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Décisions

CA Riom, ch. com., 17 septembre 2025, n° 25/00052

RIOM

Arrêt

Autre

CA Riom n° 25/00052

17 septembre 2025

COUR D'APPEL

DE [Localité 18]

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°335

DU : 17 Septembre 2025

N° RG 25/00052 - N° Portalis DBVU-V-B7J-GJL6

SN

Arrêt rendu le dix sept Septembre deux mille vingt cinq

Sur appel d'un jugement du Tribunal Judiciaire de MOULINS, en date du 10 Mai 2023, enregistrée sous le n° 22/00046

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Madame Anne Céline BERGER, Conseiller

En présence de : Mme Valérie SOUILLAT, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [Y] [G]

[Adresse 14]

[Localité 2]

Représenté par Me Jean-François CANIS de la SCP CANIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

S.A.S. [X]-[T] & ASSOCIES, représentée par Maître [R] [T]

[Adresse 3]

[Localité 1]

agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [Adresse 12], SAS immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le n° 878 946 236, dont le siège social est sis [Adresse 15]

Représentée par Me Jean-François CANIS de la SCP CANIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTS

ET :

S.C.P. [K] [N]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Yves-marie LE CORFF de l'ASSOCIATION FABRE GUEUGNOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS - et par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉE

DEBATS : A l'audience publique du 05 Juin 2025 Madame NOIR a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 804 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 17 Septembre 2025.

ARRET :

Prononcé publiquement le 17 Septembre 2025, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Valérie SOUILLAT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

La Sarl La Sellerie le Paddock ayant pour gérante Mme [F] [V] exerçait l'activité de vente d'accessoires d'équitation, d'élevage et de commercialisation de bovins, d'ovins, d'équins et exploitait un centre équestre.

Par jugement du 28 septembre 2018, le tribunal de commerce de Bourges a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de cette société qui a été convertie en procédure de liquidation judiciaire par jugement du 24 septembre 2019, Maître [K] [N] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Ce jugement a également autorisé la poursuite d'activité de l'entreprise jusqu'au 17 décembre 2019 pour permettre la réalisation du cheptel vif dans les meilleures conditions et a désigné Maître [K] [N] en qualité de liquidateur judiciaire.

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Bourges du 11 juin 2020.

Par requête du 24 septembre 2019, la SCP [K] [N] ès qualités a demandé au juge commissaire l'autorisation de réaliser l'inventaire du patrimoine de la Sarl Sellerie le Paddock prévu à l'article L622-6 du code de commerce par l'intermédiaire de Maître [L], Commissaire de justice, en raison de l'absence de comptabilité et pour éviter toute difficulté quant au périmètre des biens susceptibles d'être cédés.

Par ordonnance du juge commissaire en date du même jour, la SCP [L] et [A], Commissaire de justice, a été chargée de dresser un inventaire des biens suite au prononcé de la liquidation judiciaire.

Par requête du 11 octobre 2019, la SCP [K] [N] ès qualités a demandé au juge commissaire l'autorisation de vendre aux enchères publiques les actifs de la liquidation judiciaire de la Sarl La Sellerie le Paddock, dont le cheptel vif.

Le 25 octobre 2019, la SCP [L] et [A] a dressé un procès-verbal de difficulté compte tenu de l'absence de collaboration de Mme [F] [V] et de M. [Y] [G], son compagnon, aux opérations d'inventaire depuis le 26 septembre 2019.

Par ordonnance du 15 novembre 2019 du juge commissaire la SCP [K] [N] ès qualités a été autorisée à vendre aux enchères publiques les actifs de la liquidation judiciaire de la Sarl La Sellerie le Paddock, dont le cheptel vif.

Par arrêt du 22 mai 2020 la cour d'appel de Bourges a déclaré irrecevable l'appel interjeté par l'Eurl Sellerie Le Paddock à l'encontre de l'ordonnance du 15 novembre 2019 du juge commissaire.

Le 26 novembre 2019, M. [Y] [G] a créé la SASU [Adresse 12] (Siret 878 946 326 00013) au même siège social que la Sarl La Sellerie le Paddock détenu par la SCI [Adresse 11], servant également de domicile au couple.

Cette société exerçait une activité de commerce de détail d'articles de sport en magasin spécialisé.

Le 25 septembre 2020, le Préfet du cher a autorisé le concours de la force publique demandé par Maître [L] pour procéder à la vente aux enchères publiques des biens et du cheptel vif de la Sarl Sellerie le Paddock.

Par plusieurs ordonnances sur requête du président du tribunal judiciaire de Bourges en date du 27 octobre 2020, rendues sur le fondement de l'autorisation du 15 novembre 2019 et l'arrêt du 22 mai 2020, la SCP [L]-[A], Commissaire de justice, a été autorisée :

- à procéder ou à faire procéder à l'enlèvement du matériel et des animaux relevant de la procédure collective de la société Sellerie le Paddock sur l'ensemble des parcelles et bâtiments du [Adresse 9], commune de [Localité 22], au domicile de Mme [V] et de M. [G] et sur toutes les parcelles de la commune de [Localité 22]. Cette ordonnance a également autorisé le Commissaire de justice à faire transporter ledit matériel et lesdits animaux en tout lieu qu'il lui sera par ailleurs possible de tenir secret jusqu'au jour de la vente aux enchères publiques ;

- à procéder ou à faire procéder à l'enlèvement des animaux se trouvant sur la parcelle [Cadastre 5] sur la commune de [Localité 19] ;

- à procéder ou à faire procéder à l'enlèvement de l'ensemble des animaux se trouvant sur la parcelle cadastrée [Cadastre 8] sur la commune de [Localité 6] (cher) et sur toutes les parcelles sises commune de [Localité 20], le tout au besoin par l'ouverture forcée des lieux et avec le concours de la DDCS, des services de la gendarmerie, des services de l'EDE .

Le 29 octobre 2020, la SCP [L]-[A] a dressé un PV de difficultés dans le cadre des opérations menées le 28 octobre 2020 d'enlèvement du matériel et des animaux présents sur les sites de Saint Germain du Puy, de Saint Doulchard compte tenu des propos et du comportement de M. [G] lors des opérations d'enlèvement (menaces, insultes et provocations, absence de coopération pour identifier les animaux appartenant à la Sarl La Sellerie le Paddock et les distinguer de ceux revendiqués par M. [G]).

Compte tenu de tous ces éléments, le commissaire de justice a renoncé à enlever tous les équidés présents sur le site de [Localité 22].

Par arrêt du 3 mars 2022, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Bourges a condamné M. [Y] [G] à la peine de 8 mois d'emprisonnement assortis d'un sursis probatoire de 2 ans pour les faits de menaces de crime ou délit contre les personnes ou les biens commis à l'encontre d'un officier public ou ministériel, d'une personne chargée de mission de public, d'outrage à personne chargée de service public et de menaces de mort réitérées.

Par ordonnance du 27 juillet 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Moulins a rejeté la demande d'expertise de M. [Y] [G] et de la SAS [Adresse 10] destinée à chiffrer les dépenses d'entretien du cheptel dépendant de la liquidation judiciaire de la Sarl La Sellerie le Paddock supportées du fait de l'inaction reprochée au liquidateur judiciaire.

Estimant que Maître [K] [N] a commis des négligences dans l'exécution de sa mission et faisant valoir qu'ils ont entretenu les animaux du cheptel et exposé des frais de nourriture, d'hébergement, de traitement, de déplacement en camion et de main d''uvre au vu et au su de Maître [K] [N], M. [Y] [G] et la SASU [Adresse 12] l'ont fait assigner au fond, par acte du 17 janvier 2022, devant le tribunal judiciaire de Moulins aux fins notamment d'obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices liés notamment aux frais générés par la nourriture, l'hébergement et les soins prodigués au cheptel de la société Sellerie du Paddock du fait du défaut de diligence du liquidateur judiciaire pour vendre le cheptel le plus rapidement possible et assurer les soins des animaux depuis le jugement de liquidation judiciaire.

Par jugement du 10 mai 2023, le tribunal judiciaire de Moulins a :

- débouté M. [Y] [G] et la SASU [Adresse 12] de leur demande de dommages et intérêts ;

- débouté les mêmes de leur demande d'expertise ;

- débouté la SCI [K] [N] de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné M. [Y] [G] et la SASU La Ferme de Saint-Germain à payer à la SCI [K] [N] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les mêmes de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné les mêmes aux entiers dépens ;

- rappelé l'exécution provisoire de plein droit du présent jugement.

Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a relevé qu'il n'est pas contesté qu'une partie du cheptel de la société La Sellerie Le Paddock a été enlevé au mois de novembre 2020 et que d'autres animaux sont restés sur place, que Maître [K] [N] n'allègue pas avoir pourvu à l'alimentation et à l'entretien du cheptel à compter de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et qu'il n'était pas démontré que Mme [V] avait été mise en mesure d'entretenir le cheptel avec le stock de fourrage et de complément alimentaire inventorié en octobre et novembre 2018.

Le tribunal a jugé qu'il était évident que ni le liquidateur judiciaire, ni la société liquidée n'avaient effectué de démarche pour nourrir, soigner et héberger les animaux depuis l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire alors que ceux-ci ne sont pas tous vendus, de sorte qu'un tiers s'en est nécessairement chargé.

Cependant, le tribunal a également jugé que M. [Y] [G] et la société [Adresse 10] ne rapportaient pas la preuve des frais d'entretien du cheptel et donc de leur préjudice.

S'agissant de la demande d'expertise sollicitée à titre subsidiaire pour évaluer le préjudice, le tribunal a considéré que les demandeurs ne produisaient aucun commencement de preuve des frais et actions engagés pour entretenir ou garder le cheptel et que cette mesure ne visait qu'à suppléer la carence des demandeurs dans l'administration de la preuve leur incombant.

Par déclaration électronique du 21 juillet 2023, M. [Y] [G] a interjeté appel de cette décision.

Par déclaration du 24 juillet 2023, la SAS La Ferme de [Localité 21] a interjeté appel de ce jugement.

Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 30 août 2023.

Par jugement du 19 mars 2024, le tribunal de commerce de Bourges a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société [Adresse 11], la SAS [X] [T] la SAS [X] [T] & associés représentée par Me [R] [T] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire et Maître [C] [Z] en qualité d'administrateur judiciaire.

Par avis du 29 mars 2024, le parquet général de la cour d'appel de Riom a sollicité la confirmation du jugement du 10 mai 2023 sauf en ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et a sollicité la condamnation des appelants au paiement d'une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts à Maître [K] [N].

La procédure de redressement judiciaire de la société [Adresse 11] a été convertie en procédure de liquidation judiciaire par jugement du 5 juillet 2024, confirmé par arrêt du 30 janvier 2025 de la cour d'appel de Bourges.

Par ordonnance du 26 septembre 2024, le conseiller de la mise en état de la troisième chambre civile de la cour d'appel de Riom a constaté l'interruption de l'instance inscrite sous le n° RG 23/01196 ' n° Portalis DBVU-V-B7H-GBFF et a ordonné le retrait administratif de l'affaire du rôle de la cour dans l'attente de la reprise de l'instance sur initiative des appelants dans le délai de deux ans à compter de la notification de l'ordonnance sous peine de se voir opposer la péremption.

L'affaire a été réinscrite au rôle sur notifications de conclusions de reprise d'instance par la SAS [X] [T] et associés, prise en la personne de Maître [R] [T] et M. [Y] [G] le 20 janvier 2025.

Aux termes de leurs dernières conclusions avant la clôture notifiées par RPVA le 20 janvier 2025, M. [Y] [G] et Me [R] [T], de la SAS [X] ' [T] et Associés, ès qualités demandent à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris ;

- juger que la SCP [K] [N] a commis une faute dans l'exercice de ses fonctions de liquidateur de la société Sellerie Le Paddock, et que cette faute leur a été préjudiciable ;

- condamner la SCP [K] [N] à leur payer la somme de 1.063.530,64 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice causé, arrêtée à la date du 13 août 2024 ;

- subsidiairement, et si le montant du préjudice venait à être contesté, désigner tel expert qu'il plaira à la cour de nommer, aux frais avancés par Me [N], avec pour mission de déterminer et chiffrer le montant des frais de main-d''uvre, d'alimentation, d'entretien et d'hébergement des animaux dépendant de la liquidation judiciaire de la société Sellerie Le Paddock, assumés par les appelants ;

- débouter la SCP [K] [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner Me [N] ès qualités au paiement d'une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions déposées et notifiées le 26 février 2025, la SCP [K] [N] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il aurait reconnu l'existence d'une prétendue faute retenue à son égard ;

- débouter M. [G] et la SASU [Adresse 12] prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège, en liquidation judiciaire représentée par Me [R] [T], de la SAS [X] ' [T] et Associés, ès qualité de mandataire judiciaire ;

- reconventionnellement, condamner les mêmes à lui payer la somme de 10.000 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à la somme de 10.000 euros au titre de la procédure abusive, outre les entiers dépens.

Par avis du 19 mai 2025, le parquet général de la cour d'appel de Riom a dit s'en remettre à la sagesse de la cour.

Il sera envoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 mai 2025.

MOTIFS :

Sur la recevabilité des conclusions notifiées par la SAS [X] [T] & associés représentée par Me [R] [T] et M. [Y] [G] le 6 juin 2025 :

Le 6 juin 2025, la SAS [X] [T] & associés représentée par Me [R] [T] et M. [Y] [G] ont notifié des « conclusions d'appelants » le 6 juin 2025.

Ces conclusions, postérieures à la date d'audience, sont irrecevables.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la SAS [X] [T] & associés représentée par Me [R] [T] et M. [Y] [G] :

Selon l'article 1240 du code civil tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La responsabilité d'un liquidateur, qui est mandaté par une juridiction, a vocation à être appréciée à l'égard des tiers selon les règles de la responsabilité civile délictuelle.

Le liquidateur judiciaire répond des conséquences dommageables des fautes qu'il commet dans l'exercice de ses fonctions (Com., 30 septembre 2008, pourvoi n° 07-17.450 ). Il peut s'agir d'actes positifs, de fautes, commises à l'occasion de l'exécution du mandat qui lui est confié et également d'abstentions fautives.

Obéissant aux règles du droit commun de la responsabilité, la condamnation du liquidateur suppose que le demandeur à l'action démontre la réunion des trois conditions que sont une faute, un dommage et un lien de causalité entre la faute et le dommage (Com. 13 novembre 2012, pourvoi n° 11-21.148).

De manière générale, la jurisprudence met à la charge des mandataires de justice une obligation de prudence et de diligence, analysée en une obligation de moyens (Com. 1 décembre 2015, pourvoi n° 14-19.556). Ainsi, le mandataire de justice doit apporter tous ses soins et diligences à sa mission, mais il ne s'engage pas à son succès.

Au soutien de leur appel, la SAS [X] [T] & associés représentée par Me [R] [T] et M. [Y] [G] font valoir que :

Maître [K] [N] n'a pris aucune disposition et n'a engagé aucun fond pour l'entretien et l'alimentation des animaux

Mme [V], par ailleurs dessaisie de la gestion et de l'administration de ses biens par l'effet du jugement de liquidation judiciaire, n'avait aucune ressource pour payer ces frais

or, les animaux ont été «nécessairement » eu à manger et à boire et ont été soignés

il n'est pas allégué que les chevaux ont été pris en charge par un organisme de défense des animaux

il ressort du mémoire de l'administrateur judiciaire de la SAS [Adresse 11], Maître [C] [Z], que c'est cette société qui s'est occupée des animaux, ce qui est à l'origine de ses difficultés financières et M. [Y] [G], en sa qualité de compagnon de la gérante de la société La Sellerie du Paddock, Mme [V] a également assumé les frais d'entretien des animaux;

la SCP [K] [N], liquidateur judiciaire de la Sarl Sellerie le Paddock, a fait preuve d'une particulière négligence dans l'exécution de sa mission en étant fort peu réactif durant la période de poursuite autorisée d'activité et postérieurement à celle-ci, en ne recherchant aucune possibilité de vente de gré à gré les animaux dépendant de la liquidation et en ne se souciant pas du sort des chevaux, vaches et moutons qui seraient morts de faim, de soif et de manque de soins « si le requérant n'y avait pas pourvu »

aucun élément ne justifiait un tel déferlement des forces de police pour récupérer et vendre les animaux et M. [Y] [G] n'a pas fait obstacle aux opérations d'enlèvement de ceux-ci

une partie seulement des chevaux dépendant de la liquidation a été enlevée le « 27 » octobre 2020 et la SCP [K] [N] ne justifie pas des démarches entreprises depuis le jugement de liquidation judiciaire et après la fin de la période de poursuite d'activité du 17 décembre 2019.

Les appelants allèguent ensuite avoir été contraints de prendre en charge le cheptel équin et ovin (frais de nourriture, d'hébergement, de traitement, de soins divers et variés, de déplacement en camion et de main d''uvre nécessaire) entre le 24 septembre 2019 et le 28 octobre 2020, date à laquelle 36 chevaux ont été enlevés puis le 30 novembre 2020, date à laquelle 18 chevaux ont été enlevés et encore à ce jour puisque certains des chevaux n'ont toujours pas encore été enlevés.

Ils sollicitent, sur ces bases et selon des calculs détaillés dans leurs conclusions, une somme de 1 063 530,64 euros à titre de dommages et intérêts.

La SCP [K] [N] représentée par M. [K] [N] s'oppose à cette demande.

Elle fait valoir que, dans la mesure où la procédure est intentée par des tiers à la procédure de liquidation judiciaire, il ne peut lui être reproché une faute, au demeurant non démontrée, dans la conservation des actifs de la liquidation judiciaire mais uniquement une faute dans le défaut de paiement d'un prétendu créancier de la liquidation judiciaire.

Elle soutient que la SAS [X] [T] & associés et M. [Y] [G] ne rapportent pas la preuve de ce qu'ils ont exposé des frais dans l'intérêt exclusif de la liquidation judiciaire en vue de la conservation des actifs.

Elle conteste aux parties appelantes le droit de se prévaloir de manquements commis dans le cadre de sa mission et rappelle le principe selon lequel nul ne plaise par procureur.

Elle estime avoir fait preuve d'une diligence exemplaire et impute au seul [Y] [G] le retard dans l'enlèvement des animaux, rappelant à cet égard la condamnation prononcée par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Bourges à son encontre.

Elle fait valoir que, dans le cadre de la poursuite d'activité autorisée par le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, Mme [V] pourvoyait aux soins des animaux, sans nécessité de recourir à l'aide d'un tiers et ajoute que, selon le procès-verbal d'inventaire de Maître [L], le stock de fourrage et compléments alimentaires nécessaires à l'alimentation du cheptel est resté sur place, dans l'intérêt de la poursuite d'activité.

Elle soutient qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir désintéressé la SAS [Adresse 11] et M. [Y] [G] dès lors que leur prétendue créance n'a jamais été portée à sa connaissance et qu'ils ne rapportent pas la preuve des frais d'hébergement qu'ils allèguent avoir exposés.

Sur ce, la cour :

A titre liminaire la cour relève que le dispositif du jugement déféré n'a pas constaté l'existence d'une prétendue faute de la SCP [K] [N] mais a seulement considéré, dans ses motifs, que cette faute était constituée.

En conséquence, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a reconnu l'existence d'une prétendue faute de la SCP [K] [N].

Ensuite, il résulte des pièces produites aux débats que la procédure de liquidation judiciaire de la Sarl Sellerie le Paddock a été ouverte le 24 septembre 2019 avec poursuite d'activité jusqu'au 17 décembre 2019 à seule fin de réaliser le cheptel vif dans les meilleures conditions.

Le projet était donc de parvenir à une vente du cheptel dépendant de la liquidation judiciaire de la Sarl Sellerie le Paddock dans un délai de moins de moins de trois mois et dans les meilleures conditions, ce qui supposait une collaboration entre la gérante de l'entreprise et le liquidateur judiciaire.

Préalablement à la réalisation du cheptel, un inventaire était indispensable puisque la Sarl Sellerie le Paddock ne disposait d'aucune comptabilité et qu'il était nécessaire de déterminer le périmètre des animaux susceptibles d'être cédés.

Or, Mme [V] et son compagnon M. [Y] [G], dont les pièces du dossier font apparaître l'omniprésence dans le déroulement de la procédure de réalisation du cheptel, ont fait obstruction à l'établissement de cet inventaire ainsi qu'il ressort :

d'un courrier adressé par le liquidateur judiciaire à l'avocat de la Sarl Sellerie le Paddock le 12 janvier 2021 rappelant que le recollement d'inventaire a été refusé par ses clients

du procès-verbal d'inventaire transformé en procès-verbal de difficulté du 25 octobre 2019 dressé par Maître [L], chargé de l'enlèvement et de la vente aux enchères publiques du cheptel vif dépendant de la liquidation, qui révèle qu'entre le 26 septembre 2019 et le 25 octobre 2019, le commissaire de justice a vainement tenté à de nombreuses reprises d'obtenir un rendez-vous au siège de la société pour établir un inventaire des biens de la liquidation judiciaire et notamment du cheptel.

Il ne résulte d'aucune des pièces produites aux débats qu'un inventaire a pu être finalement être dressé après le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

De ce fait, il n'est pas démontré que les stocks d'aliments mentionnés à l'inventaire des 23 octobre, 5, 6 et 9 novembre 2018 établi dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire étaient insuffisants pour nourrir les animaux après le prononcé de la liquidation judiciaire et en attendant le vente des animaux.

Ceci est corroboré par le fait qu'il n'est ni soutenu, ni démontré que Mme [V] a fait état auprès du liquidateur judiciaire d'un quelconque besoin à ce sujet.

Il ne peut donc être valablement être reproché au liquidateur judiciaire de ne pas avoir été réactif pendant la période de poursuite autorisée de l'activité.

Au contraire, il apparaît que, sans attendre la réalisation de l'inventaire qui s'avérait compliquée, la SCP [K] [N] a sollicité dès le 11 octobre 2019 l'autorisation de vendre le matériel et les animaux dépendant de la liquidation judiciaire.

Là encore, cette autorisation a été retardée par les allégations de Mme [V] au sujet d'un compromis de vente signé sur un des biens immobiliers lui appartenant, dont elle n'a finalement jamais justifié. Pour cette raison, l'autorisation n'a finalement été donnée par le juge commissaire que le 15 novembre 2019.

Pour autant et pendant toute cette période, Mme [V] n'a toujours pas fait état de difficultés concernant la prise en charge des animaux, dont l'identité et le lieu d'hébergement n'étaient toujours pas connus du liquidateur judiciaire faute d'inventaire. Certains animaux ont finalement été retrouvés sur une parcelle située à [Localité 19], mélangés avec les bovins d'un autre agriculteur et sur une parcelle située à [Localité 16], également mélangés avec des équidés appartenant à ce même agriculteur.

De plus, la proposition de vente des animaux de gré à gré invoquée par les parties appelantes devant la cour pour caractériser une faute du liquidateur judiciaire n'a jamais été soumise à ce dernier.

Elle apparaît d'autant moins vraisemblable que le procès-verbal de constat et de difficultés dressé le 28 et le 29 octobre 2020 par Maître [L] témoigne de l'obstruction farouche de M. [Y] [G] aux opérations d'enlèvement des animaux. Ainsi, ce dernier a été condamné par la cour d'appel de Bourges du 3 mars 2022 à une peine de 8 d'emprisonnement assortis d'un sursis probatoire de 2 ans pour des faits de menaces, d'outrage et de menaces de mort réitérées commis pendant les opérations d'enlèvement des animaux à l'encontre de Maître [L] et des fonctionnaires requis ayant prêtés leur concours à ces opérations. Celles-ci n'ont d'ailleurs pas permis d'enlever la totalité du cheptel pour des raisons étrangères au liquidateur judiciaire. En effet M. [G] a refusé de donner les passeports bovins et les carnets des équidés de la Sarl Sellerie le Paddock, s'est abstenu d'apporter toute précision utile de nature à faciliter l'identification des animaux se trouvant sur le site de [Localité 21], a prétendu de façon mensongère que la SAS [Adresse 13] était propriétaire du cheptel ovin présent sur le site de [Localité 21] et il est également apparu qu'il avait inscrit certains des animaux du lot au nom de la SAS La Ferme de [Localité 21].

Au soutien de leur demande de dommages et intérêts à hauteur de 1 063 530, 64 euros, les parties appelantes se livrent à un calcul théorique des dépenses d'entretien mais ne versent aucun élément comptable ou financier permettant d'établir l'existence de frais exposés pour l'entretien du cheptel dépendant de la liquidation judiciaire de la Sarl sellerie du Paddock.

Il n'est pas non plus produit de factures des frais engagés pour ces animaux à compter de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. En effet, les deux factures de frais vétérinaires de janvier et février 2022 libellées au nom de la SAS [Adresse 11] versées aux débats par les parties appelantes ne comportent pas d'élément permettant de rattacher les animaux concernés à la procédure collective de la Sarl Sellerie le Paddock.

La cour n'a pas retrouvé dans les pièces communiquées par la SAS [X] [T] & associés et M. [Y] [G] les « derniers bilans de la société [Adresse 11] venant justifier les dépenses engagées », qui ne figurent pas sur le bordereau des pièces communiquées.

En revanche, il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Bourges du 30 janvier 2025 statuant sur appel interjeté à l'encontre du jugement de conversion de la procédure de redressement judiciaire de la SAS La Ferme de [Localité 21] en liquidation judiciaire qu'aucune comptabilité n'a été produite pour l'année 2023 et que la société n'a pas fait usage du compte bancaire ouvert auprès de l'administrateur judiciaire suite au jugement de redressement judiciaire, « dissimulant ainsi sciemment l'activité financière de la pension équine qu'elle pouvait avoir (notamment par les prestations effectuées, les frais de pension encaissés, les décaissés de vétérinaires éventuels ».

Il en va de même des mémoires déposés par Maître [Z], administrateur judiciaire de la SAS [Adresse 11] cités dans les conclusions des appelants. En toute hypothèse, ces mémoires, dont un passage est cité, ne précisent pas l'origine de l'information selon laquelle « il subsiste un cheptel appartenant à cette liquidation judiciaire (celle de la Sellerie le Paddock), la société [Adresse 11] a été contrainte de poursuivre les dépenses liées à l'entretien de ce cheptel, ce qui l'a conduit à rencontrer des difficultés financières importantes ». En revanche, il apparaît vraisemblable que cette analyse soit uniquement celle de M. [G] puisqu'il ressort de la lecture du jugement du tribunal de commerce de Bourges du 9 juillet 2024 que Maître [Z] n'a été destinataire d'aucun élément comptable de la part de M. [G] susceptible de fonder une telle analyse.

L'attestation de [Localité 17] [B] [U], salariée de la SAS La Ferme de [Localité 21] concerne quant à elle les seules opérations d'enlèvement des animaux du 28 octobre 2020 et aucun élément sur leur prise en charge antérieure et postérieure à cette opération.

Il résulte de ces éléments que ni la faute de la SCP [K] [N], ni les préjudices allégués ne sont établis.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, déboute la SAS [X] [T] & associés représentée par Me [R] [T] et M. [Y] [G] de leur demande de dommages et intérêts.

Sur la demande d'expertise :

A titre subsidiaire et si le montant du préjudice venait à être contesté, la SAS [X] [T] & associés et M. [Y] [G] demandent à la cour d'ordonner une expertise judiciaire pour déterminer et chiffrer le montant de la main-d''uvre, de l'alimentation, de l'entretien et de l'hébergement des animaux dépendant de la liquidation judiciaire de la société Sellerie le paddock assumés par M. [Y] [G] ou la SAS [Adresse 11].

Toutefois, le jugement déféré a justement considéré, par des motifs que la cour adopte, que cette demande ne tend qu'à suppléer la carence de ces parties dans l'administration de la preuve.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommage et intérêts pour procédure abusive présentée par la SCP [K] [N] :

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'exercice d'une action en justice ne peut constituer un abus de droit que dans des circonstances particulières le rendant fautif » (2e Civ., 11 janvier 2018,pourvoi n° 16-26.168), l'abus de procédure n'étant plus limité à la mauvaise foi, au dol ou à la faute équipollente.

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, la SCP [K] [N] fait valoir que la SAS [X] [T] & associés et M. [Y] [G] n'ont pas hésité à porter devant la cour des accusations qu'ils savent parfaitement fausses, dans le but de retarder les opérations de liquidation judiciaire ou pour allumer un contre feu dans le cadre de la procédure pendante devant le tribunal correctionnel contre M. [G] pour banqueroute et abus de biens sociaux.

La SAS [X] [T] & associés représentée par Me [R] [T] et M. [Y] [G] sollicitent le débouté de toutes les demandes, fins et conclusions formées par la SCP [K] [N] représentée par M. [K] [N] mais ne présentent aucun moyen pour contester cette demande de dommages et intérêts.

Sur ce, la cour :

Le jugement déféré a considéré que la SCP [K] [N] représentée par M. [K] [N] ne rapportait pas la preuve de ce que le procès intenté par la SAS [Adresse 11] et par M. [Y] [G] était motivé par une malveillance manifeste ou une légèreté blâmable caractérisant un abus du droit d'ester en justice. Il a également considéré qu'il n'était pas démontré de lien entre la durée de la présente procédure et la durée des opérations de liquidation judiciaire de la société Sellerie le Paddock ou la procédure pénale concernant M. [Y] [G] dont la réalité n'était au demeurant pas justifiée.

Cependant, le jugement a retenu que la preuve de l'existence du préjudice allégué n'était pas rapportée au vu des trois pièces communiquées et de l'absence de toute autre pièce, « pas même des factures d'achat de nourriture ».

Sans produire aucune autre pièce que ces trois éléments manifestement insuffisants, la SAS [Adresse 11] et M. [Y] [G] ont néanmoins décidé d'interjeter appel de ce jugement en sollicitant pas moins de 1 063 530,64 euros à parfaire, alors qu'il résulte nettement des pièces versées aux débats que le défaut de prise en charge des animaux reproché au liquidateur judiciaire est en réalité imputable au compagnon de la gérante de la société liquidée, M. [Y] [G].

Ce faisant, les parties appelantes ont abusé de leur droit à agir en justice.

En conséquence la cour, infirmant le jugement déféré, condamne in solidum la SAS [X] [T] & associés représentée par Me [R] [T] et M. [Y] [G] à payer à la SCP [K] [N] représentée par M. [K] [N] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré, qui a condamné la SAS [Adresse 11] et M. [Y] [G] aux dépens et à payer à la SCP [K] [N] représentée par M. [K] [N] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera confirmé de ces chefs.

La SAS [X] [T] & associés représentée par Me [R] [T] et M. [Y] [G] seront condamnés in solidum aux dépens d'appel et à payer à la SCP [K] [N] représentée par M. [K] [N] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare les conclusions notifiées par la SAS [X] [T] & associés représentée par Me [R] [T] et M. [Y] [G] le 6 juin 2025 irrecevables ;

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de la SCP [K] [N] représentée par M. [K] [N] ;

Statuant à nouveau sur ce chef et y ajoutant :

Condamne in solidum la SAS [X] [T] & associés représentée par Me [R] [T] et M. [Y] [G] à payer à la SCP [K] [N] représentée par M. [K] [N] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne in solidum la SAS [X] [T] & associés représentée par Me [R] [T] et M. [Y] [G] à payer à la SCP [K] [N] représentée par M. [K] [N] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la SAS [X] [T] & associés représentée par Me [R] [T] et M. [Y] [G] aux dépens d'appel.

Le greffier La présidente

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