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Décisions

CA Chambéry, 1re ch., 16 septembre 2025, n° 22/01952

CHAMBÉRY

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CA Chambéry n° 22/01952

16 septembre 2025

NH/SL

N° Minute

[Immatriculation 2]/514

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 16 Septembre 2025

N° RG 22/01952 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HEDH

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 6] en date du 24 Octobre 2022

Appelante

S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE, en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS [I] CONSTRUCTION, dont le siège social est situé [Adresse 3]

Représentée par Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL SELARL INTER-BARREAUX BDMV AVOCATS, avocats plaidants au barreau de LYON

Intimées

S.C.I. [Adresse 5], dont le siège social est situé [Adresse 4]

Représentée par la SELARL EUROPA AVOCATS, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par l'AARPI FAIRWAY, avocats plaidants au barreau de PARIS

S.A. CEGC COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS, dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par l'AARPI CLL Avocats, avocats plaidants au barreau de PARIS

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Date de l'ordonnance de clôture : 07 Avril 2025

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 juillet 2025

Date de mise à disposition : 16 septembre 2025

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Composition de la cour :

- Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,

- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,

- Mme Inès REAL DEL SARTE, Magistrat Honoraire,

avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

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Faits et procédure

[M] cours de l'année 2010, la SCI [Adresse 5] a entrepris la réalisation d'un ensemble immobilier dénommé « Chablais Parc » situé à Annemasse (74100) composé de plusieurs bâtiments à usage de logements, de commerces, de bureaux, de résidence de tourisme et de parking destinés à être vendus par lots en état futur d'achèvement.

Suivant acte d'engagement du 20 octobre 2010, la SCI Chablais Parc a confié la Société Régionale de Construction [I], en qualité d'entreprise générale, la construction de :

- l'ilôt infrastructure composé d'un parc de stationnement privé et public sur trois niveaux de sous-sol,

- l'îlot B composé de locaux commerciaux, d'une résidence hôtelière et de deux immeubles de logements,

- l'îlot C composé de locaux commerciaux et de quatre immeubles de logements,

- l'îlot D1 composé de locaux commerciaux et d'un immeuble de logements,

- l'îlot E composé de locaux commerciaux et d'un immeuble de logements,

- l'îlot F composé de locaux commerciaux et d'un immeuble de bureaux,

- l'îlot G2 composé de locaux commerciaux ;

pour un prix global et forfaitaire de 50.836.600 euros HT, soit 60.800.573,60 euros TTC, hors dépollution et démolition, majoré d'une actualisation d'un montant de 500.000 euros HT dans un délai de 24,5 mois.

Chaque îlot a fait l'objet d'un permis de construire qui lui est propre.

Pour les besoins de cette opération immobilière, la SCI [Adresse 5] a régularisé une convention de garantie de paiement des entreprises auprès de la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions le 24 octobre 2011.

Suivant trois actes délivrés le 16 janvier 2012, la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions s'est portée caution solidaire de la SCI [Adresse 5] pour le paiement des sommes dues par celle-ci à la Société Régionale de Construction [I] dans la limite de 40 % du marché relatif aux îlots B et C et à l'îlot infrastructures.

Suivant avenant n°2 du 5 mars 2013, une modification du marché de travaux, comprenant les îlots E et G2 ainsi que les travaux du second-'uvre de l'îlot F, a été régularisée moyennant une moins-value de 4.810.635,63 euros.

La réception des travaux de l'îlot infrastructure ainsi que des îlots B et C est intervenue entre le 7 octobre 2013 et le 23 janvier 2014.

Par courrier du 20 mai 2014, la société Régionale de construction [I] a mis la SCI [Adresse 5] en demeure de lui régler la somme de 2.088.285,94 euros TTC.

Par courrier du 4 juin 2014, la société Régionale de construction [I] a mis la SCI [Adresse 5] en demeure de procéder à la remise d'une garantie de paiement conforme à la loi pour le lot D1, dans un délai de 15 jours sous peine d'arrêt du chantier. Elle a signifié l'arrêt des travaux en l'absence de garantie de paiement, s'agissant des bâtiments D1 et F, par courrier recommandé du 23 juin 2014.

Par assignations à jour fixe délivrées le 20 juin 2014, la société Régionale de construction [I] a cité la SCI [Adresse 5] et la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains aux fins d'obtenir le règlement de la somme de 2.088.285,94 euros TTC au titre de la situation de travaux n°38.

Parallèlement, par ordonnance de référé du 30 décembre 2014, le président du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a :

- Ordonné une médiation confiée à M. [H] avec pour mission de rechercher une solution d'ensemble du litige entre les parties par leur conciliation, en ce compris :

- la détermination de l'assiette des travaux réalisés et restant à réaliser,

- l'évaluation de toute pénalité ou indemnité et l'établissement de comptes entre les parties ainsi que tout chef de médiation sollicité par les parties utile au succès de leur conciliation ;

- Donné acte à la SCI [Adresse 5] de son engagement immédiat de ne pas faire intervenir d'entreprises tierces sur le chantier de l'immeuble D1 et de ne pas procéder à la livraison de lots de ce dernier jusqu'au 15 février 2015 et l'y a condamnée, en tant que de besoin, sous astreinte de 5000 euros par infraction constatée passé le délai de 24 heures après le prononcé de l'ordonnance ;

- Donné acte à la SCI Chablais Parc de son engagement de retirer sans délai le dispositif de sécurité qu'elle a mis en place à l'exception du simple gardiennage du chantier et l'y a condamnée, en tant que de besoin, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard passé le délai de 24 heures après le prononcé de l'ordonnance.

Par jugement du 13 février 2015, le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de la mesure de médiation confiée à M. [H].

Par courrier en date du 15 juin 2015, M. [H] a informé le président du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains de l'échec de la médiation.

Par ordonnance de référé du 15 juillet 2015, le président du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a ordonné à la SCI [Adresse 5] de fournir une garantie de paiement d'un montant de 1.337.308,73 euros et a ordonné une expertise judiciaire afin de faire les comptes entre les parties, qu'il a confiée à M. [H].

Le 30 juillet 2015, la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions s'est constituée caution solidaire de la SCI [Adresse 5] pour le paiement de la somme de 1.337.308,73 euros, en exécution de l'ordonnance de référé, pour le paiement des sommes dues 'au titre du solde du marché'.

Par une première ordonnance de référé du 10 novembre 2015, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Chambéry le 24 mai 2016, le président du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a débouté la Société Régionale de Construction [I] de sa demande en paiement de la somme de 1.337.308,75 euros et l'a condamnée à une amende civile d'un montant de 3.000 euros ainsi qu'à verser à la SCI [Adresse 5] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts et à la SCI Chablais Parc et la Compagnie Européenne de Garantie et Cautions, la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par une seconde ordonnance rendue à la même date, et également confirmée par arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 24 mai 2016, le président du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a ordonné l'extension des opérations d'expertise à la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions, à sa demande.

Par jugement du 12 février 2016, le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, confirmé par l'arrêt de la cour d 'appel de Chambéry du 19 avril 2016 a ordonné un sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise confiée à M. [H].

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 29 novembre 2018.

Par jugement du 7 novembre 2018, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la Société Régionale de Construction [I] et a désigné la société MJ Synergie, en qualité de mandataire judiciaire.

Par courrier recommandé du 4 janvier 2019, la SCI [Adresse 5] a déclaré sa créance au passif de la Société Régionale de Construction [I].

Par acte d'huissier du 20 février 2019, la SCI [Adresse 5] a assigné la société AJ UP et la société AJ Partenaires (administrateur judiciaire) en intervention forcée.

Par jugement du 17 avril 2019, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la Société Régionale de Construction [I] et a désigné la société MJ Synergie, en qualité de liquidateur judiciaire.

Par courrier du 21 juin 2019, la SCI [Adresse 5] a déclaré sa créance au passif de la Société Régionale de Construction [I].

Par acte d'huissier du 2 août 2019, la SCI [Adresse 5] a assigné la société MJ Synergie, en qualité de liquidateur judiciaire de la Société Régionale de Construction [I], en intervention forcée.

Par jugement contradictoire du 24 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :

- Dit que la SCI [Adresse 5] est redevable envers la société Régionale de construction [I] de la somme de 1.689.464,93 euros HT au titre du solde du marché de travaux ;

- Dit que la société Régionale de construction [I] est redevable envers la SCI [Adresse 5] de la somme de 2.350.154,20 euros HT au titre des pénalités de retard ;

- Dit que la société Régionale de construction [I] est redevable envers la SCI [Adresse 5] la somme de 432.753,57 euros HT au titre du montant des travaux avancés pour finaliser les travaux du lot infrastructures et l'îlot D1 ;

- Ordonné la compensation entre les sommes dues respectivement par la société Régionale de construction [I] au titre des pénalités de retard et du remboursement des travaux avancés et par la SCI [Adresse 5] au titre du solde de marché de travaux ;

- Fixé après compensation des créances réciproques, la créance de la société Régionale de construction [I] par la SCI [Adresse 5] au passif de la liquidation judiciaire à la somme de 1.093.442,84 euros HT ;

- Débouté la Société Régionale de Construction [I] de ses demandes de condamnations formulées à l'encontre de la société Compagnie Européenne de Garantie et Cautions ;

- Débouté la Société Régionale de Construction [I] de ses demandes de dommages et intérêts ;

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- Condamné la société MJ Synergie, en qualité de liquidateur judiciaire de la Société Régionale de Construction [I] , à payer à la SCI [Adresse 5] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société MJ Synergie en qualité de liquidateur judiciaire de la Société Régionale de Construction [I] à verser à la société Compagnie Européenne De Garanties Et Cautions la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société MJ Synergie, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Régionale de construction [I], aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ainsi que les frais de la procédure de référé ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel du 21 novembre 2022, complétée par une nouvelle déclaration d'appel du 17 février 2023, jointe à la déclaration initiale, la société MJ Synergie a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures du 20 février 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société MJ Synergie, en qualité de liquidateur judiciaire de la société [I] Construction, sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour de :

- Recevoir son appel ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [I] Construction ;

- Le déclarer recevable et bien fondé ;

Et statuant à nouveau,

- Condamner la SCI [Adresse 5] à lui verser la somme de 1.689.465 euros HT, soit 2.027.358 euros TTC, au titre du solde du marché de travaux ;

- Juger que la société Régionale de Construction [I] n'est redevable d'aucune somme envers la SCI [Adresse 5] au titre :

- du montant des travaux payé par cette dernière pour finaliser le chantier pour avoir déjà été déduit du solde du marché de travaux dans le cadre du rapport d'expertise de M. [H], soit un montant de 185.010,97 euros (lot infrastructure),

- de la levée des réserves pour l'îlot D, faute d'avoir pour la SCI Chalais Parc mis en demeure l'entreprise de réaliser les levées de réserve avant de faire intervenir des entreprises tierces pour la somme de 247.742,60 euros ;

- Juger que les pénalités de retard dont est redevable la société Régionale de Construction [I] envers la SCI [Adresse 5] se limitent à la somme de 437.400 euros ;

- Rejeter la compensation des sommes susvisées ;

- Fixer la créance de la SCI Chablais Parc au passif de la liquidation judiciaire de la société Régionale de Construction [I] à la somme de 437.400 euros ;

- Condamner la SCI [Adresse 5] à lui payer, ès qualités, la somme de 50.000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat, de la non fourniture de la garantie de paiement ayant entraîné la suspension du chantier, au titre des pressions subies pour procéder aux opérations de réception ;

- Condamner solidairement la SCI Chablais Parc et la CEGC à lui payer, ès qualités, outre intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2014, les sommes susvisées ;

- Débouter la SCI [Adresse 5] et la CEGC de leurs demandes, fins et conclusions ;

- Ordonner que la condamnation portera intérêts au taux avec capitalisation des intérêts échus en application de l'article 1154 du code civil à compter du jour de l'assignation valant mise en demeure ;

- Condamner la SCI [Adresse 5] à lui payer, ès qualités, la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts dans la mesure où l'absence de règlement de la somme susvisée issue de travaux réalisés et non payés a entraîné la liquidation judiciaire de la société [I] et le licenciement de plus de 350 salariés ;

- Condamner la SCI [Adresse 5] à, lui payer, ès qualités, la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 1134 du code civil ;

- Condamner solidairement la SCI Chablais Parc et la CEGC à lui payer, ès qualités, la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ainsi que les frais de la procédure de référé et d'appel, avec pour ceux d'appel application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile au profit de Me Dormeval, avocat.

[M] soutien de ses demandes, elle fait notamment valoir que :

' la Société Régionale de Construction [I] a respecté les délais de réalisation de l'ouvrage et qu'à cet égard :

- la SCI [Adresse 5] n'a pas respecté les modalités d'envoi des ordres de services prévues par le CCAP pour les tranches conditionnelles et ne peut donc s'en prévaloir,

- il convient de tenir compte des jours d'intempéries,

- le délai global de livraison a été respecté,

- le chantier a été légitimement suspendu pour défaut de fourniture d'une garantie de paiement qui a dû être judiciairement ordonnée ;

' elle est fondée à se prévaloir de la résiliation du marché aux torts de la SCI Chablais Parc ;

' elle n'a pas été mise en demeure de lever les réserves ;

' le calcul des pénalités de retard repose sur un point de départ erroné, ce point de départ devant être fixé au jour de l'ouverture au public qui n'a pas été communiqué ;

' le solde du marché est dû s'agissant d'un marché à forfait et en l'absence de motifs de diminution du prix convenu ;

' la Compagnie Européenne de Garantie et Cautions s'est engagée comme caution dans la limite de 40% du marché et doit donc être solidairement condamnée.

Par dernières écritures régulièrement notifiées par voie de communication électronique le 11 août 2023, la SCI [Adresse 5] demande à la cour de :

A titre principal,

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains le 24 octobre 2022 en ce qu'il a :

- Fixé, après compensation des créances réciproques, la créance de [I] Construction détenue par la SCI [Adresse 5] au passif de sa liquidation judiciaire à la somme de 1.093.442,84 euros HT,

- Débouté la SCI Chablais Parc de ses demandes de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de [I] Construction au titre du paiement des Loyers ;

Et, statuant à nouveau,

- Fixer le montant de la créance de la SCI [Adresse 5] au passif de la liquidation judiciaire de [I] Construction à 3.191.556,13 euros ;

A titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains le 24 octobre 2022 en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause,

- Rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions de la société MJ Synergie, représentée par Me [U] ou par Me [E], et par Me [V], ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société [I] Construction ;

- Prendre acte qu'elle s'en remet à l'appréciation de la cour concernant la demande de garantie de toute condamnation prononcée à son égard formée, à titre subsidiaire, par la Compagnie Européenne de Garanties et cautions ;

- Débouter la Compagnie Européenne de Garanties et cautions de sa demande de condamnation de la SCI [Adresse 5] au paiement d'une somme de 7.500 euros à titre de dédommagement ainsi que de toutes ses autres demandes, fins et prétentions formées à son encontre, notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Fixer à 50.000 euros sa créance au passif de la société [I] Construction au titre des dommages et intérêts dû par [I] Construction en réparation de son préjudice d'image ;

- Fixer à 100.000 euros sa créance au passif de la société [I] Construction au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamner la société MJ Synergie, représentée par Me [U] ou par Me [E], et par Me [V], ès qualités de liquidateurs judiciaires de la Société Régionale de Construction [I] au paiement des entiers dépens.

Elle fait valoir en substance que :

' les nombreux retards de réalisation des travaux justifient les pénalités retenues par le premier juge et l'expert judiciaire, y-compris s'agissant des retards intermédiaires, nonobstant le respect allégué du délai global lequel n'est du reste pas respecté en réalité ;

' les retards à prendre en compte excèdent ce qui a été retenu en première instance et sont augmentés des retards dans la levée des réserves ;

' la Société Régionale de Construction [I] a bien reçu les ordres de services et les a signés sans émettre de réserve de sorte que quand bien même ils ne lui auraient pas été transmis par lettre recommandée, elle les a bien reçus et validés et ils lui sont opposables ;

' la Société Régionale de Construction [I] est redevable des loyers dont la SCI s'est acquittée pour les locaux dans lesquels [I] a installé sa base de vie ;

' aucune somme n'est due au titre du marché global et forfaitaire ainsi que le retient l'expert judiciaire et si la cour retenait un solde, il ne saurait excéder ce qui a été retenu par le premier juge et viendrait en outre en compensation avec les sommes qui lui sont dues par la Société Régionale de Construction [I] ;

' les retards ont provoqué un mécontentement des acquéreurs et dès lors une atteinte à son image ;

' la clause pénale revendiquée par la Compagnie Européenne de Garantie et Cautions doit être réduite à zéro.

Par dernières écritures du 9 août 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Compagnie Européenne de Garanties et cautions demande à la cour de :

Statuant sur l'appel principal formé par le liquidateur judiciaire de la société [I] Construction à l'encontre du jugement rendu le 24 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains :

- La déclarer recevable et bien fondée en ses conclusions ;

En conséquence, y faisant droit,

A titre principal,

- Confirmer le jugement entrepris du 24 octobre 2022 en ce qu'il a :

- débouté la société Régionale de Construction [I] de ses demandes de condamnation formulées à l'encontre de la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions ;

- condamné société MJ Synergie, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [I] Construction à verser à la Compagnie Européenne De Garanties Et Cautions la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouter en conséquence la société MJ Synergie, en qualité de liquidateur judiciaire de la société [I] Construction de son appel et de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son encontre ;

- Rejeter en toute hypothèse l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la société MJ Synergie, en qualité de liquidateur judiciaire de la société [I] Construction, dirigées à son encontre, comme étant mal fondées ;

A titre subsidiaire,

- Condamner la SCI [Adresse 5] à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

- Condamner, dans l'hypothèse où elle serait amenée à avancer ces éventuelles sommes, la SCI Chablais Parc à les rembourser avec intérêt légal majoré de trois points à son profit à compter du paiement à intervenir, conformément à la convention de cautionnement précitée ;

- Condamner la SCI [Adresse 5] à lui payer la somme de 7.500 euros TTC à titre de dédommagement, conformément à la convention de cautionnement précitée ;

Y ajoutant,

- Condamner la société MJ Synergie, en qualité de liquidateur judiciaire de la société [I] Construction , ou, à défaut, la SCI [Adresse 5] à lui verser une somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société MJ Synergie, en qualité de liquidateur judiciaire de la société [I] Construction , ou, à défaut, la SCI [Adresse 5] aux dépens ;

Statuant sur l'appel incident forme par la SCI Chablais Parc à l'encontre du jugement rendu le 24 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains :

- Donner acte qu'aucune demande n'est formulée à son encontre.

[M] soutien de ses prétentions elle fait valoir en substance que :

' sa garantie initiale ne concerne que les îlots infrastructures, B et C et sa garantie donnée en juillet 2015, sur décision judiciaire, concerne le gros oeuvre de l'îlot F;

' elle peut opposer la compensation aux demandes de la Société Régionale de Construction [I] représentée par son liquidateur, cette dernière restant débitrice de la SCI Chablais ;

' les demandes formulées à son encontre ne peuvent en tout état de cause être accueillies dès lors que :

- la garantie est expirée, les travaux ayant été réceptionnés et la DACCT ayant été déposée,

- les modalités de mise en oeuvre de la caution n'ont pas été respectées à défaut d'information délivrée à la caution,

- la condition de défaillance du maître de l'ouvrage n'est pas remplie,

- aucune somme n'est due au titre de sa garantie compte tenu des règlements opérés au titre du marché initial ;

' la demande de dommages et intérêts pour déloyauté ne la concerne pas.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance du 7 avril 2025 a clôturé l'instruction de la procédure et l'affaire a été plaidée à l'audience du 1er juillet 2025.

Motifs de la décision,

I - Sur la demande en paiement du solde du marché de travaux

Les parties sont liés par des dispositions contractuelles soumises aux articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

En application de ces textes, les termes des contrats qu'elles ont signés s'imposent à elle et doivent être exécutés de bonne foi. Elles encourent une condamnation à dommages et intérêts en cas d'inexécution de l'obligation ou de retard dans l'exécution, sauf cause étrangère.

Il n'est pas contesté en l'espèce que la SAS Société Régionale de Construction [I] a exécuté les prestations prévues contractuellement, la société [Adresse 5] se contentant de faire état de retards de réalisation et de levée des réserves et ne développant aucun moyen au soutien de sa demande principale tendant à voir retenir qu'elle ne serait pas débitrice au titre du contrat d'entreprise la liant à [I].

Ainsi, les sommes contractuellement prévues à la charge de la SCI Chablais Parc, en contrepartie des prestations confiées à la Société Régionale de Construction [I], sont dues.

En application des dispositions de l'article 1793 du code civil, 'Lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.'.

Outre qu'aucune des parties ne conteste être liée par un marché à forfait, il peut être constaté d'abord que l'acte d'engagement signé le 20 octobre 2010, comporte la mention selon laquelle la SAS Société Régionale de Construction [I] s'engage ' moyennant le prix global et forfaitaire et non revisable (...)'.

Ensuite, le Cahier des Clauses Administratives Particulières (ci-après CCAP) signé des parties et rédigé le 29 juillet 2011 indique en son article '3.1. GENERALITES' que 'Du caractère forfaitaire de son Marché, naît pour l'Entreprise l'obligation d'exécuter tous les travaux nécessaires à la bonne fin de l'ouvrage, conformément aux stipulations des documents contractuels, aux règles de l'art et aux règlements en vigueur.

Le forfait comprend en conséquence, tous les travaux nécessaires à la complète exécution des

Ouvrages, qu'ils soient décrits ou non dans les pièces contractuelles.

Le marché est conclu à prix ferme forfaitaire non révisable non actualisable.'.

Le prix initialement convenu entre les parties au terme de l'acte d'engagement s'élève à 50.836.600 euros HT. L'avenant n°2 signé le 5 mars 2013, consigne leur accord sur l'évolution de ce prix comme suit :

4- MONTANT HT DU MARCHE INITIAL ET DES AVENANTS N° 1 ET 2

Marché initial : 50 836 600,00 €

Avenant n° 1 : + 977 292,00 €

Avenant n° 2: - 4 810 635,63 €

Total : 47 003 256,37 €

S'ajoutent à ce montant total, le coût des travaux supplémentaires ayant donné lieu à devis acceptés et des travaux complémentaires réalisés sans devis mais validés, le déficit d'économie de projet, et l'actualisation des prix telle que prévue par le CCAP en son article 3.3.1.2.

Se déduisent en revanche des sommes dues par la SCI [Adresse 5], le prix prévu pour des travaux non réalisés in fine et le prix prévu pour des travaux qui n'ont pas été acceptés par le maître d'ouvrage.

Le détail des calculs a été précisé par l'expert [H] et la cour peut en vérifier le bien fondé à l'examen des pièces annexées au rapport et des pièces produites par les parties. Ces dernières ne contestent du reste nullement le montant retenu par l'expert puis par le premier juge, soit un total dû au titre des travaux de 49.381.629,50 euros HT.

Il est également admis et au demeurant justifié par la SCI Chablais Parc, qu'elle s'est acquittée de la somme de 47.692.164,59 euros sur ce total, de sorte qu'elle reste débitrice de la somme de 1.689.464,93 euros HT ainsi que l'a retenu le premier juge dont la décision doit être confirmée sur ce point.

II - Sur les indemnités de retard

Le CCAP signé par les parties précise que le programme prévoit une première tranche ferme correspondant à l'infrastructure (parking) et des tranches ultérieures correspondant aux marchés des îlots B, C, Dl, E, F et G2, commandables par ordres de service envoyés en recommandé avec accusé de réception, dont il est prévu qu'ils devront être passés au plus tard selon le planning annexé.

Ce planning fixe un délai global d'exécution de 24,5 mois dont il est admis que le point de départ est le 16 septembre 2011, date de signature de l'ordre de service n°1. La date d'achèvement est dès lors initialement fixée au 30 septembre 2013. Cette date a été reportée pour partie des îlots suivant avenant n°2 du 5 mars 2013.

Ce délai et les délais intermédiaires fixés par les ordres de service acceptés par la société [I], ainsi que ceux résultant des modifications intervenues contractuellement, s'imposent à elle et elle est tenue à cet égard d'une obligation de résultat.

Le CCAP sanctionne le non respect de ces délais selon les modalités prévues à l'article 2.1.2. 'Délais intermédiaires délais de mises à disposition et délais de livraisons - Pénalités de retard' comme suit :

(...)

Le montant total des pénalités de retard calculées Comme indiqué ci-après sera plafonné à 5% HT du montant global HT des Marchés.

Les pénalités de retard de mise à disposition des commerces sont de 2500 euros/ jour calendaire pour les commerces de l'îlot B, 3700 euros par jour calendaires de retard pour les commerces de l'îlot C, 1000 euros/jour calendaire de retard pour l'îlot D1, 1750 euros par jour calendaire de retard pour les îlots E, F et G2

Les pénalités de retard de mise à disposition du parking sont de 2000 euros par jour calendaire de retard.

(...)

Les pénalités de retard de livraison des logements sociaux seront précisés au plus tard à l'ordre de service des îlots C et D1 et conforme à ceux imputables par l'acquéreur à la SCI [Adresse 5].

Les pénalités de retard des logements libres sont de 50 euros/ jours calendaire de retard par appartement'

S'agissant de la mise à disposition des commerces, l'article 2.5 du CCAP 'Mise à disposition des locaux', énonce :

Indépendamment de la réception de l'ouvrage, il sera procédé à la mise à disposition des locaux six mois avant l'ouverture au public pour la moyenne surface et quatre mois avant ouverture au public pour les autres commerces.

(...).

Le CCAP prévoit en outre des causes légitimes de retard entraînant une suspension des délais d'achèvement des travaux et de mise à disposition des locaux, en son article 2.1.3, qui vise :

- les intempéries reconnues par la Caisse Interprofessionnelle des salariés du Bâtiment,

- la grève, qu'elle soit générale ou particulière au secteur socioprofessionnel du Bâtiment ou à un service public qui perturberait notoirement et profondément le déroulement du chantier,

- les injonctions administrative ou judiciaires de suspendre ou d'arrêter les travaux pour autant qu'elles ne soient pas imputables à des fautes ou négligences de l'Entreprise,

- les troubles résultant d'hostilités, révolutions, cataclysmes naturelles, émeutes.

S'agissant des intempéries, les dispositions contractuelles précisent que le planning prévoit d'ores et déjà 15 jours ouvrables par an.

Le CCAP fixe par ailleurs un délai pour la levée des réserves et énonce :

2.6. MISE A DISPOSITION AVEC RESERVES

Lorsque le procès-verbal de Mise à disposition fait état de réserves motivées par des omissions ou imperfections, l'Entreprise devra effectuer les travaux de réfection ou de parachèvement, objet des réserves, dans un délai précisé par le Maitre d'Ouvrage d'un maximum d'un mois à compter de la date de transmission des listes de réserves à l'Entreprise.

Immédiatement après l'achèvement de ces travaux, l'Entreprise demandera par lettre recommandée la suppression de ces réserves, sur lesquelles il sera alors donné mainlevée.

[M]-delà d'un mois de retard dans la levée des réserves des mises à disposition aux commerces l'entreprise devra une pénalité de retard de 1500 euros par jour de retard par commerce concerné.

De même au-delà d'un mois de retard dans la levée des réserves des livraisons des logements l'entreprise devra une pénalité de retard de 50 euros par jour de retard par appartement en transparence avec la SCI [Adresse 5].

Compte tenu de la suspension de l'exécution du contrat dont se prévaut la Société Régionale de Construction [I] concernant les bâtiments D1et F, il convient d'examiner en premier lieu les retards allégués concernant les îlots B et C puis, s'il y a lieu d'examiner la situation des îlots D1 et F.

Il doit être en outre retenu que si la SCI Chablais conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a fixé le montant des pénalités de retard à 2.350.154,20 euros, elle critique les montants retenus par le premier juge au titre des pénalités et ne conclut à la confirmation qu'en raison du plafonnement imposé par le CCAP.

II.1 Sur les pénalités de retard concernant les îlots B et C

II.1.1 S'agissant des pénalités de retard dans l'achèvement des travaux

Compte tenu de la rédaction du CCAP, il convient de distinguer la question de la réception des infrastructures/logements et celle de la mise à disposition des commerces.

Conformément aux dispositions précitées, un ordre de service numéroté 2 a été adressé à la société [I] pour préciser le démarrage des chantiers des îlots B et C.

Cet ordre de service n'est versé aux débats par aucune des parties, son existence est cependant avérée tout comme l'est sa réception par la société [I] qui en fait état dans un courrier du 22 mars 2012 (pièce [Adresse 5] n°36) mais également à l'occasion de la réunion de chantier du 15 mars 2012 dont le compte rendu évoque sa demande sur ce point. Il peut être constaté que les ordres de service 2bis et 2ter, qui correspondant à la décomposition de l'ordre de service n°2 et qui ont été émis pour distinguer les travaux concernant respectivement les îlots B et C conformément à la demande de la Société Régionale de Construction [I] dans son courrier du 22 mars précité, sont datés du 29 février 2012 et portent la signature et le tampon tant de la SCI [Adresse 5] que de la Société Régionale de Construction [I] (outre celui de l'architecte). Si, par essence compte tenu de ce qu'ils ont été demandés par [I] les 15 et 22 mars 2012, ces documents n'ont pu être émis le 29 février 2012, la reproduction de cette date vient confirmer que l'ordre de service n°2, comme le soutient la société [Adresse 5], a bien été émis le 29 février 2012. La SCI Chablais Parc verse aux débats le courrier de transmission de cet ordre de service à [I], lui demandant de bien vouloir le signer et lui retourner, daté du 9 mars 2012 (vendredi), dont l'authenticité n'est pas critiquée. Il convient dès lors de considérer que la Société Régionale de Construction [I] a eu en sa possession cet ordre de service au plus tard le 12 mars 2012, premier jour ouvrable suivant l'envoi du courrier susvisé faute de quoi elle n'aurait pu en faire état lors de la réunion de chantier suivante. Le découpage de cet ordre de service unique en deux autres ordres de service, déclinant sa numérotation, ne tend qu'à répondre à la demande de [I] qui souhaite pouvoir 'générer des garanties de bonne fin de travaux par îlot' sans, faute d'élément de démonstration contraire, modifier les travaux visés par l'ordre de service n°2 dont [I] avait donc parfaitement connaissance dès le 12 mars 2012 au plus tard, étant observé qu'alors qu'elle ne conteste pas les dates figurant sur les ordres de service n°3 et suivants en ce qu'ils concernent les lots B et C, ces ordres de service sont émis les 2, 5, 6, 7 et 8 mars 2012, sont tous revêtus de son tampon et de sa signature, visent l'ordre de service n°2, sans que la société [I] s'en soit émue ou étonnée, ce qui laisse augurer de sa connaissance, dès ces dates, de l'existence et du contenu de l'ordre de service n°2.

Il convient dès lors de retenir que les délais fixés par ces ordres de service, soit 14.5 mois sur le délai global de 24,5 mois, pour l'îlot B et 17.5 mois (+ 3 semaines pour les logements du Cl et du C5 + 4 semaines pour les commerces du C), sur le délai global de 24,5 mois, pour une livraison à fin Juillet 2013 avec majoration des semaines supplémentaires précitées, pour l'îlot C, ont pour point de départ le 12 mars 2012.

S'il n'est justifié de l'envoi par courrier recommandé ni de l'ordre de service n°2 ni des ordres de service 2bis et 2ter, il apparaît pour autant, ainsi que l'a relevé le premier juge, que ces modalités d'envoi ne sont pas sanctionnées par le CCAP et visent uniquement à démontrer la réception des ordres de service à bonne date. Cette réception étant acquise par les éléments décrits ci-avant, la société [I] qui a au demeurant intégrer ces ordres de service à ses tableaux d'analyse de délais et a exécuté ces ordres de service comme les suivants dont rien n'établit davantage les modalités de transmission, ne peut de bonne foi tirer aucune conséquence de l'absence d'envoi par courrier recommandé.

Ainsi, l'achèvement des superstructures de l'îlot B a été fixé au 27 mai 2013 (12/03/12 + 14,5 mois) et l'achèvement des superstructures de l'îlot C, a été fixé au 31 juillet 2013 (fin juillet 2013) sauf pour les logements C1 et C2 bénéficiant d'un délai supplémentaire de 3 semaines soit au 21 août 2013 et les commerces de l'îlot C bénéficiant d'un délai supplémentaire de 4 semaines soit au 28 août 2013. La société [Adresse 5] retenant que pour l'îlot B, la réception devait intervenir contractuellement le 11 juin 2013, c'est cette date, plus favorable à la société [I], qui sera retenue.

S'ajoutent à ces délais, les jours d'intempéries que le relevé établi par le maître d'oeuvre fixe à 52. Il n'y a pas lieu de raisonner par tranche alors que les retards générés par les intempéries subies, impactent nécessairement l'ensemble des travaux, y-compris ceux dont le déroulement est prévu sur une période non affectée par les intempéries ou affectée dans une proportion moindre. Il doit être déduit de ces 52 jours, les 30 jours (2x15jours par an) d'ores et déjà pris en compte par le contrat, de sorte que 22 jours d'intempéries viennent prolonger le délai d'exécution.

S'y ajoutent en outre les délais justifiés par les travaux supplémentaires ou modificatifs. Sur ce point, il convient de retenir les conclusions non critiquées de l'expert, résultant d'une analyse complète des avenants et devis liant les parties, pour constater que le délai d'achèvement des travaux est augmenté de 72 jours s'agissant de l'îlot B et de 14 jours s'agissant de l'îlot C.

Les procès-verbaux de réception versés aux débats permettent de constater que :

- l'immeuble de logements B1 a été réceptionné le 12 décembre 2013,

- l'immeuble de logements B2 a été réceptionné le 5 décembre 2013,

- l'immeuble de logements B3 a été réceptionné le 7 octobre 2013,

- l'immeuble de logements C1 a été réceptionné le 21 janvier 2014,

- les immeubles de logements C2 et C5 ont été réceptionnés le 23 janvier 2014,

- les immeubles de logements sociaux C3 et C4 ont été réceptionnés le 4 décembre 2013.

Concernant les immeubles de logements sociaux C3 et C4, le CCAP prévoit en son article 2.1.2 précité que 'Les pénalités de retard de livraison des logements sociaux seront précisés au plus tard à l'ordre de service des îlots C et D1 et conforme à ceux imputables par l'acquéreur à la SCI [Adresse 5]'. Ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge, et que le met en exergue l'expert, il n'est pas justifié de ce que les précisons nécessaires ont bien été apportées de sorte qu'aucune pénalité contractuelle de retard ne peut être retenue pour ces immeubles.

Ainsi, les retards et pénalités concernant l'achèvement des logements, s'établissent comme suit :

Date de réception contractuelle suite OS2

Jours d'intempéries et délais pour travaux supplémentaires

Date de réception effective

Retard

Pénalités dues

Logements B1 (41 logements)

11 juin 2013

94 jours (22+72)

12 décembre 2013

90 jours

(184 - 94)

184.500 euros (90 jours x41 logements x50 euros )

Logements B2

(34 logements)

11 juin 2013

94 jours

5 décembre 2013

83 jours

(192-94)

141.100 euros (83 jours x 34 logements x 50 euros)

Logements B3

(84 logements)

11 juin 2013

94 jours

7 octobre 2013

24 jours

(118 - 94)

100.800 euros

(24 jours x 84 logements x 50 euros)

Logements C1

(38 logements)

21 août 2013

36 jours

(22+14)

21 janvier 2014

117 jours

(153-36)

222.300 euros

(117 joursx38 logements x 50 euros)

Logements C2 et C5

31 juillet 2013 et 21 août 2013

36 jours

23 janvier 2014

140 jours et 119 jours

20.000 euros en application du protocole d'accord du 17 décembre 2013 dont l'interprétation n'est pas en débat.

Total

668.700 euros

S'agissant des commerces, le CCAP ne prévoit pas de pénalité pour retard d'achèvement, en dehors de la notion de «Mise à disposition ».

La SCI [Adresse 5] ne peut valablement invoquer les devis n°7 et 8 de la Société Régionale de Construction [I] pour soutenir que la société [I] se serait engagée à mettre à disposition les coques des commerces au plus tard fin novembre 2012 pour l'îlot C et fin décembre 2012 pour l'îlot B. Il apparaît en effet que ces devis ne fixent pas une date limite de mise à disposition mais mentionnent au contraire expressément une livraison 'à partir de' fin novembre 2012 ou fin décembre 2012 selon l'îlot concerné, ce qui est exclusif de toute date impérative permettant de fixer un point de départ à un éventuel retard d'exécution.

Concernant les dits commerces, il a été rappelé que le CCAP, indépendamment de la réception, prévoit que la mise à disposition des locaux devra intervenir 6 mois avant l'ouverture au public pour la moyenne surface et quatre mois avant pour les autres commerces (article 2.5 susvisé). Comme l'a retenu le premier juge, le CCAP ne fixe pas de modalité de transmission de la date d'ouverture et n'exige notamment ni ordre de service, ni avenant. Pour autant, il appartient à la

société [Adresse 5] de démontrer qu'elle a bien transmis cette information à la Société Régionale de Construction [I] dans un délai suffisant, pour pouvoir exiger le respect des délais de l'article 2.5 et solliciter le cas échéant, des pénalités de retard si elle démontre que ces délais n'ont pas été respectés.

S'agissant de la délivrance de l'information, elle peut notamment résulter des échanges entre les parties au cours des réunions de chantier et du compte-rendu établi à cette occasion et non contesté par l'entreprise. A cet égard, l'article 2.12 du CCAP prévoit en son dernier alinéa que 'Tous les sujets traités au procès-verbal d'une réunion seront considérés comme approuvés s'ils n'ont pas fait l'objet d'observations écrites de l'entrepreneur remise au plus tard au rendez-vous hebdomadaire de chantier suivant ce procés-verbal et au plus tard dans les huit jours qui suivent la réception du compte-rendu.'. En l'espèce, le compte-rendu de la réunion de chantier du 3 novembre 2011 à laquelle la société [I] était dûment représentée, fait état des dates d'ouverture au public des magasins H&M (coque CC1) en avril 2013 et Monoprix (coque CC3) en juillet 2013. La Société Régionale de Construction [I] a donc été informée des dates d'ouverture, prévue au plus tard et dans la situation la plus favorable à l'entreprise, le dernier jour de chacun de ces deux mois, et ne justifie d'aucune contestation particulière.

Ces deux commerces correspondent à des moyennes surfaces ainsi que le fait notamment apparaître le compte rendu n°059, de la réunion de chantier du 6 décembre 2012, qui vise ces deux commerces au paragraphe 13-B Moyennes Surfaces (page 8/13, pièce 40 Chablais). Le délai de 6 mois est donc applicable et la mise à disposition de sorte que la mise à disposition devait donc intervenir au plus tard le 31 octobre 2012 pour la coque H&M et le 31janvier 2013 pour la coque Monoprix. Le compte rendu de la réunion de chantier du 3 novembre 2011, fait état la livraison de la coque H&M 'fin novembre 2012" et de la livraison de la coque Monoprix en 'janvier 2013". Il sera donc retenu que les dates de mise à disposition, telles que convenues entre les parties, étaient fixées aux 30 novembre 2012 et au 31 janvier 2013.

Il résulte sans ambiguïté des comptes-rendus de chantier postérieurs que des retards sont déplorés dans la mise à disposition des coques, ainsi, le 21 mars 2013 (CR n°72) fait apparaître que les coques ne sont toujours pas mises à disposition, cette dernière étant prévue début avril 2013 pour Monoprix et début mai pour H&M. Le compte rendu n°74 de la réunion de chantier du 4 avril 2013, ne fait pas état de mise à disposition, invoquant toujours 'début avril 2013" pour Monoprix. Le compte-rendu n°78 de la réunion de chantier du 3 mai 2013, fait état de ce que la mise à disposition de la coque Monoprix est intervenue et que les réserves sont à lever pour le 10 mai au plus tard, il précise que l'état des lieux avec Monoprix a eu lieu le 4 avril 2013, date qui peut donc être retenue comme celle de la mise à disposition. Ce compte-rendu reporte à mi-mai 2013 la mise à disposition de la coque H&M.

Concernant cette coque, elle a été livrée par [Adresse 5] à la société H&M le 19 juin 2013 selon procès-verbal versé aux débats. La mise à disposition par [I] à Chablais Parc ne correspond néanmoins pas nécessairement à la date de livraison au preneur et il apparaît que celui-ci a pu effectuer des visites et émettre des réserves dès le 22 mai 2013, cette date, en l'absence de démonstration de mise à disposition plus tardive sera retenue comme étant celle de la mise à disposition.

Pour les autres commerces, ainsi que l'a retenu à juste raison le premier juge, aucune des pièces produites aux débats ne permet de constater que la société [I] aurait été informée des dates d'ouverture au public de sorte que la mise en oeuvre des dispositions contractuelles prévoyant des pénalités ne saurait intervenir.

Les pénalités liées au retard de mise à disposition ne sauraient être retenues de manière globale mais par coque, sauf à retirer tout effet à la fixation de dates différentes de mise à disposition.

Pour les deux coques H&M et Monoprix, les retards de mise à disposition et pénalités subséquentes, s'établissent comme suit

Date de mise à disposition contractuelle

Date de mise à disposition effective

Retard

Pénalités dues

Coque Monoprix

31 janvier 2013

4 avril 2013

63 jours

233.100 euros

(63 x 3700 euros )

Coque H&M

30 novembre 2012

22 mai 2013

173 jours

640.100 euros (173 x 3700 euros)

Total

873.200 euros

Les pénalités dues par la Société Régionale de Construction [I] à la SCI [Adresse 5] au titre du retard d'achèvement et de mise à disposition des coques des commerces des îlots B et C, s'élèvent à 1.541.900 euros (668.700 + 873.200).

II.1.2 S'agissant des pénalités de retard de levée des réserves

Concernant les logements des îlots B et C, c'est au terme d'une motivation exhaustive que la cour fait sienne, que le premier juge a retenu que l'application de pénalités ne pouvaient advenir, aux termes du CCAP, qu'en transparence avec la SCI Chablais Parc (article 2.6) laquelle transparence impose à cette dernière de justifier des coûts qu'elle aurait supporter à l'égard des acquéreurs du fait du retard dans la levée des réserves, ce qu'elle n'a fait ni en première instance, ni à hauteur de cour, aucune pièce en ce sens n'étant versée aux débats. La décision sera donc confirmée en ce qu'elle a retenu qu'il ne pouvait être exigé de pénalités de retard concernant la levée des réserves relatives aux logements des îlots B et C.

S'agissant des commerces, conformément aux termes de l'article 2.6 du CCAP précité, lorsque le procès-verbal de mise à disposition fait état de réserves motivées par des omissions ou imperfections, l'entreprise concernée est tenue d'effectuer les travaux de réfection ou de parachèvement, objet des réserves, dans un délai précisé par le maître d'ouvrage d'un maximum d'un mois à compter de la date de transmission des listes de réserves, sous peine de pénalité de 1500 euros par jour de retard et par commerce concerné au delà de ce délai. Le texte prévoit en outre qu'immédiatement après l'achèvement de ces travaux, l'entreprise demande par lettre recommandée la suppression de ces réserves, sur lesquelles il sera alors donné mainlevée.

Il convient d'examiner, pour chacun des commerces en litige, le point de départ du délai d'un mois et la date effective de levée des réserves :

- commerce CB1 : la coque a été livrée à la société Tape à l'Oeil, preneuse à bail, selon procès-verbal du 11 septembre 2013. La mise à disposition, n'eut-elle donné lieu à aucun procès-verbal, est nécessairement antérieure ou au plus tard concomitante à la livraison, de sorte que la date du 11 septembre 2013 peut être retenue comme étant au plus tard celle de la mise à disposition, cette date étant au demeurant favorable à l'entreprise qui ne critique pas le jugement en ce qu'il a retenu qu'elle était présente à la livraison et immédiatement avisée des réserves. La société [I] disposait donc d'un délai expirant le 11 octobre 2013 au soir pour lever les réserves figurant en annexe 2. Si le preneur a donné quitus de levée des réserves le 15 octobre seulement, il résulte de l'examen de la pièce 79-3 de l'appelante, que les réserves étaient levées le 1er octobre 2013, date à laquelle le maître d'oeuvre en a lui-même donné quitus et en a avisé la SCI [Adresse 5]. Aucun retard ne peut donc être reproché à la société [I] pour cette coque.

- commerce CB2 : la coque a été livrée à la société C&A, preneuse à bail, selon procès-verbal du 23 mai 2013. Le raisonnement suivi ci-dessus peut être reproduit et il convient de considérer que la société [I] disposait d'un délai expirant le 23 juin à minuit pour procéder à la levée des réserves. Indépendamment de la date de levée par le preneur, l'architecte maître d'oeuvre a donné quitus de levée des réserves le 2 octobre 2013 et l'appelante ne justifie pas avoir, antérieurement à cette date, levé lesdites réserves et en avoir informé le maître d'ouvrage pour obtenir mainlevée conformément au CCAP, les mentions figurant sur l'annexe 2 ne pouvant être considérée comme un quitus du maître d'ouvrage. La date du 2 octobre 2013 sera donc retenue comme date de levée des réserves. Le retard imputable à la société [I] s'élève en conséquence à 101 jours.

- commerce CB6 et CB9 : les coques ont été livrées à la société Claire's le 7 novembre 2013, selon le raisonnement suivi ci-avant, la société [I] disposait d'un délai expirant le 7 décembre à minuit pour lever les réserves. En l'absence de notification par [I] de ses travaux selon les dispositions du CCAP et en l'absence de pièces démontrant que la levée des réserves serait intervenue antérieurement, il y a lieu de retenir la date du 14 janvier 2014, date d'établissement du quitus de levée de réserves. Le retard imputable à la société [I] s'élève en conséquence à 38 jours pour chacune de ces coques.

- commerce CB8 : la coque a été livrée à la société Devred, preneuse à bail, selon procès-verbal du 25 juillet 2013. Le raisonnement suivi ci-dessus peut être reproduit et il convient de considérer que la société [I] disposait d'un délai expirant le 25 août 2013 à minuit pour procéder à la levée des réserves. Indépendamment de la date de levée par le preneur, l'architecte maître d'oeuvre a donné quitus de levée des réserves le 6 septembre 2013 (et non le 6 juin comme l'indique par erreur [I] dans ses écritures). L'appelante ne justifie pas avoir, antérieurement à cette date, levé lesdites réserves et en avoir informé le maître d'ouvrage pour obtenir mainlevée conformément au CCAP, les mentions figurant sur l'annexe 2 ne pouvant être considérée comme un quitus du maître d'ouvrage. La date du 6 septembre 2013 sera donc retenue comme date de levée des réserves. Le retard imputable à la société [I] s'élève en conséquence à 12 jours.

- commerce CB10 : la coque a été livrée à la société Calzedonia, preneuse à bail, selon procès-verbal du 24 juillet 2013. Le raisonnement suivi ci-dessus peut être reproduit et il convient de considérer que la société [I] disposait d'un délai expirant le 24 août à minuit pour procéder à la levée des réserves. Indépendamment de la date de levée des réserves par le preneur, l'architecte maître d'oeuvre a donné quitus de levée des réserves le 6 septembre 2013 et l'appelante ne justifie pas avoir, antérieurement à cette date, levé lesdites réserves et en avoir informé le maître d'ouvrage pour obtenir mainlevée conformément au CCAP, les mentions figurant sur l'annexe 2 ne pouvant être considérée comme un quitus du maître d'ouvrage. La date du 6 septembre 2013 sera donc retenue comme date de levée des réserves. Le retard imputable à la société [I] s'élève en conséquence à 13 jours.

- commerce CB12 : la coque a été livrée à la société FG Optique (Grand Optical), preneuse à bail, selon procès-verbal du 18 juillet 2013. Le raisonnement suivi ci-dessus peut être reproduit et il convient de considérer que la société [I] disposait d'un délai expirant le 18 août à minuit pour procéder à la levée des réserves. Indépendamment de la date de levée des réserves par le preneur, l'architecte maître d'oeuvre a donné quitus de levée des réserves le 6 septembre 2013 et l'appelante ne justifie pas avoir, antérieurement à cette date, levé lesdites réserves et en avoir informé le maître d'ouvrage pour obtenir mainlevée conformément au CCAP, les mentions figurant sur l'annexe 2 ne pouvant être considérée comme un quitus du maître d'ouvrage. La date du 6 septembre 2013 sera donc retenue comme date de levée des réserves. Le retard imputable à la société [I] s'élève en conséquence à 19 jours.

- commerces CB13 et CB14 : les coques ont été livrées le 22 janvier 2014, les documents versés par la société [I] pour contester cette date se rapportant non pas aux coques CB13 et 14 mais aux coques CB6 et CB9 dont le sort a été examiné ci-dessus. La société disposait d'un délai expirant le 22 février 2014 à minuit pour lever les réserves dont la mainlevée n'était pas intervenue à la date de suspension du chantier retenue par l'expert comme plafonnement des pénalités, raisonnement repris par le tribunal dont la décision n'est pas critiquée par [Adresse 5] sur ce point et doit être entérinée. Le retard imputable à la société [I] s'élève donc à 118 jours pour chacune de ces coques.

- commerces CC1 : la coque a été livrée à la société H&M, preneuse à bail, selon procès-verbal du 19 juin 2013. Le raisonnement suivi ci-dessus peut être reproduit et il convient de considérer que la société [I] disposait d'un délai expirant le 19 juillet 2013 à minuit pour procéder à la levée des réserves. Indépendamment de la date de levée des réserves par le preneur, l'architecte maître d'oeuvre a donné quitus de levée des réserves le 2 octobre 2013 et l'appelante ne justifie pas avoir, antérieurement à cette date, levé lesdites réserves et en avoir informé le maître d'ouvrage pour obtenir mainlevée conformément au CCAP, les mentions figurant sur l'annexe 2 ne pouvant être considérée comme un quitus du maître d'ouvrage. La date du 2 octobre 2013 sera donc retenue comme date de levée des réserves. Le retard imputable à la société [I] s'élève en conséquence à 75 jours.

- commerce CC2 : la coque a été livrée à la société FARO (Mistigriff), preneuse à bail, selon procès-verbal du 23 mai 2013. Le raisonnement suivi ci-dessus peut être reproduit et il convient de considérer que la société [I] disposait d'un délai expirant le 23 juin 2013 à minuit pour procéder à la levée des réserves. En l'absence de notification par [I] de ses travaux de levée de réserves selon les dispositions du CCAP et en l'absence de pièces démontrant que la levée des réserves serait intervenue antérieurement, il y a lieu de retenir la date du 15 octobre 2013, date d'établissement du quitus de levée de réserves par le preneur. Le retard imputable à la société [I] s'élève en conséquence à 114 jours.

- commerce CC3 : la coque a été livrée à la société Monoprix, preneuse à bail, selon procès-verbal du 10 avril 2013. Le raisonnement suivi ci-dessus peut être reproduit et il convient de considérer que la société [I] disposait d'un délai expirant le 10 mai 2013 à minuit pour procéder à la levée des réserves. Indépendamment de la date de levée des réserves par le preneur, l'architecte maître d'oeuvre a donné quitus de levée des réserves le 6 septembre 2013 et l'appelante ne justifie pas avoir, antérieurement à cette date, levé lesdites réserves et en avoir informé le maître d'ouvrage pour obtenir mainlevée conformément au CCAP, les mentions figurant sur l'annexe 2 ne pouvant être considérée comme un quitus du maître d'ouvrage. La date du 6 septembre 2013 sera donc retenue comme date de levée des réserves. Le retard imputable à la société [I] s'élève en conséquence à 119 jours.

- commerce CC5 : la coque a été livrée à M. [F] ([M] Bureau), preneur à bail, selon procès-verbal du 1er août 2013. Le raisonnement suivi ci-dessus peut être reproduit et il convient de considérer que la société [I] disposait d'un délai expirant le 1er septembre 2013 à minuit pour procéder à la levée des réserves. En l'absence de notification par [I] de ses travaux de levée de réserves selon les dispositions du CCAP et en l'absence de pièces démontrant que la levée des réserves serait intervenue antérieurement, il y a lieu de retenir la date du 13 novembre 2013, date d'établissement du quitus de levée de réserves par le preneur. Le retard imputable à la société [I] s'élève en conséquence à 73 jours.

Pour les autres commerces, (CB3, CB11, CB4, CB5 et CC4), les dispositions du jugement qui ont retenu que le retard n'était pas démontré, ne sont pas critiquées.

Le retard dans la levée des réserves des commerces des îlots B et C est ainsi de 719 jours et les pénalités dues à ce titre par la Société Régionale de Construction [I] s'élèvent à 1.078.500 euros (719 jours x 1500 euros).

Le montant total des pénalités de retard dues au titre des îlots B et C s'élève en conséquence à 2.620.400 euros (1.541.900 euros au titre des retards d'achèvement et mise à disposition + 1.078.500 euros au titre des retards de levée de réserves).

Ce montant est supérieur au plafond fixé par la CCAP qui limite le montant total des pénalités susceptibles d'être réclamées à la société [I] à 5% du prix du marché HT soit 2.350.154,20 euros et la condamnation ne peut donc excéder ce montant. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que la Société Régionale de Construction [I] était débitrice de la somme de 2.350.154,20 euros au titre des pénalités de retard.

II.2 Sur les pénalités de retard concernant l'îlot D1

Ainsi que l'a retenu le premier juge, le plafond des pénalités susceptibles d'être mises à la charge de la société [I] étant atteint, il n'y a pas lieu d'examiner les retards concernant l'îlot D1 et les développements tenant au bien fondé de la suspension de chantier en ce qu'elle légitimerait les dits retards, sont donc inopérants.

III - Sur le remboursement des travaux avancés par la SCI [Adresse 5]

La société Chablais Parc réclame remboursement des sommes correspondant au coût des travaux qu'elle a réalisés pour les îlots infrastructures et D1 soit les sommes de 185.010,97 euros et 247.742,60 euros, pour un total de 432.753,57 euros. Ces travaux correspondent à la reprise de réserves émises à la réception dont la date fait débat entre les parties mais qui n'ont en tout état de cause jamais été levées par [I].

L'article 1792-6 du code civil qui définit la réception et ses conséquences est ainsi libellé :

'La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.

En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.

L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.

La garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale ou de l'usage.'

La réception intervient donc à la diligence du maître de l'ouvrage et, si le texte précité n'exige pas la présence de l'entreprise aux opérations de réception, il exige cependant que celles-ci aient lieu contradictoirement de sorte que l'entreprise doit à tout le moins avoir été dûment convoquée à ces opérations (voir par ex : 3e Civ., 7 mars 2019, pourvoi n° 18-12.221, 3e Civ., 3 juin 2015, pourvoi n° 14-17.744, Bull. 2015, III, n° 53).

La société [Adresse 5] a procédé à la réception avec réserves des superstructures de l'îlot F le 30 septembre 2014 et à la réception avec réserves de l'îlot D1 le 22 octobre 2014. Les procès-verbaux établis à ces occasions font état de l'absence de la société [I] dont il est précisé qu'elle a été convoquée par lettre recommandée avec avis de réception les 16 septembre 2014 (pour les opérations du 30 septembre) et 7 octobre 2014 (pour les opérations du 22 octobre).

Il peut être constaté en premier lieu que la société [Adresse 5] ne justifie pas de la réalité de l'envoi des courriers recommandés dont elle fait état, les pièces qu'elle vise pour en justifier se limitant aux procès-verbaux et ne comportant pas le courrier de convocation. Il est notable à cet égard de lire dans le courrier de Chablais Parc à [I] en date du 16 septembre 2014, que les travaux de l'îlot D1 ne sont pas en état d'être réceptionnés, la même société considérant curieusement 3 semaines plus tard (le 7 octobre 2014 date d'envoi selon elle de la convocation à réception), que les travaux étaient achevés et réceptionnables alors que le chantier était suspendu.

L'envoi des courriers de convocation est par ailleurs sérieusement mis en doute à la lecture du courrier de la Société Régionale de Construction [I] en date du 7 novembre 2014, qui s'étonne des opérations de réception dont elle devrait avoir connaissance si elle avait été effectivement convoquée.

Il apparaît en second lieu qu'à supposer que les convocations alléguées aient été adressées à [I], ces convocations, comme les opérations de réception, ont eu lieu alors que la Société Régionale de Construction [I] avait adressé à la SCI [Adresse 5], le 23 juin 2014, un courrier faisant état de la suspension des travaux concernant les îlots F et D1 en l'absence de garantie de paiement sollicitée par courrier recommandé du 4 juin 2014 reçu par Chablais le 5 juin 2014, et qui ne sera délivrée qu'à la suite de l'ordonnance de référé du 15 juillet 2015.

L'article 1799-1 du code civil énonce en son troisième alinéa que 'Lorsque le maître de l'ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu'il y recourt partiellement, et à défaut de garantie résultant d'une stipulation particulière, le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d'assurance ou un organisme de garantie collective, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. Tant qu'aucune garantie n'a été fournie et que l'entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l'exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l'issue d'un délai de quinze jours.'.

La suspension du contrat s'inscrit dans le cadre de ces dispositions et elle n'a pas donné lieu à contestation ou réaction de la part de la SCI Chablais qui semble en avoir simplement fait fi et a poursuivi l'exécution du contrat, notamment en organisant les opérations de réception, alors qu'elle était informée de la suspension.

Il ne peut donc être retenu que la Société Régionale de Construction [I] a été 'dûment' convoquée aux opérations de réception et celles-ci ne présentent dès lors pas un caractère contradictoire nécessaire à leur validité. Si à l'issue de la suspension en raison de la fourniture de la garantie de paiement à laquelle l'ordonnance de référé précitée avait condamné la société [Adresse 5], celle-ci a convoqué la société [I] à une réception des mêmes ouvrages, laquelle est intervenue avec réserves le 30 septembre 2015, rien ne permet de retenir qu'en l'absence de suspension, si elle avait poursuivi les chantiers et pu lever les réserves,

la société [I] ne l'aurait pas fait. Dès lors les réserves telles que résultant du procès-verbal de réception du 30 septembre 2015 et les travaux réalisés à l'initiative de Chablais, en grande partie avant même cette réception, ne peuvent pas être supportés par la société [I] et la SCI [Adresse 5] doit être déboutée de ses demandes à ce titre, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la validité de la résiliation du contrat à l'initiative de l'entreprise.

IV - Sur la demande de remboursement des loyers

En application des dispositions de l'article 1353 du code civil, la société Chablais Parc qui réclame l'exécution d'une obligation, doit rapporter la preuve du bien fondé de sa demande.

Elle se contente de produire une facture et un courrier en date du 24 juillet 2014, qu'elle a elle-même émis et qui font état d'accords antérieurs dont elle ne justifie pas. Il est pour le moins surprenant qu'en l'état de la relation entre les parties et au regard du niveau de précision et d'échanges entre elles, cette facture ne soit émise que le 24 juillet 2014 alors que l'accord initial, aurait-il été oral ce qui est peu probable, n'aurait été pris que pour une période expirant en décembre 2013, date à laquelle aucune demande de paiement n'a été formée.

L'absence de contestation de la société [I] ne saurait établir son acquiescement à la demande.

Il apparaît en outre à la lecture du rapport d'expertise, page 34 'éléments de DGD relatifs à l'îlot F' que l'expert a pu retenir que les devis 67, 114 et 125 de la société [I] ont été ramenés de 78.750,77 euros, à 7722,05 euros, avec l'accord de [I], en contrepartie de l'hébergement de son personnel pendant le chantier. Cette analyse est réitérée par l'expert page 107, en réponse au dire de la SCI [Adresse 5] sur laquelle la société Chablais Parc ne développe aucune critique dans ses conclusions.

Dès lors, le coût du logement du personnel de [I] a d'ores et déjà été pris en compte au titre des sommes dues en exécution des accords contractuels et il ne peut donner lieu à une condamnation complémentaire.

La SCI [Adresse 5] ne peut prospérer en sa demande de ce chef.

V - Sur la demande de dommages et intérêts formée par la SCI Chablais Parc en réparation de son préjudice d'image

La société [Adresse 5] qui argue de l'atteinte à son image liée au mécontentement des acquéreurs, ne justifie nullement de ce préjudice qui ne saurait résulter de la seule existence de réserves et de retard à la levée, d'ores et déjà indemnisés.

Elle sera déboutée de sa demande de ce chef.

VI - Sur les demandes de dommages et intérêts formées par la SELARL MJ Synergie en qualité de liquidateur de la Société Régionale de Construction [I]

La Société Régionale de Construction [I] , représentée par son liquidateur, formule ses demandes dans le dispositif de ses écritures, se contente d'affirmation sans développer dans les motifs de ses conclusions, les moyens à l'appui des dites demandes, en contradiction avec les dispositions des articles 4, 9 et 954 du Code de procédure civile, elle ne met pas la cour en mesure de statuer sur ces demandes.

Il apparaît en tout état de cause que la société [I], à laquelle cette preuve incombe, ne démontre ni les manquements de la SCI [Adresse 5], ni le préjudice qui en résulterait. Il peut être constaté à cet égard que les décisions de référé, confirmées en appel, mettent au contraire en exergue un comportement procédurier fautif de la société [I], que l'issue du présent litige démontre les manquements de cette dernière et le bien fondée des retenues opérées, le seul manquement du maître d'ouvrage tenant à la réalisation de la réception des travaux des îlots D1 et F au mépris des exigences du contradictoire, étant d'ores et déjà sanctionné par le rejet de la demande de prise en charge des travaux commandés par Chablais et n'ayant causé aucun autre préjudice avéré à la société [I].

Enfin, cette dernière, qui est débitrice de pénalités de retard d'un montant supérieur au solde du marché qui lui est dû, ne peut sérieusement soutenir que le non paiement du solde des travaux achevés en 2015, est à l'origine de sa liquidation judiciaire prononcée en avril 2019. Elle ne produit au demeurant aucune pièce permettant d'apprécier l'étendue de son passif et les causes de son placement en procédure collective.

La Société Régionale de Construction [I] ne peut prospérer en ses demandes de dommages et intérêts.

VII - Sur la compensation

En application de l'article 1289 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce, 'Lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes, de la manière et dans les cas ci-après exprimés.'. L'article 1290 dispose que 'La compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives.'

La SCI [Adresse 5] est débitrice de la Société Régionale de Construction [I] au titre du solde du marché de travaux, à hauteur de 1.689.464,59 euros.

La Société Régionale de Construction [I] est débitrice de la SCI [Adresse 5] au titre des diverses pénalités de retard, à hauteur de 2.350.154,20 euros. Elle a régulièrement déclaré sa créance à ce titre, pour ce montant, entre les mains du mandataire judiciaire au redressement judiciaire puis du liquidateur judiciaire de la Société Régionale de Construction [I].

Ces deux créances étant réciproques et nées en cours d'exécution du chantier, il y a lieu de retenir comme l'a fait le premier juge, que la compensation opère entre elles et de constater qu'après compensation, la Société Régionale de Construction [I] demeure débitrice de la SCI [Adresse 5] à hauteur de 660.689,61 euros.

Cette créance sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société [I].

VIII - Sur la garantie de la Compagnie Européenne de Garantie et Cautions

Compte tenu des dettes réciproques des parties, de la compensation intervenue et de l'absence consécutive de créance à l'encontre de la SCI [Adresse 5], la garantie de la société Compagnie Européenne de Garantie et Cautions ne peut être mise en oeuvre et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

IX - Sur les mesures accessoires

Les dispositions du jugement déféré concernant les dépens et frais irrépétibles seront confirmées.

La Société Régionale de Construction [I] qui succombe pour l'essentiel en appel, supportera la charge des dépens et versera à la SCI [Adresse 5] d'une part, à la SA Compagnie Européenne de Garantie et Cautions d'autre part, la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- Dit que la société Régionale de construction [I] est redevable envers la SCI [Adresse 5] la somme de 432.753,57 euros HT au titre du montant des travaux avancés pour finaliser les travaux du lot infrastructures et l'îlot D1,

- Fixé après compensation des créances réciproques, la créance de la société Régionale de construction [I] par la SCI [Adresse 5] au passif de la liquidation judiciaire à la somme de 1.093.442,84 euros HT,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Déboute la SCI Chablais Parc de sa demande au titre du montant des travaux avancés pour finaliser les travaux du lot infrastructures et de l'îlot D1,

Fixe, après compensation, la créance chirographaire de la SCI [Adresse 5] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Société Régionale de Construction [I], à la somme de 660.689,61 euros,

Ajoutant,

Condamne la SAS Société Régionale de Construction [I], représentée par la Selarl MJ Synergie représentée par maître [U] ou maître [E], et par maître [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Société Régionale de Construction [I], aux dépens,

Condamne la SAS Société Régionale de Construction [I], représentée par la Selarl MJ Synergie représentée par maître [U] ou maître [E], et par maître [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Société Régionale de Construction [I], à payer à la SCI [Adresse 5] la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la SAS Société Régionale de Construction [I], représentée par la Selarl MJ Synergie représentée par maître [U] ou maître [E], et par maître [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Société Régionale de Construction [I], à payer à la SA Compagnie Européenne de Garantie et Cautions la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie simple et exécutoire délivrée le 16 septembre 2025

à

Me Clarisse DORMEVAL

la SELARL EUROPA AVOCATS

la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY

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