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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 16 septembre 2025, n° 23/01035

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 23/01035

16 septembre 2025

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 16/09/2025

la SCP CORNU-SADANIA-PAILLOT

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES

la SCP REFERENS

la SCP VALERIE DESPLANQUES

ARRÊT du : 16 SEPTEMBRE 2025

N° : - 25

N° RG 23/01035 - N° Portalis DBVN-V-B7H-GYV2

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement Tribunal Judiciaire de TOURS en date du 09 Mars 2023

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265285633943020

S.C.I. [Adresse 15], Société civile immobilière immatriculée au RCS de [Localité 19] sous le n° 354 007 916, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 14]

[Localité 7]

représentée par Me Sabine CORNU-SADANIA de la SCP CORNU-SADANIA-PAILLOT, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉES :

- Timbre fiscal dématérialisé N°: [XXXXXXXXXX02]

S.A.S. LARIVIERE, société par actions simplifiée au capital de 5.679.440,00 €, immatriculée au RCS d'[Localité 13] sous le numéro 055 200 984, agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 8]

ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS,

ayant pour avocat plaidant Me Florence NATIVELLE de la SELARL NATIVELLE AVOCAT, avocat au barreau de NANTES

- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265286959142276

S.A.R.L. [B] société à responsabilité limitée, immatriculée au RCS de [Localité 19] sous le n° 349 306 183, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 21]

[Localité 4]

représentée par Me Laurent LALOUM de la SCP REFERENS, avocat au barreau de BLOIS

- Timbre fiscal dématérialisé N°: [XXXXXXXXXX01]

SAS ARDOISIERES D'[Localité 13] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 10]

[Localité 9]

ayant pour avocat postulant Me Valerie DESPLANQUES de la SCP VALERIE DESPLANQUES, avocat au barreau d'ORLEANS,

ayant pour avocat plaidant Me Magali GUIGNARD de la SARL 08H08 AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS

Société S.M.A.B.T.P. agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 12]

[Localité 11]

ayant pour avocat postulant Me Valerie DESPLANQUES de la SCP VALERIE DESPLANQUES, avocat au barreau d'ORLEANS,

ayant pour avocat plaidant Me Magali GUIGNARD de la SARL 08H08 AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du :17 Avril 2023

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 24 mars 2025

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, du délibéré :

Mme Anne-Lise COLLOMP, Présidente de chambre,

M. Laurent SOUSA, Conseiller, en charge du rapport,

Mme Laure-Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Greffier :

Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 juin 2025, ont été entendus Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

ARRÊT :

Prononcé le 16 septembre 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant devis du 2 août 2006, la SCI [Adresse 15] a confié à la société [B] des travaux de charpente et de couverture dans le cadre de la construction d'une maison sur son terrain situé à [Adresse 14] à [Adresse 17] ([Adresse 6]), pour un prix de 155 946,72 euros. Les ardoises utilisées par la société [B] étaient fournies par la société Lariviére, laquelle s'était elle-même fournie auprès de la société Ardoisières d'[Localité 13], assurée par la SMABTP.

Se plaignant de désordres sur sa toiture, la SCI [Adresse 15] a sollicité une expertise judiciaire qui a été ordonnée en référé le 29 août 2017. L'expert judiciaire, M. [K], a déposé son rapport le 30 août 2019.

Le 23 janvier 2020, la SCI Le clos de Choisille a fait assigner la société [B] devant le tribunal judiciaire de Tours, aux fins d'indemnisation des préjudices subis.

Le 29 septembre 2020, la société [B] a appelé en garantie la société Larivière, laquelle a, par acte du 21 avril 2021, appelé en garantie la société Ardoisières d'[Localité 13] et son assureur, la société SMABTP.

Par acte du 30 juin 2021, la société [B] a appelé en garantie les sociétés Larivière, Ardoisières d'[Localité 13] et SMABTP.

Par jugement en date du 9 mars 2023, le tribunal judiciaire de Tours a :

- dit que l'action initiée par la SCI [Adresse 15] à l'encontre de la société [B] n'est pas prescrite ;

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action initiée par la société [B] à l'encontre de la société Lariviére ;

- déclare irrecevable comme prescrite l'action initiée par la société [B] à l'encontre de la société Ardoisiéres d'[Localité 13] et son assureur la SMABTP :

- rejeté l'ensemble des demandes de la SCI [Adresse 15] à l'égard de la société [B] ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SCI [Adresse 15] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.

Par déclaration en date du 17 avril 2023, la SCI Le clos de Choisille a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- rejeté l'ensemble des demandes de la SCI [Adresse 15] à l'égard de la société [B] ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SCI [Adresse 15] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 11 février 2025, la SCI Le clos de Choisille demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a : rejeté l'ensemble de ses demandes à l'égard de la société [B] ; dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la SCI [Adresse 15] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire ;

- le confirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

- débouter la société [B] de son appel incident ;

- condamner la société [B] au paiement de la somme de 32 234,86 € TTC avec indexation sur l'indice du coût de la construction, l'indice de référence étant celui en vigueur au mois de novembre 2024 date d'établissement du devis de la société Auneau du 7 novembre 2024 ;

- subsidiairement, condamner la société [B] au paiement de la somme de 19 388,72 € correspondant au coût de réfection des désordres, ladite somme étant indexée sur l'indice du coût de la construction, l'indice de référence étant celui en vigueur au mois de juillet 2018, date d'établissement du devis de la société Auneau ;

- condamner la société [B] au paiement de la somme 5 000 € au titre du préjudice de jouissance ;

- la condamner au paiement de la somme de 6 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens lesquels comprendront les frais d'expertise et de référé ;

- débouter toute partie de ses demandes dirigées à son encontre.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 5 octobre 2023, la société [B] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'action de la SCI [Adresse 15] recevable à son égard ;

Statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable la SCI Le Clos de Choisille en l'ensemble de ses demandes et prétentions et l'en débouter ;

En tout état de cause,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de la SCI [Adresse 16] à son égard et condamné la SCI Le Clos de Choisille aux dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire ;

A titre infiniment subsidiaire dans l'hypothèse où l'action serait déclarée recevable et les demandes fondées,

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action initiée par la société [B] à l'encontre de la société Larivière, de la société Ardoisières d'[Localité 13] et son assureur la SMABTP ;

Statuant à nouveau,

- déclarer recevable son action à l'encontre des sociétés Lariviére, Ardoisières d'[Localité 13] et SMABTP ;

- condamner in solidum les sociétés Larivière, Ardoisières d'Angers et SMABTP à la garantir de toute condamnation en principal, intérêts, frais, article 700 et dépens du chef des demandes de la SCI [Adresse 15] ;

En tout état de cause,

- débouter la SCI Le clos de Choisille, la société Larivière, la société Ardoisières d'Angers et la SMABTP de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions dirigées à son encontre ;

- condamner la SCI [Adresse 15] à lui régler la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 5 janvier 2024, la société Larivière demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action formée par la société [B] à l'encontre de la société Larivière ;

Statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable l'appel en garantie de la société [B] à son encontre ;

- débouter la société [B] de sa demande de garantie à son encontre ;

- débouter toute partie de toute demande formée à son encontre ;

A titre subsidiaire,

- infirmer le jugement attaqué du chef de l'appel en garantie ;

- condamner in solidum la société Ardoisières d'[Localité 13] et la SMABTP et la société [B] à la garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre, en principal, intérêts, frais, accessoires et dépens avec intérêts au taux légal capitalisés de la mise en demeure jusqu'à parfait règlement ;

- condamner in solidum la société Ardoisières d'[Localité 13] et la SMABTP et la société [B] au paiement d'une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont les dépens de l'instance principale ;

En tout état de cause,

- condamner tout succombant à lui payer une somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 2 janvier 2025, la société Ardoisières d'[Localité 13] et la SMABTP [Localité 18] demandent à la cour de :

- juger tous appels principal et incidents mal fondés en tant que dirigés à leur encontre ;

- juger la SCI [Adresse 15] irrecevable en son action et demandes dirigées à leur encontre ;

- rejeter l'appel incident de la société [B] formulé à titre subsidiaire à leur encontre ;

- juger que toute action au fond est manifestement prescrite ;

- juger la société [B] manifestement prescrite en son action à son encontre ;

- déclarer irrecevables et à tout le moins mal fondées en leurs actions ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception du débouté de la SMABTP et la société Ardoisières d'[Localité 13] de la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Réformant et ajoutant :

- condamner la SCI [Adresse 15] et la société [B] demanderesse en garantie à leur encontre, in solidum entre eux, à leur verser, par application de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 5 000 € au titre des frais irrépétibles d'instance et de 5 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- et rejetant toutes prétentions contraires aux présentes comme non recevables, en tout cas no n fondées ;

- condamner tous demandeurs à leur encontre, au besoin tous succombants, in solidum entre eux, aux entiers dépens d'appel recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

- constater que la responsabilité de la société Ardoisières d'[Localité 13] n'est manifestement pas susceptible d'être engagée et la garantie de son assureur la SMABTP non susceptible d'être recherchée ;

- juger que le rapport de M. [K] n'est pas susceptible de fonder une décision de condamnation exclusive à l'encontre de la société Ardoisières d'[Localité 13] ;

- juger que seules les coulures relèvent d'une non-conformité ;

- constater que ce dont se plaint la SCI [Adresse 15] sont en réalité des pyrites oxydantes ;

- constater que les coulures sont résiduelles et tout au plus atteignent 10 % du seul versant Sud Ouest ;

- juger que la présence de pyrite oxydante est conforme et ne peut engager la responsabilité de la société Ardoisières d'[Localité 13] ;

En conséquence,

- débouter la société [B] et la société Larivière et toutes autre partie de leur demande tendant à rechercher la responsabilité de la société Ardoisières d'[Localité 13] et sa condamnation à garantir in solidum avec son assureur la SMABTP ;

- débouter la société [B] et tout autre partie de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à leur encontre ;

- les mettre purement et simplement hors de cause ;

A titre encore plus subsidiairement,

- juger que bien au contraire la responsabilité des Ardoisières d'[Localité 13] ne peut excéder tout au plus 10 % du seul versant Sud Ouest ;

- débouter la SCI [Adresse 15] de la réfection généralisée et donc en ce compris du versant Nord non atteint et ne justifiant pas d'une réfection généralisée ;

- rejeter toute condamnation à leur encontre sur la base du rapport d'expertise de M. [K] ;

- juger que la société [B] engage sa responsabilité prépondérante ;

- condamner la société [B] à les garantir de sa part de responsabilité prépondérante et ce au visa de l'article 1382 du code civil, aujourd'hui devenu l'article 1240 du code civil ;

- juger que la SMABTP est bien fondée à opposer les limites contractuelles de son contrat d'assurance et donc ses franchises tant à son assuré qu'aux tiers lésés s'agissant de garantie facultative et nullement au titre d'un contrat responsabilité civile décennale, franchise opposable tant sur les réclamations au titre des préjudices matériels qu'immatériels ;

- débouter la SCI [Adresse 15] au titre de leur réclamation pour un prétendu préjudice de jouissance non avéré et disproportionné ;

- condamner la SCI Le clos de Choisille et tout succombant seront condamnés aux dépens d'appel outre la confirmation de la condamnation à supporter les dépens de référé et de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

I- Sur la responsabilité de la société [B] à l'égard de la SCI [Adresse 15]

A- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Moyens des parties

La société [B] soutient que l'appelante fonde ses demandes sur le fondement des dispositions de l'article 1792-4-3 du code civil qui suppose que la réception des travaux soit intervenue ; que pour prétendre que son action ne serait pas prescrite, la SCI [Adresse 15] avance que la date de réception des travaux litigieux devrait être fixée à la date du 31 mai 2007, date de la dernière facture émise par la société [B] ; que cependant, l'expert judiciaire a précisé que la réception a eu lieu le 31 juillet 2006 ; que la SCI n'a en outre pas contesté, dans le cadre d'un éventuel dire, la date proposée par l'expert judiciaire quant à la réception des travaux litigieux ; qu'une assignation ne lui ayant été délivrée en référé que le 24 mai 2017, force est de constater que le délai de 10 ans ayant commencé à courir le 31 juillet 2006, était expiré à cette date, et que de ce chef, l'action menée par la SCI [Adresse 15] doit être regardée comme prescrite ; que l'absence de paiement de l'intégralité des travaux ne peut suffire à caractériser la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de ne pas réceptionner l'ouvrage ; que la SCI Le clos de Choisille a bien pris possession de l'ouvrage ; que la SCI [Adresse 15] ne peut ainsi prétendre qu'elle aurait manifesté sa volonté non équivoque de réceptionner l'ouvrage et ce d'autant qu'elle vise elle-même les dispositions de l'article 1792-4-3 du code civil pour solliciter sa garantie démontrant ainsi qu'elle reconnaît elle-même l'existence d'une réception à tout le moins tacite ; que par conséquent, la décision du tribunal ne pourra qu'être infirmée en ce qu'elle a dit que l'ouvrage n'avait pas été réceptionné et partant considéré que l'action n'était pas prescrite.

La SCI Le clos de Choisille réplique que contrairement aux termes du rapport d'expertise et aux dires de la société [B], il n'a jamais été indiqué à l'expert judiciaire que la réception aurait eu lieu le 31 juillet 2006 ; que les travaux ont fait l'objet d'un devis le 2 août 2006 et ne pouvaient donc pas être terminés le 31 juillet 2006 ; que ce moyen est aussi en contradiction avec les termes mêmes des conclusions de 1re instance de la société [B] qui a rappelé au tribunal qu'elle avait émis sa dernière facture de travaux le 31 mai 2007 ; que malgré les demandes réitérées lui ayant été adressées en ce sens, elle a refusé de réceptionner les ouvrages et de s'acquitter du solde des sommes dues à la société [B] ; que c'est donc manifestement à la suite d'une erreur matérielle que l'expert judiciaire a indiqué que la réception serait intervenue le 31 juillet 2006 ; qu'en réalité, les travaux se sont étalés de 2006 à 2007 et la dernière facture de la société [B] a été émise le 31 mai 2007 ; que le point de départ du délai de 10 ans ne peut donc avoir commencé à courir avant cette date ; qu'à supposer qu'il soit considéré que les travaux n'ont en réalité pas été réceptionnés, car il n'y a pas eu de procès-verbal de réception, il devra être fait application des dispositions de l'article 2224 du code civil qui fixe le point de départ du délai de la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur à compter du jour où le maître de l'ouvrage a connu les faits lui permettant d'exercer son action ; qu'elle a été informée de la présence de pyrite lors de la visite d'Ambitoit le 20 mars 2017 ; que dans tous les cas, le moyen tiré de la prescription devra être écarté et la décision du tribunal devra être confirmée sur ce point.

Réponse de la cour

Le contrat liant la SCI [Adresse 15] à la société [B] a été conclu avant la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription qui a introduit l'article 1792-4-3 du code civil qui n'est donc pas applicable au cas d'espèce.

Avant cette loi, il était jugé que la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur quant aux désordres de construction révélés en l'absence de réception se prescrivait par dix ans à compter de la manifestation du dommage (3e Civ., 24 mai 2006, pourvoi n° 04-19.716).

Aucun procès-verbal de réception n'a été établi entre les parties. La réception tacite suppose la volonté non équivoque du maître d'ouvrage de le recevoir avec ou sans réserves.

En outre, la prise de possession de l'ouvrage et le paiement des travaux font présumer la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de le recevoir avec ou sans réserves, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (3e Civ., 1er avril 2021, pourvoi n° 19-25.563 ; 3e Civ., 18 avril 2019, pourvoi n° 18-13.734 ; 3e Civ., 30 janvier 2019, pourvoi n° 18-10.197, Bull. 2019, III).

En l'espèce, aucune réception tacite ne peut être intervenue le 31 juillet 2006, qui est antérieur à la date du devis. Les travaux ont été réalisés par la société [B] entre 2006 et 2007, et celle-ci a émis sa dernière facture le 31 mai 2007.

Dans ses conclusions, la société [B] relate que la société SCI [Adresse 15] a refusé de réceptionner les ouvrages et de s'acquitter du solde des sommes dues soit 39 075,83 euros, de sorte qu'elle a sollicité une ordonnance d'injonction de payer à l'égard de sa cliente. L'ordonnance d'injonction de payer a été notifiée à la SCI Le clos de Choisille le 24 août 2007, et celle-ci a formé opposition à ladite ordonnance. Dans le cadre de l'instance sur opposition à l'ordonnance d'injonction de payer, la SCI [Adresse 15] a fait valoir que les travaux réalisés par la société [B] ne seraient pas conformes aux plans initiaux, et a sollicité une mesure d'expertise qui a été ordonnée par le juge de la mise en état. Par jugement en date du 17 avril 2012, le tribunal de grande instance de Tours a condamné la SCI [Adresse 15] à verser à la société [B] la somme de 38 683,51 euros, et a déclaré la société [B] responsable des défauts qui auraient affecté les oeils de boeuf réalisés par ses soins et condamné celle-ci à verser à la SCI une somme de 6 088,12 euros à titre de dommages et intérêts. La SCI [Adresse 15] a interjeté appel de ce jugement, et par arrêt en date du 29 avril 2013, la cour d'appel d'Orléans a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions. La SCI Le clos de Choisille a formé un pourvoi en cassation. Par arrêt du 7 juillet 2015, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel en ce qu'il a condamne la SCI à payer à la société [B] le coût des plans d'exécution de la charpente compris dans la somme de 38 683,51 euros.

Il ressort de ces éléments que la SCI [Adresse 15] avait contesté tant le montant des sommes dues à la société [B] que les travaux réalisés par celle-ci qui n'étaient pas, selon elle, conformes aux plans initiaux. Il s'ensuit que la SCI [Adresse 15] n'a pas eu la volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage réalisé par la société [B], qui est donc mal-fondée à soutenir qu'il y aurait eu réception tacite de l'ouvrage en 2007.

En outre, le dommage allégué par la SCI [Adresse 15] consiste en des traces de pyrites de fer oxydables sur les ardoises posées, ce qui a justifié la saisine du juge des référés par assignation du 24 mai 2017. La société [B] n'établit pas que la SCI [Adresse 15] avait connaissance de ce dommage avant de l'assigner en référé-expertise, alors qu'elle ne pouvait pas agir en responsabilité avant cette date.

L'article 2224 du code civil dispose en effet que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Sans même évoquer la question de l'interruption ou de la suspension du délai de prescription qui a commencé à courir à compter de la connaissance du dommage, le 24 mai 2017, il convient de constater que la SCI Le clos de Choisille a fait assigner la société [B] au fond le 23 janvier 2020, soit avant l'expiration du délai de prescription.

L'action en responsabilité contractuelle de la SCI [Adresse 15] à l'encontre de la société [B] est donc recevable. Le jugement sera confirmé de ce chef.

B- Sur l'obligation de délivrance conforme

Moyens des parties

La SCI [Adresse 15] indique qu'elle a demandé à la société [B] de mettre en oeuvre des ardoises de type « Manoir » ; qu'aux termes de la documentation fournie par M. [B], les ardoises d'[Localité 13] sont de classe A, car elles ne rouillent pas et présentent une résistance exceptionnelle à la rupture ; que les ardoises Manoir de marque NF, aux termes de la documentation des Ardoisières d'[Localité 13] jointe au devis, ne provoquent pas de coulure de rouille, ni de changement de couleur ; que cette brochure est annexée au devis, ce qui en fait un élément contractuel et ce, contrairement à ce qu'a retenu le jugement de première instance ; que c'est à juste titre que l'expert judiciaire a considéré que l'apparition de pyrites n'était pas conforme aux « garanties communiquées par les Ardoisières d'[Localité 13] » ; que l'entrepreneur engage sa responsabilité contractuelle lorsque les travaux réalisés ne sont pas conformes à ce qui était initialement prévu ; qu'elle souhaitait des ardoises dépourvues de toutes traces de pyrites et ne créant aucune coulure ; que la société [B] était par conséquent contractuellement tenue à la norme NFP 32-302 classe A qui ne souffre aucune tolérance à la pyrite ; que la responsabilité de la société [B] est donc engagée sur le fondement des articles 1146 anciens et suivants du code civil.

La société [B] réplique que le tribunal a justement retenu que le devis est laconique sur les matériaux puisqu'il mentionne uniquement ardoises « 30x20 Manoir » ; que les documents commerciaux remis à la SCI [Adresse 15] n'ont pas valeur contractuelle ; que la cause du désordre esthétique qui résulte de la présence de pyrite de fer est indéterminée ; que sa responsabilité ne peut donc pas être retenue.

Réponse de la cour

L'article 1604 du code civil dispose que la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.

En application de cette disposition, le vendeur doit fournier à l'acquéreur un bien conforme aux stipulations contractuelles.

Le devis accepté par la SCI Le clos de Choisille mentionne la fourniture et la pose d'ardoises « 30 x 20 Manoir ».

Si le devis ne comporte pas d'autres précisions notamment quant à la qualité de l'ardoise fournie, la SCI [Adresse 15] produit la documentation produite par la société [B] lors de la proposition du devis.

Le document intitulé « Ardoises naturelles [Localité 13]-[Localité 20] Gamme manoir » comporte le logo NF avec la mention : « La Société Ardoisières d'[Localité 13] a été la première à obtenir la marque NF Ardoise en 2005. Les tests liés à cette marque sont à ce jour les plus exigeants en matière de contrôle physique et géométrique des ardoises. La marque NF implique le suivi d'une politique qualité globale, gage de satisfaction et de tranquillité »

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que les ardoises relevant de la norme NF P 32-301, les pyrites oxydables (rouille) étaient catégoriquement exclues en cas de coulures.

Il s'ensuit que nonobstant l'absence de mention de la norme NF P 32-301 des ardoises, dans le devis, la référence à des ardoises Manoir, pour lesquelles la société [B] avait fourni à la SCI [Adresse 15] la documentation attestant de leur qualité NF, établit que la société [B] s'était engagée à fournir des ardoises ne présentant pas de pyrites oxydables. Cette exigence était donc entrée dans le champ contractuel.

Quand bien même la norme NF P 32-301 a été remplacée par la norme européenne EN 12326-1 à compter du 1er mai 2006, la référence à la norme NF dans la documentation produite était le critère de qualité recherché par la SCI [Adresse 15] lorsqu'elle a accepté la pose et la fourniture d'ardoises de la gamme Manoir.

Or, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que les désordres consistent en l'apparition de traces de pyrites de fer dans des ardoises de la couverture, celle-ci pouvant rendre la couverture « fuyarde » à terme.

En conséquence, la couverture était composée d'ardoises présentant des pyrites oxydables alors que la fourniture d'ardoises conformes à la norme NF n'aurait pas dû permettre les traces de coulure résultant de la présente de pyrites de fer.

Il s'ensuit que la société [B] a manqué à son obligation de délivrance conforme à l'égard de la SCI [Adresse 15]. Il n'y a donc pas lieu d'examiner le moyen tiré de la responsabilité pour faute de la société [B], également fondé sur la fourniture d'ardoises non exemptes de pyrites de fer.

C- Sur l'indemnisation des préjudices

Moyens des parties

La SCI [Adresse 15] explique que l'expert judiciaire a proposé de remédier aux désordres en suggérant plusieurs solutions ; que la première solution consistant à remplacer les éléments dégradés a été qualifiée d'impossible par l'expert judiciaire ; que la seconde solution consiste à reprendre « la couverture avec deux types d'ardoises d'origine différente, un type par versant », mais elle n'a pas compris en quoi consistait cette solution ni en quoi elle serait plus avantageuse que les solutions 3 et 4 ; que la troisième solution consiste à remplacer des ardoises dégradées sur un seul versant par celles triées et récupérées sur les deux versants, pour présenter une unité d'aspect, et la quatrième solution serait le remplacement global de la couverture par de l'ardoise naturelle d'Espagne ; que l'expert judiciaire n'a pas fait chiffrer par une entreprise tierce les troisième et quatrième solutions ; qu'elle a alors fourni à l'expert un devis consistant en un remaniement de la toiture avec remplacement des ardoises dégradées sur un seul versant par celles triées et récupérées sur les deux versants, puis réfection du deuxième versant avec un autre type d'ardoises, ce qui correspond à la solution n° 3 de l'expert judiciaire ; que le coût des travaux de réfection s'élève à la somme de 19 388,72 euros ; que le remplacement total de la toiture a également été devisé, ce qui correspond à la solution n° 4 de l'expert judiciaire, par la société Auneau pour un coût de 23 713,21 € et par la société Ambitoit pour un coût de 27 091,87 € ; que l'expert judiciaire a indiqué ne pas avoir reçu les devis effectués alors que ces pièces ont bien été adressées aux parties et à l'expert dans le cadre de l'expertise et ont ainsi pu être discutées contradictoirement ; qu'elle avait demandé la condamnation de la société [B] au paiement de la somme de 19 388,72 € avec indexation sur l'indice du coût de la construction ; que par précaution, elle a demandé à la société Auneau de lui confirmer que le montant figurant au devis est toujours d'actualité ; que tel n'est pas le cas puisque c'est un devis d'un montant de 32 234,86 TTC qui a été établi le 7 novembre 2024, cette augmentation sensible s'expliquant, tant par l'inflation, que par l'augmentation du prix des matériaux et la surcharge de travail des couvreurs due aux intempéries ; qu'elle est donc bien fondée à solliciter que la cour, infirmant le jugement attaqué, prononce la condamnation de la société [B] au paiement de la somme de 32 234,86 € TTC avec indexation sur l'indice du coût de la construction, l'indice de référence étant celui en vigueur au mois de novembre 2024 ; que par ailleurs, les travaux de réfection ne seront pas inférieurs à 6 semaines ; qu'elle est donc fondée à demander à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, de condamner la société [B] à lui régler la somme de 5 000 € au titre du préjudice de jouissance.

La société [B] réplique que l'expert judiciaire n'a pas chiffré les travaux de réfection et que la SCI [Adresse 15] les a fait chiffrer non contradictoirement par l'entreprise Auneau au prix de 19 388,72 €, ce chiffrage lui étant inopposable ; que, si le travail décrit par le devis susvisé était par effectué par elle, il s'élèverait à la somme de 1 889 euros HT ; que la SCI [Adresse 15] évoque par ailleurs l'existence d'un préjudice de jouissance dont elle ne démontre pas le principe et le quantum puisqu'à ce jour l'expert judiciaire n'a pas constaté que les défauts de conformité qui affecteraient les ardoises litigieuses aient bien donnés un quelconque désordre ; que le simple possible changement d'aspect de couleur des ardoises en question ne peut être à l'origine d'un quelconque préjudice de jouissance ; que la SCI sera donc déboutée de sa demande au titre du préjudice de jouissance.

Réponse de la cour

L'article 1611 du code civil dispose que le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu.

L'expert judiciaire a exposé ce qui suit, avant de proposer des solutions de réparation :

« Le maître d'ouvrage, M. et Mme [U], ont mandaté le 24 juin 2018 les Ets Auneau, Couverture, Zinguerie, Charpente à [Localité 5] pour effectuer un « Diagnostic » sur l'état des ardoises posées en 2006/2007.

Cette partie de couverture revêtue en ardoise est constituée de 73 ardoises par rangée horizontales et jusqu'à 54 rangs pour arriver à l'égout sur le versant Nord et 53 rangs sur le versant Sud, soit un global d'environ 8 000 unités d'ardoise ou approximativement de 4000 u ou 75 m² par versant

L'entreprise Auneau a démonté 6 zones au droit des 3 chiens assis coté versant Sud et 2 chiens assis plus une lucarne oeil de b'uf coté versant Nord.

Elle a relevé 112 unités d'ardoise impactées parla présence de Pyrite de fer sur 345 u déposées : soit 32,46 % du quantum démonté (...)

Si l'on considère ce pourcentage, comme mode de calcul, relevé sur le démontage pouvant s'appliquer sur la totalité de la surface de couverture en ardoise, nous pouvons quanti'er le nombre d'ardoises impacté pour environ : 8 000 unités globale posées x 32,46 % = à 2 600 unités d'ardoises dégradées qui seraient à changer ou à déplacer.

Soit environ 1 300 u par versant ».

La société [B] indique qu'elle aurait effectué le travail de réparation pour la somme de 1 889 euros HT, pour le remplacement de 10 ardoises, alors qu'il résulte du rapport d'expertise que ce quantum d'ardoises est très inférieur au nombre d'ardoises non-conformes comportant des pyrites de fer.

L'expert judiciaire a envisagé les solutions suivantes :

« - La première, si la carrière des « Ardoisières d'[Localité 13] » à [Localité 20] n'avait pas fermé en 2013, aurait été le remplacement des éléments dégradés par cette « Pyrite de fer » dès l'apparition des coulures. Malheureusement cette solution n'est plus possible aujourd'hui.

- La seconde, encore pratiquée aujourd'hui, consiste à retourner de 90° simplement, ou recto /verso, l'ardoise dégradée sur son emplacement a'n de recouvrir l'endroit où se détériore la source de « pyrite de fer » par sa nouvelle mise en place, sous une protection sous pureau. Par cette manipulation, la source de dégradation n'existe plus, elle n'est plus exposée aux intempéries. Les traces de coulures marrons doivent disparaître.

o Dans l'hypothèse où les maîtres d'ouvrage, les époux [U], accepteraient la reprise de leur couverture avec deux types d'ardoise d'origines différentes, un type par versant. L'aspect visuel identique, pourrait être préservé.

- La troisième solution, serait de remplacer les ardoises dégradées sur un seul versant par celles triées et récupérées sur les deux versants, pour présenter une unité d'aspect et constituer une provision d'ardoises à terme si cela était nécessaire.

A priori, les deux versants ne sont pas visibles en même temps ni dans la même perspective, sauf à prendre de la hauteur.

- La dernière solution envisageable, et dans l'hypothèse où le maître d'ouvrage n'accepterait aucune des propositions ci-dessus, serait le remplacement global de cette couverture par de l'ardoise naturelle d'Espagne ou autre ».

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que la délivrance d'une toiture en ardoises d'[Localité 13]-[Localité 20] n'est plus possible, dès lors que la carrière d'extraction de ces ardoises est désormais fermée. Il s'ensuit qu'il convient de réparer le préjudice résultant du manquement du vendeur à son obligation de délivrance par équivalent.

La SCI [Adresse 15] a choisi la troisième solution proposée par l'expert judiciaire et a produit des devis afférents à celle-ci. L'expert n'a pas fait mention des devis produits, ce qui ne fait nullement obstacle à ce que la cour les examine. Ces devis ayant été régulièrement produits aux débats et soumis à la discussion contradictoire, la société [B] ne peut prétendre qu'ils lui seraient inopposables.

La SCI a produit un devis de la société Auneau en date du 23 juillet 2018 portant sur des travaux de réfection et remaniage de la couverture pour éliminer les ardoises contenant de la pyrite, d'un prix de 19 388,72 euros. Elle a demandé l'actualisation de ce devis au cours de l'instance d'appel et produit un devis de la même société en date du 7 novembre 2024, comprenant les mêmes travaux, pour un prix de 32 234,86 euros. Ce devis est conforme aux travaux préconisés par l'expert dans la solution n° 3 précédemment exposée.

En conséquence, il convient de condamner la société [B] à payer à la SCI [Adresse 15] la somme de 32 234,86 euros au titre des travaux de couverture, avec indexation sur l'évolution de l'indice du coût de la construction des immeubles à usage d'habitation entre l'indice publié le 7 novembre 2024, et celui publié au jour du présent arrêt.

Par ailleurs, l'expert judiciaire a indiqué que quelle que soit la solution retenue, elle occasionnerait des préjudices de nuisances sur :

« - La jouissance des locaux abritant la couverture en ardoise durant la dépose, le tri et la repose des éléments conservés ou remplacés.

- La mise en place et l'encombrement d'échafaudages positionnés à l'aplomb des zones de travail, au droit des terrasses et des accès au rez-de-chaussée de l'habitation ».

Il en effet certain qu'en l'absence du manquement de la société [B] à son obligation de délivrance conforme, la SCI [Adresse 15] n'aurait pas eu à subir les désagréments liés à la réfection de la couverture qui engendreront des désagréments liés aux travaux. Il convient donc d'indemniser le préjudice de jouissance engendré par ces travaux par l'allocation d'une somme de 2 500 euros.

La société [B] sera donc condamnée à lui payer la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice de jouissance.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de la SCI [Adresse 15] à l'égard de la société [B].

II- Sur les recours en garantie

A- Sur la recevabilité des recours en garantie de la société [B]

Moyens des parties

La société Larivière que l'action de la société [B] est prescrite ; qu'en application de l'article 110-4 alinéa 1 du code de commerce, le délai d'action en responsabilité contractuelle était fixé à 10 ans, dans sa version applicable à la date de la vente, lequel a été réduit à 5 ans par la loi du 17 juin 2008 ; que ce délai commence à courir à compter de la vente des matériaux ; que la facture de la société Larivière est en date du 31 janvier 2007 ; que le délai d'action qui avait commencé à courir le 31 janvier 2007 a expiré le 19 juin 2013 ; que le constructeur n'a engagé une action à l'encontre de son fournisseur que le 29 juin 2017, soit plus de 10 ans après la vente ; que l'action de la société [B] est donc manifestement prescrite ; que le jugement sera confirmé en qu'il a déclaré la société [B] irrecevable dans son action formée à son encontre.

La société Ardoisières d'Angers et la SMABTP soutiennent que le tribunal a, à juste titre, considéré que la garantie trentenaire n'avait pas vocation à s'appliquer et que sur le terrain de la garantie des vices cachés ; que la société [B] a attendu plus de deux ans à compter de la connaissance du vice pour assigner la société Ardoisières d'[Localité 13] ; que la société [B] a vainement formé appel incident en ce qu'elle a été déclarée prescrite et donc irrecevable en son action dirigée à leur égard ; qu'il ne serait être opposé une garantie trentenaire au titre des ardoises dès lors qu'aucun certificat de garantie trentenaire n'a été produit ; que si ce certificat existe, il doit être remis par le couvreur après qu'il eut été rempli par le négociant ; que ce qui est produit en guise de certificat est une fiche commerciale qui ne constitue absolument pas un certificat de garantie trentenaire, lequel vise nécessairement la facture et le bon de livraison avec la quantité d'ardoises concernées ; que la fiche commerciale ne peut justifier d'une garantie trentenaire qui est une garantie spécifique accordée expressément au titre d'une livraison référencée et donnant lieu nécessairement à l'établissement d'un certificat de garantie qui n'est pas produit ; que c'est donc à juste titre que le tribunal a écarté la garantie trentenaire revendiquée par la société [B] ; qu'au demeurant et à supposer qu'un tel certificat eut été effectivement régularisé, la garantie trentenaire n'a vocation à s'appliquer qu'en présence de défaut d'étanchéité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que c'est vainement que la société [B] prétend rechercher la société Ardoisières d'[Localité 13] pour lui avoir livré des ardoises non conformes à la commande et ayant ainsi manqué à son obligation de délivrance conforme au sens de l'article 1604 et suivant du code civil ; que la société [B] n'a de lien contractuel qu'avec la société Larivière qui ne peut revendiquer la moindre garantie contractuelle ; que tous les défauts qui se révèlent après la réception, et ne constituant pas une violation des spécifications contractuelles, ressortent de la garantie des vices cachés ; que l'unique fondement possible de l'action est l'action en garantie contre les vices cachés qui en l'espèce est manifestement prescrite ; que la société Ardoisières d'Angers est recherchée pour la première fois par l'assignation délivrée à la requête de la société Larivière en date du 16 octobre 2017 et par l'assignation de la société [B] le 3 juin 2021, au titre d'une facture du 30 novembre 2006 dont il est prétendu qu'elle correspond à la livraison sur le chantier SCI [Adresse 15] ; qu'ainsi et à la date de l'assignation délivrée à l'encontre des Ardoisières d'[Localité 13] le délai de 10 ans de l'article L.110-4 du code de commerce était expiré ; que s'agissant de l'action de la société [B], elle les a assignées pour la première fois par exploit du 3 juin 2021 alors que cette dernière a connaissance du litige et des désordres affectant les ardoises depuis l'assignation en référé aux fins d'expertise et donc depuis le 24 mai 2017 ; que plus de deux ans se sont écoulés à compter de la connaissance du vice matérialisée par l'assignation en référé de 2017 et d'ailleurs la société [B] reconnaît avoir connaissance du vice à compter du 24 mai 2017 dans ses propres conclusions ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action engagée à tort à leur encontre par la société [B].

La société [B] réplique que les parties défenderesses ne peuvent invoquer la prescription de son action à leur encontre et la décision ne pourra qu'être infirmée sur ce point ; que les pièces versées aux débats font effectivement apparaître que les ardoises litigieuses ont été commandées auprès de la société Lariviére qui les a elle-même achetées auprès de la société Ardoisières d'[Localité 13] ; que la société Ardoisières d'[Localité 13] a engagé sa responsabilité à son égard pour lui avoir livré des ardoises non conformes à la commande lui ayant été passée, ayant ainsi manqué à son obligation de délivrance au sens de l'article 1604 et suivant du code civil ; que d'autre part, la société Ardoisières d'[Localité 13] était tenue d'une garantie de 30 ans contre tout risque d'oxydation pouvant compromettre l'étanchéité de la toiture ; qu'à ce titre, elle était tenue d'une obligation de résultat qui engage sa responsabilité contractuelle en application des articles 1231 et suivants du code civil ; que la prescription court à compter de la découverte du vice, soit en l'espèce, la date de délivrance de l'assignation, soit le 24 mai 2017, par laquelle la SCI [Adresse 15] a saisi le juge des référés d'une nouvelle demande d'expertise, au motif que les ardoises ayant été mises en oeuvre sur la couverture de son immeuble présenteraient des traces de pyrites de fer oxydables ; que sa demande à l'encontre de la société Les Ardoisières d'[Localité 13] et la SMABTP est donc recevable.

Réponse de la cour

La société [B] se prévaut d'une garantie commerciale trentenaire de la société Ardoisières d'[Localité 13] sur la foi d'une brochure non contractuelle, et ne produit aucun document contractuel définissant le contenu et les modalités de la garantie, ni aucun certificat de garantie au titre de la livraison litigieuse. Elle n'est donc pas fondée à solliciter l'application d'une garantie trentenaire.

La société [B] fonde également son recours en garantie sur l'article 1604 du code civil qui prévoit que la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.

Il résulte de l'article 1604 du code civil que, dans une chaîne de contrats translatifs de propriété, l'un des sous-acquéreurs jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenaient à son auteur, de sorte qu'il dispose, le cas échéant, de l'action pour manquement à l'obligation de délivrance conforme dont son vendeur aurait bénéficié s'il avait conservé la propriété de ladite chose, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (Com., 25 mars 2020, pourvoi n° 18-19.460).

Il résulte des articles L.110-4 du code de commerce et 2224 du code civil depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (3e Civ., 23 novembre 2023, pourvoi n° 22-21.070).

Le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d'être lui-même assigné aux fins de paiement ou d'exécution de l'obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif, pour l'application de la prescription extinctive, avant l'introduction des demandes principales, de sorte que l'assignation en référé-expertise, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action en garantie du constructeur, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305 ; 3e Civ., 23 novembre 2023, pourvoi n° 22-20.490).

En l'espèce, la société [B] n'a pu être en mesure d'exercer un recours en garantie à l'encontre de son fournisseur, à compter de l'assignation en référé-expertise diligentée par la SCI [Adresse 15] qui n'était pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit. Il s'ensuit que ce n'est qu'après s'être vue assignée par le maître d'ouvrage, au fond, par acte en date du 23 janvier 2020, que la société [B] a eu connaissance du fait que le maître d'ouvrage souhaitait voir engager sa responsabilité. Le point de départ du délai de prescription de l'article L.110-4 du code de commerce doit donc être fixé au 23 janvier 2020.

Or, la société [B] a appelé en garantie la société Larivière par acte du 29 septembre 2020 et la société Ardoisières d'[Localité 13] et SMABTP par acte du 21 avril 2021, de sorte que son recours en garantie n'est pas atteint par la prescription et doit être déclaré recevable.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action initiée par la société [B] à l'encontre de la société Lariviére et l'action initiée par la société [B] à l'encontre de la société Ardoisières d'[Localité 13] et la SMABTP

B- Sur le bien-fondé du recours en garantie

Moyens des parties

La société [B] explique que les pièces versées aux débats font effectivement apparaître que les ardoises litigieuses ont été commandées auprès de la société Larivière qui les a elle-même achetées auprès de la société Ardoisières d'[Localité 13] ; que l'expert judiciaire a bien confirmé que la société Ardoisières d'[Localité 13] avait engagé sa responsabilité ; qu'elle a en effet livré des ardoises non conformes à la commande, ayant ainsi manqué à son obligation de délivrance au sens de l'article 1604 et suivant du code civil ; que d'autre part, la société Ardoisières d'[Localité 13] était tenue d'une garantie de 30 ans contre tout risque d'oxydation pouvant compromettre l'étanchéité de la toiture ; qu'à ce titre, elle était tenue d'une obligation de résultat qui engage sa responsabilité contractuelle en application des articles 1231 et suivants du code civil ; qu'il se déduit également des termes du rapport d'expertise judiciaire que la société Larivière a engagé sa responsabilité, en ce qu'elle a manqué à son obligation de contrôler et de valider les ardoises livrées ; qu'en conséquence, la société requérante est bien fondée à voir engager la responsabilité contractuelle de la société Larivière.

La société Larivière fait valoir que demande de garantie de la société [B] est basée sur la responsabilité contractuelle ; qu'elle ne pourra qu'être déboutée de sa demande, aucune faute du fournisseur ne pouvant être objectivée ; que l'intermédiaire ne pouvait déceler la pyrite lors de la vente et qu'il ne peut être tenu de l'engagement commercial du fabricant ; que l'expert judiciaire retient sa responsabilité pour ne pas avoir contrôlé et validé ce qui lui a été livré ; que cette position est largement en contradiction avec le fait que l'expert a admis que la pyrite est apparue après les travaux et n'était pas décelable lors de la vente des matériaux ; qu'il doit, par ailleurs, être rappelé que le défaut d'aspect a été dénoncé par le maître de l'ouvrage en 2017, soit dix ans après la vente et alors qu'une expertise judiciaire portant sur les travaux réalisés par la société [B] s'est déjà tenue en 2008-2009 ; qu'elle reçoit des palettes emballées et les revend dans le même conditionnement, sans manutention ni désemballage, de sorte qu'il est matériellement impossible de contrôler chaque ardoise vendue ; qu'il appartenait à la société [B] d'opérer un tri entre les ardoises ou de signaler la difficulté avant toute mise en oeuvre ; que cette obligation de tri pèse sur le poseur conformément au DTU 40.11 ; qu'aucune faute ne peut donc lui être imputée à ce titre ; que les traces de pyrite sont purement esthétiques, les constats contradictoires ayant permis d'établir que la pyrite n'était pas traversante ; qu'aucune aggravation n'est objectivée ; que le seul non-respect de dispositions réglementaires en l'absence de désordre ne permet pas d'engager la responsabilité d'un professionnel et n'ouvre pas droit à réparation ; que la demande en garantie formée à son encontre ne pourra qu'être rejetée ; qu'il appartenait au fabricant de s'assurer de la conformité du matériau vendu et de sa conformité à la norme NF P 32-301 ; que le fabricant a manqué à son obligation et engagé sa responsabilité et sera en conséquence condamné in solidum avec la SMABTP, à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ; que s'agissant de la société [B], poseur, sa responsabilité est engagée pour ne pas avoir opéré un tri suffisant entre les ardoises ; que par conséquent, elle sera également condamnée à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

La société Ardoisières d'Angers et la SMABTP indiquent que la SCI [Adresse 15] revendique une ardoise exempte de toute pyrite et coulure se prévalant de la norme NF ; que cependant, ni le devis ni la facture [B] ne mentionnent une référence à une qualité d'ardoise ; que dans les rapports entre le couvreur et la SCI il n'est pas fait la moindre mention de qualité d'ardoise ni référence normative ni mention A1 T1 S1 ou norme NF ; qu'afin de pouvoir atteindre les exigences et les critères de la classe A de l'ancienne norme NF P 32-302, les industriels ont créé une marque NF dont bénéficie l'ardoise litigieuse ; que si les coulures sont interdites, en revanche les ardoises conformément à la norme EN 12 326 et au label NF tout comme la classe A d'ailleurs, peuvent parfaitement présenter des traces d'oxydation de surface de minéraux métalliques ; que les pyrites oxydables et carbonate de calcium sont des éléments naturels indissociables du schiste ardoisier ; que sur les 75 m² de versant (3750 ardoises) moins de 5 % est impacté par de l'oxydation ; qu'il ne s'agit que de désordres esthétiques étant précisé que les pyrites existaient à la pose ; que plus de 16 ans après les travaux aucune infiltration n'est à déplorer ; qu'il est expressément indiqué dans la norme NF P 32-301 article 2.4.1 pyrite de fer, que les inclusions de pyrite de fer oxydables ne sont admises que pour les ardoises destinées à être posées sur trois épaisseurs à pureau entier à condition que celles-ci ne contiennent pas de pyrite de fer oxydable sous forme de grain ou de bande les traversant dans la zone définie comme suite en l'occurrence le tiers central ; que tout au plus, la société Ardoisière d'[Localité 13] ne peut supporter que 10 % du coût des travaux correspondant effectivement à la reprise de non-conformité ; qu'en revanche, les autres ardoises présentant des pyrites ne sont pas non conformes et ne justifient pas que la société Ardoisières d'[Localité 13] supporte le coût d'une reprise intégrale et ce d'autant que le couvreur en toute hypothèse engage sa responsabilité ; que ce qui a été vendu c'est une Gamme Manoir de deuxième choix ; que l'ardoise vendue a la particularité d'être une ardoise de second tri ce qui n'est pas anodin ; que la présence d'inclusions métalliques est tolérée dans les zones cachées (non mouillées) soit 2/3 de l'ardoise, et à ce titre, les ardoises ne comportant ce défaut que dans les zones cachées au moment de la pose sont identifiées comme second choix avec un prix de vente largement inférieur à celui du premier choix ; que leur présence mérite une attention particulière à leur pose dont le couvreur doit tenir compte ; qu'à ce titre, si le poseur avait des doutes sur la qualité du produit qu'ils devaient poser sur ce toit, il suffisait de le signaler par écrit, de refuser de prendre le risque de les poser, et de ne pas les poser et les faire changer par le producteur ; qu'en posant les ardoises et en les payant sans réserve, le poseur a accepté le produit ; que le couvreur a manqué à ses obligations découlant des règles de l'art ; qu'en tant que professionnel, il ne pouvait pas ne pas écarter certaines ardoises qui présentaient un risque de par la présence de certaines pyrites ; que les pyrites existantes aujourd'hui sont des inclusions qui existaient au moment de la pose, il ne s'agit donc pas d'un vice caché ; que la cour ne pourra que déclarer la société [B] mal fondée en son appel en garantie et la déclarera responsable dans une proportion conséquente eu égard à la prépondérance des pyrites au regard des coulures ; que si la cour venait à prononcer une condamnation in solidum, la société Ardoisières d'[Localité 13] entend exercer un appel en garantie à l'égard de la société [B] qui doit supporter une part de condamnation conséquente et en toute hypothèse bien supérieure aux 20 % proposés par l'expert qui manifestement fait une mauvaise analyse technique et juridique.

Réponse de la cour

La société [B] a été condamnée au profit de la SCI [Adresse 15] au titre de son obligation de délivrance et exerce un recours en garantie sur le même fondement à l'encontre du fabricant et du revendeur, de sorte qu'elle n'a pas à établir une faute de ceux-ci.

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que les ardoises relevant de la norme NF P 32-301, les pyrites oxydables (rouille) étaient catégoriquement exclues en cas de coulures. Il est établi que les ardoises de la gamme Manoir relevaient de la norme NF P 32-301, quand bien même celle-ci n'était pas mentionnée dans les bons de commande successifs. Si la société Ardoisières d'[Localité 13] prétend que les ardoises étaient de deuxième choix, aucun élément ne corrobore cette allégation, et elle n'établit pas que ces ardoises n'étaient pas soumises à la norme NF P 32-301 applicable à la gamme d'ardoises Manoir.

Il s'ensuit que tant le revendeur que le fabricant étaient tenus de délivrer à la société [B] des ardoises conformes à la norme NF P 32-301 exigeant l'absence de traces de pyrites oxydables. Or, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que les désordres consistent en l'apparition de coulures d'oxydation.

L'expert judiciaire a indiqué que « l'exploitation de la carrière d'[Localité 13]-[Localité 20] arrivait à son terme dans les années 2005/2006, les contrôles à cette époque pouvaient être moins rigoureux. Le test à l'acide n'a pas été réalisé lors de l'extraction du lot destiné à la société Larivière, comme cela aurait dû l'être ». Il a ainsi conclu que « Les ardoisières d'[Localité 13] [qui] n'ont pas respecté leur cahier des charges avant la mise en palette des ardoises ni leur contrôle avant commercialisation ».

Il résulte de ces éléments que tant la société Larivière que la société Ardoisières d'[Localité 13] ont vendu des ardoises qui n'étaient pas conformes à la norme NF P 32-301, de sorte qu'elles ont manqué à leur obligation de délivrance conforme.

Il convient donc de condamner in solidum les sociétés Larivière, Ardoisières d'Angers et son assureur, la SMABTP, à garantir la société [B] toute condamnation prononcée à son encontre au profit de la SCI [Adresse 15]. Il ne peut en effet pas être reproché à l'acheteur une part de responsabilité dans le manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme.

C- Sur les recours en garantie des co-obligés in solidum

Moyens des parties

Les parties font valoir les mêmes moyens que ceux exposés au titre du recours en garantie exercé par la société [B], auquel il convient de renvoyer.

Réponse de la cour

S'agissant des parts de responsabilité encourues, l'expert a fait part de l'avis suivant :

« Il est aussi possible, et souvent convenu, que la « pyrite de fer » fréquemment contenue dans l'ardoise, soit con'née dans sa texture sans être apparente à son extraction et sa mise en place.

Elle peut n'apparaître qu'après sa mise en place si son exposition dans l'environnement est humide et exposée sud.

Sa responsabilité [Ardoisières d'[Localité 13]] est néanmoins entière et incontestable, on peut l'estimer à 60 %.

Elle peut être partagée avec :

La « SAS Lariviére », commanditaire auprès des « Ardoisières d'[Localité 13] » et qui à ce titre avait également l'obligation de contrôler et de valider ce qui lui avait été livré.

Ce qui n'a apparemment pas été fait. Les palettes reçues des « Ardoisières d'[Localité 13] » n'ont pas été retirées de leurs enveloppes 'lmées.

Sa responsabilité reste également incontestable, on peut l'estimer à 20 %

Enfin la « SARL [B] Etienne », le « couvreur » et commanditaire à la base se devait de valider les ardoises qu'il avait à poser.

Cette validation n'a peut-être pas été faite, ou elle a pu être victime du con'nement précédemment évoqué. Sa responsabilité est également engagée, on peut l'estimer à 20 % ».

L'expert a ainsi proposé de retenir une part de responsabilité de chaque revendeur à hauteur de 20 %. Cependant, le manquement à l'obligation de délivrance conforme est relatif à la fourniture d'ardoises non-conformes à la norme NF P 32-301, dont la certification dépend du fabricant qui disposait des moyens de vérifier la conformité des ardoises aux exigences de la norme NF P 32-301. Aucun élément du rapport d'expertise ne permet d'établir que la non-conformité des ardoises à ladite norme était décelable par chacun des revendeurs, l'expert évoquant d'ailleurs le fait que la pyrite de fer est fréquemment con'née dans la texture de l'ardoise sans être apparente à son extraction et sa mise en place.

Le défaut de délivrance imputé à la société [B] et à la société Larivière ne peut donc conduire à leur faire supporter une part de la charge finale de la responsabilité du défaut de conformité des ardoises à la norme NF P 32-301, alors qu'ils pouvaient, même en qualité de professionnels, légitimement croire que les ardoises fournies étaient conformes aux exigences de ladite norme, sans être tenu de vérifier la présence de pyrites oxydables contenues à l'intérieur des ardoises fournies par le fabricant.

Répondant à un dire, l'expert judiciaire a indiqué que l'affirmation selon laquelle le couvreur avait manqué à ses obligations découlant des règles de l'art était gratuite et sans fondement, précisant qu'il était possible que la pyrite n'ait pas été apparente lors de la mise en place des lots livrés, et que le couvreur n'avait pas à faire des réserves si les désordres n'étaient pas apparents à la pose. Or, aucun élément ne permet de retenir que la pyrite oxydable était apparente lors de la pose, ce qui est corroboré par le fait que les désordres sont survenus neuf ans après la pose des ardoises.

En conséquence, il convient de dire que la société Ardoisières d'[Localité 13] doit supporter seule la charge définitive de la dette de responsabilité.

La société Larivière est donc fondée à exercer un recours intégral à l'encontre de la société Ardoisières d'[Localité 13] et à l'égard de son assureur, la SMABTP, au titre des condamnations prononcées à son encontre. Les garants ne sont pas fondés à solliciter la limitation de leur garantie à 10 % du seul versant Sud Ouest, dès lors que la garantie est due au titre des condamnations prononcées à l'encontre de la société [B], laquelle doit répondre de la réfection intégrale de la toiture puisque la délivrance d'une toiture en ardoises d'[Localité 13]-[Localité 20] n'est plus possible, pour les motifs précédemment exposés. De même, le préjudice de jouissance de la SCI [Adresse 15] doit être réparé pour les motifs exposés au titre du recours de celle-ci à l'encontre de la société [B].

Les recours en garanties exercés par la société Ardoisières d'[Localité 13] et la SMABTP doivent donc être rejetés. Il en sera de même des recours exercés à l'encontre de la société [B].

La SMABTP est fondée à opposer les limites contractuelles de son contrat d'assurance et ses franchises tant à son assuré qu'aux tiers lésés s'agissant d'une assurance facultative.

III- Sur les frais de procédure

Le jugement sera infirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.

Les sociétés [B], Larivière, Ardoisières d'[Localité 13] et SMABTP seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise et de référé, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société [B] sera condamnée à payer à la SCI [Adresse 15] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour laquelle elle sera garantie conformément aux modalités précitées.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

STATUANT À NOUVEAU :

CONDAMNE la société [B] à payer à la SCI [Adresse 15] les sommes de :

- 32 234,86 euros au titre des travaux de couverture, avec indexation sur l'évolution de l'indice du coût de la construction des immeubles à usage d'habitation entre l'indice publié le 7 novembre 2024, et celui publié au jour du présent arrêt ;

- 2 500 euros en réparation du préjudice de jouissance ;

DÉCLARE RECEVABLE le recours en garantie de la société [B] à l'encontre de la société Larivière ;

DÉCLARE RECEVABLE le recours en garantie de la société [B] à l'encontre de la société Ardoisières d'[Localité 13] et la SMABTP ;

CONDAMNE in solidum la société Larivière, la société Ardoisières d'Angers et la SMABTP à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre, en principal, frais et intérêts, au titre de l'action engagée par la SCI [Adresse 15] ;

DIT que dans les rapports entre co-obligés in solidum, la société Ardoisières d'[Localité 13] doit supporter la charge totale définitive de la dette de responsabilité ;

CONDAMNE in solidum la société Ardoisières d'[Localité 13] et la SMABTP à garantir la société Larivière de toutes condamnations prononcées à son encontre, en principal, frais et intérêts, au titre de l'action engagée par la société [B] ;

DIT que les plafonds et franchises du contrat d'assurance de la SMABTP sont opposables à la société Larivière ;

DÉBOUTE les sociétés Ardoisières d'[Localité 13] et SMABTP de leurs recours en garantie ;

DÉBOUTE la société Larivière de son recours en garantie formé à l'encontre de la société [B] ;

CONDAMNE les sociétés [B], Larivière, Ardoisières d'[Localité 13] et SMABTP aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les frais de référé et d'expertise judiciaire ;

AUTORISE les avocats de la cause à recouvrer directement et à leur profit, contre la partie condamnée aux dépens, ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision ;

CONDAMNE la société [B] à payer à la SCI [Adresse 15] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Monsieur Laurent SOUSA, conseiller ayant participé aux débats et au délibéré, et Mme Karine DUPONT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

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