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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 1, 11 octobre 2016, n° 16/02577

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

ARCHITECTURE WORKSHOP 2 (Sté)

Défendeur :

ELEMATA MADDALENA SRL (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guihal

Conseillers :

Mme GUIHAL, Mme Salvar, Mme Rey

CA Paris n° 16/02577

10 octobre 2016

Exposé des faits

Un différend est apparu entre les parties.

AW2 faisant valoir que le projet était dirigé en réalité par la société suisse VIRTUS FINANCE SA, laquelle avait créé une société ad hoc pour l'opération de la villa Bibia, mais était intervenue directement dans la conclusion et l'exécution du contrat litigieux via M. D., directeur général tant de VIRTUS FINANCE que d'E. MADDALENA, a assigné ces deux sociétés devant le juge d'appui pour obtenir la désignation d'un arbitre.

Par une ordonnance en la forme des référés rendue le 6 janvier 2016 le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris a mis hors de cause la société VIRTUS FINANCE, rejeté la demande de nullité de l'assignation et déclaré la demande irrecevable dès lors qu'AW2 n'ayant pas envoyé à E. MADDALENA des propositions de noms d'arbitres, le désaccord des parties sur ce point ne pouvait être constaté.

AW2 a formé un appel nullité contre cette décision le 21 janvier 2016.

Par une ordonnance du 2 juin 2016, le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel. Cette ordonnance a été infirmée par un arrêt de cette cour du 6 septembre 2016.

Par des conclusions notifiées le 8 septembre 2016, AW2 demande à la cour de dire que le président du tribunal de grande instance de Paris a commis un excès de pouvoir en mettant hors de cause VIRTUS FINANCE et en déclarant irrecevable la demande de désignation de l'arbitre unique, de faire droit à son appel nullité, d'annuler la décision entreprise, de se déclarer compétente pour statuer en qualité de juge d'appui, de constater le défaut d'accord sur la désignation de l'arbitre, de constater que la clause n'est ni manifestement nulle ni manifestement inapplicable, de désigner un arbitre, de rejeter les prétentions des parties adverses et de condamner celles ci à lui payer 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions notifiées le 8 septembre 2016 E. MADDALENA et VIRTUS FINANCE demandent à la cour, en premier lieu, de déclarer l'appel nullité irrecevable en faisant valoir, d'une part, qu'AW2 ne justifie pas des conditions d'application de l'article 1455 du code de procédure civile mais invoque une incompétence du juge d'appui, qu'il n'est donc pas dans le cadre de l'appel nullité, qu'au demeurant le juge d'appui n'a pas méconnu l'étendue de sa saisine puisqu'il était expressément saisi de conclusions de la demanderesse tendant à ce qu'il se déclare compétent, enfin, que le moyen d'incompétence du juge d'appui ayant été présenté après une défense au fond la demande est irrecevable en application de l'article 74 du code de procédure civile, d'autre part, que le moyen articulé par AW2 ne se fonde pas, en réalité, sur l'article 1455 du code de procédure civile qui permet au juge d'appui de dire n'y avoir lieu à désignation si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou inapplicable, mais sur le principe compétence compétence consacré par l'article 1465 du même code et qu'elle invoquait d'ailleurs expressément dans ses conclusions devant le premier juge, lequel n'a donc pas méconnu l'étendue de sa saisine. Les intimées soutiennent, en deuxième lieu, qu'AW2 est irrecevable en sa demande de désignation judiciaire d'un arbitre dans la mesure où elle ne produit aucune lettre à son en tête et adressée à E. sollicitant l'accord de cette dernière sur le nom de l'arbitre, et qu'une lettre envoyée par l'avocat d'AW2 au conseil italien d'E. n'était pas conforme aux modes de notification prévus par le contrat, un avocat ne pouvant, au demeurant, mettre en oeuvre la clause d'arbitrage. En troisième lieu, VIRTUS FINANCE demande sa mise hors de cause en exposant qu'elle n'est pas signataire du contrat d'architecte et que celui ci lui est manifestement inopposable, faute d'implication dans sa conclusion ou son exécution. Enfin, les intimées sollicitent la condamnation d'AW2 au paiement à chacune d'elles de la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour a invité les intimées à l'audience à donner leur avis, par note en délibéré avant le 20 septembre 2016, sur les noms d'arbitres proposés en pièce 16 de l'appelante ou à faire d'autres propositions. Le 20 septembre, AW2 a fourni des éléments de biographie des arbitres qu'elle proposait. E. MADDALENA et VIRTUS FINANCE n'ont pas produit de note en délibéré dans le délai imparti.

Motifs

SUR QUOI :

#1 convention d arbitrage

Considérant qu'aux termes des articles 1453 et 1455 du code de procédure civile, applicables en matière d'arbitrage international par renvoi de l'article 1506, 2° : 'Lorsque le litige oppose plus de deux parties et que celles ci ne s'accordent pas sur les modalités de constitution du tribunal arbitral, la personne chargée d'organiser l'arbitrage, ou, à défaut le juge d'appui, désigne le ou les arbitres', et : 'Si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable, le juge d'appui dit n'y avoir lieu à désignation '; que suivant l'article 1505, en matière d'arbitrage international, le juge d'appui de la procédure arbitrale est, sauf clause contraire, le président du tribunal de grande instance de Paris lorsque l'arbitrage se déroule en France;

Considérant que AW2 a conclu avec E. MADDALENA en septembre 2013 un contrat d'architecte qui stipulait en son article 8 : 'Tout litige ou différend émanant du contenu de ce Contrat, incluant ceux considérés comme tels par une seule des parties , devra être réglé par un Arbitre désigné par les deux parties ou à défaut d'accord par un Arbitre Professionnel désigné par la juridiction compétente en France. Le siège de l'Arbitrage sera la France. La sentence en résultant sera définitive et aura force obligatoire entre les parties et en lieu et place de tout autre dommage'. Il était prévu que le litige serait soumis au droit français et que la langue du contrat était l'anglais;

Qu'un litige étant survenu relativement à l'exécution du contrat, AW2 a assigné devant le juge d'appui aux fins de désignation d'un arbitre tant E. MADDALENA que VIRTUS FINANCE en soutenant que cette dernière était impliquée dans l'exécution de la convention;

Que par l'ordonnance entreprise, le juge d'appui a mis hors de cause la société VIRTUS FINANCE, rejeté la demande de nullité de l'assignation et déclaré la demande irrecevable; que AW2 a formé à son encontre un appel nullité;

Sur l'appel nullité :

#2 code de procédure civile

Considérant, en premier lieu, que les moyens développés par AW2 portent sur le pouvoir de juger du juge d'appui et ne relèvent donc pas des dispositions de l'article 74 du code de procédure civile relatives aux exceptions de procédure;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1460 du code de procédure civile : 'Le juge d'appui est saisi soit par une partie, soit par le tribunal arbitral ou l'un de ses membres. La demande est formée, instruite et jugée comme en matière de référé. Le juge d'appui statue par ordonnance non susceptible de recours. Toutefois, cette ordonnance peut être frappée d'appel lorsque le juge déclare n'y avoir lieu à désignation pour une des causes prévues à l'article 1455";

#3 violation d un principe fondamental de procédure

Considérant que l'appel nullité est ouvert, à titre exceptionnel, contre une décision qui n'est susceptible d'aucun autre recours, afin de faire censurer un excès de pouvoir de son auteur ou la violation d'un principe fondamental de procédure;

#4 clause compromissoire

Considérant, d'une part, que l'ordonnance entreprise met hors de cause la société VIRTUS FINANCE en énonçant : 'Cette société, en qualité de société de conseil, a pu être l'interlocuteur de la société AW2. Cela n'en fait pas une partie au contrat. La clause compromissoire incluse à ce contrat lui est inopposable';

Qu'en se prononçant sur le périmètre de l'arbitrage et en écartant de l'instance arbitrale l'une des parties mises en cause par le demandeur, le juge d'appui, qui statue comme en matière de référé et dont la décision a donc l'autorité de chose jugée au fond, a empiété sur les prérogatives du tribunal arbitral auquel il appartient de statuer par priorité sur sa propre compétence; qu'au surplus, la circonstance qu'une personne mise en cause n'ait pas signé le contrat contenant la clause compromissoire ne caractérise pas une inapplicabilité manifeste de la convention d'arbitrage; que la mise hors de cause de VIRTUS FINANCE est entachée d'excès de pouvoir;

Considérant, d'autre part, que l'ordonnance déclare la demande irrecevable en retenant que : 'comme le souligne E. MADDALENA, la clause compromissoire stipule que 'tout litige devra être réglé par un Arbitre désigné par les deux parties ou à défaut d'accord par un Arbitre Professionnel désigné par la juridiction compétente en France' de sorte que le tribunal ne peut être saisi qu'en cas de désaccord constaté, ce qui suppose qu'un accord soit demandé sur la désignation d'un arbitre; en l'espèce, le défaut d'accord des parties n'est pas manifeste dans la mesure où la société AW2 n'a jamais proposé à la société ELEMATA MADDALENA à son adresse personnelle le nom d'un ou plusieurs arbitres';

Considérant que par cette motivation le juge d'appui fait sien l 'argument d'E. MADDALENA selon lequel l'article 1.2 du contrat, fixant les règles de notification, imposait que tous les envois soient faits de partie à partie, aux adresses déclarées en annexe, de sorte que des lettres échangées entre avocats ne pouvaient valoir constat d'un désaccord sur le choix de l'arbitre;

#5 code de procédure civile

Mais considérant qu'en subordonnant sa saisine à la constatation d'un désaccord dans des formes que n'exige pas le code de procédure civile et que le contrat ne prévoit qu'à titre de preuve et non comme une condition de validité, le juge d'appui a encore méconnu son office;

Considérant que sur ce point également, l'ordonnance entreprise est entachée d'excès de pouvoir et sera donc annulée;

#6 effet dévolutif de l appel nullité

Considérant qu'en application de l'article 562 alinéa 2 du code de procédure civile l'effet dévolutif de l'appel nullité s'opère pour le tout, de sorte que la cour, après avoir annulé la décision attaquée, se trouve saisie des demandes des parties;

Sur la demande de mise hors de cause de VIRTUS FINANCE :

#7 arbitrage

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, il n'appartient pas à la cour, saisie sur le fondement de l'article 1453 du code de procédure civile, de se prononcer sur le périmètre de l'arbitrage; que la demande de mise hors de cause de VIRTUS FINANCE est irrecevable; qu'au demeurant, la seule circonstance que cette partie n'ait pas signé le contrat en cause, alors que la demanderesse à l'arbitrage fait valoir qu'elle est intervenue dans l'exécution des obligations contractuelles, ne suffit pas à caractériser une inapplicabilité manifeste de la convention d'arbitrage;

Sur la demande de désignation d'un arbitre :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, les règles de notification stipulées par l'article 1.2 du contrat n'ont d'autre objet que de faire présumer que les envois faits aux adresses déclarées ont bien été reçus; qu'elles n'excluent pas d'autres formes de communication dont la réalité doit être établie par la partie qui s'en prévaut;

Considérant que le 26 août 2015 les conseils de AW2 ont envoyé un courriel à Me Coppola pour fixer un rendez vous téléphonique afin de choisir un arbitre à la suite de l'envoi le 15 juillet 2015 d'une requête d'arbitrage; que les intimées ne contestent ni que Me Coppola soit leur avocat en Italie, ni qu'il ait reçu ce courriel; qu'au demeurant, par lettre recommandée du 27 janvier 2016, E. MADDALENA a envoyé à AW2 une lettre recommandée proposant la désignation de M. Frédéric D. en qualité d'arbitre; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 février 2016 envoyée à E. MADDALENA et à VIRTUS FINANCE, AW2 a refusé ce choix et proposé cinq autres noms sur lesquels les intimées ne se sont pas prononcées; que ce désaccord justifie l'intervention de la cour;

#8 arbitrage

Considérant que tous les arbitres suggérés par les parties sont des avocats français; qu'au regard de son expérience en matière d'arbitrage et de sa spécialité dans le domaine de la construction, il convient de désigner, parmi les arbitres proposés par AW2, Mme Emmanuelle C.;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que les intimées, qui succombent, ne sauraient bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et seront condamnées sur ce fondement à payer à AW2 la somme de 8.000 euros;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Déclare recevable l'appel nullité.

Annule pour excès de pouvoir l'ordonnance du 6 janvier 2016.

Statuant à nouveau :

Désigne en qualité d'arbitre dans le litige opposant la SARL ARCHITECTURE WORKSHOP 2 à la SRL ELEMATA MADDALENA et à la SA VIRTUS FINANCE :

Madame Emmanuelle C.,

Herbert S. Freehils Paris LLP

66, avenue Marceau

75008 PARIS.

Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe à l'arbitre désigné.

Condamne solidairement la SRL ELEMATA MADDALENA et la SA VIRTUS FINANCE aux dépens et au paiement à la SARL ARCHITECTURE WORKSHOP 2 de la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toute autre demande.

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