CA Bordeaux, 4e ch. com., 17 septembre 2025, n° 23/04001
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 17 SEPTEMBRE 2025
N° RG 23/04001 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NNDK
Madame [O] [E]
Madame [H] [D]
c/
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Adresse 8]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 juillet 2023 (R.G. 2023.1813) par le Tribunal de Commerce de PERIGUEUX suivant déclaration d'appel du 25 août 2023
APPELANTES :
Madame [O] [E], née le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 9], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
Madame [H] [D], née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 6], de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
Représentées par Maître Vincent MARIS de la SELARL PLUMANCY, avocat au barreau de PERIGUEUX
INTIMÉE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Adresse 8], inscrite au RCS de Périgueux sous le numéro 320 229 941, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]
Représentée par Maître Béatrice TRARIEUX de la SELARL JOLY - GUIRIATO - TRARIEUX, avocat au barreau de BERGERAC
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mai 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
1. Madame [H] [D] et Madame [O] [E] étaient co-gérantes de la société à responsabilité limitée [E] [D] Pompes Funèbres, société cliente de la Caisse de Crédit Mutuel de [Adresse 8] (ci-après la Banque).
Le 12 février 2015, la Banque a consenti à la société un prêt professionnel de 81 000 euros n°0582 7303506 01 au taux nominal de 2,40 % amortissable en 84 échéances mensuelles de 1 135,21 euros.
Ce prêt a été garanti par l'engagement de Mme [D] et Mme [E] en qualité de cautions personnelles et solidaires, dans la limite de 12 150 euros chacune.
Le 8 décembre 2017, un second prêt a été accordé pour un montant de 30 000 euros n°0582 7303506 02 au taux nominal de 1,55 % amortissable en 6 premières échéances mensuelles de 57,65 euros puis 54 échéances de 549,41 euros.
Ce second prêt a été garanti par l'engagement de Mme [D] et Mme [E] en qualité de cautions personnelles et solidaires dans la limite de 36 000 euros chacune.
Le 12 mai 2020, le tribunal de commerce de Périgueux a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde de cette société, devenue la société à responsabilité limitée Pompes Funèbres et Marbrerie [E], et a désigné la société Amauger Texier en qualité de mandataire judiciaire.
Un jugement du tribunal de commerce de Périgueux du 25 mai 2021 a arrêté le plan de sauvegarde de l'entreprise ; toutefois, par jugement du 22 mars 2022, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, laquelle a été clôturée le 26 septembre 2024 pour insuffisance d'actif.
***
2. Par courriers recommandés du 22 juin 2022, les cautions ont été mises en demeure de procéder au paiement des créances de la banque dans la limite de leurs engagements soit la somme totale de 32 041,07 euros, mise en demeure renouvelée les 14 septembre, 31 octobre, 29 novembre 2022 et 17 février 2023.
Par actes du 28 avril 2023, la Banque a assigné Mme [D] et Mme [E] ès qualités devant le tribunal de commerce de Périgueux en paiement de diverses sommes.
Par jugement réputé contradictoire du 3 juillet 2023, le tribunal de commerce de Périgueux a :
- condamné Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel chacune, la somme de 12 150 euros au titre du prêt numéro 05827303500601, outre les intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2022, jusqu'à parfait paiement ;
- condamné solidairement Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel la somme de 19 891,07 euros au titre du prêt numéro 05827303500602, outre les intérêts au taux contractuel de 4,55% l'an à compter du 22 mars 2022, jusqu'à parfait paiement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
- condamné in solidum Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel et sans caution ;
- condamné in solidum Madame [H] [D] et Madame [O] [E] aux dépens.
Par déclaration au greffe de 25 août 2023, Madame [H] [D] et Madame [O] [E] ont relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
3. Par dernières écritures notifiées le 23 novembre 2023, Madame [H] [D] et Madame [O] [E] demandent à la cour de :
Vu les dispositions des anciens articles L. 314-15 puis L. 331-1 du code de la consommation,
Vu les dispositions de l'article L.314-4 du code de la consommation,
Vu les pièces versées aux débats,
- Dire et juger Mesdames [O] [E] et [H] [D] recevables en leur
appel et bien fondées en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- Infirmer en l'ensemble de ses dispositions le Jugement rendu le 3 juillet 2023 par le tribunal de commerce de Périgueux.
Statuant à nouveau :
- Juger nuls les deux cautionnements souscrits par Mesdames [O] [E] et [H] [D] les 12 février 2015 et 8 décembre 2017 auprès du Crédit Mutuel [Adresse 8], et dès lors débouter celle-ci de toutes prétentions
- Débouter la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 8] de toutes prétentions faute de démontrer le quantum de sa créance en sa qualité de créancier nanti.
- Débouter en tout état de cause la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 8] de toutes prétentions, les engagements de caution souscrits par Mesdames [O] [E] et [H] [D] étant disproportionnés au sens de l'article L.341-4 du code de la consommation, de sorte qu'en conséquence, la caisse ne peut s'en prévaloir,
- En tout état de cause, consacrer la responsabilité du Crédit Mutuel et le condamner,
au titre de la perte de chance de ne pas contracter, à des dommages et intérêts strictement équivalents aux sommes poursuivies en principal, fais intérêts, frais de toutes sorte, en ce compris les frais de justice.
- Condamner la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 8] à verser à Mesdames [O] [E] et [H] [D] la somme de 2 500 euros chacune en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamner la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 8] aux entiers dépens en ce compris l'émolument prévu à l'article A. 444-32 du code de commerce.
A titre subsidiaire,
- Débouter la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 8] de toutes prétentions au titre des intérêts contractuels, et de l'indemnité de recouvrement
- Débouter la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 8] de toutes demandes au titre des frais irrépétibles de justice et dire et juger que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
- Allouer à Mesdames [E] et [D] , dans la limite des condamnations
éventuellement retenues, les plus larges délais de règlement, jugeant que les sommes ne porteront intérêt qu'au taux légal, et que tout paiement se fera en priorité sur le principal au détriment des intérêts.
4. Par dernières conclusions notifiées le 21 novembre 2024, la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 8] demande à la cour de :
Vu les articles 1134, 1234 et 1154 du code civil applicables dans leur version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 en date du 10 février 2016
Vu les articles 2288 et suivants du code civil
Vu le jugement du tribunal de commerce de Périgueux du 03 juillet 2023,
- Débouter Madame [O] [E] et Madame [H] [D] de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre principal,
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Périgueux en date du 03 juillet 2023 dans toutes ses dispositions en ce qu'il a :
Condamné Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel [Adresse 8], chacune la somme de 12 150 euros au titre du prêt n°0582 73035006 01, outre les intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2022 jusqu'à parfait paiement
Condamné solidairement Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel [Adresse 8] la somme de 19 891,07 euros au titre du prêt n°0582 73035006 02, outre les intérêts au taux contractuel de 4,55% l'an à compter du 22 mars 2021 jusqu'à parfait paiement
Ordonné la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil
Condamné in solidum Madame [H] [D] et Madame [F] [E] à payer au Crédit Mutuel [Adresse 8] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamné in solidum Madame [H] [D] et Madame [O] [E] aux entiers dépens de la présente instance dont frais de greffe à la somme de 80,29 euros
A titre subsidiaire
- Condamner Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel [Adresse 8], chacune la somme de 12 500 euros au titre du prêt n°0582 73035006 01, outre les intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2022 jusqu'à parfait paiement, et ce dans la limite de la créance de la banque limitée en principal à la somme de 12 532,65 euros
- Condamner solidairement Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel [Adresse 8] la somme de 16 047,27 euros au titre du prêt n°0582 73035006 02, outre les intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2021 jusqu'à parfait paiement
- Ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil
En tout état de cause,
- Condamner in solidum Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel de [Adresse 8] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel
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L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 avril 2025.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande en nullité du cautionnement
5. Au visa des articles L.341-3 et L.314-15 du code de la consommation dans leur rédaction applicable aux contrats du 12 février 2015 et du 8 décembre 2017, Madame [H] [D] et Madame [O] [E] tendent à la nullité de leur engagement de caution au motif que l'emprunteur principal n'est pas identifié au contrat, ce qui est contraire aux dispositions légales en matière de mention manuscrite.
6. La société Caisse de Crédit Mutuel de [Adresse 8] (ci-après Crédit Mutuel) répond que la société cautionnée est clairement désignée et que son nom a changé entre le premier et le second acte de cautionnement en raison des modifications adoptées en assemblée générale par les appelantes elles-mêmes.
Sur ce,
7. L'article L.341-3 du code de la consommation, applicable au contrat du 12 février 2015, dispose :
« Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : 'En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...' »
L'article L.314-15 du code de la consommation, applicable au contrat du 8 décembre 2017, dispose :
« La personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour l'une des opérations relevant des chapitres II ou III du présent titre fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :
'En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même.' »
Il est de principe que la régularité des mentions manuscrites et, en conséquence, la validité du cautionnement, doit être appréciée sans qu'il soit nécessaire de se reporter aux informations contenues dans l'acte qui sont extérieures à la mention manuscrite litigieuse ; que les erreurs qui n'affectent ni le sens ni la portée de la mention manuscrite ne sont pas suffisantes à justifier la nullité du cautionnement.
8. La société Crédit Mutuel a consenti un premier prêt de 81.000 euros le 12 février 2015 à la société à responsabilité limitée [E] [D] Pompes Funèbres, dont le remboursement a été garanti par Mme [D] d'une part et par Mme [E] d'autre part dans les termes suivants : « En me portant caution de [E] [D] Pompes Funèbres (...), je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si [E] [D] Pompes Funèbres n'y satisfait pas lui-même. En renonçant au bénéfice de discussion (...) et en m'obligeant solidairement avec [E] [D] Pompes Funèbres, je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement [E] [D] Pompes Funèbres.»
Mme [E] a certes rédigé la première phrase en omettant le mot 'Pompes' dans la désignation de l'emprunteur, mais elle le désigne avec exactitude à trois reprises dans la suite de la mention qu'elle a apposée au pied de son engagement, de sorte qu'elle n'a pu se méprendre sur l'identité de la personne morale dont elle garantissait les remboursements.
La société Crédit Mutuel a consenti un second prêt à la société à responsabilité limitée [E] [D], le 8 décembre 2017, pour un montant de 30.000 euros.
Il a été garanti par l'engagement de caution de Mme [D] d'une part et de Mme [E] d'autre part dans les termes suivants : « En me portant caution de [E] [D](...), je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si [E] [D] n'y satisfait pas lui-même. En renonçant au bénéfice de discussion (...) et en m'obligeant solidairement avec [E] [D], je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement [E] [D].»
La société Crédit Mutuel verse à son dossier les mentions relatives à la société cautionnée au Registre du commerce de Périgueux, dont il résulte qu'elle a été immatriculée le 22 février 2015 sous la dénomination [E] [D] Pompes Funèbres et qu'une assemblée générale extraordinaire du 15 juin 2017 a, en raison de l'extension de l'activité déclarée de la société, en a modifié la dénomination pour celle de '[E] [D]'.
9. Ainsi, les cautions ont bien désigné la société qui bénéficiait de leur garantie, que ce soit en 2015 ou en 2017.
10. Le moyen tiré du défaut d'identification de l'emprunteur principal est donc inopérant et la demande en nullité des quatre engagements de caution sera rejetée.
Sur les diligences du créancier nanti
11. Mme [D] et Mme [E] font valoir que la société Crédit Mutuel s'est également fait garantir le remboursement du premier prêt par un nantissement de premier rang sur le fonds de commerce ; que, pourtant, elle ne justifie pas du sort des éventuels règlements dont elle aurait pu bénéficier en tant que créancier privilégié dans le cadre de la liquidation judiciaire ; que les cautions solidaires sont aptes à faire valoir l'inaction du créancier nanti ou à voir leurs dettes amputées par le fruit de la réalisation du nantissement.
12. Au visa des articles 1313 et 2298 du code civil, la société Crédit Mutuel répond que la caution solidaire ne peut contraindre un créancier à diviser la dette et à poursuivre le débiteur garanti préalablement ; qu'elle est donc en droit de poursuivre la caution solidaire pour le tout.
L'intimée observe que l'argumentation n'est soutenue par aucun moyen juridique.
Elle ajoute qu'elle a déclaré sa créance et que les opérations de clôture de la liquidation ne sont pas intervenues et qu'aucun certificat d'irrécouvrabilité n'a été transmis.
La société Crédit Mutuel conclut qu'en tout état de cause les cautions ont renoncé au bénéfice de discussion et de division, de telle sorte que la banque n'a aucune obligation de justifier de l'irrécouvrabilité de sa créance.
Sur ce,
13. L'article 1313 du code civil dispose :
« La solidarité entre les débiteurs oblige chacun d'eux à toute la dette. Le paiement fait par l'un d'eux les libère tous envers le créancier.
Le créancier peut demander le paiement au débiteur solidaire de son choix. Les poursuites exercées contre l'un des débiteurs solidaires n'empêchent pas le créancier d'en exercer de pareilles contre les autres.»
Selon l'article 2298 du code civil dans sa rédaction applicable aux contrats litigieux, la caution n'est obligée envers le créancier à le payer qu'à défaut du débiteur, qui doit être préalablement discuté dans ses biens, à moins que la caution n'ait renoncé au bénéfice de discussion ou à moins qu'elle ne se soit obligée solidairement avec le débiteur ; auquel cas l'effet de son engagement se règle par les principes qui ont été établis pour les dettes solidaires.
14. En l'espèce, les quatre contrats de cautionnement ici examinés stipulent que Mme [D] d'une part et Mme [E] d'autre part renoncent au bénéfice de discussion défini par l'article 2298 du code civil et s'obligent solidairement avec la société [E] [D] Pompes Funèbres, devenue [E] [D], ainsi qu'il résulte des termes des mentions écrites de leur main en 2015 et en 2017.
Par ailleurs, l'intimée rapporte la preuve de sa déclaration de créance au titre des deux prêts cautionnés tout d'abord dans le cadre de la procédure de sauvegarde puis au passif de la liquidation judiciaire de la société [E] [D].
15. Enfin, les appelantes ne développent pas le moyen fondé sur la mise en oeuvre du nantissement et l'inaction du créancier nanti, indiquant seulement qu'elles sont susceptibles de faire valoir cette inaction ; cette seule affirmation n'est pas suffisante à fonder une demande en débouté des prétentions de l'intimée.
Sur le moyen tiré de la garantie de la BPI
16. Mme [D] et Mme [E] indiquent que le prêt de 2015 était garanti à 70 % par la Banque Publique d'Investissement BPI France. Elles font valoir qu'il appartenait à la banque de remplir son obligation d'information des cautions sur l'objet exact et le fonctionnement de cette garantie et surtout sur son caractère subsidiaire.
Les appelantes soutiennent que, en manquant à ce titre à son obligation pré-contractuelle d'information, la banque poursuivante doit être déboutée de toutes prétentions en ce que le cautionnement est atteint de dol pour réticence.
Elles font également valoir que l'intimée a engagé sa responsabilité, ce qui justifie sa condamnation au paiement de dommages et intérêts équivalents à la somme poursuivie, en principal, frais et intérêts de toutes sortes ; qu'elles ont perdu une chance de ne pas contracter, ce qui justifie également la condamnation de l'intimée au paiement de dommages et intérêts équivalents à la somme poursuivie, en principal, frais et intérêts de toutes sortes.
17. La société Crédit Mutuel répond que l'argumentation des appelantes n'est soutenu par aucun moyen juridique ; qu'elles évoquent la nécessaire réparation d'un préjudice qui serait constitué par
la perte de chance de ne pas contracter l'engagement souscrit ; que, néanmoins, la banque établit que les cautions ont été parfaitement informées des conditions d'intervention de leurs propres engagements et de l'absence d'incidence de la garantie accordée par la BPI sur les obligations personnelles et solidaires ; qu'elles ont ainsi déclaré que l'existence de plusieurs garanties était indifférente à leur engagement, de sorte que les conditions d'intervention de la BPI et la mobilisation de sa garantie sont sans incidence sur leurs propres engagements.
Sur ce,
18. Le remboursement du prêt consenti le 12 février 2015 à concurrence de 81.000 euros en principal a, notamment, été contre garanti à hauteur de 70 % de son encours par BPIFrance.
Il doit être relevé que les deux contrats de cautionnement, dûment paraphés à chaque page par les appelantes, stipulent :
« « Si plusieurs garanties sont consenties au prêteur, celles-ci se cumulent, qu'elles soient données par une même personne ou non et qu'elles couvrent ou non une même créance garantie. La présente sûreté n'affecte et ne pourra affecter en aucune manière la nature de l'étendue de tout engagement ou de toute garantie, réelles ou personnelles qui ont pu ou pourront être contractés ou fournis soit par l'emprunteur, soit par la caution soit par tout tiers (...)
La caution déclare et reconnaît : (') lorsque la créance garantie stipule l'intervention d'un organisme de caution mutuelle ou d'un autre organisme financier : (...) Être informée et accepter que les sommes avancées par cet organisme ne puissent jamais venir en diminution du montant de la dette de l'emprunteur. (...) L'existence de plusieurs cautions ou constituant n'est pas un élément déterminant de [l'] engagement [de la caution]. Le prêteur pourra notamment décharger de leurs obligations tout ou partie des cautions ou constituant sans en référer au préalable aux autres et sans perdre le bénéfice des autres garanties conférées par ces autres cautions ou constituant qu'il n'a point entendu décharger. »
19. Il est ainsi établi, en particulier par le fait que tant Mme [D] que Mme [E] ont paraphé les deux pages comportant ces informations, que les cautions ont été dûment avisées par écrit d'une part de la contre garantie de BPIFrance, d'autre part de ce que, en raison de la nature de leur garantie -cautionnement solidaire-, cette contre garantie n'avait aucun effet sur l'étendue de leur engagement.
20. Le dol allégué n'est donc pas démontré puisque l'information donnée aux cautions est complète en ce qui concerne le fait que les garanties respectives des cautions personnes physiques et de BPI France sont parfaitement détachées les unes des autres, la mise en oeuvre de la seconde n'ayant pas d'influence sur celle des appelantes.
21. Mme [D] et Mme [E], qui ne démontrent pas non plus la faute de la société Crédit Mutuel à cet égard, ne sont donc pas fondées à réclamer le versement de dommages et intérêts dont elles ne précisent pas s'ils ont pour vocation de réparer un préjudice précis -qui n'est pas développé- ou une perte de chance, laissant à la cour le soin de décider sans présenter de demande chiffrée.
Sur le caractère proportionné des cautionnements
22. Mme [D] et Mme [E] soutiennent que la société Crédit Mutuel ne peut se prévaloir des cautionnements litigieux dans la mesure où, au moment où elles sont poursuivies, elles ne peuvent faire face à leurs engagements ; que le créancier qui vient poursuivre les cautions solidaires se doit de justifier, notamment, de leur situation financière ; que la banque doit s'assurer auprès de la caution personne physique de la consistance de son patrimoine, de ses revenus, de ses charges, de ses autres encours, et doit en rapporter la preuve.
23. La société Crédit Mutuel répond que la charge de la preuve de la disproportion manifeste est supportée soit par la caution soit par le créancier en fonction de la date à laquelle la disproportion est appréciée ; que si celle-ci est évoquée au jour de la souscription de l'acte de caution, il appartient à la
caution de prouver son existence ; que, en l'espèce, force est de constater qu'aucun élément n'est communiqué par les appelantes quant à leur situation financière au jour de la souscription des prêts.
L'intimée ajoute qu'il est au demeurant établi que lors de la souscription du premier prêt le 12 février 2015, les cautions disposaient, selon leur propre déclaration, d'un patrimoine financier (épargne, parts sociales) et immobilier suffisant pour faire face à leurs engagements.
Sur ce,
24. Selon les dispositions de l'article L.341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige (devenu article L.332-1), antérieure à l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il est constant en droit qu'il appartient à la caution qui entend solliciter le bénéfice de ces dispositions de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement par rapport à ses biens et revenus ; que la disproportion manifeste s'apprécie lors de la conclusion de l'engagement litigieux et non, comme le soutiennent à tort les appelantes, au moment où il est actionné en paiement.
Pour apprécier la disproportion manifeste, il convient de prendre en compte l'endettement global de la caution, y compris les engagements de cautions précédemment souscrits, puisqu'ils créent à la charge de la caution une obligation de paiement en cas de défaillance de l'emprunteur principal.
25. Au soutien du moyen tiré de la disproportion de leur engagement, Mme [D] et Mme [E] produisent des tableaux qu'elles ont elles-mêmes réalisés et qui ne sont soutenus par aucune pièce contemporaine de la conclusion des contrats litigieux ; en effet, le relevé des mouvements du compte bancaire commun puis des comptes séparés est postérieur à la souscription du deuxième cautionnement et la totalité des pièces produites est relative à leur situation économique actuelle.
26. Il apparaît donc que les appelantes ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, du caractère manifestement disproportionné de leurs engagements de février 2015 et décembre 2017. Leur demande de ce chef sera en conséquence rejetée.
Sur la demande en déchéance du droit aux intérêts
27. Mme [D] et Mme [E] soutiennent que la société Crédit Mutuel ne démontre pas qu'elle a satisfait aux obligations imposées par les articles L. 331- 1 et L. 341-6 du code de la consommation puisqu'elle ne produit ni le justificatif de la notification aux cautions du premier incident de paiement, ni la preuve de l'envoi annuel aux cautions de la lettre d'information.
28. La société Crédit Mutuel répond qu'elle produit la copie des lettres adressées aux cautions et l'attestation de l'huissier instrumentaire.
Elle fait par ailleurs valoir que les appelantes ne peuvent réclamer l'application des dispositions de l'ancien article L313-9 du code de consommation puisque les prêts litigieux ne sont ni des crédits à la consommation ni des crédits immobiliers ; que ces dispositions n'ont donc pas vocation à s'appliquer dans la présente espèce.
Sur ce,
29. L'article L.341-6 du code de la consommation, dans sa version ici applicable, dispose :
« Le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.»
30. La société Crédit Mutuel verse aux débats la totalité des courriers annuels d'information de la caution adressés à Mme [D] d'une part et à Mme [E] d'autre part. L'examen des mentions de ces courriers met par ailleurs en évidence que les premiers incidents de paiement, au 31 décembre 2020, ont été dûment mentionnés dans les courriers annuels.
Ces envois sont attestés par Maître [Y] [L], huissier de justice à [Localité 7], qui s'est fait remettre le 18 janvier 2024 la totalité des listings informatiques du Crédit Mutuel pour les années 2016 à 2022. Elle y a vérifié que, pour chacune de ces années, Mme [D] et Mme [E] avaient été destinataires du courrier d'information annuelle de caution. Elle y a également vérifié l'exactitude de l'adresse des appelantes.
31. Il résulte par ailleurs de l'étude des pièces produites par l'intimée, qu'il s'agisse des deux contrats de prêt, des tableaux d'amortissement et des mises en demeure adressées aux cautions les 22 juin 2022, 14 septembre 2022, 31 octobre 2022, 29 novembre 2022, ainsi que du détail des déclarations de créance entre les mains de la société Amauger Texier, liquidateur judiciaire, que la demande est fondée tant en son principe qu'en son montant.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel chacune :
- la somme de 12 150 euros au titre du prêt numéro 05827303500601, outre les intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2022, jusqu'à parfait paiement,
- la somme de 19 891,07 euros au titre du prêt numéro 05827303500602, outre les intérêts au taux contractuel de 4,55% l'an à compter du 22 mars 2022 jusqu'à parfait paiement et ordonné la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
La demande subsidiaire des appelantes en délai de paiement sera rejetée, compte tenu du fait que la première mise en mesure d'avoir à honorer leurs engagements de cautions leur a été adressée le 22 juin 2022, ainsi qu'il a été mentionné supra, de sorte que les appelantes ont d'ores et déjà bénéficié d'un délai de trois années pour s'acquitter de leur dette.
Le jugement entrepris sera confirmé quant à ses chefs de dispositif relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance.
Parties tenues au paiement des dépens, Mme [D] et Mme [E] seront condamnées à payer à l'intimée une somme de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 3 juillet 2023 par le tribunal de commerce de Périgueux.
Y ajoutant,
Déboute Madame [H] [D] et Madame [O] [E] de l'ensemble de leurs demandes.
Condamne Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer in solidum les dépens de l'appel.
Condamne Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer in solidum à la société Caisse de Crédit Mutuel de [Adresse 8] la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 17 SEPTEMBRE 2025
N° RG 23/04001 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NNDK
Madame [O] [E]
Madame [H] [D]
c/
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Adresse 8]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 juillet 2023 (R.G. 2023.1813) par le Tribunal de Commerce de PERIGUEUX suivant déclaration d'appel du 25 août 2023
APPELANTES :
Madame [O] [E], née le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 9], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
Madame [H] [D], née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 6], de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
Représentées par Maître Vincent MARIS de la SELARL PLUMANCY, avocat au barreau de PERIGUEUX
INTIMÉE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Adresse 8], inscrite au RCS de Périgueux sous le numéro 320 229 941, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]
Représentée par Maître Béatrice TRARIEUX de la SELARL JOLY - GUIRIATO - TRARIEUX, avocat au barreau de BERGERAC
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mai 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
1. Madame [H] [D] et Madame [O] [E] étaient co-gérantes de la société à responsabilité limitée [E] [D] Pompes Funèbres, société cliente de la Caisse de Crédit Mutuel de [Adresse 8] (ci-après la Banque).
Le 12 février 2015, la Banque a consenti à la société un prêt professionnel de 81 000 euros n°0582 7303506 01 au taux nominal de 2,40 % amortissable en 84 échéances mensuelles de 1 135,21 euros.
Ce prêt a été garanti par l'engagement de Mme [D] et Mme [E] en qualité de cautions personnelles et solidaires, dans la limite de 12 150 euros chacune.
Le 8 décembre 2017, un second prêt a été accordé pour un montant de 30 000 euros n°0582 7303506 02 au taux nominal de 1,55 % amortissable en 6 premières échéances mensuelles de 57,65 euros puis 54 échéances de 549,41 euros.
Ce second prêt a été garanti par l'engagement de Mme [D] et Mme [E] en qualité de cautions personnelles et solidaires dans la limite de 36 000 euros chacune.
Le 12 mai 2020, le tribunal de commerce de Périgueux a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde de cette société, devenue la société à responsabilité limitée Pompes Funèbres et Marbrerie [E], et a désigné la société Amauger Texier en qualité de mandataire judiciaire.
Un jugement du tribunal de commerce de Périgueux du 25 mai 2021 a arrêté le plan de sauvegarde de l'entreprise ; toutefois, par jugement du 22 mars 2022, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, laquelle a été clôturée le 26 septembre 2024 pour insuffisance d'actif.
***
2. Par courriers recommandés du 22 juin 2022, les cautions ont été mises en demeure de procéder au paiement des créances de la banque dans la limite de leurs engagements soit la somme totale de 32 041,07 euros, mise en demeure renouvelée les 14 septembre, 31 octobre, 29 novembre 2022 et 17 février 2023.
Par actes du 28 avril 2023, la Banque a assigné Mme [D] et Mme [E] ès qualités devant le tribunal de commerce de Périgueux en paiement de diverses sommes.
Par jugement réputé contradictoire du 3 juillet 2023, le tribunal de commerce de Périgueux a :
- condamné Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel chacune, la somme de 12 150 euros au titre du prêt numéro 05827303500601, outre les intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2022, jusqu'à parfait paiement ;
- condamné solidairement Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel la somme de 19 891,07 euros au titre du prêt numéro 05827303500602, outre les intérêts au taux contractuel de 4,55% l'an à compter du 22 mars 2022, jusqu'à parfait paiement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
- condamné in solidum Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel et sans caution ;
- condamné in solidum Madame [H] [D] et Madame [O] [E] aux dépens.
Par déclaration au greffe de 25 août 2023, Madame [H] [D] et Madame [O] [E] ont relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
3. Par dernières écritures notifiées le 23 novembre 2023, Madame [H] [D] et Madame [O] [E] demandent à la cour de :
Vu les dispositions des anciens articles L. 314-15 puis L. 331-1 du code de la consommation,
Vu les dispositions de l'article L.314-4 du code de la consommation,
Vu les pièces versées aux débats,
- Dire et juger Mesdames [O] [E] et [H] [D] recevables en leur
appel et bien fondées en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- Infirmer en l'ensemble de ses dispositions le Jugement rendu le 3 juillet 2023 par le tribunal de commerce de Périgueux.
Statuant à nouveau :
- Juger nuls les deux cautionnements souscrits par Mesdames [O] [E] et [H] [D] les 12 février 2015 et 8 décembre 2017 auprès du Crédit Mutuel [Adresse 8], et dès lors débouter celle-ci de toutes prétentions
- Débouter la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 8] de toutes prétentions faute de démontrer le quantum de sa créance en sa qualité de créancier nanti.
- Débouter en tout état de cause la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 8] de toutes prétentions, les engagements de caution souscrits par Mesdames [O] [E] et [H] [D] étant disproportionnés au sens de l'article L.341-4 du code de la consommation, de sorte qu'en conséquence, la caisse ne peut s'en prévaloir,
- En tout état de cause, consacrer la responsabilité du Crédit Mutuel et le condamner,
au titre de la perte de chance de ne pas contracter, à des dommages et intérêts strictement équivalents aux sommes poursuivies en principal, fais intérêts, frais de toutes sorte, en ce compris les frais de justice.
- Condamner la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 8] à verser à Mesdames [O] [E] et [H] [D] la somme de 2 500 euros chacune en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamner la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 8] aux entiers dépens en ce compris l'émolument prévu à l'article A. 444-32 du code de commerce.
A titre subsidiaire,
- Débouter la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 8] de toutes prétentions au titre des intérêts contractuels, et de l'indemnité de recouvrement
- Débouter la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 8] de toutes demandes au titre des frais irrépétibles de justice et dire et juger que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
- Allouer à Mesdames [E] et [D] , dans la limite des condamnations
éventuellement retenues, les plus larges délais de règlement, jugeant que les sommes ne porteront intérêt qu'au taux légal, et que tout paiement se fera en priorité sur le principal au détriment des intérêts.
4. Par dernières conclusions notifiées le 21 novembre 2024, la société Caisse de crédit mutuel de [Adresse 8] demande à la cour de :
Vu les articles 1134, 1234 et 1154 du code civil applicables dans leur version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 en date du 10 février 2016
Vu les articles 2288 et suivants du code civil
Vu le jugement du tribunal de commerce de Périgueux du 03 juillet 2023,
- Débouter Madame [O] [E] et Madame [H] [D] de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre principal,
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Périgueux en date du 03 juillet 2023 dans toutes ses dispositions en ce qu'il a :
Condamné Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel [Adresse 8], chacune la somme de 12 150 euros au titre du prêt n°0582 73035006 01, outre les intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2022 jusqu'à parfait paiement
Condamné solidairement Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel [Adresse 8] la somme de 19 891,07 euros au titre du prêt n°0582 73035006 02, outre les intérêts au taux contractuel de 4,55% l'an à compter du 22 mars 2021 jusqu'à parfait paiement
Ordonné la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil
Condamné in solidum Madame [H] [D] et Madame [F] [E] à payer au Crédit Mutuel [Adresse 8] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamné in solidum Madame [H] [D] et Madame [O] [E] aux entiers dépens de la présente instance dont frais de greffe à la somme de 80,29 euros
A titre subsidiaire
- Condamner Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel [Adresse 8], chacune la somme de 12 500 euros au titre du prêt n°0582 73035006 01, outre les intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2022 jusqu'à parfait paiement, et ce dans la limite de la créance de la banque limitée en principal à la somme de 12 532,65 euros
- Condamner solidairement Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel [Adresse 8] la somme de 16 047,27 euros au titre du prêt n°0582 73035006 02, outre les intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2021 jusqu'à parfait paiement
- Ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil
En tout état de cause,
- Condamner in solidum Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel de [Adresse 8] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel
***
L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 avril 2025.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande en nullité du cautionnement
5. Au visa des articles L.341-3 et L.314-15 du code de la consommation dans leur rédaction applicable aux contrats du 12 février 2015 et du 8 décembre 2017, Madame [H] [D] et Madame [O] [E] tendent à la nullité de leur engagement de caution au motif que l'emprunteur principal n'est pas identifié au contrat, ce qui est contraire aux dispositions légales en matière de mention manuscrite.
6. La société Caisse de Crédit Mutuel de [Adresse 8] (ci-après Crédit Mutuel) répond que la société cautionnée est clairement désignée et que son nom a changé entre le premier et le second acte de cautionnement en raison des modifications adoptées en assemblée générale par les appelantes elles-mêmes.
Sur ce,
7. L'article L.341-3 du code de la consommation, applicable au contrat du 12 février 2015, dispose :
« Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : 'En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...' »
L'article L.314-15 du code de la consommation, applicable au contrat du 8 décembre 2017, dispose :
« La personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour l'une des opérations relevant des chapitres II ou III du présent titre fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :
'En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même.' »
Il est de principe que la régularité des mentions manuscrites et, en conséquence, la validité du cautionnement, doit être appréciée sans qu'il soit nécessaire de se reporter aux informations contenues dans l'acte qui sont extérieures à la mention manuscrite litigieuse ; que les erreurs qui n'affectent ni le sens ni la portée de la mention manuscrite ne sont pas suffisantes à justifier la nullité du cautionnement.
8. La société Crédit Mutuel a consenti un premier prêt de 81.000 euros le 12 février 2015 à la société à responsabilité limitée [E] [D] Pompes Funèbres, dont le remboursement a été garanti par Mme [D] d'une part et par Mme [E] d'autre part dans les termes suivants : « En me portant caution de [E] [D] Pompes Funèbres (...), je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si [E] [D] Pompes Funèbres n'y satisfait pas lui-même. En renonçant au bénéfice de discussion (...) et en m'obligeant solidairement avec [E] [D] Pompes Funèbres, je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement [E] [D] Pompes Funèbres.»
Mme [E] a certes rédigé la première phrase en omettant le mot 'Pompes' dans la désignation de l'emprunteur, mais elle le désigne avec exactitude à trois reprises dans la suite de la mention qu'elle a apposée au pied de son engagement, de sorte qu'elle n'a pu se méprendre sur l'identité de la personne morale dont elle garantissait les remboursements.
La société Crédit Mutuel a consenti un second prêt à la société à responsabilité limitée [E] [D], le 8 décembre 2017, pour un montant de 30.000 euros.
Il a été garanti par l'engagement de caution de Mme [D] d'une part et de Mme [E] d'autre part dans les termes suivants : « En me portant caution de [E] [D](...), je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si [E] [D] n'y satisfait pas lui-même. En renonçant au bénéfice de discussion (...) et en m'obligeant solidairement avec [E] [D], je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement [E] [D].»
La société Crédit Mutuel verse à son dossier les mentions relatives à la société cautionnée au Registre du commerce de Périgueux, dont il résulte qu'elle a été immatriculée le 22 février 2015 sous la dénomination [E] [D] Pompes Funèbres et qu'une assemblée générale extraordinaire du 15 juin 2017 a, en raison de l'extension de l'activité déclarée de la société, en a modifié la dénomination pour celle de '[E] [D]'.
9. Ainsi, les cautions ont bien désigné la société qui bénéficiait de leur garantie, que ce soit en 2015 ou en 2017.
10. Le moyen tiré du défaut d'identification de l'emprunteur principal est donc inopérant et la demande en nullité des quatre engagements de caution sera rejetée.
Sur les diligences du créancier nanti
11. Mme [D] et Mme [E] font valoir que la société Crédit Mutuel s'est également fait garantir le remboursement du premier prêt par un nantissement de premier rang sur le fonds de commerce ; que, pourtant, elle ne justifie pas du sort des éventuels règlements dont elle aurait pu bénéficier en tant que créancier privilégié dans le cadre de la liquidation judiciaire ; que les cautions solidaires sont aptes à faire valoir l'inaction du créancier nanti ou à voir leurs dettes amputées par le fruit de la réalisation du nantissement.
12. Au visa des articles 1313 et 2298 du code civil, la société Crédit Mutuel répond que la caution solidaire ne peut contraindre un créancier à diviser la dette et à poursuivre le débiteur garanti préalablement ; qu'elle est donc en droit de poursuivre la caution solidaire pour le tout.
L'intimée observe que l'argumentation n'est soutenue par aucun moyen juridique.
Elle ajoute qu'elle a déclaré sa créance et que les opérations de clôture de la liquidation ne sont pas intervenues et qu'aucun certificat d'irrécouvrabilité n'a été transmis.
La société Crédit Mutuel conclut qu'en tout état de cause les cautions ont renoncé au bénéfice de discussion et de division, de telle sorte que la banque n'a aucune obligation de justifier de l'irrécouvrabilité de sa créance.
Sur ce,
13. L'article 1313 du code civil dispose :
« La solidarité entre les débiteurs oblige chacun d'eux à toute la dette. Le paiement fait par l'un d'eux les libère tous envers le créancier.
Le créancier peut demander le paiement au débiteur solidaire de son choix. Les poursuites exercées contre l'un des débiteurs solidaires n'empêchent pas le créancier d'en exercer de pareilles contre les autres.»
Selon l'article 2298 du code civil dans sa rédaction applicable aux contrats litigieux, la caution n'est obligée envers le créancier à le payer qu'à défaut du débiteur, qui doit être préalablement discuté dans ses biens, à moins que la caution n'ait renoncé au bénéfice de discussion ou à moins qu'elle ne se soit obligée solidairement avec le débiteur ; auquel cas l'effet de son engagement se règle par les principes qui ont été établis pour les dettes solidaires.
14. En l'espèce, les quatre contrats de cautionnement ici examinés stipulent que Mme [D] d'une part et Mme [E] d'autre part renoncent au bénéfice de discussion défini par l'article 2298 du code civil et s'obligent solidairement avec la société [E] [D] Pompes Funèbres, devenue [E] [D], ainsi qu'il résulte des termes des mentions écrites de leur main en 2015 et en 2017.
Par ailleurs, l'intimée rapporte la preuve de sa déclaration de créance au titre des deux prêts cautionnés tout d'abord dans le cadre de la procédure de sauvegarde puis au passif de la liquidation judiciaire de la société [E] [D].
15. Enfin, les appelantes ne développent pas le moyen fondé sur la mise en oeuvre du nantissement et l'inaction du créancier nanti, indiquant seulement qu'elles sont susceptibles de faire valoir cette inaction ; cette seule affirmation n'est pas suffisante à fonder une demande en débouté des prétentions de l'intimée.
Sur le moyen tiré de la garantie de la BPI
16. Mme [D] et Mme [E] indiquent que le prêt de 2015 était garanti à 70 % par la Banque Publique d'Investissement BPI France. Elles font valoir qu'il appartenait à la banque de remplir son obligation d'information des cautions sur l'objet exact et le fonctionnement de cette garantie et surtout sur son caractère subsidiaire.
Les appelantes soutiennent que, en manquant à ce titre à son obligation pré-contractuelle d'information, la banque poursuivante doit être déboutée de toutes prétentions en ce que le cautionnement est atteint de dol pour réticence.
Elles font également valoir que l'intimée a engagé sa responsabilité, ce qui justifie sa condamnation au paiement de dommages et intérêts équivalents à la somme poursuivie, en principal, frais et intérêts de toutes sortes ; qu'elles ont perdu une chance de ne pas contracter, ce qui justifie également la condamnation de l'intimée au paiement de dommages et intérêts équivalents à la somme poursuivie, en principal, frais et intérêts de toutes sortes.
17. La société Crédit Mutuel répond que l'argumentation des appelantes n'est soutenu par aucun moyen juridique ; qu'elles évoquent la nécessaire réparation d'un préjudice qui serait constitué par
la perte de chance de ne pas contracter l'engagement souscrit ; que, néanmoins, la banque établit que les cautions ont été parfaitement informées des conditions d'intervention de leurs propres engagements et de l'absence d'incidence de la garantie accordée par la BPI sur les obligations personnelles et solidaires ; qu'elles ont ainsi déclaré que l'existence de plusieurs garanties était indifférente à leur engagement, de sorte que les conditions d'intervention de la BPI et la mobilisation de sa garantie sont sans incidence sur leurs propres engagements.
Sur ce,
18. Le remboursement du prêt consenti le 12 février 2015 à concurrence de 81.000 euros en principal a, notamment, été contre garanti à hauteur de 70 % de son encours par BPIFrance.
Il doit être relevé que les deux contrats de cautionnement, dûment paraphés à chaque page par les appelantes, stipulent :
« « Si plusieurs garanties sont consenties au prêteur, celles-ci se cumulent, qu'elles soient données par une même personne ou non et qu'elles couvrent ou non une même créance garantie. La présente sûreté n'affecte et ne pourra affecter en aucune manière la nature de l'étendue de tout engagement ou de toute garantie, réelles ou personnelles qui ont pu ou pourront être contractés ou fournis soit par l'emprunteur, soit par la caution soit par tout tiers (...)
La caution déclare et reconnaît : (') lorsque la créance garantie stipule l'intervention d'un organisme de caution mutuelle ou d'un autre organisme financier : (...) Être informée et accepter que les sommes avancées par cet organisme ne puissent jamais venir en diminution du montant de la dette de l'emprunteur. (...) L'existence de plusieurs cautions ou constituant n'est pas un élément déterminant de [l'] engagement [de la caution]. Le prêteur pourra notamment décharger de leurs obligations tout ou partie des cautions ou constituant sans en référer au préalable aux autres et sans perdre le bénéfice des autres garanties conférées par ces autres cautions ou constituant qu'il n'a point entendu décharger. »
19. Il est ainsi établi, en particulier par le fait que tant Mme [D] que Mme [E] ont paraphé les deux pages comportant ces informations, que les cautions ont été dûment avisées par écrit d'une part de la contre garantie de BPIFrance, d'autre part de ce que, en raison de la nature de leur garantie -cautionnement solidaire-, cette contre garantie n'avait aucun effet sur l'étendue de leur engagement.
20. Le dol allégué n'est donc pas démontré puisque l'information donnée aux cautions est complète en ce qui concerne le fait que les garanties respectives des cautions personnes physiques et de BPI France sont parfaitement détachées les unes des autres, la mise en oeuvre de la seconde n'ayant pas d'influence sur celle des appelantes.
21. Mme [D] et Mme [E], qui ne démontrent pas non plus la faute de la société Crédit Mutuel à cet égard, ne sont donc pas fondées à réclamer le versement de dommages et intérêts dont elles ne précisent pas s'ils ont pour vocation de réparer un préjudice précis -qui n'est pas développé- ou une perte de chance, laissant à la cour le soin de décider sans présenter de demande chiffrée.
Sur le caractère proportionné des cautionnements
22. Mme [D] et Mme [E] soutiennent que la société Crédit Mutuel ne peut se prévaloir des cautionnements litigieux dans la mesure où, au moment où elles sont poursuivies, elles ne peuvent faire face à leurs engagements ; que le créancier qui vient poursuivre les cautions solidaires se doit de justifier, notamment, de leur situation financière ; que la banque doit s'assurer auprès de la caution personne physique de la consistance de son patrimoine, de ses revenus, de ses charges, de ses autres encours, et doit en rapporter la preuve.
23. La société Crédit Mutuel répond que la charge de la preuve de la disproportion manifeste est supportée soit par la caution soit par le créancier en fonction de la date à laquelle la disproportion est appréciée ; que si celle-ci est évoquée au jour de la souscription de l'acte de caution, il appartient à la
caution de prouver son existence ; que, en l'espèce, force est de constater qu'aucun élément n'est communiqué par les appelantes quant à leur situation financière au jour de la souscription des prêts.
L'intimée ajoute qu'il est au demeurant établi que lors de la souscription du premier prêt le 12 février 2015, les cautions disposaient, selon leur propre déclaration, d'un patrimoine financier (épargne, parts sociales) et immobilier suffisant pour faire face à leurs engagements.
Sur ce,
24. Selon les dispositions de l'article L.341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige (devenu article L.332-1), antérieure à l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il est constant en droit qu'il appartient à la caution qui entend solliciter le bénéfice de ces dispositions de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement par rapport à ses biens et revenus ; que la disproportion manifeste s'apprécie lors de la conclusion de l'engagement litigieux et non, comme le soutiennent à tort les appelantes, au moment où il est actionné en paiement.
Pour apprécier la disproportion manifeste, il convient de prendre en compte l'endettement global de la caution, y compris les engagements de cautions précédemment souscrits, puisqu'ils créent à la charge de la caution une obligation de paiement en cas de défaillance de l'emprunteur principal.
25. Au soutien du moyen tiré de la disproportion de leur engagement, Mme [D] et Mme [E] produisent des tableaux qu'elles ont elles-mêmes réalisés et qui ne sont soutenus par aucune pièce contemporaine de la conclusion des contrats litigieux ; en effet, le relevé des mouvements du compte bancaire commun puis des comptes séparés est postérieur à la souscription du deuxième cautionnement et la totalité des pièces produites est relative à leur situation économique actuelle.
26. Il apparaît donc que les appelantes ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, du caractère manifestement disproportionné de leurs engagements de février 2015 et décembre 2017. Leur demande de ce chef sera en conséquence rejetée.
Sur la demande en déchéance du droit aux intérêts
27. Mme [D] et Mme [E] soutiennent que la société Crédit Mutuel ne démontre pas qu'elle a satisfait aux obligations imposées par les articles L. 331- 1 et L. 341-6 du code de la consommation puisqu'elle ne produit ni le justificatif de la notification aux cautions du premier incident de paiement, ni la preuve de l'envoi annuel aux cautions de la lettre d'information.
28. La société Crédit Mutuel répond qu'elle produit la copie des lettres adressées aux cautions et l'attestation de l'huissier instrumentaire.
Elle fait par ailleurs valoir que les appelantes ne peuvent réclamer l'application des dispositions de l'ancien article L313-9 du code de consommation puisque les prêts litigieux ne sont ni des crédits à la consommation ni des crédits immobiliers ; que ces dispositions n'ont donc pas vocation à s'appliquer dans la présente espèce.
Sur ce,
29. L'article L.341-6 du code de la consommation, dans sa version ici applicable, dispose :
« Le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.»
30. La société Crédit Mutuel verse aux débats la totalité des courriers annuels d'information de la caution adressés à Mme [D] d'une part et à Mme [E] d'autre part. L'examen des mentions de ces courriers met par ailleurs en évidence que les premiers incidents de paiement, au 31 décembre 2020, ont été dûment mentionnés dans les courriers annuels.
Ces envois sont attestés par Maître [Y] [L], huissier de justice à [Localité 7], qui s'est fait remettre le 18 janvier 2024 la totalité des listings informatiques du Crédit Mutuel pour les années 2016 à 2022. Elle y a vérifié que, pour chacune de ces années, Mme [D] et Mme [E] avaient été destinataires du courrier d'information annuelle de caution. Elle y a également vérifié l'exactitude de l'adresse des appelantes.
31. Il résulte par ailleurs de l'étude des pièces produites par l'intimée, qu'il s'agisse des deux contrats de prêt, des tableaux d'amortissement et des mises en demeure adressées aux cautions les 22 juin 2022, 14 septembre 2022, 31 octobre 2022, 29 novembre 2022, ainsi que du détail des déclarations de créance entre les mains de la société Amauger Texier, liquidateur judiciaire, que la demande est fondée tant en son principe qu'en son montant.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer au Crédit Mutuel chacune :
- la somme de 12 150 euros au titre du prêt numéro 05827303500601, outre les intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2022, jusqu'à parfait paiement,
- la somme de 19 891,07 euros au titre du prêt numéro 05827303500602, outre les intérêts au taux contractuel de 4,55% l'an à compter du 22 mars 2022 jusqu'à parfait paiement et ordonné la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
La demande subsidiaire des appelantes en délai de paiement sera rejetée, compte tenu du fait que la première mise en mesure d'avoir à honorer leurs engagements de cautions leur a été adressée le 22 juin 2022, ainsi qu'il a été mentionné supra, de sorte que les appelantes ont d'ores et déjà bénéficié d'un délai de trois années pour s'acquitter de leur dette.
Le jugement entrepris sera confirmé quant à ses chefs de dispositif relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance.
Parties tenues au paiement des dépens, Mme [D] et Mme [E] seront condamnées à payer à l'intimée une somme de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 3 juillet 2023 par le tribunal de commerce de Périgueux.
Y ajoutant,
Déboute Madame [H] [D] et Madame [O] [E] de l'ensemble de leurs demandes.
Condamne Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer in solidum les dépens de l'appel.
Condamne Madame [H] [D] et Madame [O] [E] à payer in solidum à la société Caisse de Crédit Mutuel de [Adresse 8] la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président