanche, les consorts [T] indiquent qu'un rapport expertal n'a pas été adressé aux copropriétaires, et qu'il remettrait en cause les conclusions du bureau d'études. Or tel n'est absolument pas le cas.
Il déclare qu'il est totalement indifférent au stade de l'exécution des travaux de savoir qui aura une responsabilité finale.
La clôture a été prononcée le 6 mai 2025.
MOTIFS
Selon l'article 11 du décret du 17 mars 1967, sont notifiés au plus tard en même temps que l'ordre du jour :
I.-Pour la validité de la décision :
1° L'état financier du syndicat des copropriétaires et son compte de gestion général, lorsque l'assemblée est appelée à approuver les comptes. Ces documents sont présentés avec le comparatif des comptes de l'exercice précédent approuvé ;
2° Le projet du budget présenté avec le comparatif du dernier budget prévisionnel voté, lorsque l'assemblée est appelée à voter le budget prévisionnel ;
La présentation des documents énumérés au 1° et au 2° ci-dessus est conforme aux modèles établis par le décret relatif aux comptes du syndicat des copropriétaires et ses annexes ;
3° Les conditions essentielles du contrat ou, en cas d'appel à la concurrence, des contrats proposés, lorsque l'assemblée est appelée à approuver un contrat, un devis ou un marché, notamment pour la réalisation de travaux ainsi que les conditions générales et particulières du projet de contrat et la proposition d'engagement de caution mentionné au deuxième alinéa de'l'article 26-7'de la loi du 10 juillet 1965 lorsque le contrat proposé a pour objet la souscription d'un prêt bancaire au nom du syndicat dans les conditions prévues à'l'article 26-4'de cette loi ;
Il est de jurisprudence constante que le défaut de communication est susceptible d'entraîner sa nullité lorsque l'assemblée générale n'a pas été en mesure de prendre une décision suffisamment éclairée.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que l'assemblée générale des copropriétaires a pris sa décision sur la base des seules pièces fournies, à savoir les devis et le rapport établi par la société Bois Conseil, rapport constitué principalement de photographies, et d'un schéma intitulé «'renforcement du solivage du R+1'» accompagné de quelques mentions manuscrites, ainsi que d'une note plus explicite en date du 9 août 2021 qui énonce notamment': «'il est possible que la démolition d'une cloison en briques remplacée par du placostil ait aggravé les déformations lors des travaux au RDC, mais il est à noter que les solives étaient trop faibles dès le départ pour supporter les charges actuelles (surtout avec le carrelage sur chape)'».
Cette note de la société Bois conseil pouvait prêter à confusion de par sa rédaction, l'expression «'charges actuelles'» ne permettant pas nécessairement de savoir si celles-ci incluaient ou non le carrelage sur chape posé par M.[K], et si par conséquent, les seules parties communes étaient de par leur structure initiale responsables de l'affaissement du plancher relevé chez M.[K].
Suite à cette note, une mesure d'expertise amiable a été diligentée. Sur ce point, l'expert est beaucoup plus clair que la société Bois conseil puisqu'il indique': «'Nous partageons les conclusions du bureau d'études, à savoir que le carrelage avec sa chape dans l'appartement de M.[K] a apporté une surcharge à l'origine du fléchissement du plancher.
La démolition d'une cloison par la société Auréa en 2019 a pu participer au fléchissement du plancher, mais cela ne reste qu'une hypothèse qu'il sera difficile à démontrer, d'autant plus face à la surcharge du carrelage'».
Au titre de l'évaluation des dommages, l'expert note': «'M.[K] a indiqué qu'il avait l'intention de rénover le sol de son appartement.
S'il procède à la mise en 'uvre d'un revêtement léger en remplacement de la chape et du carrelage, les solives devraient pouvoir rester en l'état.
S'il souhaite conserver un carrelage, les solives devront être confortées sur la base du rapport du bureau d'études Bois conseil'».
Au titre des responsabilités': l'expert énonce': «'la responsabilité de la société Aurea ne pourra pas être démontrée.
Il peut éventuellement être recherché en responsabilité M.[K] ou la société ayant mis en 'uvre le carrelage dans son appartement'». Il ajoute': «'il semblerait que le syndic, l'agence Immobilier Chartreuse, représentant le syndicat des copropriétaires, ne souhaite pas rechercher en responsabilité M.[K]'».
En conséquence, et même si le rapport de la société Bois Conseil et celui de l'expert ne s'opposent pas, ils sont complémentaires et surtout l'expert, qui était beaucoup plus à même de le faire, d'une part se montre très clair et affirmatif sur l'origine du fléchissement du plancher et d'autre part, souligne que si le carrelage litigieux est enlevé, il ne serait pas nécessaire d'effectuer des travaux.
Cette information était essentielle pour permettre aux copropriétaires de se prononcer en connaissance de cause sur le vote des travaux. Il convient d'annuler les résolutions litigieuses, soit 4.1, 4.2 et du point 5 du procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2022 des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 6], le jugement sera infirmé.
Les demandes relatives à l'abus de majorité sont sans objet.
Le syndicat des copropriétaires qui succombe à l'instance sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Infirme le jugement en ses dispositions déférées et statuant de nouveau :
Annule les résolutions du point 4, soit 4.1, 4.2 et du point 5 du procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2022 des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 6] ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic en exercice, à verser aux époux [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Dispense les époux [T] de toute participation à la dépense commune des frais de procédure engagées par le syndicat des copropriétaires en application de l'article 10-1 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère de la chambre civile section B faisant fonction de présidente, et par la greffière Mme Claire Chevallet, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,