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Décisions

CA Fort-de-France, ch. civ., 16 septembre 2025, n° 22/00430

FORT-DE-FRANCE

Arrêt

Autre

CA Fort-de-France n° 22/00430

16 septembre 2025

ARRET N°2025/245

N° RG 22/00430 - N° Portalis DBWA-V-B7G-CLCI

Mme [P] [M] [F] [B] veuve [D]

Mme [G] [V] [D]

Monsieur [Z] [J] [D]

C/

Madame [C] [L]

Monsieur [H] [Y]

Madame [U] [O] [Y]

Madame [R] [A] [Y]

S.C.I. [D]

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2025

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Fort-de-France en date du 14 octobre 2022, enregistrée sous le n° 22/00067

APPELANTS :

Madame [P] [M] [F] [B] veuve [D]

[Adresse 14]

[Localité 11]

Représentée par Me Lucien ALEXANDRINE, avocat postulant au barreau de MARTINIQUE, et par Me Marc ARTINIAN, avocat plaidant au barreau de PARIS

Madame [G] [V] [D]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Lucien ALEXANDRINE, avocat postulant au barreau de MARTINIQUE, et par Me Marc ARTINIAN, avocat plaidant au barreau de PARIS

Monsieur [Z] [J] [D]

[Adresse 12] (Belgique)

Représenté par Me Lucien ALEXANDRINE, avocat postulant au barreau de MARTINIQUE, et par Me Marc ARTINIAN, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMES :

Madame [C] [L]

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentée par Me Gladys RANLIN de la SELARL RANLIN & ASSOCIES, avocat au barreau de MARTINIQUE

Monsieur [H] [Y]

[Adresse 7]

[Localité 9]

Non représenté

Madame [U] [O] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Non représentée

Madame [R] [A] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Non représentée

La SCI [D], prise en la personne de Maître [S] [T], associé de la SELARL AJASSOCIES, agissant en qualité d'administrateur provisoire, domicilié ès qualité [Adresse 15]

[Adresse 5]

[Localité 11]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 janvier 2025, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Claire Donnizaux, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :

Présidente : Mme Nathalie RAMAGE, présidente de chambre

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, conseiller

Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 25 mars 2025, puis successivement prorogée au 20 mai 2025, au 24 juin 2025, au 29 juillet 2025 et au 16 septembre 2025.

ARRÊT : par défaut

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

La SCI [D] est propriétaire de terrains situés [Adresse 16] sur lesquels sont édifiés plusieurs bâtiments industriels actuellement loués à la société dénommée « centre industriel automobiles Martinique (CIA) », qui y exploite un garage automobile.

Le capital social de la SCI est réparti entre [J] [X] [D] à concurrence de 900 parts /1000, le garage [D] (40 parts) et les six enfants du premier, chacun détenteur de 10 parts': Mme [C] [L], Mme [U] [Y], Mme [R] [Y], Mme [G] [D], M. [H] [Y] et M. [Z] [Y].

[J] [X] [D], gérant et associé majoritaire de la SCI [D], est décédé le 3 octobre 2018.

Aux termes d'un testament olographe fait à [Localité 13], en date du 4 novembre 2015, [J] [X] [D] a institué pour légataire universelle son épouse, Mme [P] [B] et a laissé ses six enfants habiles à se dire et porter héritiers pour 1/6ème, sauf à tenir compte des droits du conjoint survivant.

Par requête du 25 mars 2020, Mme [G] [D] et M. [Z] [D] ont sollicité la désignation d'un administrateur provisoire de la SCI [D].

Par ordonnance du 31 mars 2020, il a été fait droit à cette demande, Me [T] étant désigné pour exercer cette fonction.

Par actes d'huissier de justice en date des 11 février, 14, 15, 16 17 février, 14 avril et 19 avril 2022, Mme [C] [L] et Me [S] [T] es qualités d'administrateur provisoire de la S.C.I. [D] ont fait citer M. [H] [Y], Mme [U] [O] [Y], Mme [R] [A] [Y], Mme [P] [M] [F] [B] veuve [D], Mme [G] [V] [D] et M. [Z] [J] [D] devant le président du tribunal judiciaire de Fort-de-France statuant en référé aux fins, notamment, de voir, sur le fondement des dispositions de l'article 1844-2 du code civil et 835-1 du code de procédure civile, désigner tel auxiliaire de justice qu'il plaira avec mission de représenter les parts sociales détenues par l'indivision de feu [J] [X] [D].

Par ordonnance réputée contradictoire du 14 octobre 2022, le juge des référés a':

- constaté que la nullité de forme contenue dans les assignations délivrées le 11, 14, 15, 16, 17 et 23 février 2022 avait été régularisée par la délivrance des assignations effectuées par huissier de justice le 14 et 19 avril 2022,

- déclaré Me [S] [T], es qualités d'administrateur provisoire de la S.C.I. [D], irrecevable à agir en désignation d'un mandataire ad hoc de l'indivision successorale résultant du décès de [J] [X] [D],

- désigné Me [W] [E], SELARL BCM en qualité de mandataire ad hoc ayant pour mission de représenter l'indivision successorale résultant du décès de [J] [X] [D] au sein de la société civile immobilière [D] en procédant, conformément aux dispositions de l'article 815-3, à tous les actes d'administration générale (notamment procéder aux votes à l'assemblée générale de la société d'approbation des comptes et de désignation d'un nouveau gérant) sans pour autant voter un acte de disposition,

- fixé la durée initiale de la mission à 24 mois à compter de la décision ;

- dit que le mandataire ad hoc pourra se faire communiquer par les indivisaires et tiers tous documents utiles pour l'accomplissement de sa mission et convoquer le cas échéant lesdits indivisaires,

- fixé la provision due au mandataire successoral à la somme de 4.000 euros à la charge de la succession ;

- dit qu'une provision complémentaire pourra être allouée sur requête motivée du mandataire successoral';

- dit qu'il sera pourvu à son remplacement en cas d'empêchement, sur simple requête à la diligence de l'une des parties ou de sa part ;

- dit qu'il devra rendre un rapport récapitulatif de ses diligences au président du tribunal judiciaire un mois avant la 'n de sa mission ;

- dit que toute demande de prorogation de la part du mandataire ad hoc devra être motivée dans ledit rapport ;

- débouté l'ensemble des parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Par déclaration reçue le 03 novembre 2022, Mme [P] [B] veuve [D], Mme [G] [D] et M. [Z] [D] ont interjeté appel de cette décision à l'encontre de Mme [R] [Y], Mme [U] [Y], M. [H] [Y], Mme [C] [L] et la SCI [D] prise en la personne de Me [T].

La déclaration d'appel a été signifiée par actes des 23 et 24 novembre 2022 aux intimés.

Mme [L] a constitué avocat le 19 décembre suivant.

Aux termes de leurs premières conclusions du 13 décembre 2022, signifiées aux intimés non constitués ainsi qu'à la SCI [D] représentée par Me [T] par actes des 04 et 05 janvier 2023, et dernières du 26 avril 2023, Mme [P] [B] veuve [D], Mme [G] [D] et M. [Z] [D] demandent de':

A titre principal,

- prononcer la nullité de l'assignation introductive d'instance délivrée par Mme [C] [L] en date des 11, 14, 15, 16 et 17 février 2022 et de l'assignation introductive d'instance délivrée par Mme [C] [L] en date des 14 et 19 avril 2022 et par voie de conséquence, la nullité de l'ordonnance rendue par le juge des références près le tribunal judiciaire de Fort-de-France le 14 octobre 2022 ;

A titre subsidiaire,

- prononcer la nullité des conclusions notifiées par Mme [C] [L] le 13 janvier 2023 ;

- déclarer recevable l'appel interjeté par Mme [P] [M] [F] [B] veuve [D], Mme [G] [V] [D] et M. [Z] [J] [D] ;

- infirmer l'ordonnance rendue le 14 octobre 2022 par M. le président du tribunal judiciaire de Fort-de-France en ce qu'elle a :

* désigné Me [W] [E], SELARL BCM en qualité de mandataire ad hoc ayant pour mission de représenter l'indivision successorale résultant du décès de [J] [X] [D] (décédé le 3 octobre 2018) au sein de la société civile immobilière [D] en procédant conformément aux dispositions de l'article 815-3 à tous les actes d'administration générale (notamment procéder aux votes à l'assemblée générale de la société d'approbation des comptes et de désignation d'un nouveau gérant) sans pour autant voter un acte de disposition,

* fixé la durée initiale de la mission à 24 mois à compter de la décision,

* dit que le mandataire ad hoc pourra se faire communiquer par les indivisaires et tiers tous documents utiles pour l'accomplissement de sa mission et convoquer le cas échéant lesdits indivisaires,

* la provision due au mandataire successoral à la somme de 4.000 euros à la charge de la succession, dit qu'une provision complémentaire pourra être allouée sur requête motivée du mandataire successoral,

* dit que les honoraires définitifs seront arrêtés à l'issue de la mission sur requête motivée du mandataire ad hoc, dit qu'une expédition de la décision lui sera adressée sous plu simple,

* dit qu'il sera pourvu à son remplacement en cas d'empêchement, sur simple requête à la diligence de l'une des parties ou de sa part, dit qu'il devra rendre un rapport récapitulatif de ses diligences au Président du Tribunal judiciaire un mois avant la fin de sa mission,

* dit que toute demande de prorogation de la part du mandataire ad hoc devra être motivée dans ledit rapport';

Statuant à nouveau,

- rejeter la demande de désignation d'un mandataire chargé de représenter l'indivision successorale de M. [J] [X] [D], formée par Mme [C] [L]';

- condamner Mme [C] [L] à verser à chacun des appelants la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [C] [L] aux entiers dépens de l'instance.

Par ses dernières conclusions du 15 février 2023, Mme [C] [L] demande de':

Principalement,

- juger irrecevable l'appel interjeté par les consorts [B] et [D],

Subsidiairement,

- débouter purement et simplement les appelants de leurs prétentions tendant à la nullité de l'assignation,

- débouter purement et simplement les appelants de leurs prétentions tendant à la nullité des conclusions d'intimée';

- juger mal fondé l'appel interjeté par les consorts [B] et [D],

- condamner l'ordonnance de référé en toutes ses dispositions,

En tout état de cause,

- condamner les appelants aux entiers dépens de la procédure, et au paiement de la somme de 2.500,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du CPC.

Par arrêt du 30 janvier 2024, la cour a fait injonction aux parties représentées de rencontrer un médiateur.

La médiation a échoué.

Les consorts [Y] n'ont pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction est intervenue le 12 décembre 2024.

L'affaire a été évoquée à l'audience du 24 janvier 2025 et le délibéré a été prorogé les 25 mars, 20 mai, 24 juin et 29 juillet 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions sus-visées et à l'ordonnance déférée.

MOTIFS :

1/ Sur la recevabilité de l'appel':

Mme [L] soulève l'irrecevabilité de l'appel en ce que les appelants n'ayant pas sollicité la suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé, leurs droits individuels de voter ont été transmis au mandataire désigné, lequel n'a pas été visé dans la déclaration d'appel.

Les appelants répliquent que leur droit d'appel n'est pas limité en l'absence de demande de suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance et qu'en application de l'article 547 du code de procédure civile, l'appel ne peut concerner que les parties présentes en première instance.

Sur ce, l'article 546 alinéa 1er du code de procédure civile énonce que le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé.

Aux termes de l'article 547 du même code, en matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance.

Les appelants en leur qualité de détenteurs de parts sociales de la SCI et d'héritiers ou de légataire universelle de l'associé majoritaire présentent un intérêt à interjeter appel d'une décision désignant un mandataire ad hoc chargé de représenter l'indivision successorale.

Ce dernier n'ayant pas été partie en première instance n'avait pas à être visé dans la déclaration d'appel, nonobstant l'exécution provisoire de l'ordonnance'.

La fin de non-recevoir invoquée par Mme [L] doit donc être écartée.

2/ Sur la nullité de l'assignation':

Les appelants avaient soulevé devant le premier juge la nullité de l'assignation délivrée par cette dernière en raison du non-respect des dispositions de l'article 752 du code de procédure civile et des modalités de représentation obligatoire. Cette nullité a été écartée au motif qu'elle avait été couverte par une seconde assignation.

Les appelants invoquent désormais la nullité de l'assignation au visa de l'article 54 du code précité en ce que, dans les assignations introductives, Mme [L] a mentionné une adresse à laquelle il s'est avéré qu'elle n'habitait plus depuis trois ans.

Subsidiairement, ils soulèvent la nullité des conclusions de l'intimée du 13 janvier 2023 en ce que celle-ci ne justifie toujours pas de la réalité de la nouvelle adresse déclarée.

Mme [L] fait valoir que, même en supposant une erreur d'adresse, celle-ci n'a, à aucun moment, causé un préjudice aux appelants, lesquels ont toujours pu communiquer par voie de lettre ou autre moyen avec elle.

Elle souligne qu'une assignation ne mentionnant pas ou mal les mentions portées à l'article 54 du CPC ne pourrait être frappée de nullité que pour vice de forme et que la nullité n'aurait été encourue que dans la seule hypothèse de la démonstration d'un grief, qui fait ici défaut.

La cour relève que les appelants ne justifient en effet d'aucun grief causé par la mention d'une adresse erronée de Mme [L] dans les assignations qui leur ont été délivrées.

En l'absence, par ailleurs, de texte fondant une obligation pour un concluant de justifier de l'adresse indiquée dans ses écritures, la nullité de l'assignation et des conclusions doit être écartée.

3/ Sur le fond':

Le premier juge a retenu l'existence d'un trouble manifestement illicite en présence d'un désaccord profond et persistant entre les indivisaires de la succession de [J] [X] [D], mettant à mal la gestion de la SCI dont les comptes n'étaient pas approuvés depuis plusieurs années, trouble auquel il convenait de mettre fin en désignant un mandataire chargé de représenter l'indivision successorale.

En réponse aux arguments de Mme [B], Mme [G] [D] et M. [Z] [D], qui faisaient valoir que la désignation d'un mandataire était délicate en ce qu'il aurait de grands pouvoirs comme représentant 90% des parts sociales de la SCI, ce dont ils déduisaient qu'il pourra choisir un nouveau gérant, approuver les comptes et procéder à la vente des biens immobiliers appartenant à la S.C.I. [D], le juge des référés a considéré que':

- la désignation d'un mandataire était essentielle parce que la mission de l'administrateur provisoire de la SCI devait être limitée dans le temps sans perdurer jusqu'au partage définitif de la succession de [J] [X] [D], lequel s'annonçait lointain au regard des désaccords profonds et persistants entre les héritiers;

- en application de l'article 815-3 du code civil, le mandataire aura des pouvoirs limités, excluant tout acte de disposition, et ne pourra notamment procéder au vote relatif à la vente des biens appartenant à la S.C.I.

Les appelants contestent la nécessité de mettre fin à la mission de l'administrateur provisoire de la SCI dès lors que la crise grave empêchant le fonctionnement normal de la société, qui a motivé sa désignation, n'a pas été surmontée.

Ils prétendent toutefois dans le même temps qu'ils n'ont jamais été opposés à la désignation d'un mandataire chargé de représenter l'indivision mais affirment qu'il est nécessaire de circonscrire précisément la mission de cet auxiliaire de justice.

Ils soutiennent sur ce point que l'article 815-3 du code civil n'encadre nullement les pouvoirs du mandataire qui pourra statuer sur tout acte d'administration et désigner un nouveau gérant, lequel disposera des pouvoirs les plus étendus pour gérer les affaires de la société.

Ils relèvent que l'article 17 des statuts de la SCI autorisera le nouveau gérant à conclure ou résilier des baux alors même que les locaux étant à usage commercial, la conclusion, le renouvellement ou la résiliation d'un bail portant sur ces locaux doit être autorisé à l'unanimité des indivisaires'; qu'il n'empêchera pas d'accomplir des actes ayant trait à l'exploitation normale de la SCI alors que ces actes doivent être autorisés à l'unanimité des associés'; enfin qu'il est inopposable aux tiers.

Ils prétendent que le mandataire doit voir sa mission circonscrite à des résolutions précises et doit se voir donner des directives sur chacune de ces résolutions.

Mme [L] souligne qu'en l'état du blocage actuel, aucune décision ne peut être soumise au suffrage des associés'; que même les décisions d'approbation des comptes sont bloquées.

Elle se prévaut, pour démontrer les limites des pouvoirs octroyés au gérant, de l'article 17 des statuts de la SCI qui interdit au gérant, sans autorisation préalable de l'assemblée générale des actionnaires, et sans que cette clause puisse être opposée aux tiers:

- d'acheter, vendre, échanger apporter tous immeubles,

- d'acquérir ou céder toute mitoyenneté, stipuler ou accepter toute servitude,

- de contracter tous emprunts pour le compte de la société,

- de consentir toutes hypothèques et autres garanties.

La cour retient, comme le premier juge, l'opportunité de la désignation d'un mandataire représentant l'indivision successorale, détentrice de 90'% des parts sociales de la SCI, dès lors que l'administrateur provisoire de la SCI est dans l'incapacité de gérer normalement cette dernière et accomplir des actes aussi essentiels que l'obtention de l'approbation des comptes.

L'objectif des appelants, qui admettent l'existence d'une crise grave à laquelle n'a pas pu mettre fin la nomination de l'administrateur provisoire mais souhaitent que ce dernier soit maintenu dans ses fonctions jusqu'à la résolution des difficultés, apparaît a minima illusoire.

De fait, le blocage auquel est confrontée la société qui ne peut fonctionner normalement Cf. le procès-verbal de carence de l'assemblée générale ordinaire du 15 octobre 2020, pièce n° 20 des appelants), s'analyse en un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre fin.

S'agissant des pouvoirs du mandataire, l'indivision détenant 90'% des parts sociales de la SCI, l'administrateur peut, conformément aux articles 17 et 22 des statuts de la société (pièce n° 2 des appelants) nommer un gérant, dont les pouvoirs n'apparaissent limités qu'en théorie dès lors que les actes de disposition visés à l'article 17 supposent une délibération de l'assemblée générale extraordinaire adoptée par des associés représentant 2/3 du capital social, étant rappelé que l'indivision possède 90'% dudit capital.

Toutefois, l'exercice de telles prérogatives se heurte aux dispositions de l'article 815-3 du code civil, lequel exige le consentement de tous les indivisaires pour effectuer un acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que la vente des meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision.

En l'état du désaccord profond existant entre les associés, le bon fonctionnement de la SCI exige que le mandataire représentant l'indivision soit également le gérant de la société. Au demeurant, la désignation de tout autre gérant apparaît inenvisageable au regard du désaccord existant entre les parties et du désintérêt manifesté par les autres héritiers, associés de la société.

Or, l'article 815-3 du code civil prévalant sur les statuts de la SCI, qui ne peuvent y déroger, le mandataire qui devra lui-même exercer la gérance de la société ne pourra accomplir aucun acte de disposition sans le consentement unanime des associés.

Dès lors, les pouvoirs du mandataire apparaissent limités.

4/ Sur l'identité du mandataire':

Les appelants s'opposent à la désignation de Me [E] au motif que ce dernier, après avoir été l'administrateur judiciaire de la société centre industriel automobile (CIA), locataire des locaux de la SCI [D], exerce aujourd'hui les fonctions de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société CIA.

Mme [L] fait valoir que la société CIA n'est plus en période d'observation.

La cour relève que par jugement du tribunal mixte de commerce de Fort de France en date du 27 octobre 2020 (pièce n° 30 des appelants), a été ordonné le plan de redressement par voie de continuation de la société CIA, pour une durée de 10 ans.

La SELARL BCM a été nommée commissaire à l'exécution du plan, la mission devant être conduite par Me [W] [E].

Il paraît en conséquence opportun de nommer un autre mandataire chargé de défendre au mieux les intérêts de l'indivision et, à travers elle, de la SCI.

La SELARL Ajilink, prise en la personne de Mme [K] [N], sera nommée en remplacement de Mme [E].

5/ Sur les dépens et les frais irrépétibles':

L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a employé les dépens en frais privilégiés de partage.

Elle sera en revanche infirmée en ce qu'elle a débouté Mme [L] de sa demande au titre des frais irrépétibles, qu'il paraît inéquitable de laisser en totalité à sa charge.

La somme de 2 000e lui sera allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant en leur recours, les appelants supporteront la charge des dépens d'appel'.

PAR CES MOTIFS,

La cour, par arrêt par défaut, en dernier ressort et mis à disposition par le greffe,

DECLARE Mme [P] [B], Mme [G] [D] et M.[Z] [D] recevables en leur appel';

DIT n'y avoir lieu à prononcer la nullité de l'assignation des 11, 14, 15, 16 et 17 février 2022 au visa de l'article 54 du code de procédure civile;

CONFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Fort de France du 14 octobre 2022 dont appel, SAUF en ce qu'elle a':

- désigné Mme [I] [E], SELARL BCM, en qualité de mandataire ad hoc ayant pour mission de représenter l'indivision successorale résultant du décès de [J] [X] [D] au sein de la SCI [D]';

- débouté Mme [C] [L] de sa demande au titre des frais irrépétibles';

Statuant à nouveau,

DESIGNE la SELARL Ajilink, prise en la personne de Me [K] [N], en qualité de mandataire ad hoc ayant pour mission de représenter l'indivision successorale résultant du décès de [J] [X] [D] au sein de la SCI [D]';

CONDAMNE Mme [P] [B], Mme [G] [D] et M. [Z] [D] à payer à Mme [C] [L] la somme de 2000€ (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile';

Et y ajoutant,

CONDAMNE Mme [P] [B], Mme [G] [D] et M.[Z] [D] aux dépens d'appel.

Signé par Mme Nathalie Ramage, présidente de chambre, et par Mme Sandra De Sousa, greffière lors du prononcé, à qui la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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