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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 16, 16 septembre 2025, n° 23/18252

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

World Natural Resources Ltd (Sté), World Natural Resources Congo (SAU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Barlow

Conseillers :

M. Le Vaillant, Mme Ghorayeb

Avocats :

Me Etevenard, Me Matousekova, Me Duprey, Me De Maria, Me Pinsolle, Me Voisin, Me Lacoste, Quinn Emanuel & Sullivan LLP

Paris, du 18 août 2023, n° 23619/AZO/SP

18 août 2023

I/ FAITS ET PROCEDURE

1. La cour est saisie du recours en annulation formé contre une sentence arbitrale partielle rendue à Paris, le 18 août 2023, sous l'égide de la cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale, dans un litige opposant la société World Natural Resources Ltd (ci-après « WNR Ltd ») et la société World Natural Resources Congo S.A.U. (ci après « WNR Congo »), d'une part, aux sociétés [W] Energy Trading S.A. (ci-après « METSA »), [W] Capital Partners Limited (ci-après « MCP ») et Energy Complex DMCC (ci-après « Energy Complex »), d'autre part.

2. Le différend à l'origine de cette sentence porte sur la mise en 'uvre d'un projet pétrolier offshore relatif au bloc « Marine XI » situé au large des côtes de la République du Congo (ci après dénommé le « Projet Marine XI »).

3. Le 18 juillet 2005, la République du Congo a délivré un permis de recherches d'hydrocarbures à la Société Nationale des Pétroles du Congo (ci-après dénommée « SNPC ») pour le bloc Marine XI, qui permettait à la SNPC de s'associer à d'autres sociétés pour l'exploitation du bloc Marine XI.

4. Le 19 août 2005, la République du Congo a conclu un contrat de partage de production (ci après dénommé « CPP ») avec la SNPC et les sociétés auxquelles celle-ci s'est associée dénommées Soco Exploration & Production Congo (ci après dénommée « SOCO ») et Africa Oil & Gas Corporation (ci après dénommée « AOGC »). Le 27 juin 2006, SNPC, SOCO et AOGC, ont ensuite conclu un contrat d'association.

5. Le 25 mars 2013, WNR Congo, alors détenue à 100 % par WNR Ltd, a acquis une participation de 23 % dans le bloc Marine XI auprès de AOGC, dans le cadre d'un contrat dénommé ' Farmout Agreement '. WNR Congo est alors devenue partie au CPP ainsi qu'au contrat d'association.

6. Le 15 décembre 2013, WNR Congo et Energy Complex ont signé deux accords dénommés ' Share Purchase Loan Agreement ' et ' Cash Call Loan Agreement ', par lesquels Energy Complex a consenti des prêts à WNR Congo pour financer, respectivement, l'acquisition de sa participation de 23 % dans le Projet Marine XI et les appels de fonds dus au titre du Contrat d'Association.

7. Le 31 décembre 2013, Energy Complex, WNR Ltd, WNR Development Ltd, WNR Mauritius Ltd et WNR Congo ont conclu un Sale and Purchase and Cooperation Agreement (ci-après dénommé le « SPCA ») prévoyant les conditions dans lesquelles Energy Complex et WNR Ltd deviendraient partenaires dans le Projet Marine XI, par la détention d'une participation indirecte respective de 49,9% et de 50,1% WNR Congo.

8. Le même jour, MCP a consenti un prêt à Energy Complex par un Loan Agreement, modifié par la suite par avenants, afin de financer les opérations de WNR Congo.

9. La participation de WNR Congo a été portée à 31,5% dans le Projet Marine XI en juin 2018.

10. Le 22 septembre 2020, le Ministère des Hydrocarbures de la République du Congo a exclu WNR Congo du CPP et du contrat d'association relatifs au Projet Marine XI.

11. WNR Ltd et WNR Congo ont engagé, le 15 juin 2021, une procédure d'arbitrage à l'encontre de Energy Complex, METSA et MCP, sur le fondement de la clause compromissoire prévue à l'article 10.2 du SPCA.

12. Par sentence partielle du 18 août 2023, le tribunal arbitral a statué en ces termes :

- SE DÉCLARE incompétent ratione personae à l'égard de [W] Energy Trading S.A. et [W] Capital Partners Limited ;

- CONDAMNE les Demanderesses à supporter les honoraires d'avocats et frais exposés par [W] Energy Trading S.A. et [W] Capital Partners Limited, à concurrence de, respectivement, 200.000 EUR pour [W] Energy Trading S.A. et 200.000 EUR pour [W] Capital Partners Limited ;

- RÉSERVE pour la Sentence Finale l'allocation des honoraires des arbitres et des frais administratifs de la CCI ;

- RÉSERVE ses décisions sur toutes autres demandes.

13. WNR Ltd et WNR Congo ont formé un recours en annulation contre cette sentence devant la cour de céans le 10 novembre 2023.

14. La clôture a été prononcée le 29 avril 2025 et l'affaire appelée à l'audience du 6 mai 2025, au cours de laquelle les conseils de parties ont été entendus en leur plaidoiries.

II/ CONCLUSIONS ET DEMANDES DES PARTIES

15. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 décembre 2024, WNR Ltd et WNR Congo demandent à la cour, au visa des articles 699, 700 et 1520 du code de procédure civile, de bien vouloir :

1. Annuler la Sentence rendue le 18 août 2023 par le Tribunal Arbitral composé de [T] [M], [H] L. Drymer et [A] [U] sous l'égide de la Chambre de commerce internationale ;

2. Débouter les sociétés [W] ENERGY TRADING S.A., [W] CAPITAL PARTNERS LIMITED et ENERGY COMPLEX DMCC de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;

3. Condamner les sociétés [W] ENERGY TRADING S.A., [W] CAPITAL PARTNERS LIMITED et ENERGY COMPLEX DMCC à payer la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile aux sociétés WORLD NATURAL RESOURCES LTD et WORLD NATURAL RESOURCES CONGO S.A.U.;

4. Condamner les sociétés [W] ENERGY TRADING S.A., [W] CAPITAL PARTNERS LIMITED et ENERGY COMPLEX DMCC à payer les entiers dépens ;

5. Dire qu'ils pourront être directement recouvrés par Frédérique ETEVENARD de la Demanderesse, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

16. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 mars 2025, METSA et MCP demandent à la cour, au visa des articles 700 et 1520 du code de procédure civile, de bien vouloir :

- REJETER le recours en annulation dans sa totalité ;

- CONDAMNER WNR Ltd. et WNR Congo à payer à METSA et MCP la somme de 200 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- DEBOUTER WNR Ltd. et WNR Congo de toute autre demande.

17. La cour renvoie à ces conclusions pour le complet exposé des moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

III/ MOTIFS DE LA DECISION

18. Au soutien de leur recours, WNR Ltd et WNR Congo invoquent quatre moyens d'annulation tirés de la compétence du tribunal arbitral, du non-respect de sa mission, de l'atteinte au principe de la contradiction et de la contrariété de la reconnaissance ou de l'exécution de la sentence querellée avec l'ordre public international.

A. Sur le premier moyen d'annulation tiré de ce que le tribunal arbitral s'est à tort déclaré incompétent

i. Position des parties

19. WNR Ltd et WNR Congo font grief au tribunal arbitral de s'être reconnu incompétent à l'égard de METSA et MCP alors que :

- METSA et MCP sont les véritables parties au SPCA conclu par l'interposition et/ou l'intermédiaire d'Energy Complex qui n'est qu'un prête-nom agissant pour le compte de METSA et MCP, dès lors que :

o Les déclarations de trois des principaux dirigeants du groupe [W] et le comportement de METSA et MCP établissent qu'elles étaient les véritables parties au SPCA et donc les partenaires de WNR Ltd au Projet Marine XI (échanges de correspondances desquels il résulte un rôle proactif et exclusif des sociétés METSA et MCP à chaque étape de la vie du Projet Marine XI, auto-présentation de METSA aux tiers comme finançant indirectement WNR Congo, auto-présentation de METSA et MCP comme partenaires de WNR Ltd dans le Projet Marine XI et présentées comme tel par et aux dirigeants du groupe [W]) ;

o Energy Complex versait les fonds dus au titre de la contribution de WNR Congo sur instructions de METSA et MCP, et les reversait à SOCO (l'opérateur du Projet Marine XI) sur ordre de METSA, sans que le groupe [W] n'exige de sa part, à aucun moment, le moindre remboursement ;

- METSA et MCP ont été impliquées dans la négociation du SPCA en ayant notamment :

o participé en amont aux négociations du Farmout Agreement et de l'avenant au contrat d'association, auquel elles projetaient de devenir parties en acquérant une participation dans WNR Congo au titre du SPCA ;

o constitué les sociétés holding de WNR Congo (WNR Development Ltd et WNR Mauritius) à l'île Maurice, conformément au montage contractuel prévu pour la signature du SPCA ;

o participé aux négociations et à la conclusion du SPCA le 31 décembre 2013 (par l'intermédiaire de Messieurs [V] et [L] et de leur conseil Herbert Smith Freehills), ce qui leur a permis d'acquérir une participation dans le Bloc Marine XI ;

o négocié l'ensemble des autres accords prétendument conclus par Energy Complex, et notamment les contrats de prêts prévus par le SPCA ;

- METSA et MCP ont été impliquées dans l'exécution du SPCA en ayant notamment :

o mis en place les contrats de prêts accessoires au SPCA entre Energy Complex et WNR Congo lui permettant de financer l'acquisition de 23 % puis 8,5 % dans le Projet Marine XI ;

o géré les augmentations de prêts entre Energy Complex et WNR Congo ;

o financé les opérations d'exploration du Projet Marine XI bien au-delà de 2013 (jusqu'en 2019) en conformité avec leurs obligations en vertu du SPCA et été impliquées dans tous les aspects financiers du Projet Marine XI puisque leurs représentants examinaient et approuvaient le montant des cash calls du Projet Marine XI, de sorte qu'aucune facture ne pouvait être validée sans leur accord ;

o géré la vie sociale de WNR Congo suite à leur prise de participation par l'intermédiaire d'Energy Complex en vertu du SPCA (METSA a notamment géré toutes les questions financières de WNR Congo, ou les relations de WNR Congo avec son administrateur) ;

o joué un rôle opérationnel dans l'exploration du permis accordé dans le cadre du Projet Marine XI (négociation et conclusion par METSA et MCP du contrat de travail de l'expert technique ainsi que transmission de toutes les informations relatives au Projet Marine XI) ;

o assisté aux réunions techniques organisées par SOCO, l'opérateur du Projet Marine XI, signé les procès-verbaux de réunion, et pris part aux votes des décisions des parties au Contrat d'association ;

- METSA et MCP ont été impliquées dans l'éviction de WNR Congo du CPP et du contrat d'association par le Ministère des Hydrocarbures de la République du Congo en violant le droit de préemption de WNR Congo et leur obligation de coopération en vertu du SPCA (qui impliquait qu'elles agissent de concert avec WNR Ltd pour accroître leur investissement conjoint dans le Projet Marine XI) ;

- en vertu du principe d'autonomie de la clause compromissoire, les termes des articles 8.6 et 8.8 du SPCA, qui excluraient les tiers de leurs relations contractuelles, n'empêchent pas l'extension de la clause compromissoire à METSA et MCP dans la mesure où ils ne portent pas sur la résolution par voie arbitrale des litiges mais sur les engagements contractuels des parties au fond.

20. METSA et MCP répliquent que le tribunal arbitral s'est à juste titre déclaré incompétent vis-à-vis d'elles, en faisant valoir que :

- La thèse du mandat ou de l'interposition de personne manque en fait comme en droit dès lors que :

o aucun mandat n'existe, l'existence du prétendu mandat n'étant mentionnée nulle part dans les documents contemporains du projet et la thèse du mandat ne figurant pas non plus dans la demande d'arbitrage, celle-ci n'ayant été soulevée que 14 mois plus tard ;

o Il revient à WNR Ltd et WNR Congo de prouver l'existence d'un mandat octroyé par METSA et MCP et d'un pouvoir de représentation par Energy Complex, ce dont elles sont incapables ;

o Si un mandat avait existé, Energy Complex n'aurait pas dû être attraite en tant que défenderesse à la procédure ;

o Les requérantes n'ont pas identifié de droit applicable au prétendu mandat devant le tribunal arbitral

- La thèse de « l'interposition fictive » de personne n'a pas de sens puisque le schéma contractuel est licite et a été accepté par l'ensemble des parties en connaissance de cause :

o Energy Complex a pris un risque financier et a effectivement prêté les fonds à WNR Congo ;

o l'existence d'un droit de conversion contenu dans le Loan Agreement par lequel MCP pouvait à tout moment convertir la dette d'Energy Complex en actions de WNR Development Ltd prouve que si MCP et METSA étaient les véritables parties au SPCA, un tel droit n'aurait aucun sens, puisque MCP serait déjà partie à l'accord ;

o Energy Complex est une société qui existe, qui a son propre actionnariat et ses propres activités de distribution de produits pétroliers aux Emirats Arabes Unis ;

o Les rôles de MCP et METSA étaient clairs, MCP était un prêteur et METSA ne jouait aucun rôle dans le projet lui-même ;

- La thèse de l'extension de la clause compromissoire, contradictoire avec la précédente, n'a aucun fondement en droit ou en fait :

o les parties au Projet Marine XI ont expressément prévu, par un schéma contractuel précis, de traiter les litiges qui pourraient survenir entre elles de manière séparée, ce qui résulte de la présence de clauses d'arbitrage distinctes et incompatibles en raison de sièges différents, de nombre d'arbitres différents ou de parties différentes ;

o l'extension de la clause compromissoire est impossible puisque dans le SPCA, les parties ont expressément entendu limiter cet accord aux seuls signataires en excluant les tiers (donc METSA et MCP) tant au regard des dispositions du contrat que de sa clause compromissoire :

' l'article 8.8 du SPCA prévoit l'impossibilité pour les tiers de revendiquer le bénéfice des clauses contractuelles, exclusion qui s'étend à la clause compromissoire de l'article 10 du SPCA ;

'L'article 8.6 confirme l'intention des parties à cet accord d'exclure les tiers de leur relation contractuelle en prévoyant que chacune des parties au SPCA n'est pas responsable des obligations et des dettes dues par l'autre partie à des tiers ;

- le critère déterminant en matière d'extension est la volonté commune de toutes les parties ; cette volonté peut être établie par tout élément de fait pertinent et, en l'occurrence, cette volonté des parties est établie avant tout par les termes du SPCA ;

- la clause compromissoire ne peut pas être étendue à METSA ou MCP car elles n'ont participé ni à la négociation ni à l'exécution du SPCA qui est un contrat à exécution instantanée dont l'objet est limité à une cession d'actions qui, par sa nature, exclut l'intervention de tiers ;

- le caractère circonscrit de l'objet du SPCA est confirmé par le fait qu'il prévoit la conclusion d'autres accords pour gérer le financement, ainsi que la vie de WNR Congo ;

- METSA n'a pas financé les opérations relatives au Projet Marine XI et MCP a prêté de l'argent à Energy Complex en application des Loan Agreements qui les lient et leurs avenants ;

- METSA et MCP n'ont pas participé à l'éviction de WNR Ltd et WNR Congo du Projet Marine XI puisqu'elles n'ont violé aucun droit de préemption dans la mesure où le SPCA ne contient pas un tel droit.

ii. Appréciation de la cour

21. L'article 1520, 1°, du code de procédure civile ouvre le recours en annulation lorsque le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent.

22. Pour l'application de ce texte, il appartient au juge de l'annulation de contrôler la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage.

23. En vertu d'une règle matérielle du droit de l'arbitrage international, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient, directement ou par référence. Son existence et son efficacité s'apprécient, sous réserve des règles impératives du droit français et de l'ordre public international, d'après la commune volonté des parties, qui investit l'arbitre de son pouvoir juridictionnel, sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique.

24. Le contrôle de la décision du tribunal arbitral sur sa compétence est exclusif de toute révision au fond de la sentence, le juge de l'annulation n'ayant pas à se prononcer sur la recevabilité des demandes ni sur leur bienfondé.

25. La clause compromissoire insérée dans un contrat international a une validité et une efficacité propres qui commandent d'en étendre l'application aux parties directement impliquées dans l'exécution du contrat et dans les litiges qui peuvent en résulter, dès lors qu'il est établi que leur situation contractuelle, leurs activités et les relations habituelles existant entre les parties font présumer qu'elles ont accepté la clause compromissoire dont elles connaissaient l'existence et la portée bien qu'elles n'aient pas été signataires du contrat qui la stipulait.

26. En l'espèce, les sociétés WNR Ltd, WNR Congo, WNR Development Ltd, WNR Mauritius Ltd et Energy Complex ont conclu le SPCA, auquel METSA et MCP ne sont pas parties, par lequel :

- Energy Complex s'est engagée à céder à WNR Ltd 50,1 % des titres de WNR Development Ltd ; et

- WNR Ltd s'est engagée à céder à WNR Mauritius Ltd la totalité des titres de WNR Congo,

de sorte qu'à l'issue de ces opérations, Energy Complex et WNR Ltd détiennent respectivement 49,9% et 50,1% de WNR Congo et ce, indirectement, au travers de WNR Development et WNR Mauritius Ltd (pièce demanderesses n° 10).

27. La clause compromissoire, dont les demanderesses soutiennent qu'elle doit être étendue à METSA et MCP, est prévue à l'article 10.2 du SPCA et stipule :

' Any and all claims, demands, causes of action, disputes, controversies and other matters in question arising out of or relating to this Agreement, including any question regarding its breach, existence, validity or termination (the "Dispute"), which the Parties do not resolve amicably within a period of thirty (30) days from the notification in writing of the dispute by either Party to the other, shall be resolved by three (3) arbitrators in accordance with the Rules of Arbitration of the International Chamber of Commerce (the "Rules"). [']'

Traduction proposée par la cour :

« Toutes réclamations, demandes, actions, litiges, controverses et autres sujets issus de ou relatifs au présent Accord, en ce compris toute question relative à une violation du contrat, son existence, sa validité ou sa résiliation (le " Litige "), que les Parties n'auront pas résolus par la voie amiable dans un délai de trente (30) jours suivant la notification par écrit du litige par l'une des parties à l'autre, seront tranchés par trois (3) arbitres selon le Règlement d'Arbitrage de la Chambre de commerce internationale (le " Règlement ") ['] ».

28. Les sociétés WNR Ltd et WNR Congo soutiennent tout d'abord que les sociétés METSA et MCP étant les « véritables partenaires de WNR Ltd dans le projet Marine XI » et la société Energy Complex ayant agi dans le cadre de ce contrat comme « prête-nom », comme une société écran, interposée, la clause compromissoire doit leur être étendue. Elles tirent par ailleurs argument de l'implication des sociétés METSA et MCP dans les négociations et l'exécution du SPCA pour soutenir qu'elles sont de véritables parties à l'accord.

29. Cependant l'allégation selon laquelle la société Energy Complex aurait agi comme une « société interposée et/ou d'intermédiaire agissant pour le compte de METSA et MCP » est contredite par les éléments mis en exergue par les demanderesses elles-mêmes, dont il ressort que [W] :

- était intéressée par un investissement dans le projet pétrolier mais n'était pas en mesure de gérer un investissement de petite dimension dans un Etat qu'elle connaissait mal ;

- ne souhaitait apparaître comme investisseur, compte tenu de la présence comme vendeur d'un concurrent majeur ;

- s'est tournée vers Energy Complex dont le dirigeant était connu de celui de [W] comme un partenaire de confiance et disposé à prendre le risque financier de l'opération.

30. Le rapport rédigé par l'ONG Global Witness à la suite d'une interview de Monsieur [G], PDG de [W], réalisée en 2019, dont se prévalent les demanderesses, indique :

' [W] was interested in acquiring an interest in the oil block, but there were elements that its team were less comfortable with: Marine XI was (in their terms) a small business venture in a risky jurisdiction that they didn't know well. We "didn't have the resources internally to micro-manage an investment of this [small] size," [W] said in response to questions from Global Witness. Crucially, the seller - Vitol, another Swiss commodity trader - was a major competitor and [W] was concerned that knowledge of its involvement could derail the deal, the company said. So [W] turned to an old business partner of its CEO [J] [G], Italian oil veteran [S] [B]. [B] was trusted and willing to take some financial risk, [W] said. Having previously worked for Italian oil major Eni for many years, he was also seemingly capable of "micro-managing" the asset. All in all, [B] and his Dubai-based company Energy Complex were precisely what [W] was looking for.'

Traduction proposée par la cour :

« [W] était intéressée par l'acquisition d'un intérêt dans le bloc pétrolier, mais son équipe était moins à l'aise avec certains éléments : Marine VI était (selon leurs termes) une petite entreprise sur un territoire risqué qu'ils connaissaient mal. Nous " n'avions pas les ressources internes pour " micro-gérer " un investissement de cette [petite] dimension " a répondu [W] en réponse à des questions de Global Witness. De manière cruciale, le vendeur, Vitol, un autre négociant en matières premières (' commodity trader ') suisse, était un concurrent majeur et [W] s'inquiétait de ce que la connaissance de son implication pourrait compromettre l'affaire, avait déclaré la société. Alors [W] s'est naturellement tournée vers un ancien partenaire financier de son dirigeant [J] [G], le vétéran italien du pétrole [S] [B]. [B] était de confiance et désireux de prendre un risque financier, a déclaré [W]. Ayant auparavant travaillé pour le leader italien du pétrole Eni, pendant de nombreuses années, il était aussi apparemment capable de " micro manager " l'actif. Dès lors, [B] et sa société basée à [Localité 5] Energy Complex étaient précisément ce que cherchait [W]. »

31. Il en résulte qu'Energy Complex a été choisie pour l'expertise de son dirigeant et la confiance que [W] avait en lui et pour le risque financier qu'Energy Complex acceptait de prendre dans l'opération, de sorte que son intervention dans le projet n'était pas artificielle, ni conçue pour les seuls besoins de ne pas faire apparaître [W], quand bien même [W] aurait souhaité rester discrète sur son implication dans le projet et concevoir la structuration juridique de l'opération en conséquence.

32. Par ailleurs, les très nombreux échanges de courriels produits par WNR Ltd et WNR Congo attestent que [W] était présente et particulièrement investie à de nombreuses étapes de l'opération, notamment en validant différents projets d'accord ou la séquence des opérations juridiques et financières. Pour autant, cette implication se justifie par le fait que [W] participait au financement de l'opération par un prêt consenti à Energy Complex d'un montant total de 50 millions de dollars américains, dont le contrat, dénommé ' Loan Agreement ' et conclu le même jour que le SPCA, précise qu'il a pour objet de permettre à Energy Complex de financer son investissement (en capital ou par prêt) dans WNR Développement ou ses filiales à concurrence de 35 millions de dollars américains (pièce demanderesses n° 22).

33. S'agissant par ailleurs des arguments de WNR tenant à l'implication de [W] dans un arbitrage opposant AOGC à WNR, la cour relève, s'agissant des frais d'arbitrage, que la question discutée dans les échanges de courriels produits était de savoir si Energy Complex pouvait les acquitter pour WNR et, s'agissant des échanges produits en pièce n° 121 qu'ils concernaient des réponses à apporter en raison d'interrogations d'AOGC sur l'indépendance de l'arbitre désigné par WNR et les liens avec [W]. Ces éléments ne caractérisent pas que METSA et MCP auraient été les véritables cocontractants des demanderesses dans le cadre du SPCA.

34. Si ces échanges montrent l'implication de [W] dans le projet, les pièces produites par WNR Ltd et WNR Congo ne permettent en revanche pas de démontrer que [W] aurait elle-même négocié et exécuté spécifiquement le SPCA, de telle sorte que son consentement à la clause compromissoire pourrait en être déduit.

35. Par ailleurs, l'investissement des parties dans le projet Marine XI s'est traduit par une série d'opérations juridiques, chaque étape étant séquencée par la conclusion ou la mise en 'uvre de plusieurs accords, produits par les demanderesses, qui, pour la plupart, comportent chacun une clause compromissoire différente :

- Le Farmout Agreement conclu entre WNR Congo et AOGC, relatif à l'acquisition par WNR Congo de sa participation dans le Bloc Marine XI, comporte une clause compromissoire prévoyant un arbitrage à Paris, confié à un tribunal arbitral de trois arbitres, selon les règles de la Chambre de commerce internationale (pièce demanderesses n° 4) ;

- Le Loan Agreement conclu entre MCP et Energy Complex, le même jour que le SPCA, prévoit un arbitrage à Londres confié à un juge unique, selon les règles de la Chambre de commerce internationale (pièce demanderesses n° 22) ;

- Le Share Purchase Loan Agreement et le Cash Call Loan Agreement, tous deux conclus entre Energy Complex et WNR Congo le 15 décembre 2013, prévoient un arbitrage à Londres confié à un juge unique, selon les règles de la Chambre de commerce internationale (pièce demanderesses n° 9 et 11) ;

- Le Shareholders' Agreement Term Sheet, qui prévoit les termes et conditions du pacte d'actionnaires que les défenderesses se sont engagées à conclure avec Energy Complex et figure en annexe au SPCA (schedule 6), prévoit un arbitrage à Londres selon les règles de la Chambre de commerce internationale (pièce demanderesse n° 10).

36. La multiplicité et la diversité des clauses compromissoires caractérisent le fait que les parties aux différents accords, en ce compris METSA et MCP, ont entendu prévoir des modalités d'arbitrage spécifiques à chacun d'eux, même dans des contrats conclus entre les mêmes parties, de sorte qu'il ne saurait être déduit de l'implication de [W] dans les discussions relatives au projet dans son ensemble ou à d'autres accords s'inscrivant dans celui-ci, une acceptation de la clause compromissoire litigieuse.

37. A cet égard, les articles 8.6 et 8.8 du SPCA, qui stipulent que rien dans le SPCA ne confèrera à une partie le pouvoir d'imposer une quelconque obligation à un tiers et qu'aucune stipulation de l'accord ne saurait être mise en 'uvre par une personne qui ne serait pas une partie au contrat, confirment cette volonté des parties de circonscrire la portée de l'accord aux seules parties. Sans préjudice de l'autonomie de la clause compromissoire prévue au SPCA, ces stipulations permettent d'éclairer la volonté des parties dans l'appréciation par la cour de la convention d'arbitrage.

38. Il résulte de ce qui précède que les éléments dont se prévalent WNR Ltd et WNR Congo ne permettent pas d'établir le consentement des défenderesses à la clause compromissoire prévue au SPCA.

39. Le moyen d'annulation tiré de ce que le tribunal arbitral se serait déclaré à tort incompétent à l'égard de METSA et MCP doit donc être rejeté.

B. Sur le deuxième moyen tiré du non-respect de sa mission par le tribunal arbitral

i. Position des parties

40. WNR Ltd et WNR Congo soutiennent que :

- le tribunal arbitral a méconnu sa mission en se déclarant incompétent alors que les conditions de sa compétence étaient réunies ;

- le tribunal arbitral a statué ultra petita en ce que :

o les parties à la procédure d'arbitrage se sont accordées pour que la question de la compétence soit traitée en deux temps : d'abord celle de la compétence ratione personae puis celle de la compétence ratione materiae, ce qui a été acté par le tribunal arbitral dans son ordonnance de procédure n° 4 ;

o lors de l'audience du 27 juin 2023 sur la compétence ratione personae, METSA et MCP ont plaidé exclusivement sur l'incompétence ratione materiae du tribunal, ce que les demanderesses au recours n'ont pas manqué de soulever ;

o en dépit de l'incident soulevé, en se prononçant sur la question de savoir si les demandes de WNR Ltd et WNR Congo relèvent juridiquement du SPCA ou d'autres contrats, le tribunal arbitral s'est prononcé sur une question relative à la compétence ratione materiae, qui ne devait être traitée que dans la seconde phase de la procédure.

41. METSA et MCP répliquent que :

- La première branche du moyen n'est que la reprise du moyen tiré de ce que le tribunal se serait déclaré à tort in compétent : elle est donc redondante avec le premier moyen d'annulation et tout aussi mal fondée ;

- La deuxième branche du moyen selon lequel le tribunal arbitral aurait statué ultra petita en se prononçant sur sa compétence ratione materiae doit être rejeté dès lors que :

o c'est la décision du tribunal arbitral qui est contrôlée, non ses motifs et encore moins les arguments plaidés lors de l'audience ou soumis par écrit ;

o en tout état de cause, le tribunal arbitral n'a pas abordé la question de sa compétence ratione materiae mais celle de sa compétence ratione personae à l'égard de METSA et MCP ;

o les demanderesses dénaturent la décision du tribunal arbitral qui s'est limité à constater - au demeurant à titre surabondant - que l'implication alléguée de METSA et MCP dans la négociation d'accords autres que le SPCA n'était d'aucun secours pour prouver une implication de ces dernières dans la négociation et l'exécution du SPCA.

ii. Appréciation de la cour

42. Selon l'article 1520, 3°, du code de procédure civile, le recours en annulation est ouvert si le tribunal a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée.

43. Définie par la convention d'arbitrage, cette mission est principalement délimitée par l'objet du litige, lequel est déterminé par les prétentions des parties, sans qu'il y ait lieu de s'attacher uniquement à l'énoncé des questions figurant dans l'acte de mission.

44. Il appartient ainsi au tribunal arbitral de statuer dans les limites des demandes qui lui sont soumises, de sorte que s'il accorde plus que ce qui avait été demandé, sa sentence est susceptible d'être annulée pour méconnaissance de sa mission.

45. En l'espèce, la première branche du moyen d'annulation, tirée de ce que le tribunal arbitral aurait méconnu sa mission en se déclarant à tort incompétent, se confond avec le premier moyen d'annulation déjà examiné par la cour.

46. Pour les motifs exposés paragraphes 21 à 39, elle sera rejetée.

47. S'agissant de la seconde branche du moyen, tirée de ce que le tribunal arbitral aurait statué ultra petita en se prononçant sur sa compétence ratione materiae, il n'est pas contesté que la mission du tribunal arbitral a été, pour cette première phase de la procédure arbitrale et d'un commun accord entre les parties à l'arbitrage (ordonnance de procédure produite en pièce demanderesses n°136), circonscrite à la seule question de la compétence du tribunal arbitral ratione personae, plus spécifiquement à l'égard de METSA et MCP, qui soutiennent ne pas être tenues par la clause compromissoire stipulée au SPCA.

48. Aux termes du dispositif de la sentence, le tribunal arbitral " se déclare incompétent ratione personae à l'égard de [W] Energy Trading S.A et [W] Capital Partners Limited ", à l'exclusion de toute autre décision, sous la seule réserve des frais d'arbitrage.

49. Le tribunal arbitral s'est donc strictement conformé à la mission qui lui était confiée et les demanderesses ne peuvent donc valablement soutenir que le tribunal arbitral a statué ultra petita.

50. Par suite, le moyen tiré du non-respect par le tribunal arbitral de sa mission sera rejeté.

C. Sur le troisième moyen d'annulation tiré de l'atteinte au principe de la contradiction

i. Position des demanderesses

51. WNR Ltd et WNR Congo soutiennent que le tribunal arbitral a violé le principe de la contradiction :

- en premier lieu, statuant sur sa compétence ratione materiae sans laisser à WNR Ltd et WNR Congo l'opportunité de répondre sur ce point ;

- en second lieu, en renversant indument le fardeau de la preuve au détriment de WNR Ltd et WNR Congo :

o en ne tenant pas compte des trois déclarations confondantes des dirigeants de METSA et MCP concernant la structuration de leur investissement via Energy Complex ;

o en s'étonnant que les auteurs de ces déclarations n'aient pas été appelés comme témoins par WNR Ltd et WNR Congo ;

o alors même que le tribunal arbitral connaissait les difficultés financières éprouvées par les demanderesses et alors même que les défenderesses à l'arbitrage adoptaient une stratégie de non-contribution aux frais d'arbitrage pour tenter de faire taire les demanderesses.

52. METSA et MCP répliquent que :

- le tribunal arbitral ne s'est pas prononcé sur sa compétence ratione materiae et a respecté le principe d'égalité entre les parties :

o WNR Ltd et WNR Congo ont été en mesure de répondre au cours de l'audience et n'ont pas demandé au tribunal arbitral de compléter leurs écritures sur ce point ;

o L'absence de protestation en temps utile conduit à l'irrecevabilité du moyen ;

o WNR Ltd et WNR Congo ne pouvaient pas être surprises par la position de METSA et MCP qui ont toujours contesté la compétence du tribunal arbitral ;

- le principe du respect du contradictoire permet de contrôler la régularité de l'instruction des preuves par le tribunal arbitral, non l'appréciation au fond de ces preuves.

ii. Appréciation de la cour

53. L'article 1520, 4°, du code de procédure civile ouvre le recours en annulation si le principe de la contradiction n'a pas été respecté.

54. Le principe de la contradiction veut seulement que les parties aient été mises à même de débattre contradictoirement des moyens invoqués et des pièces produites, et qu'elles aient pu faire connaître leurs prétentions de fait et de droit et discuter celles de leur adversaire de sorte que rien de ce qui a servi à fonder la décision des arbitres n'ait échappé à leur débat contradictoire.

55. Le tribunal arbitral n'est pas tenu de soumettre aux parties l'argumentation juridique qui étaye la motivation de sa sentence avant son prononcé. Il ne peut toutefois fonder sa décision sur des moyens de droit ou de fait non invoqués.

56. En l'espèce, s'agissant en premier lieu du grief tiré de ce que le tribunal arbitral aurait retenu que " les allégations formulées par les demanderesses d'une prétendue intervention de METSA et MCP dans la négociation et l'exécution du SPCA ne concernent pas, à une exception près, le SPCA ", sans qu'elles aient pu présenter leur position sur cette question, les demanderesses soulignent elles-mêmes dans leurs écritures que ces éléments ont été évoqués par METSA et MCP au cours de l'audience du 27 juin 2023.

57. Par ailleurs, ainsi qu'il a déjà été retenu par la cour, le grief formé par WNR Ltd et WNR Congo constitue en réalité une critique de la motivation de la sentence sur la compétence ratione personae, motivation que le juge de l'annulation ne saurait réviser.

58. Enfin, le contrôle du respect du principe de la contradiction ne permet pas de contrôler l'appréciation des preuves au fond retenue par le tribunal arbitral, mais uniquement, comme le relève les défenderesses, de vérifier la régularité de l'instruction des preuves.

59. Les demanderesses reprochent au tribunal arbitral de ne pas avoir tenu compte des déclarations cruciales de dirigeants de [W] et de s'être étonné que l'audition des témoins n'ait pas été sollicitée, alors qu'il lui appartenait d'entendre les témoins s'il l'estimait nécessaire, au cours de l'audience.

60. La cour relève que lesdites déclarations, produites par les demanderesses dans le cadre de la procédure arbitrale, ont bien été débattues devant le tribunal arbitral, notamment au cours de l'audience évoquée par les demanderesses elles-mêmes.

61. Les demanderesses, en reprochant au tribunal arbitral de ne pas avoir tenu compte de ces déclarations, entendent obtenir une révision au fond de la motivation de la sentence, à laquelle le juge de l'annulation ne saurait procéder.

62. Par suite, les sociétés WNR Ltd et WNR Congo échouent à établir une violation du principe de la contradiction par le tribunal arbitral et le moyen d'annulation sera rejeté.

D. Sur le quatrième moyen tiré de la contrariété de la reconnaissance ou de l'exécution de la sentence avec l'ordre public international

i. Position des parties

63. WNR Ltd et WNR Congo soutiennent que :

- le tribunal arbitral, par sa sentence partielle, valide la fraude orchestrée par METSA et MCP, visant à neutraliser les effets de la clause compromissoire, le schéma ayant consisté à interposer fictivement une tierce société au SPCA et à conclure des contrats de prêts fictifs pour dissimuler le rôle du véritable contractant (fraude au fond), tout en tentant de se protéger des effets de la clause compromissoire du SPCA en se cachant derrière le signataire apparent et en invoquant l'effet de clauses substantielles du contrat excluant prétendument les droits des tiers (fraude procédurale) ;

- le tribunal arbitral a fait preuve de partialité en faveur de METSA et MCP et a rompu l'égalité entre les parties en :

o ne prenant pas en compte des pièces factuelles pourtant primordiales au sujet du rôle de METSA et MCP dans cette affaire ;

o présentant les informations contenues dans les déclarations publiques de dirigeants du groupe [W] produites par WNR Ltd et WNR Congo comme de simples affirmations de WNR Ltd et WNR Congo ;

o reprenant de façon unilatérale les thèses et arguments de METSA et MCP avec une syntaxe souvent similaire, allant même jusqu'à reproduire à l'identique dans la sentence une de leur présentation ;

o ne prenant en compte que les pièces juridiques de METSA et MCP sans mentionner celles produites par WNR Ltd et WNR Congo.

64. METSA et MCP répliquent que :

- la fraude alléguée n'existe que dans l'esprit de WNR Ltd et WNR Congo qui ne tentent pas sérieusement d'expliquer ni de prouver en quoi cette fraude aurait consisté et en particulier en quoi les faits de l'affaire seraient constitutifs d'une fraude considérant que :

o METSA et MCP ont démontré que le schéma contractuel en cause n'a rien de fictif, chaque partie et chaque contrat ayant eu un rôle précis dans l'opération ;

o aucune partie n'a été trompée ;

- le tribunal arbitral n'a pas fait preuve de partialité puisque :

o la sentence partielle ne se borne pas à reproduire sur tous les points en litige les conclusions de METSA et MCP mais expose dans la sentence la position des deux parties de manière détaillée ;

o le tribunal a précisé dans sa sentence que le résumé des faits n'était pas exhaustif et que l'ensemble des arguments, même ceux qui n'ont pas été retranscrits dans la sentence, ont été pris en compte ;

o le fait que le tribunal ait retenu la position de METSA et MCP sur plusieurs points est l'exercice par le tribunal arbitral de son rôle de trancher un différend entre des parties.

ii. Appréciation de la cour

65. Selon l'article 1520, 5°, du code de procédure civile, l'annulation de la sentence peut être poursuivie lorsque sa reconnaissance ou son exécution est contraire à l'ordre public international.

66. L'ordre public international au regard duquel s'effectue le contrôle du juge s'entend de la conception qu'en a l'ordre juridique français, c'est-à-dire des valeurs et principes dont celui-ci ne saurait souffrir la méconnaissance, même dans un contexte international.

67. Ce contrôle s'attache seulement à examiner si l'exécution des dispositions prises par le tribunal arbitral viole de manière caractérisée les principes et valeurs compris dans cet ordre public international.

68. En l'espèce, les sociétés WNR Ltd et WNR Congo soutiennent que la sentence donnerait effet à une fraude, caractérisée par le caractère fictif de l'interposition de Energy Complex dans l'opération, aux fins de dissimuler le rôle du véritable contractant et d'éluder les effets de la clause compromissoire.

69. En premier lieu, les requérantes, dont la cour relève qu'elles n'invoquent pas clairement la fraude s'agissant du premier moyen d'annulation relatif à la compétence du tribunal arbitral, ne démontrent pas le caractère fictif de l'intervention d'Energy Complex. La cour a, à cet égard, déjà souligné (§31) qu'Energy Complex avait été choisie pour l'expertise de son dirigeant, les liens de confiance entre ce dernier et l'un des dirigeants de [W] et le fait qu'elle acceptait de prendre un risque financier dans l'opération, de sorte que son intervention dans l'opération n'apparaît pas fictive.

70. En deuxième lieu, les requérantes affirment, sans étayer leur prétention par la moindre démonstration, que le montage visait à neutraliser les effets de la clause compromissoire. Ce faisant, elles critiquent en réalité la décision du tribunal arbitral de se déclarer incompétent à l'égard de METSA et MCP, dont la cour a retenu qu'elle n'encourait pas l'annulation sur le fondement de l'article 1520, 1° du code de procédure civile.

71. S'agissant de la seconde branche du moyen, selon laquelle le tribunal arbitral aurait fait preuve de partialité en faveur des défenderesses, les éléments relevés par les demanderesses constituent en réalité, pour certains, une critique de la présentation formelle de la position des parties par le tribunal arbitral, et, pour les autres, des éléments de motivation de sa décision, qui, dès lors que la sentence tranche en faveur d'une partie, desservent nécessairement son contradicteur, sans pour autant encourir le grief de la partialité.

72. Par suite, les requérantes n'établissent pas en quoi l'exécution ou la reconnaissance de la sentence serait contraire à l'ordre public international et le moyen d'annulation de ce chef sera rejeté.

E. Sur les frais du procès

73. WNR Ltd et WNR Congo, parties perdantes, seront condamnées in solidum aux dépens, la demande qu'elles forment au titre des frais irrépétibles étant rejetée.

74. Elles seront en outre condamnées in solidum à payer aux sociétés [W] Energy Trading S.A., [W] Capital Partners Limited et Energy Complex DMCC la somme de 150.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

IV/ DISPOSITIF

Par ces motifs, la cour :

1) Rejette le recours en annulation formé par World Natural Resources Ltd et World Natural Resources Congo S.A.U contre la sentence arbitrale partielle rendue le 18 août 2023 dans l'affaire CCI n° 26319/AZO/SP ;

2) Rappelle qu'en application de l'article 1527 du code de procédure civile, le rejet du recours en annulation confère l'exequatur à la sentence ;

3) Condamne les sociétés World Natural Resources LTD et World Natural Resources Congo S.A.U. aux dépens ;

4) Les condamne payer à [W] Energy Trading S.A., [W] Capital Partners Limited et Energy Complex DMCC à la somme de cent cinquante mille (150 000) euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

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