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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 17 septembre 2025, n° 24/01272

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Local.fr (SAS)

Défendeur :

X

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defix

Conseillers :

Mme Leclercq, Mme Asselain

Avocat :

Me Grieumard

TJ Toulouse, du 24 nov. 2023, n° 23/0186…

24 novembre 2023

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE

Le 18 novembre 2020, lors d'un démarchage à domicile, Mme [O] [L], exerçant en tant qu'auto entrepreneur une activité de coiffure sous le numéro SIREN 831 646 203 à l'enseigne Laeti'zia, a conclu avec la Sa Local.fr, immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le numéro 331 221 150 un contrat de partenariat n° E-000128, signé électroniquement sur un périphérique mobile par Mme [L] par l'intermédiaire de DocuSign.

La prestation est relative à l'offre LocalWeb et comprend :

- conception du site ;

- nom de domaine personnalisé et adresse e-mail associée ;

- formation à distance ;

- visibilité sur l'annuaire en ligne local.fr

- espace partenaire local&moi ;

- hébergement, certificat SSL, nom de domaine personnalisé et adresse e-mail associée ;

- optimisation du site pour les moteurs de recherche ;

- mise à jour de contenu illimitée et accès au gestionnaire de contenu Webtool ;

- assistante du lundi au vendredi par téléphone et e-mail.

Le début du contrat de partenariat était le mois de décembre 2020.

La durée du contrat partenaire était de 48 mois.

Cette prestation a été conclue pour le prix de 6.121,20 euros toutes taxes comprises se décomposant comme suit :

- 'frais technique LocalWeb 48 mois' : 349 euros HT soit 418,80 euros TTC ;

- 'abonnement LocalWeb 48 mois' : 48 mensualités à 99 euros HT soit 118,80 euros TTC, soit 5.702,40 euros TTC

La facture du 3 décembre 2020 est d'un montant de 6.121,20 euros TTC.

L'échéancier prévoyait deux règlements de 209,40 euros en décembre 2020 et janvier 2021, puis à partir de février 2021, 48 règlements de 118,80 euros.

À compter du 5 mai 2021, Mme [O] [L] n'a plus réglé les mensualités.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 mai 2021, la société Local.fr a mis en demeure Mme [O] [L] de régler la somme de 7.385,44 euros, soit :

- 1.012,80 euros d'échéances échues,

- 5.108,40 euros d'échéances à échoir,

- 1.224,24 euros de pénalité contractuelle,

- 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement.

Le 17 septembre 2021, la société 'Sadir Local.fr', indiquant avoir pour numéro Siret 331 221 150 00062 a déposé une requête en injonction de payer auprès du tribunal judiciaire de Toulouse, pour un montant de 7.385,44 euros.

Par ordonnance d'injonction de payer du 25 octobre 2021, signifiée par dépôt de l'acte en l'étude de l'huissier le 9 novembre 2021, Mme [O] [L] a été condamnée à payer à la Sa 'Sadir Local.fr' la somme de 6.121,20 euros en principal, outre les dépens.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 novembre 2021 reçue le 25 novembre 2021, Mme [O] [L] a formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer.

Les parties ont été convoquées devant le tribunal judiciaire de Toulouse.

Par un jugement du 24 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- prononcé la nullité du contrat de partenariat signé entre la Sa 'Sadir Local.fr' et Mme [O] [L] le 18 novembre 2020,

- condamné la Sa 'Sadir Local.fr' à payer à Mme [O] [L] la somme de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sa Sadir Local.fr aux entiers dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré que Mme [L] ne prouvait pas qu'elle n'avait pas consenti à la signature du contrat, ne démontrant pas un vice du consentement.

Au visa des articles L 221-5, L 221-8 et L 221-9 du code de la consommation, le premier juge a relevé qu'il n'était produit aucune copie d'un exemplaire papier remis à Mme [L] ; que si le formulaire de rétractation était bien présent sur le contrat signé numériquement par cette dernière, rien ne permettait d'affirmer que ce document avait été porté à sa connaissance, ni qu'elle avait disposé matériellement dudit document. Il a relevé qu'aucune des pages du contrat n'était paraphée et qu'aucun document signé de sa main n'attestait qu'elle en avait eu un exemplaire ; qu'il n'était pas davantage justifié de l'envoi d'un courrier ultérieur contenant ledit contrat avec le bordereau de rétractation ; que les conditions générales de vente produites n'étaient pas davantage paraphées ou signées. Il a constaté que la société Local.fr ne s'expliquait pas sur le non respect des dispositions du code de la consommation. Il a dit que par conséquent, le contrat encourait la nullité pour non respect des dispositions précitées.

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Par déclaration du 12 avril 2024, la Sas Local.fr a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 juillet 2024, la Sas Local.fr, appelante, demande à la cour de :

- déclarer l'appel formé par la société Local.fr recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement rendu le 24 novembre 2023 le tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'il a :

* prononcé la nullité du contrat de partenariat signé entre la Sa Sadir Local.fr et Mme [O] [L] le 18 novembre 2020,

* condamné la Sa Sadir Local.fr à payer à Mme [O] [L] la somme de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la Sa Sadir Local.fr aux entiers dépens,

* rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

Statuant à nouveau,

- juger que la société Local.fr apporte la preuve d'un contrat conclu par signatures électroniques avec Mme [O] [L],

- juger que la société Local.fr a parfaitement respecté ses obligations contractuelles à l'égard de Mme [O] [L],

- juger que Mme [O] [L] n'a pas respecté ses obligations contractuelles à l'égard de la société Local.fr,

En conséquence,

- condamner Mme [O] [L] à payer à la société Local.fr la somme globale de 7.385,44 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 mai 2021,

Y ajoutant en tout état de cause,

- condamner Mme [O] [L] à payer à la société Local.fr la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

- condamner Mme [O] [L] aux entiers dépens de l'instance,

- débouter Mme [O] [L] de l'intégralité de ses prétentions, fins et moyens plus amples et/ou contraires.

Elle soutient que s'agissant d'un contrat signé numériquement, la société Local.fr n'avait pas à remettre un exemplaire papier du contrat signé, mais simplement un exemplaire sur support durable. Elle fait valoir qu'elle a remis un exemplaire du contrat, du bordereau de rétractation ainsi que des conditions générales de vente sur un support durable, tel que l'exige l'article 221-9 du code de la consommation, puisque le contrat a été envoyé par courriel à Mme [L], qui en disposait donc sur un support durable et consultable à tout moment.

Elle rappelle que dans le cadre de la signature électronique, le signataire accède à un exemplaire de son contrat pour signature. Elle expose que le document envoyé par mail à Mme [L] comporte le contrat, le bordereau de rétractation et les conditions générales ; que lors de la signature, Mme [L] a reconnu avoir pris connaissance et accepté les conditions générales de vente qui lui ont été transmises.

Elle ajoute que Mme [L] a accepté de signer électroniquement et recevoir les éléments de manière dématérialisée. Elle souligne que le fichier de preuve annexé au contrat signé par Mme [L] permet de constater que le contrat a été envoyé le 18 novembre 2020 à 15 h 28 sur l'adresse mail de Mme [L] ; qu'il a été consulté le 18 novembre 2020 à 15 h 31 ; qu'il a été signé le 18 novembre 2020 à 15 h 33.

Elle soutient qu'une fois le contrat signé électroniquement, un nouveau courriel est envoyé au signataire, auquel est annexé en version PDF le contrat régularisé, avec de surcroît un lien d'accès à la version signée du contrat sur une page internet.

Elle fait valoir que Mme [L] a manqué à ses obligations contractuelles à son égard.

Mme [O] [L], intimée, qui a régulièrement reçu signification de la déclaration d'appel et des conclusions de l'appelante n°1 le 11 juillet 2024, par dépôt de l'acte en étude d'huissier, n'a pas constitué avocat.

En application de l'article 474 du code de procédure civile, la présente décision sera rendue par défaut.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 janvier 2025.

L'affaire a été examinée à l'audience du mardi 10 juin 2025 à 14h00.

MOTIFS DE LA DECISION

Ajoutant au jugement, il y a lieu de recevoir Mme [L] en son opposition, de mettre à néant l'ordonnance d'injonction de payer du 25 octobre 2021, et de statuer à nouveau.

Sur la nullité du contrat :

En vertu de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Si, en application des dispositions de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, en application de celles de l'article 1104 du même code, les contrats doivent être négociés, formés, et exécutés de bonne foi.

Selon les dispositions de l'article L 221-5 du code de la consommation dans sa version en vigueur du 1er juillet 2016 au 28 mai 2022, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente de biens ou de fourniture de services (') le professionnel fournit au consommateur, de manière lisible et compréhensible notamment :

- les informations prévues aux articles L 111-1 et L 111-2 (caractéristiques essentielles du bien, du service, le prix du bien, du service, ('),

- la date à laquelle ou le délai dans lequel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à fournir le service ('),

- lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation.

Selon les dispositions de l'article L 221-9 du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 1er juillet 2016 au 28 mai 2022, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.

Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.

Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.'

L'article L 242-1 du même code, dans sa version en vigueur du 1er juillet 2016 au 28 mai 2022, prévoit que les dispositions de l'article L 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

En l'espèce, il n'est pas discuté que le nombre de salariés employé par Mme [L] était inférieur ou égal à 5, et que le contrat a été conclu hors établissement. En conséquence, le contrat est soumis aux dispositions des articles L 221-5 et suivants du code de la consommation.

Dans le cadre de la signature électronique du contrat par l'intermédiaire de DocuSign, cette entité émet un certificat de réalisation qui identifie l'enveloppe et retrace les événements de l'enveloppe.

Ce certificat de réalisation fait apparaître que Mme [L] a accepté de signer le contrat électroniquement, et de recevoir les éléments de manière dématérialisée, le 18 novembre 2020 à 15 h 31. Son adresse courriel est mentionnée.

Selon le certificat de réalisation, l'enveloppe, ayant pour objet : 'Documents pour votre signature DocuSign', et ayant pour émetteur [E] [U], commerciale de Local.fr, a été envoyée à Mme [L] par DocuSign le 18 novembre 2020 à 15 h 28 (haché/crypté). Après que la sécurité ait été vérifiée, la livraison à Mme [L] a eu lieu le 18 novembre 2020 à 15 h 31, par courriel.

La société Local.fr fait valoir que les documents envoyé par courriel comprennent : le contrat; le bordereau de rétractation ; les conditions générales. Le nombre de pages du document est de 19.

Le contrat stipule que le client en signant le présent contrat, reconnaît :

- qu'un exemplaire des conditions générales applicables aux prestations sollicitées lui a été remis, en avoir pris connaissance et avoir accepté lesdites conditions générales sans réserve,

- qu'un devis mentionnant les tarifs lui a été présenté préalablement ;

- avoir pris connaissance du verso du présent contrat.

Il mentionne que conformément à l'article L 221-25 du code de la consommation, le professionnel souhaite que l'exécution du présent contrat commence immédiatement.

Mme [L] a cliqué sur le bouton « Signer » le 18 novembre 2020 à 15 h 33. L'exemplaire imprimé sur papier comporte la date du 18 novembre 2020 à 15 h 33, la signature de Mme [L], sa date et son lieu de naissance. L'enveloppe a ainsi eu le statut 'signature complétée' le 18 novembre 2020 à 15 h 33 et le statut 'complétée' au même moment.

La question se pose de savoir si après la signature, Mme [L] a reçu un exemplaire du contrat sur un support durable.

La société Local.fr soutient que dès signature, les documents sont instantanément envoyés sur les adresses mail respectives des parties. Elle produit un exemple avec un contrat test, et fait valoir que le document complété est envoyé par courriel en pdf, et qu'un lien depuis le courriel permet d'afficher le document complété.

Cependant, le certificat de réalisation, s'il mentionne bien la signature électronique du contrat par Mme [L], ne retrace pas la signature du représentant de la société Local.fr, ni l'envoi de l'enveloppe complétée à Mme [L], ni la livraison certifiée de cette enveloppe à Mme [L]. Aucun événement n'est retracé après que l'enveloppe ait été complétée le 18 novembre 2020 à 15 h 33. Il n'est donc pas apporté la preuve par la société Local.fr que Mme [L] a bien reçu un exemplaire du contrat confirmant l'engagement exprès des parties.

Le contrat est donc nul au regard des dispositions de l'article L 221-9 du code de la consommation.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de partenariat signé le 18 novembre 2020 par Mme [L], sauf à préciser que la Sa 'Sadir Local.fr' correspond à la Sas Local.fr, enregistrée au RCS de [Localité 5] sous le numéro 331 221 150.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement dont appel sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, sauf à préciser que la Sa Sadir Local.fr correspond à la Sas Local.fr.

La Sas Local.fr, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

Elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Ajoutant au jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 24 novembre 2023,

Reçoit Mme [L] en son opposition, met à néant l'ordonnance d'injonction de payer du 25 octobre 2021, et statue à nouveau,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 24 novembre 2023, sauf à préciser que la Sa 'Sadir Local.fr' correspond à la Sas Local.fr, enregistrée au RCS de Nanterre sous le numéro 331 221 150 ;

Y ajoutant,

Condamne la Sas Local.fr aux dépens d'appel ;

La déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

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