CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 septembre 2025, n° 23/00378
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
MJJ Coiffure (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brun-Lallemand
Conseillers :
Mme Depelley, M. Richaud
Avocats :
Me Lacan, Me Fromantin, Me Descamps, Me Près, SELAS Lacan Avocats, SELARL Varet Près Killy
FAITES ET PROCÉDURE
La société MJJ Coiffure, qui a pour activité l'exploitation d'un salon de coiffure à [Localité 6], a conclu un contrat de franchise le 10 décembre 2015 avec la société [D] [C], exploitant d'un réseau de franchise de salons de coiffure à travers la France, lequel est entré en vigueur le 1er janvier 2016 pour une durée de sept années.
L'article 4 des conditions particulières du contrat précité prévoyait le paiement par la société MJJ Coiffure à la société [D] [C] d'une contribution mensuelle forfaitaire (ci-après « redevance ») d'un montant initial de 1.159,27 euros HT en contrepartie, notamment, du droit d'utiliser la marque, l'enseigne et le bénéfice de la remise à jour du savoir-faire.
Par lettre du 19 août 2019, la société [D] [C] a vainement mis la société MJJ Coiffure en demeure de lui régler sous huitaine la somme de 3.292,34 euros correspondant à des factures échues et impayées notamment au titre des redevances mensuelles.
Par lettre du 30 août 2019, la société MJJ Coiffure a informé la société [D] [C] qu'elle avait cédé son droit au bail à la société Le Petit Vapoteur Store et que son activité de salon de coiffure prenait fin au 31 août 2019, date à laquelle le transfert de propriété des droits locatifs concernés devenait effectif.
Par ordonnance d'injonction de payer du 23 septembre 2019, le Président du tribunal de commerce de Paris a fait droit à la demande de la société [D] [C] d'enjoindre la société MJJ Coiffure à lui payer la somme de 3.292,34 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 novembre 2019, la société MJJ Coiffure a fait opposition à cette injonction de payer.
Par jugement du 30 décembre 2019, la liquidation amiable de la société MJJ Coiffure a été prononcée et cette dernière a été radiée du registre du commerce et des sociétés de Paris le 12 juin 2020.
Par ordonnance du 29 octobre 2020, Mme [I] [U], ancienne gérante de la société MJJ Coiffure avant sa dissolution, a été désignée en qualité de mandataire ad hoc par le Président du tribunal de commerce de Paris aux fins de représentation de la société MJJ.
Pour la clarté de la suite de la discussion, la Cour retiendra le seul nom de « MJJ Coiffure ».
Par jugement du 2 novembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit que Mme [I] [U] est seule habilitée à représenter la société MJJ Coiffure,
- débouté la société MJJ Coiffure de sa demande visant à déclarer que la société [D] [C] n'a pas qualité à agir,
- débouté la société MJJ Coiffure de sa demande de faire comparaitre personnellement dans l'affaire trois témoins,
- débouté la société MJJ Coiffure de sa demande d'annulation du contrat,
- condamné la société MJJ Coiffure à payer la somme de 4.812,46 euros TTC à la société [D] [C] assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 août 2019,
- constaté la résiliation du contrat de franchise au 19 septembre 2019 aux torts exclusifs de la société MJJ Coiffure,
- condamné la société MJJ Coiffure à payer à la société [D] [C] la somme de 40.000 euros TTC (dont TVA 6.666 euros) assortie des intérêts aux taux légal à compter du 19 août 2019,
- condamné la société MJJ Coiffure à payer à la société [D] [C] la somme de 15.245 euros au titre des dommages et intérêts,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- condamné la société MJJ Coiffure à payer à la société [D] [C] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société MJJ Coiffure aux dépens.
La société MJJ Coiffure a interjeté appel du jugement par déclaration reçue au greffe de la Cour le 19 décembre 2022. La société [D] [C] a formé un appel incident par conclusions transmises le 30 mai 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées par la voie électronique le 14 mai 2024, la société MJJ Coiffure demande à la Cour de :
- réformer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter la société [D] [C] de sa prétention à entendre prononcer la résiliation du contrat de franchise qui a uni les parties, aux torts exclusifs de la société MJJ Coiffure,
- débouter la société [D] [C] de toutes ses demandes en paiement de dommages-intérêts forfaitaires (15.245 euros) et de clause pénale (64.154,40 euros),
- débouter la société [D] [C] de ses demandes en paiement de factures (3.292,34 euros),
en tous les cas,
- condamner la société [D] [C] à payer à la société MJJ Coiffure la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [D] [C] aux entiers dépens, de première instance et d'appel, et dire que la SELAS Lacan Avocats, pourra, en application de l'article 699 du code de procédure civile, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont elle déclarera avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées par la voie électronique le 28 avril 2025, la société [Y] [C] France demande à la Cour, au visa des articles 144, 146 et 700 du code de procédure civile de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
débouté la société MJJ Coiffure de sa demande visant à déclarer que la société [D] [C] n'a pas qualité à agir,
débouté la société MJJ Coiffure de sa demande de faire comparaitre personnellement trois témoins,
débouté la société MJJ Coiffure de sa demande d'annulation du contrat,
condamné la société MJJ Coiffure à payer la somme de 4.812,46 euros TTC à la société [D] [C] assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 août 2019,
constaté la résiliation du contrat de franchise au 19 septembre 2019 aux torts exclusifs de MJJ Coiffure et Madame [U],
condamné la société MJJ Coiffure à payer à la société [D] [C] la somme de 15.245 euros au titre des dommages et intérêts,
condamné la société MJJ Coiffure à payer à la société [D] [C] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société MJJ Coiffure aux dépens,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société MJJ Coiffure la somme de 40.000 euros TTC (dont TVA 6.666 euros) assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 août 2019
et statuant à nouveau,
- condamner la société MJJ Coiffure à régler à la société [D] [C] la somme 64.154,40 euros à titre d'indemnité due au titre des redevances de franchise qui auraient dû être réglées par la société MJJ Coiffure jusqu'au terme initial du contrat de franchise,
en tout état de cause,
- débouter la société MJJ Coiffure de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société MJJ Coiffure à régler à la société [D] [C] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société MJJ Coiffure aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2025.
La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
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MOTIVATION
1. Sur la résiliation du contrat de franchise
Prétentions et moyens des parties
Aux fins de voir le jugement infirmé en ce qu'il a constaté la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs, la société MJJ Coiffure soutient, en premier lieu, que le défaut de paiement des factures allégué par l'intimée, dont elle conteste la matérialité, ne revêt pas une gravité suffisante de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat litigieux en application de l'article 1224 du code civil. Elle relève en outre que la cession du droit au bail qu'elle a consenti à un tiers a reçu l'agrément de la société [D] [C] et ne caractérise aucun manquement de sa part. L'appelante fait valoir, en second lieu, que les premiers juges ne pouvaient prononcer la résiliation judiciaire du contrat de franchise car celui-ci est devenu caduc dès l'été 2019 résultant de la cession du droit de bail par la société MJJ Coiffure au profit d'un tiers.
La société [D] [C] répond que la résolution du contrat de franchise aux torts exclusifs de l'appelante est fondée en raison, d'une part, du défaut de paiement des sommes dues par la société MJJ Coiffure s'agissant de diverses factures notamment au titre de la redevance et, d'autre part, de la cession du droit au bail de l'appelante sans agrément préalable de la société intimée et ce en violation des conditions générales du contrat de franchise.
Réponse de la Cour
La Cour rappelle, à titre liminaire, que l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations prévoit que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne en sorte que le contrat de franchise litigieux conclu le 10 décembre 2015 et entré en vigueur le 1er janvier 2016 est ainsi soumis aux dispositions du code civil antérieur à cette réforme.
L'article 1134 du code civil, applicable au jour du litige, dispose que :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoqués que de leur consentement mutuel, ou par les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
La résolution d'un contrat pour inexécution est régie par l'article 1184 du code civil, applicable au jour du litige, selon lequel :
« La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. »
- sur le droit applicable
La jurisprudence a admis, outre la résolution judiciaire, la possibilité de poursuivre la résolution par voie conventionnelle ou unilatéralement par voie de notification, aujourd'hui codifiée aux articles 1224 et suivants du code civil.
Or, si la société [D] [C] a demandé dans ses dernières conclusions récapitulatives du 29 août 2022 au tribunal de commerce de Paris que soit prononcé la résiliation du contrat de franchise à compter au 31 août 2019, elle n'a pas précisé explicitement si elle entendait se soumettre au régime de la résolution conventionnelle ou de la résolution judiciaire.
Les dernières conclusions de la société intimée en appel du 28 avril 2025 ne font pas plus état du mode de résolution du contrat qu'elle entend poursuivre. La société [D] [C] précise dans ses écritures que : « La résiliation du contrat de franchise a été prononcée par les premiers juges à raison du défaut de paiement des sommes dues par MJJ Coiffure à [D] [C] France et de la cession du droit au bail de MJJ Coiffure intervenue en violation du contrat de franchise. La Cour confirmera le jugement déféré sur ce point (') ».
Il résulte de l'article 12 du code de procédure civile qu'en l'absence de fondement juridique invoqué, le juge tranche le litige selon les règles de droit qui lui sont applicables. Il importe alors pour la Cour de déterminer si la société [D] [C] fonde sa demande au titre d'une clause résolutoire ou au titre de la résolution judiciaire, ces modes de résolution obéissant à deux régimes distincts.
L'office du juge, lorsqu'il est sollicité pour la résolution d'un contrat, se limite en effet soit à constater la résolution du contrat dès lors qu'il intervient dans le contrôle a posteriori de la mise en 'uvre d'une clause résolutoire, soit de prononcer la résolution judiciaire lorsqu'il est saisi en ce sens. Le juge peut également ordonner l'exécution du contrat ou allouer seulement des dommages et intérêts, quoique non pertinent dans le présent litige.
En outre, un contrat dans lequel est inséré une clause résolutoire comportant des modalités conventionnelles de rupture ne fait pas obstacle à ce que le bénéficiaire de la clause résolutoire puisse demander la résolution judiciaire dudit contrat (Civ. 3e, 8 juin 2006, 05-14.356). Ces deux régimes offrent au demandeur un choix alternatif, sans que la priorité ne soit donnée à l'une ou l'autre de ces modalités, aujourd'hui prévu à l'article 1227 du code civil qui dispose que la résolution du contrat peut « en toute hypothèse » être demandée en justice.
Enfin, la clause résolutoire n'est acquise que si son bénéficiaire a manifesté la volonté de la mettre en 'uvre et respecté les conditions formelles auxquelles elle est subordonnée (Com. 30 mai 2018, 17-11.452).
En l'espèce, si les conditions générales du contrat de franchise comportent à l'article 17 une clause résolutoire prévoyant les manquements et formalités permettant une résolution conventionnelle du contrat, aucune des missives de la société [D] [C] du 19 août 2019 (Pièce n° 3) et du 2 octobre 2019 (Pièce n°11) adressées par lettre recommandée avec accusé de réception à la société MJJ Coiffure sollicitant le paiement de diverses sommes ne précisent clairement l'intention de la société [D] de poursuivre la résiliation des contrats à défaut d'exécution.
Ainsi, eu égard à l'absence de demande de la société [D] [C] devant les premiers juges aux fins de faire constater la régularité de la mise en 'uvre de la clause résolutoire, de sa demande en première instance d'entendre prononcer la résolution du contrat, de l'absence de précision quant au fondement juridique de la société [D] [C] au soutien de sa demande de résiliation et de l'absence de manifestation de volonté de se prévaloir de la clause résolutoire lors de ses différentes mises en demeure, il y a lieu d'apprécier la demande de la société [D] [C] à l'aune du régime applicable à la résolution judiciaire.
Le jugement critiqué, qui a appliqué le régime propre à la résolution conventionnelle et sans rechercher la gravité des manquements allégués, sera nécessairement infirmé à ce titre.
Aux termes de l'article 1184 du code civil ancien, la résolution judiciaire suppose que l'un des contractants ait commis un manquement contractuel, qu'il s'agisse d'une inexécution totale ou partielle, et que ledit manquement soit suffisamment grave pour justifier l'anéantissement du contrat.
Il convient dès lors d'examiner si les manquements de la société MJJ Coiffure allégués par la société [D] [C] sont fondés et si leur gravité justifie que le contrat de franchise soit résolu.
- sur le défaut de paiement allégué
L'article 4 des conditions particulières du contrat de franchise prévoit les dispositions suivantes :
« En contrepartie notamment du droit d'utiliser la Marque, l'Enseigne et du bénéfice de la remise à jour du Savoir-Faire, de l'assistance technique, de la formation permanente et de la publicité nationale, le Franchisé devra verser au Franchiseur une contribution mensuelle forfaitaire (ci-après dénommée la Redevance), d'un montant de : la première année, 1.159,27 euros HT). (')
A compter du 1er janvier 2017, la Redevance sera révisée le 1er janvier de chaque année en fonction des variations de l'indice d'ensemble des prix à la consommation de l'INSEE sous la rubrique 1211 Salons de Coiffure et Esthétique Corporelle, avec un minimum de 3% (trois pour cent). »
Au présent cas, la société [D] [C] a mis la société MJJ Coiffure en demeure le 19 août 2019 de lui payer les redevances et autres sommes dues au titre du contrat de franchise.
La société [D] [C] verse aux débats l'ensemble des factures correspondant aux redevances mensuelles ainsi que divers achats justifiant cette demande en paiement se décomposant comme suit :
- la facture n° PF140565 du 20 mars 2019 d'un montant de 98,40 euros TTC ;
- la facture n° PF140775 du 21 mars 2019 d'un montant de 118,80 euros TTC ;
- la facture n° 19RD00039291 du 1er juin 2019 d'un montant de 1.520,12 euros TTC ;
- la facture n° PP19000263 du 16 juillet 2019 d'un montant de 17,45 euros TTC ;
- la facture n° 19RD00039691 du 1er juillet 2019 d'un montant de 1.520,12 euros TTC ;
- la facture n° 19RD00040065 du 1er août 2019 d'un montant de 1.520,12 euros TTC ;
- la facture n° PP19000275 du 19 août 2019 d'un montant de 17,45 euros TTC.
Il est constant que la société MJJ Coiffure n'a réglé aucune de ces factures litigieuses.
Pour s'opposer au paiement des factures, la société MJJ Coiffure affirme dans ses dernières écritures que les échéances postérieures au 31 mai 2019 ne sont pas dues car les parties avaient convenus d'arrêter leur relation contractuelle à cette date. Cependant, l'appelante ne rapporte pas la preuve de la volonté commune des parties en ce sens.
En conséquence, le défaut de paiement des factures litigieuses par la société MJJ Coiffure constitue un manquement contractuel du contrat de franchise.
- sur la violation alléguée de la clause d'agrément
L'article 15.1 des conditions générales du contrat de franchise stipule que :
« La personnalité, les compétences et la surface financière de l'actionnaire ou de l'associé principal du Franchisé, personne morale, selon le cas, ont été déterminantes de la volonté du Franchiseur de signer le Contrat qui est conclu en considération de la personne de cet actionnaire ou de cet associé principal du Franchisé ».
L'article 15.2 poursuit en précisant que :
« En cas de cession, transmission, sous-traitance, d'apport par le Franchisé de tout ou partie de son fonds de commerce à un tiers (y compris le droit au bail) ou en cas de cession ou de transmission de tout ou partie des parts ou actions du Franchisé, l'apport ou la transmission envisagée devra être présentée à l'agrément préalable et écrit du Franchiseur, par voie de notification par lettre recommandée avec accusé de réception. »
Ainsi, le contrat de franchise a été conclu intuitu personae en considération de société MJJ Coiffure et la clause d'agrément précitée prévoit expressément que la cession du droit au bail par la société MJJ Coiffure à un tiers est conditionnée à l'agrément préalable de la société [D] [C].
Au cas présent, il est constant que la société MJJ Coiffure a conclu le 12 juin 2019 un contrat de cession de bail au profit de la société Le Petit Vapoteur Store lequel a pris effet le 31 août 2019.
Alors qu'aux termes de ses écritures la société MJJ Coiffure soutient que la cession s'est opérée « au su de l'intimée et avec son accord, aux termes d'une décision à laquelle celle-ci fut associé », la société [Y] [C] conclut pour sa part n'avoir jamais donné son accord à une telle opération.
Force est de constater que société MJJ Coiffure, qui ne formule aucune offre de preuve à l'appui de ses affirmations, ne justifie pas de l'agrément préalable et écrit de la société [D] [C] relatif à la cession du droit au bail du 12 juin 2019 conformément aux formalités requises par l'article 15.2 du contrat de franchise précité.
Il s'ensuit, dans ces circonstances, que cette cession s'est opérée en violation du contrat de franchise.
- sur la gravité des manquements contractuels
La cession des droits locatifs a pour effet l'impossibilité pour la société [D] [C] de poursuivre l'exécution du contrat de franchise dans les conditions initialement prévues et pour lequel il a été conclu expressément en considération de la société MJJ Coiffure. Le non-paiement des factures pour un montant total de 3.292,34 euros combiné à la violation de la clause d'agrément par la cession des droits de propriétés locatifs par la société MJJ Coiffure à un tiers exerçant une autre activité que celle de salon de coiffure revêtent en conséquence un degré de gravité suffisant.
Ainsi, il y a lieu de prononcer la résolution judiciaire du contrat de franchise à compter du 31 août 2019, date du transfert des droits de propriété locatifs.
La société MJJ Coiffure ne peut se prévaloir d'un autre mode de fin de contrat, à savoir la caducité, pour se soustraire au paiement des factures échues ainsi que des clauses indemnitaires alors que ladite cession s'est opérée en violation des droits du franchiseur, en sorte que le moyen tiré de la caducité du contrat de franchise est mal-fondé.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a constaté la résiliation du contrat de franchise au 19 septembre 2019 aux torts exclusifs de la société MJJ Coiffure et la résolution judiciaire du contrat de franchise litigieux sera prononcée aux torts exclusifs de la société MJJ Coiffure à la date du transfert des droits de propriété locatifs, à savoir le 31 août 2019.
2. Sur les demandes en paiement
Prétentions et moyens des parties
Pour entendre le jugement infirmé en ce qu'il a fixé le montant de la clause pénale à la somme de 40.000 euros TTC, la société [D] [C] prétend que sa demande de paiement de la somme de 64.151,04 euros ne correspond pas à une clause pénale prise en l'application de l'article 21 du contrat de franchise, mais seulement de l'application de l'article 17 qui stipule que toutes les sommes dues à l'intimée sont immédiatement exigibles en cas de résiliation anticipée aux torts du franchisé. Elle relève, subsidiairement, que la somme de 64.151,04 euros n'est pas excessive et ne saurait être réduite.
La société MJJ Coiffure ne formule aucun moyen au soutien de ses demandes aux fins d'entendre débouter les demandes de paiement de la société [D] [C] au titre de factures échues et impayées, au titre de dommages et intérêts forfaitaires et au titre de la clause pénale.
Réponse de la Cour
- s'agissant des factures échues et impayées
Ainsi qu'il vient d'en être jugé, la société MJJ Coiffure échoue à démontrer qu'elle est fondée à ne pas payer le montant des factures litigieuses postérieures au 31 mai 2019 au titre du contrat de franchise.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société MJJ Coiffure à la somme de 4.812,46 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 août 2019, date de la première mise en demeure adressée par la société [D] [C] aux fins de paiement.
- s'agissant de la clause pénale
L'article 1152 du code civil, applicable au jour du litige, dispose que :
« Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut lui être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite. »
Au présent cas, l'article 17(v) des conditions générales du contrat de franchise stipule que :
« Outre l'exigibilité immédiate de toute somme due au Franchiseur par le Franchisé en vertu des présentes, en cas de résiliation du Contrat aux torts et griefs du Franchisé, pour une cause imputable au Franchisé, ce dernier devra s'acquitter, en raison du préjudice de QUINZE MILLE DEUX CENT QUARANTE CINQ EUROS ( € 15 245), à titre de dommages-intérêts, étant précisé que si le dommage causé s'avérait être supérieur à cette somme, le Franchiseur aurait la faculté d'en rechercher réparation par tous moyens de droit à sa disposition. »
L'article 21 des conditions générales du contrat de franchise prévoit en outre les dispositions suivantes :
« (') Les montants des clauses pénales visées dans le présent Contrat sont assis sur les redevances versées par le Franchisé au Franchiseur et seront calculées comme suite :
Moyenne des redevances annuelles de l'année ayant précédé la violation, multipliée par la plus élevé de soit (i) le nombre d'années contractuelles restant à courir ou (ii) le chiffre trois. »
En revendiquant la totalité du prix dû en cas d'exécution du contrat jusqu'à son terme au titre de l'article 21, soit le 31 décembre 2022, sans considération de son exécution, en plus d'une somme forfaitaire au titre de l'article 17(v), la somme globale prévue par ces deux clauses contractuelles revêt nécessairement un caractère comminatoire en ayant pour objet de contraindre le franchisé d'exécuter le contrat jusqu'à son terme, de sorte qu'elle constitue une clause pénale susceptible d'être modérée.
La pénalité ainsi stipulée par le contrat de franchise s'élève à un montant total de 79.396,04 euros et se décompose :
- des redevances dues jusqu'au terme du contrat de franchise, soit la somme de 64.151,04 euros en application de la révision annuelle des redevances selon l'indice d'ensemble des prix à la consommation de l'INSEE sous la rubrique 1211 Salons de Coiffure et ;
- de la pénalité supplémentaire de 15.245 euros.
Eu égard à la durée de l'exécution du contrat de trois années et huit mois, de la durée initiale de l'engagement de sept années ainsi que l'absence de démonstration de tout préjudice subi par la société [D] [C], la pénalité, manifestement excessive, sera raisonnablement fixée à la somme de 25.000 euros.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société MJJ Coiffure à payer à la société [D] [C] la somme de 40.000 euros au titre de la clause pénale et de la somme de 15.245 euros au titre des dommages et intérêts.
La Cour condamne la société MJJ Coiffure à payer la somme totale de 25.000 euros TTC à la société [D] [C] au titre de la clause pénale, en application des articles 17(v) et 21 du contrat de franchise, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 août 2019, date d'effet de la résolution judiciaire du contrat de franchise.
3. Sur les frais irrépétibles et les dépens
La société MJJ Coiffure succombant à l'action, le jugement sera confirmé s'agissant des dépens et frais irrépétibles de première instance.
En cause d'appel, elle sera condamnée aux dépens et à payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement en ce qu'il a :
- constaté la résiliation du contrat de franchise au 19 septembre 2019 aux torts exclusifs de la société MJJ Coiffure et de Mme [I] [U],
- condamné la société MJJ Coiffure à payer à la société [D] [C] la somme de 40.000 euros TTC (dont TVA 6.666 euros), assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 août 2019,
- condamné la société MJJ Coiffure à payer à la société [D] [C] la somme de 15.245 euros au titre des dommages et intérêts,
Confirme le jugement entrepris pour le surplus,
Et statuant à nouveau des chefs infirmés,
Prononce la résolution judiciaire du contrat de franchise conclu le 10 février 2015 à compter du 31 août 2019,
Condamne la société MJJ Coiffure à payer la somme de 25.000 euros TTC à la société [D] [C] au titre de la clause pénale, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 août 2019,
Y ajoutant,
Condamne la société MJJ Coiffure à payer 3.000 euros à la société [D] [C] en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
Condamne la société MJJ Coiffure aux dépens d'appel.