Livv
Décisions

CA Riom, ch. com., 17 septembre 2025, n° 23/01807

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Franfinance (SA)

Défendeur :

Franfinance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubled-Vacheron

Conseillers :

Mme Noir, Mme Berger

Avocats :

Me Le Gaillard, Me Furlanini, Me Southon, Me Sabatini, Me Diat

JCP Montluçon, du 27 sept. 2023, n° 23/0…

27 septembre 2023

ARRET :

Prononcé publiquement le 17 septembre 2025 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Valérie SOUILLAT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Suivant bon de commande signé le 19 septembre 2019, M. [M] [J] a conclu avec 'la société Centre de Transition Energétique', un contrat portant sur la fourniture et l'installation d'un système de production d'électricité d'origine photovoltaïque en autoconsommation totale d'un montant total de 26 900 euros, financé à l'aide d'un prêt affecté souscrit le même jour par M. [M] [J] et Mme [V] [J] solidairement auprès de la société Franfinance, d'un montant de 26 900 euros remboursable en 120 échéances mensuelles avec intérêts au taux nominal de 4,75 % l'an.

La société Solution Eco Energie qui exerçait sous l'enseigne Centre de Transition Energétique a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 31 août 2020, Maître [O] [N] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par acte de commissaire de justice en date du 15 septembre 2021, M. [M] [J] et Mme [V] [J] ont fait assigner la société Franfinance et Maître [O] [N] ès qualités devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Montluçon pour obtenir la désignation d'un expert judiciaire au contradictoire de 'la SAS Solution Eco Energie ayant pour nom commercial Centre de transition énergétique CDTE' et la société Franfinance.

L'expert a déposé son rapport le 11 juin 2022. Il conclut à une absence d'abergement autour des panneaux photovoltaïques créant ainsi un risque d'infiltrations au niveau des raccordements avec la couverture en tuiles, à un ratio consommation annuelle d'électricité (800 euros)/remboursement du crédit (2 500 euros par an) défavorable aux époux [J] et à une impossibilité de substitution complète en l'absence de batterie de stockage et compte tenu de la puissance installée.

Par actes de commissaire de justice en date du 11 mai 2023 et du 25 mai 2023 M. [M] [J] et Mme [V] [J] ont fait assigner la société Franfinance et Maître [O] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Solution Eco Energie devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montluçon pour obtenir la suspension du remboursement du contrat de crédit affecté, la nullité du contrat de vente, la nullité du contrat de crédit affecté, la déchéance de la créance de restitution de la société Franfinance, le remboursement de la somme de 12'500,86 euros au titre des échéances de crédit payées, 4 000 euros en indemnisation de leur préjudice moral et 3 000 euros en indemnisation de préjudice de jouissance.

Par jugement du 27 septembre 2023 le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montluçon a :

- déclaré sans objet la demande de suspension de l'exécution du crédit affecté avant-dire droit ;

- prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre la société exerçant sous le nom commercial Centre de Transition Energétique et le bon de commande numéro 9769 signé le 19 septembre 2019 ;

- constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté au financement de cette installation conclu entre la société Franfinance et M et Mme [J] le 19 septembre 2019 ;

- condamné la société Franfinance à payer à M. et Mme [J] le montant des mensualités acquittées à la date du jugement, avec intérêts légaux à compter du jugement ;

- dit n'y avoir lieu à statuer sur la restitution du matériel ;

- condamné la société Franfinance à payer à M. et Mme [J] la somme de 800 euros en réparation de leur préjudice moral ;

- débouté la société Franfinance du surplus de ses demandes ;

- débouté M. et Mme [J] du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société Franfinance et la société Solution Eco Energie in solidum à payer à M. et Mme [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Franfinance et la société Solution Eco Energie in solidum aux dépens en ce compris les dépens liés à l'instance de référé et notamment les frais d'expertise judiciaire.

La SA Franfinance a interjeté appel de ce jugement en intimant M. [M] [J], Mme [V] [J] et 'Maître [O] [N]'.

M. [M] [J] est décédé le 15 mai 2024.

Ses héritiers sont tous intervenus volontairement à l'instance d'appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 février 2025, signifiées à Maître [O] [N] ès qualités le 17 février 2025 (à domicile), la société Franfinance demande à la cour de :

A titre principal :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre M. [M] [J] et la société Solution Eco Energie exerçant sous le nom commercial Centre de Transition Energétique et le bon de commande signé le 19 septembre 2019 ;

- constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté au financement de cette installation conclu entre la SA Franfinance et M. [M] [J] et Mme [V] [J] le 19 septembre 2019 ;

- condamné la SA Franfinance à payer à M. [M] [J] et Mme [V] [J] le montant des mensualités acquittées à la date du jugement, cette somme portant intérêts au taux légal à compter dudit jugement ;

- condamné la SA Franfinance à payer à M. [M] [J] et Mme [V] [J] la somme de 800 euros en réparation de leur préjudice moral ;

- débouté la SA Franfinance de ses demandes ;

- condamné la SA Franfinance à payer aux époux [J] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 ;

- condamné la SA Franfinance aux dépens en ce compris les dépens liés à l'instance en référé et notamment les frais d'expertise ;

- débouter en conséquence Mme [V] [J] née [U], Mme [C] [J], M. [Z] [J], Mme [K] [J] et Mme [E] [J] de l'ensemble de leurs demandes ;

A titre subsidiaire, si l'anéantissement du crédit litigieux devait être confirmé :

- débouter Mme [V] [J] née [U], Mme [C] [J], M. [Z] [J], Mme [K] [J] et Mme [E] [J] de leur demande tendant à la voir priver de sa créance de restitution et d'infirmer en conséquence le jugement déféré ;

- condamner solidairement Mme [V] [J] née [U], Mme [C] [J], M. [Z] [J], Mme [K] [J] et Mme [E] [J] à lui payer la somme de 26 900 euros ;

En tout état de cause :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à M. [M] [J] et Mme [V] [J] la somme de 800 euros en réparation de leur préjudice moral ;

- débouter Mme [V] [J] née [U], Mme [C] [J], M. [Z] [J], Mme [K] [J] et Mme [E] [J] de toutes les autres demandes, notamment indemnitaires ;

- condamner in solidum Mme [V] [J] née [U], Mme [C] [J], M. [Z] [J], Mme [K] [J] et Mme [E] [J] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum Mme [V] [J] née [U], Mme [C] [J], M. [Z] [J], Mme [K] [J] et Mme [E] [J] aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'exécution forcée (R444-55 du code de commerce et L111-8 du code des procédures civiles d'exécution).

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 mai 2024, signifiées à Maître [O] [N] ès qualités le 28 mai 2024 (à domicile), Mme [V] [J] née [U] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré sauf en ce qui concerne l'indemnisation du préjudice moral et du préjudice de jouissance ;

Réformant :

- condamner la société Franfinance à lui payer les sommes suivantes :

- 4 000 euros au titre du préjudice moral

- 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

- condamner la société Franfinance à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 janvier 2025, Mme [C] [J], M. [Z] [J] et Mme [K] [J] demandent à la cour de :

- débouter la société Franfinance de l'intégralité de ses prétentions ;

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du contrat de vente ;

- constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté ;

- condamné la société Franfinance à payer à M et Mme [J] le montant des mensualités acquittées à la date du jugement, avec intérêts légaux à compter du jugement ;

- dit n'y avoir lieu à restitution du matériel ;

- condamné la société Franfinance et la société Solution Eco Energie in solidum à payer aux époux [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et notamment les frais d'expertise judiciaire ;

- infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

- condamner la société Franfinance in solidum avec la société Solution Eco Energie à payer à Mme [V] [J] la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice moral et 3 000 euros au titre de son préjudice de jouissance ;

- condamner la société Franfinance in solidum avec la société Solution Eco Energie à leur payer une somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Franfinance in solidum avec la société Solution Eco Energie aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 5 mars 2025, signifiées à Maître [O] [N] ès qualités le 5 mars 2025 (à domicile), Mme [E] [J], demande à la cour de :

- confimer le jugement déféré ;

En conséquence :

- prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre M. [M] [J] et la société Solution Eco Energie exerçant sous le nom commercial Centre de Transition Energétique et le bon de commande n°9769 signé le 19 septembre 2019 ;

- constater la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre la société Franfinance et M. Et Mme [J] le 19 septembre 2019 ;

- condamner la société Franfinance à payer à M. et Mme [J] le montant des mensualités acquittées à la date du jugement, avec intérêts légaux à compter du jugement ;

- dire n'y avoir lieu à restitution du matériel ;

- condamner la société Franfinance et la société Solution Eco Energie à payer aux époux [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, notamment les frais d'expertise judiciaire ;

- réformer le jugement :

Statuant à nouveau :

- condamner la société Franfinance in solidum avec la société Solution Eco Energie à payer à Mme [V] [J] une somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral et 3 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

- débouter la société Franfinance de l'intégralité de ses prétentions ;

- condamner la société Franfinance in solidum avec la société Solution Eco Energie à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Franfinance et la société Solution Eco Energie aux entiers dépens.

Maître [O] [N] n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mars 2025.

MOTIFS :

Sur la demande de nullité du contrat de vente :

- Sur la régularité du bon de commande :

L'information préalable sur les éléments essentiels du contrat constitue un préalable au consentement de la partie qui s'oblige, afin que celui-ci soit éclairé.

Dans le cas d'un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel, ces exigences d'information sont renforcées afin d'assurer une protection du consommateur et que ce dernier puisse prendre une décision en connaissance de cause.

La loi n° 93-949 du 26 juillet 2013 a donc mis à la charge des professionnels une obligation générale d'information précontractuelle des consommateurs. Cette obligation a fait l'objet du chapitre 1 du titre 1 du livre 1 du code de la consommation, intitulé 'Obligation générale d'information précontractuelle' et est régie par les articles L. 111-1 à L. 111-7 du code de la consommation, postérieurement à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Selon l'article L 111-1 du code de la consommation dans sa version issue de l'Ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 : 'Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;

5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

Les dispositions du présent article s'appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d'une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l'environnement.'

Constitue une caractéristique essentielle au sens de ces textes la marque du bien ou du service faisant l'objet du contrat (1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 21-20.691).

Il résulte de la combinaison de l'article L. 111-1 du code de la consommation, qui n'assortit pas expressément de la nullité du contrat le manquement aux obligations d'information précontractuelles qu'il énonce, et de l'article 1112-1 du code civil, qu'un tel manquement du professionnel à l'égard du consommateur entraîne néanmoins l'annulation du contrat, dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du code civil, si le défaut d'information porte sur des éléments essentiels du contrat.

Selon l'article L 221-5 1° du code de la consommation dans sa version issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, spécifique aux contrats conclus à distance et hors établissement, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 à L. 111-2 et l'article L 221-5 2° dispose que lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

Selon l'article L 221-9 du code de la consommation dans sa version issue de l'Ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 : 'Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.

Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.

Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.'

Le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice par le client démarché de sa faculté de rétractation doit à peine de nullité du contrat, répondre aux exigences des articles R. 121-4 à R. 121-6 du code de la consommation.

Le formulaire détachable de rétractation, qui est joint à l'offre préalable de crédit, doit comporter au verso le nom et l'adresse du prêteur, à l'exclusion de toute autre mention, à peine de déchéance du droit aux intérêts (1re Civ., 8 juillet 1997, pourvoi n° 95-18.185).

De la faculté offerte au consommateur d'exercer son droit de rétractation au moyen d'un formulaire obligatoirement fourni par le professionnel, il se déduit que l'emploi de ce formulaire ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte à l'intégrité du contrat que le consommateur doit pouvoir conserver (1re Civ., 20 décembre 2023, pourvoi n° 21-16.491).

Il résulte des articles L. 221-9 et L 242-1 du code de la consommation, dans leur rédaction postérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article L. 111-1, 3°, du code de la consommation que les opérations de démarchage à domicile font l'objet d'un contrat qui mentionne notamment, à peine de nullité, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.

Lorsque le contrat comporte un engagement du professionnel à livrer et installer le bien et à exécuter des démarches en vue de mettre en service celui-ci, la mention relative au délai doit distinguer, d'une part, le délai des opérations matérielles de livraison et d'installation des biens et, d'autre part, celui d'exécution des autres prestations auxquelles le vendeur s'est s'engagé.

Selon l'article L242-1 du code de la consommation, dans sa version antérieure à l'Ordonnance 2021-1734 du 22 décembre 2021 : 'Les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.'

En l'espèce, le jugement déféré a considéré que :

- le contrat conclu entre M. [J] et la société Centre de Transition Energétique ne respectait pas les dispositions de l'article L 221-9 du code de la consommation au motif que le formulaire de rétractation était non détachable et qu'il était situé en bas des conditions générales de vente, au dos des informations données sur la médiation et le droit de rétractation et au verso de la partie du bon de commande comportant les date et signature du cocontractant

- le délai de livraison et d'exécution des produits est indéterminable.

Au soutien de son appel, la société Franfinance n'invoque aucun moyen pour contredire ces motifs.

Sur ce:

La cour relève à l'examen du bon de commande signé par M. [J] le 19 septembre 2019 que le formulaire de rétractation n'est pas détachable et que le verso de ce formulaire comporte, notamment, la date de conclusion du contrat, la signature des parties, la mention du nombre d'exemplaires originaux si bien que l'emploi de ce formulaire a nécessairement pour effet de porter atteinte à l'intégrité du contrat.

La cour relève également que la date de livraison n'est pas précisée. En effet, si la case 'option 2 : le jour de la livraison des produits' a été cochée pour renseigner sur la date d'installation des produits, cette date de livraison n'est pas mentionnée et la mention manuscrite suivant figure au contrat : 'sous réserve d'acceptation de la mairie, du technicien de pré-visite et de l'éco financement'.

En conséquence et par application des dispositions susvisées, le contrat conclu le 19 septembre 2019 entre M. [M] [J] et la société Solution Eco Energie est nul.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

- Sur la confirmation de la nullité du contrat de vente :

Il résulte de l'article 1182 du code civil, dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que la confirmation d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité peut résulter de l'exécution volontaire de l'obligation après la conclusion du contrat et en connaissance de la cause de nullité et que cette exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminée par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.

En l'espèce, le jugement déféré a considéré qu'aucun acte de renonciation n'était établi et qu'en toute hypothèse, ce contrat ne pouvait avoir exécuté le contrat en connaissance de cause de la nullité dès lors que le bon de commande ne reproduisait pas les dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.

La société Franfinance rappelle que la nullité encourue est une nullité relative et soutient qu'en l'espèce, M et Mme [J] ont exécuté le contrat de vente en toute connaissance des causes de nullité en :

- attestant avoir connaissance des dispositions de code de la consommation sur leur signature

- réceptionnant l'installation photovoltaïque sans émettre la moindre réserve

- exécutant le crédit affecté sans aucun incident de paiement.

Les parties intimées répondent que M et Mme [J] n'ont pas exécuté volontairement le contrat de vente en connaissance des causes de nullité dans la mesure où :

- le bon de livraison ne comporte pas une reproduction des dispositions de code de la consommation

- ce n'est qu'une fois l'attestation du consuel reçue qu'ils ont eu connaissance de ce que l'installation prévue pour être en autoconsommation totale, était finalement destinée à la revente d'électricité.

Sur ce, la cour :

Contrairement à ce que soutient la société Franfinance, les conditions générales du bon de commande reproduites au verso du document ne reproduisent pas les dispositions du code de la consommation applicables au contrat.

En toute hypothèse, il est jugé que la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance (1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 22-16.116).

De plus, il ne ressort d'aucun des éléments versés aux débats que M et Mme [J] ont eu conscience des vices relevés ci-dessus, affectant le bon de commande au moment de la souscription ou de l'exécution du contrat.

Dans ces conditions, il ne peut être considéré que M. et Mme [J] ont valablement confirmé le bon de commande entaché de nullité.

De plus, il résulte de la comparaison entre le bon de livraison signé le 19 septembre 2019 et l'attestation du consuel du 4 novembre 2019 que l'installation vendue par la société Centre de Transition Energétique était une installation en autoconsommation totale et que l'installation finalement vendue était dépourvue de dispositif de stockage de l'énergie électrique, ce qui, selon l'expert judiciaire, est incompatible avec l'autoconsommation.

Par conséquent, lorsque M. [M] [J] a signé le document 'attestation de livraison-demande de financement' le 24 octobre 2019 pour débloquer les fonds, il ignorait que l'installation ne correspondait pas à celle qui lui avait été vendue.

En conséquence la cour, confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre M. [M] [J] et la société Solution Eco Energie exerçant sous le nom commercial Centre de Transition Energétique et le bon de commande n°9769 signé le 19 septembre 2019.

Sur la demande de nullité du crédit affecté conclu entre M. [M] [J], Mme [V] [J] et la SA Franfinance :

L'article L 312-55 du code de la consommation, dans sa version issue de l'Ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 dispose qu'en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé, si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.

Il en résulte que l'annulation du contrat souscrit suivant bon de commande du 19 septembre 2019 prononcée ci-dessus entraîne de plein droit l'annulation du contrat de crédit ayant permis le financement de l'opération par la SA Franfinance.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les conséquences de la nullité du crédit affecté conclu entre M. [M] [J], Mme [V] [J] et la SA Franfinance :

En ne relevant pas que le bon de commande du contrat principal a été établi en méconnaissance des dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile prescrites à peine de nullité et en versant les fonds au vendeur sans procéder préalablement aux vérifications nécessaires auprès de ce dernier et des emprunteurs, ce qui lui aurait permis de constater que le contrat était affecté d'une cause de nullité, la banque commet une faute la privant de sa créance de restitution (1re Civ., 10 décembre 2014, pourvoi n° 13-26.585, 14-12.290).

Cependant, en cas de résolution ou d'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, la faute du prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, ne dispense l'emprunteur de restituer le capital emprunté que si celui-ci justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

Il résulte des articles L. 311-32 et L. 311-33, devenus L. 312-55 et L. 312-56 du code de la consommation, que l'annulation ou la résolution d'un contrat de crédit affecté, consécutive à celle du contrat principal, emporte, en principe, restitution par l'emprunteur au prêteur du capital que celui-ci a versé au vendeur à la demande de l'emprunteur.

Lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat principal de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.

En l'espèce, le jugement a rejeté la demande de restitution du capital emprunté aux motifs, notamment que la SA Franfinance, spécialisée dans les opérations de crédit affecté dans le cadre d'un démarchage à domicile et notamment le financement de sociétés exerçant dans le domaine des installations de panneaux photovoltaïques, a commis une faute en débloquant les fonds :

- sur la base d'un contrat ne mentionnant aucune description précise des biens ni leur date de livraison et d'installation de l'installation

- sur la base d'un procès verbal pré-rempli qui ne comporte aucune mention relative à la concordance avec les caractéristique de l'installation mentionnée au bon de commande de sorte que ce document n'était pas de nature à lui permettre de s'assurer que la prestation financée était exécutée intégralement ou régulièrement ;

- alors que l'incohérence entre l'installation et l'attestation du consuel précisant l'absence de dispositif de stockage aurait dû la conduire à ne pas débloquer les fonds.

Le tribunal a ensuite estimé que la mise à disposition des fonds sans contrôle de la 'validité des contrats d'origine' était à l'origine d'un endettement excessif des époux [J] 'au titre d'une installation ne leur permettant pas d'exercer pleinement l'ensemble de leurs droits de consommateurs'.

La société Franfinance conteste toute faute aux motifs que :

- il n'appartient pas à la banque de vérifier la régularité du bon de commande

- M. et Mme [J] ont signé l'attestation de livraison sans réserve le 24 octobre 2019, reconnaissant ainsi la pleine et entière exécution des engagements contractuels de la société Centre de Transition Energétique

- ils ont réitéré leur accord pour le financement par courrier électronique que 29 avril 2019

- Mme [J] dispose aujourd'hui d'une installation en parfait état qui produit de l'électricité de sorte qu'elle ne subi aucun préjudice.

Les parties intimées répondent que :

- la société Franfinance était en mesure de constater que le bon de commande était affecté d'irrégularités et dépourvu de bordereau détachable de sorte qu'il était nul

- la société Franfinance était en mesure de constater au vu de l'attestation du consuel que l'installation vendue en autoconsommation totale était en réalité une installation de revente d'électricité

- la société Franfinance a commis une faute en débloquant les fonds malgré l'irrégularité du bon de commande et de l'incohérence entre la facturation et l'attestation du consuel.

Sur ce, la cour :

Contrairement à ce que soutient la société Franfinance, le fait que M. [M] [J] ait signé l'attestation de fin de travaux et la demande de paiement n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité.

Il résulte des motifs ci-dessus et des pièces versées aux débats que la société Franfinance a procédé au versement des fonds à la société Solution Eco Energie le 22 novembre 2019 sur la base d'un bon de commande affecté d'irrégularités apparentes et sans s'assurer que le bien livré était conforme au bon de commande, ce qui n'était en réalité pas le cas puisque l'installation commandée était en autoconsommation totale et que l'installation livrée était destinée à la revente d'électricité.

Selon l'expert judiciaire le coût de consommation d'énergie annuel de 800 euros est sans rapport avec le coût annuel de l'installation dépassant les 2 500 euros.

Mme [J] se trouve donc en possession d'une installation non conforme au contrat signé avec la société Solution Eco Energie, qui ne génère pas les économies d'énergie de l'installation en autoconsommation totale promise à M. [M] [J].

De plus, Mme [J] se trouve dans l'impossibilité d'obtenir la restitution du prix payé à la société Solution Eco Energie en contrepartie de la nullité du contrat de vente puisque la société Solution Eco Energie est en procédure collective.

Il est démontré qu'en raison de la faute commise par la société Franfinance qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal, Mme [J] a subi une perte équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente annulé.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de remboursement du capital emprunté présentée par la société Franfinance.

En revanche, la société Franfinance sera condamnée à rembourser à Mme [V] [J] le montant des mensualités acquittées à la date du jugement ayant prononcé la nullité du contrat de prêt.

Sur les demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral et pour préjudice de jouissance formées par Mme [V] [J] :

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et pour préjudice de jouissance les parties intimées dont valoir que :

- compte tenu de la liquidation judiciaire de la société Solution Eco Energie, Mme [J] ne peut plus obtenir réparation des dysfonctionnements de l'installation (bruit important des éléments de climatisation, balayage de l'air non effectué, non conformité des abergements entraînant des risques d'infiltrations par couverture, ...)

- selon l'expert judiciaire, cette installation ne présente aucun intérêts au regard du coût du crédit

- elle ne génère aucune économie d'énergie et le coût de revente est minime

- l'installation est d'un coût de 3 947 euros par an pour un coût de revente de 200 euros en 2021.

La société Franfinance répond que la banque n'a pas à se substituer à l'emprunteur dans l'appréciation de l'utilité du crédit demandé et que Mme [J] ne subit aucun préjudice puisque l'installation vendue fonctionne.

Sur ce, la cour :

Il résulte des motifs ci-dessus que la société Franfinance a commis une faute en délivrant les fonds à la société Solution Eco Energie.

Cependant, Mme [J] obtient la restitution des mensualités de crédit payées depuis l'origine du prêt et se trouve dispensée du remboursement du capital.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge a évalué à la somme de 800 euros le préjudice moral subi.

L'existence d'infiltrations à la jonction des panneaux et de la couverture n'est pas démontée et l'expert judiciaire a fait état de désordres hypothétiques. Ce dernier n'a pas constaté de bruits sur les unités intérieures ni l'absence de balayage de l'air de sorte qu'aucun préjudice de jouissance n'est démontré.

En conséquence la cour confirme le jugement qui a condamné la société Franfinance à payer à Mme [J] la somme de 800 euros au titre de son préjudice moral et y ajoutant, dit que cette condamnation sera également prononcée au bénéfice des héritiers de M. [M] [J] : Mme [E] [J], Mme [C] [J], M. [Z] [J] et Mme [K] [J].

La cour confirme également le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Franfinance à payer à M. et Mme [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens en ce compris ceux de l'instance en référé et les frais d'expertise judiciaire.

La société Franfinance sera également condamnée aux dépens de la procédure d'appel et à payer :

- à Mme [V] [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- à Mme [E] [J] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- à Mme [C] [J], M. [Z] [J] et Mme [K] [J] la somme de 1 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Dit que la condamnation de la société Franfinance au paiement à Mme [V] [J] sera également prononcée au bénéfice de Mme [E] [J], Mme [C] [J], M. [Z] [J] et Mme [K] [J] ;

Condamne la société Franfinance au paiement des sommes suivantes :

- à Mme [V] [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- à Mme [E] [J] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- à Mme [C] [J], M. [Z] [J] et Mme [K] [J] la somme de 1 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Franfinance aux dépens de la procédure d'appel.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site