CA Paris, Pôle 4 - ch. 5, 17 septembre 2025, n° 22/14866
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2025
(n° /2025, 17 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14866 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGJMX
Décision déférée à la Cour : jugement du 12 mai 2022 - tribunal de judiciaire de CRETEIL - RG n° 20/04597
APPELANTES
Madame [Y] [G]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée à l'audience par Me Alexandre DUVAL STALLA de la SELARL DUVAL-STALLA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : J128
Société d'assurance mutuelle LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS - M.A.F. en qualité d'assureur de Madame [G] [Y], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée à l'audience par Me Alexandre DUVAL STALLA de la SELARL DUVAL-STALLA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : J128
INTIMES
Monsieur [X] [R]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représenté par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Claire PRUVOST de la SELAS CHEVALIER MARTY PRUVOST, avocat au barreau de PARIS
Madame [C] [S] épouse [R]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représenté par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Claire PRUVOST de la SELAS CHEVALIER MARTY PRUVOST, avocat au barreau de PARIS
Société d'assurances mutuelles SMABTP en qualité d'assureur de la Société ERSOM prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 6]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Emmanuelle BOUTIE, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Ludovic JARIEL, président de chambre
Mme Emmanuelle BOUTIE, conseillère
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
Greffier, lors des débats : M. Alexandre DARJ
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Ludovic JARIEL, président de chambre et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par un contrat du 25 mai 1999, M. et Mme [R] ont confié à la société Ersom, aujourd'hui liquidée, assurée auprès de la Société mutuelle des assurances du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), des travaux de reprise de fondation de leur immeuble, sis [Adresse 2] à [Localité 11] (94).
La maîtrise d''uvre a été confiée à Mme [G], architecte assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF).
Le 5 mai 2000, les travaux ont été réceptionnés et de nouveaux désordres seraient survenus en 2003.
Par acte du 16 novembre 2006, M. et Mme [R] ont fait assigner Mme [G] et la SMABTP devant le juge des référés aux fins d'organisation d'une expertise judiciaire.
Par ordonnance du 5 décembre 2006, le juge des référés a mis hors de cause la SMABTP et désigné M. [M] en qualité d'expert.
Par ordonnance du 16 janvier 2007, M. [K] a remplacé M. [M].
Par actes en dates des 3, 5 et 8 mars 2010, M. et Mme [R] ont fait assigner Mme [G], la MAF, en sa qualité d'assureur de celle-ci, et la SMABTP en extension des mesures d'expertise.
Par ordonnance du 5 mai 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a étendu les mesures d'expertise à la MAF et rejeté les demandes formées contre la SMABTP.
Le 18 janvier 2016, le rapport de l'Expert a été déposé.
Par acte authentique du 1er mars 2019, M. et Mme [R] ont vendu l'immeuble à la société [Localité 10] 1.
Par actes du 18 août 2020, M. et Mme [R] ont assigné Mme [G], la MAF, ès qualités, et la SMABTP, ès qualités, en réparation de leurs préjudices.
Par jugement du 12 mai 2022, le tribunal judiciaire de Créteil a statué en ces termes :
Rejette les fins de non-recevoir soulevées par Mme [G], la MAF et la SMABTP ;
Déclare la société Ersom et Mme [G] responsables des désordres de l'immeuble de M. et Mme [R] ;
Met la SMABTP hors de cause ;
Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 127 186,53 euros TTC ;
Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 45 897,45 euros au titre des frais d'investigation consécutifs aux désordres ;
Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 56 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice de jouissance ;
Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice moral ;
Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] à verser à M. et Mme [R] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Mme [G] et la MAF aux dépens, comprenant ceux de l'instance en référé, le coût de l'expertise judiciaire et les frais d'administrateur judiciaire, qui pourront être directement recouvrés par la société Chevalier Marty Pruvost, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Rappelle que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit ;
Rejette toute plus ample demande.
Par déclaration en date du 5 septembre 2022, Mme [G] et la MAF, ès qualités, ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :
- la SMABTP,
- M. et Mme [R].
Par déclaration en date du 6 septembre 2022, Mme [G] et la MAF, ès qualités, ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :
- la SMABTP,
- M. et Mme [R].
Par ordonnance du 6 décembre 2022, la conseiller de la mise en l'état a prononcé la jonction des procédures enregistrées sous les numéros n° RG22/14866 et n° RG22/15741, se poursuivant sous le numéro n° RG22/14866.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 27 avril 2023, Mme [G] et la MAF, ès qualités, demandent à la cour de :
D'infirmer le jugement rendu, en ce qu'il :
- Rejette les fins de non-recevoir soulevées par Mme [G], la MAF et la SMABTP ;
- Déclare la société Ersom et M. [G] responsables des désordres de l'immeuble de M. et Mme [R] ;
- Met la SMABTP hors de cause ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 127 186,53 euros TTC ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 45 897,45 euros au titre des frais d'investigation consécutifs aux désordres ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 56 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice de jouissance ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice moral ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] à verser à M. et Mme [R] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF aux dépens, comprenant ceux de l'instance en référé, le coût de l'expertise judiciaire et les frais d'administrateur judiciaire, qui pourront être directement recouvrés par la société Chevalier Marty Pruvost, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
- Rejette toute plus ample demande ;
Et statuant de nouveau,
A titre principal :
Constater l'existence d'une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action ;
En conséquence,
Débouter les requérants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de Mme [G] et de la MAF ;
A titre subsidiaire :
Constater l'existence d'une fin de non-recevoir tirée de l'absence de saisine préalable de l'ordre des architectes ;
En conséquence,
Débouter les requérants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de Mme [G] et de la MAF ;
A titre infiniment subsidiaire :
Rejeter les préjudices allégués au titre de la moins-value de la maison, du préjudice de jouissance, du préjudice moral et de réduire en de notables proportions le montant des autres préjudices réclamés par M. et Mme [R], et encore plus subsidiaire, de réduire en de notables proportions le montant de tous les préjudices réclamés par M. et Mme [R] ;
Juger que la société Ersom a une part de responsabilité prépondérante dans les désordres allégués ;
Condamner la SMABTP à garantir Mme [G] et la MAF de toute condamnation prononcée à leur encontre ;
Limiter la part de responsabilité de Mme [G] à un pourcentage qui n'excèdera pas 7 points, et encore plus subsidiaire à un pourcentage qui n'excèdera pas 15 points concernant les préjudices allégués concernant la maison et 7 points concernant les préjudices allégués concernant le mur ;
Juger que la MAF peut opposer aux tiers la limite de sa franchise contractuelle s'agissant de réclamation sur le fondement des garanties non obligatoires ;
Juger que la garantie de la MAF ne pourra être mobilisée que dans le cadre et les limites de la police souscrite par cette dernière ;
Juger que la franchise contractuelle, dont le montant sera calculé dans les conditions décrites au contrat, est opposable aux parties ;
En tout état de cause :
Condamner M. et Mme [R] et la SMABTP à payer à Mme [G] et à la MAF la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 mai 2023, la SMABTP demande à la cour de :
A titre principal
Confirmer le jugement rendu en ce qu'il :
- Met la SMABTP hors de cause,
A titre subsidiaire
D'infirmer le jugement rendu, en ce qu'il :
- Rejette les fins de non-recevoir soulevées par Mme [G], la MAF et la SMABTP ;
- Déclare la société Ersom et M. [G] responsables des désordres de l'immeuble de M. et Mme. [R] ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 127 186,53 euros TTC ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 45 897,45 euros au titre des frais d'investigation consécutifs aux désordres ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 56 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice de jouissance ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice moral ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] à verser à M. et Mme [R] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF aux dépens, comprenant ceux de l'instance en référé, le coût de l'expertise judiciaire et les frais d'administrateur judiciaire, qui pourront être directement recouvrés par la société Chevalier Marty Pruvost, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
- Rejette toute plus ample demande ;
Et statuant de nouveau,
A titre principal,
Juger irrecevable l'action en garantie décennale formée par M. et Mme [R] à l'égard de la SMABTP comme prescrite ;
En conséquence,
Débouter les requérants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SMABTP, Mme [G], et de la MAF ;
A titre subsidiaire,
Limiter la part de responsabilité de la société Ersom à un maximum de 85 %, ainsi que l'a proposé l'Expert ;
Rejeter les préjudices allégués au titre de la moins-value de la maison, du préjudice de jouissance, du préjudice moral et de Réduire en de notables proportions le montant des autres préjudices réclamés par M. et Mme [R], et encore plus subsidiaire, de Réduire en de notables proportions le montant de tous les préjudices réclamés par M. et Mme [R] ;
Juger que les garanties non obligatoires de la SMABTP ne sont pas mobilisables en l'espèce, la résiliation étant intervenue avant la première réclamation ;
Condamner Mme [G] et la MAF à relever et garantir la SMABTP de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle de Mme [G] ;
En tout état de cause :
Débouter les parties de l'ensemble de leurs demandes et appels en garantie formulées à l'encontre de la SMABTP ;
Condamner M. et Mme [R], Mme [G] et la MAF à payer à la SMABTP la somme de 4 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction pour ceux la concernant au profit de la société 2H Avocats prise en la personne de Me [F] et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 24 février 2023, M. et Mme [R] demandent à la cour de :
Déclarer M. et Mme [R] recevables et biens fondés en leurs demandes ;
Débouter de leurs appels Mme [G] et la MAF et de son appel incident la SMABTP ;
Confirmer le jugement entrepris ce qu'il a :
- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par Mme [G], la MAF et la SMABTP,
- déclaré la société Ersom et Mme [G] responsables des désordres de l'immeuble de M. et Mme [R],
- condamné in solidum Mme [G], la MAF au paiement de la somme de :
127 186,53 euros au titre de la moins-value du prix de vente de la maison,
Aux dépens de l'instance en référé, coût de l'expertise judiciaire et les frais d'administrateur judiciaire ;
Infirmer le jugement en qu'il a :
- mis la SMABTP hors de cause,
- condamné in solidum Mme [G], la MAF au paiement de la somme de :
45 897,45 euros au titre des frais d'investigation consécutifs aux désordres,
56 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice de jouissance,
1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice moral,
- débouté M. et Mme [R] de leur demande de dommages et intérêts au titre des travaux d'amélioration ;
Et statuant à nouveau,
Condamner in solidum Mme [G], la MAF et la SMABTP à payer à M. et Mme [R] les sommes suivantes :
- au titre des frais avancés : 46 767,85 euros,
- au titre des travaux d'amélioration : 1 805,41 euros,
- au titre de la moins-value du prix de vente de la maison : 127 186,53 euros,
- au titre du préjudice de jouissance : 80 000 euros,
- au titre du préjudice moral : 6 000 euros,
Soit la somme globale de 261 759,79 euros ;
Débouter Mme [G], la MAF et la SMABTP de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
Condamner in solidum Mme [G], la MAF et la SMABTP à payer à M. et Mme [R] la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner in solidum Mme [G], la MAF et la SMABTP aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais d'expertise et les frais de l'administrateur judiciaire.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 8 avril 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 14 mai 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion
Moyens des parties
Mme [G] et la MAF soutiennent que l'action en garantie décennale engagée par M. et Mme [R] est irrecevable comme étant prescrite.
Elles précisent que l'assignation au fond n'a été engagée que par acte du 18 août 2020 soit plus de dix ans après la dernière ordonnance rendue le 5 mai 2010.
La SMABTP fait valoir que par ordonnance du 5 décembre 2006, le juge des référés a fait droit à la demande d'expertise de M. et Mme [R] mais a mis hors de cause la SMABTP, à l'instar de l'ordonnance du 5 mai 2010.
Elle avance que le délai décennal n'a jamais été interrompu par M. et Mme [R] à l'égard de la SMABTP, celle-ci ayant été mise hors de cause par les ordonnances de référé des 5 décembre 2006 et 5 mai 2010.
En réponse, M. et Mme [R] soutiennent que plusieurs actes interruptifs de prescription ont été délivrés, s'agissant de la saisine du juge des référés aux fins de désignation d'un expert judiciaire par acte du 16 novembre 2016 et la saisine du juge des référés aux fins d'extension de la mission de l'expert et de demande d'expertise commune à l'encontre de la MAF par actes des 3, 5 et 8 mars 2010 et ordonnance du 5 mai 2010.
En outre, ils exposent que l'assignation au fond délivrée le 18 août 2020 bénéficie de la prorogation des délais en raison de la mise en place de l'état d'urgence sanitaire, les ordonnances n° 2020-306 du 25 mars 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-560 du 13 mai 2020 ayant prorogé de deux mois les délais qui ont expiré entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020.
Réponse de la cour
Aux termes des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l'article 1792-4-1 du code civil, toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article.
Selon l'article 2241 du même code, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Aux termes de l'article 2242 de ce code, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.
Aux termes de l'article 2243 de ce code, l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.
Il est établi que la désignation d'un expert n'a pu avoir d'effet interruptif de prescription à l'égard de l'assureur mis hors de cause par le juge des référés (1re Civ., 9 juillet 2003, pourvoi n° 01-02.581, Bulletin civil 2003, I, n° 165).
De même, il est établi que l'ordonnance de référé déclarant commune à d'autres constructeurs une mesure d'expertise précédemment ordonnée, n'a pas d'effet interruptif de prescription à l'égard de ceux qui n'étaient parties qu'à l'ordonnance initiale (3e Civ., 21 mai 2008, pourvoi n° 07-13.561, Bull. 2008, III, n° 91).
Au cas d'espèce, alors que la réception est intervenue le 5 mai 2000, les actes interruptifs de forclusion délivrés à la SMABTP sont non avenus dès lors que, par ordonnances des 5 décembre 2006 et 5 mai 2010, le juge des référés l'a mise hors de cause.
Par suite, l'action de M. et Mme [R] sera déclarée irrecevable à l'égard de la SMABTP.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
S'agissant de Mme [G], la forclusion a été interrompue à son égard par les assignations en référé-expertise et en extension de la mission de l'expert lui ayant été délivrées et cette interruption a produit ses effets jusqu'à chacune des deux ordonnances rendues ensuite de ces assignations, de sorte que, selon le droit commun, la forclusion est acquise au 5 mai 2020.
S'agissant de la MAF, la forclusion a été interrompue à son égard par l'assignation en extension de la mission de l'expert lui ayant été délivrée et cette interruption a produit ses effets jusqu'à l'ordonnance rendue le 5 mai 2010, de sorte que, selon le droit commun, la forclusion est acquise au 5 mai 2020.
Toutefois, il résulte des dispositions des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et l'adaptation des procédures pendant cette même période, applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus, que tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il résulte de l'application de ces dispositions que le délai de forclusion, expirant en l'espèce le 5 mai 2020 à l'égard de Mme [G] et de la MAF, a été prorogé jusqu'au 23 août 2020, de sorte que l'assignation à elles délivrée le 18 août 2020 l'a été dans le délai et que, partant, l'action de M. et Mme [R] à leur encontre est recevable.
Sur la clause relative à la saisine préalable du Conseil régional de l'ordre des architectes
Moyens des parties
Mme [G] et la MAF soutiennent que le contrat d'architecte conclu entre M. et Mme [R] et Mme [G] contient une clause 2.5.3 qui prévoit une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge.
Elles arguent, qu'en l'absence de respect de cette procédure, les demandes de M. et Mme [R] doivent être déclarées irrecevables.
En réponse, M. et Mme [R] font valoir que la MAF ne peut, en sa qualité de tiers au contrat, se prévaloir de cette clause contractuelle, seuls les professionnels au sens du code de la consommation pouvant saisir le Conseil de l'Ordre d'une demande de conciliation aux termes de l'article 68 du Règlement intérieur de l'Ordre des architectes.
En outre, ils précisent que leur demande est fondée sur l'article 1792 du code civil qui est d'ordre public de sorte qu'aucune clause ne peut y déroger.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Selon l'article 126 du même code, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.
Il est établi que la clause, qui stipule qu'"en cas de litige portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire", institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge. Le moyen tiré du défaut de mise en 'uvre de cette clause constitue une fin de non-recevoir et la situation donnant lieu à celle-ci n'est pas susceptible d'être régularisée par la mise en 'uvre de la clause en cours d'instance (Ch. mixte, 12 décembre 2014, pourvoi n° 13-19.684, Bull. 2014, Ch. mixte, n° 3 ; 3e Civ., 16 novembre 2017, pourvoi n° 16-24.642, Bull. 2017, III, n° 123).
Toutefois, il a aussi été jugé que la clause de conciliation préalable ne s'applique pas à l'action directe contre l'assureur de l'architecte et que, dès lors, viole l'article L. 124-3 du code des assurances, une cour d'appel qui, pour déclarer irrecevable l'action du maître d'ouvrage contre l'assureur de l'architecte, retient que ce maître d'ouvrage n'a pas procédé à la saisine préalable du conseil de l'ordre prévue au contrat d'architecte (3e Civ., 18 décembre 2013, pourvoi n° 12-18.439, Bull. 2013, III, n° 169).
De même, une telle clause ne s'applique pas lorsque la responsabilité de l'architecte est recherchée sur le fondement de l'article 1792 du code civil (3e Civ., 23 mai 2007, pourvoi n° 06-15.668, Bull. 2007, III, n° 80 ; 3e Civ., 23 mai 2019, pourvoi n° 18-15.286, publié au Bulletin).
Il s'en infère que la fin de non-recevoir soulevée par Mme [G], dont la responsabilité est recherchée sur le fondement de la garantie décennale, et la MAF ne peut qu'être écartée.
Par suite, l'action de M. et Mme [R] est recevable à l'égard de Mme [G] et de la MAF.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la responsabilité
Moyens des parties
Mme [G] et la MAF soutiennent, à titre liminaire, que l'expertise judiciaire est contestable dans la mesure où l'expert est intervenu au préalable en qualité de bureau d'étude géotechnique pour le compte de M. et Mme [R] en février 1998, avant l'ouverture des opérations d'expertise et après la survenance du sinistre, de sorte qu'il existe un conflit d'intérêts.
En outre, elles avancent que l'engagement de la responsabilité de l'architecte nécessite la démonstration d'une faute ayant causé un préjudice alors que l'architecte est tenu d'une obligation de résultat limitée à ses compétences et à son contrat.
Elles précisent que l'expert judiciaire ne retient la responsabilité de Mme [G] qu'à hauteur de 15 % alors qu'en sa qualité d'architecte, elle n'était pas compétente s'agissant de la réalisation de micropieux, de sorte qu'aucun manquement ne peut lui être reproché et qu'il n'existe pas de lien de causalité entre la mission de Mme [G] et les désordres affectant l'extension.
Enfin, elles exposent que les désordres affectant l'immeuble de M. et Mme [R] ont pour origine et pour cause les défauts de conception et de réalisation des travaux de reprise en sous-'uvre effectués par l'entreprise Ersom.
En réplique, M. et Mme [R] font valoir que l'expert judiciaire a retenu que Mme [G] avait failli à sa mission de conception et de suivi du chantier et que les désordres constatés présentent un caractère décennal au sens de l'article 1792 du code civil.
Sur la contestation des conclusions du rapport d'expertise, ils soutiennent que l'expert a réalisé un travail particulièrement minutieux et que les opérations d'expertise ne sont entachées d'aucune irrégularité.
En outre, ils avancent que Mme [G] ne justifie pas d'une cause exonératoire de responsabilité dès lors qu'elle ne démontre pas avoir alerté le maître d'ouvrage sur une difficulté ni avoir sollicité les compétences d'autres professionnels alors qu'il lui appartenait, dans le cadre d'une mission de maîtrise d''uvre complète, de s'assurer que la conception et la réalisation des travaux étaient conformes aux règles de l'art.
Ils précisent qu'en présence de désordres de nature décennale, Mme [G] a engagé sa responsabilité de plein droit, le lien d'imputabilité étant établi.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Il est établi qu'il incombe au maître ou à l'acquéreur de l'ouvrage de rapporter la preuve que les conditions d'application de l'article 1792 du code civil sont réunies (3e Civ., 2 mars 2022, pourvoi n° 21-10.753, publié au Bulletin).
A cet égard, il est jugé que les travaux de rénovation affectant la structure de l'immeuble sont, par leur importance, assimilables à un ouvrage (3e Civ., 2 octobre 2002, pourvoi n° 01-10.241) et qu'il en est, notamment, ainsi de travaux confortatifs de reprise en sous-'uvre (3e Civ., 13 décembre 2011, pourvoi n° 11-10.014).
Il en résulte, qu'au cas présent, les travaux de reprise en sous-'uvre de la maison sont bien constitutifs d'un ouvrage, au sens de l'article 1792 précité, et ceux-ci ont été réceptionnés.
A titre liminaire, si Mme [G] et la MAF contestent le rapport d'expertise en faisant état d'une situation de conflit d'intérêts de l'expert, l'avis de l'ensemble des parties a été sollicité par l'expert sur ce point sans qu'aucune opposition ni demande de récusation n'aient été formulées.
Par ailleurs, il convient de relever que les appelantes ne formulent aucune demande tendant à l'annulation du rapport d'expertise qui apparaît suffisamment détaillé et répond aux termes de la mission impartie à l'expert.
S'agissant des nombreuses fissures présentes dans les murs de la maison, particulièrement à l'intérieur et à l'extérieur de la partie extension, les parties ne remettent pas en cause leur matérialité telle que constatée par l'expert et rappelée par les premiers juges mais leur imputabilité à Mme [G].
A cet égard, l'expert a retenu que leur apparition s'expliquait par des défauts de conception et de réalisation des travaux de reprise en sous-'uvre réalisés par la société Ersom, la déstabilisation des micropieux et leur défaut de portance ayant entraîné des fissurations dans la substructure.
Il précise aussi que, s'agissant du bâtiment extension, les travaux de reprise en sous-'uvre n'ont pas été réalisés selon les règles de l'art.
Il a préconisé la démolition complète du bâtiment extension et sa reconstruction avec un système de reprise en sous-'uvre adapté à son environnement.
Il s'en infère que l'ouvrage en cause, c'est-à-dire la reprise en sous-'uvre, est impropre à sa destination confortative d'une maison d'habitation.
Par suite, les désordres en cause sont bien de nature décennale.
Par ailleurs, la garantie décennale repose sur une responsabilité de plein droit qui ne tombe que devant la preuve d'une cause étrangère, de sorte que sa mise en jeu n'exige pas la recherche de la cause des désordres (3e Civ., 1er décembre 1999, n° 98-13.252, Bull n° 230). Il suffit que les désordres soient imputables aux travaux réalisés par le locateur d'ouvrage (3e Civ., 20 mai 2015, pourvoi n° 14-13.271, Bull. 2015, III, n° 46).
Plus précisément, ayant relevé que des travaux de réparation entrepris par une société, non seulement n'avaient pas permis de remédier aux désordres initiaux, insusceptibles de constituer une cause étrangère exonératrice, mais les avaient aggravés et étaient à l'origine de l'apparition de nouveaux désordres, une cour d'appel en déduit à bon droit que la responsabilité de cette société est engagée pour l'ensemble des désordres de nature décennale (3e Civ., 4 mars 2021, pourvoi n° 19-25.702, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, il est constant que les travaux réalisés présentent de nombreuses malfaçons à l'origine des désordres constatés sur le bâtiment extension, de sorte que les constructeurs, qui sont dans un lien d'imputabilité avec ceux-ci, sont responsables de l'ensemble des désordres provoqués par cette instabilité.
S'agissant de Mme [G], celle-ci était, aux termes du contrat de maîtrise d''uvre du 25 mai 1999, chargée d'une mission d''uvre complète concernant toutes les phases des travaux, comprenant l'esquisse (relevé des existants), l'avant-projet sommaire, l'avant-projet détaillé, le dépôt de permis de construire ou autres autorisations administratives, le projet de conception générale, l'assistance à la passation des marchés de travaux, la direction d'exécution des travaux et comptabilité des travaux et l'assistance aux opérations de réception.
En outre, Mme [G] ne justifie pas d'une cause exonératoire de responsabilité alors qu'elle ne démontre pas avoir alerté le maître d'ouvrage sur une difficulté ni avoir sollicité les compétences d'autres professionnels alors qu'il lui appartenait, dans le cadre d'une mission de maîtrise d''uvre complète, de s'assurer que la conception et la réalisation des travaux étaient conformes aux règles de l'art.
Partant, les désordres en cause sont dans un lien d'imputabilité avec la mission de maîtrise d''uvre complète qui lui a été confiée.
Par suite, la responsabilité décennale de Mme [G] et de la société Ersom est engagée en l'espèce.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur les préjudices de M. et Mme [R]
Il est établi que tous les dommages, matériels et immatériels, consécutifs aux désordres de l'ouvrage, doivent être réparés par le constructeur tenu à garantie en application de l'article 1792 du code civil (3e Civ., 15 février 2024, pourvoi n° 22-23.179).
Sur les frais d'investigations
En cause d'appel, M. et Mme [R] produisent aux débats la facture du 5 février 2011 d'un montant de 870,40 euros au titre de l'intervention du géomètre ainsi que l'ensemble des factures et justificatifs produits devant le tribunal.
En l'absence de contestation des appelantes sur ce point et au vu de l'ensemble des justificatifs produits aux débats, il sera fait droit à la demande d'indemnisation de M. et Mme [R] à ce titre pour un montant de 46 767,85 euros (soit 45 897,45 euros, montant retenu par le tribunal +870,40 euros correspondant à la facture du géomètre).
Il y a lieu d'infirmer la décision entreprise sur le quantum de la condamnation prononcée à ce titre.
Sur les travaux d'amélioration
Moyens des parties
M et Mme [R] soutiennent que, compte tenu de la durée des opérations d'expertise, ils ont été contraints de procéder à de menus travaux d'amélioration pour rendre leur quotidien vivable en évitant notamment les chutes de matières liées aux fissures et tout risque de blessure.
En réplique, Mme [G] et la MAF sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté leur demande à ce titre.
Réponse de la cour
Alors que l'expert a estimé que la reprise des désordres impliquait la démolition et la reconstruction de l'ouvrage et en l'absence de nouvel élément produit en cause d'appel, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu que M. et Mme [R] ne démontrent pas que les travaux d'amélioration réalisés sont nécessaires pour remédier aux fissures.
Ainsi, il y a lieu de rejeter la demande de M. et Mme [R] à ce titre, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Sur la moins-value de la vente de la maison
Moyens des parties
M. et Mme [R] exposent avoir vendu leur maison pour un prix de 1 100 000 euros après l'expertise judiciaire sans avoir réalisé les travaux alors qu'elle était estimée à environ 1 091 000 euros en septembre 2012 en prenant en compte un état de dégradation avancé.
Ils soutiennent que la vente de leur terrain avec maison dont les travaux auraient été réalisés leur aurait nécessairement permis d'obtenir un meilleur prix.
Ils font valoir que compte tenu du montant des travaux à réaliser s'élevant à 254 373,06 euros, ils ont subi une perte de chance de pouvoir vendre leur maison à un prix supérieur et sollicitent l'indemnisation de leur perte de chance à ce titre à hauteur de 127 186,53 euros.
En réplique, Mme [G] et la MAF soutiennent que M. et Mme [R] ont souhaité vendre leur immeuble avant la réalisation des travaux de sorte qu'ils ont contribué à leurs préjudices.
Elles avancent qu'aucune nouvelle estimation n'a été réalisée et qu'il n'est pas justifié d'une moins-value.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1231-2 du code civil, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.
La reconnaissance d'une perte de chance permet de réparer une part de l'entier dommage, déterminée à hauteur de la chance perdue, lorsque ce dommage n'est pas juridiquement réparable. Le préjudice ainsi réparé, bien que distinct de l'entier dommage en demeure dépendant (Ass. plén., 27 juin 2025, pourvoi n° 22-21.812, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, il est constant que M. et Mme [R] ont vendu leur immeuble à la société [Localité 10] 1 par acte du 1er mars 2019 pour un prix de 1 100 000 euros.
Il ressort de l'attestation immobilière de la société arthurimmo.com datée du 5 septembre 2012, soit près 7 ans avant la vente, que l'immeuble de M. et Mme [R] était évalué à 1 091 000 euros sans prendre en compte les fissures, en se fondant sur le prix au m² moyen et sur la surface locative moyenne.
En outre, l'expert judiciaire a pu indiquer que l'immeuble de M. et Mme [R] prendrait de la valeur une fois les travaux de reprise du bâtiment extension seront réalisés, évalué le préjudice lié à la perte de valeur locative à hauteur de 1 000 euros par mois et fixé le coût des travaux de reprise à la somme de 254 373,06 euros.
De plus, la cour relève, à l'instar du tribunal, qu'il n'est pas contesté qu'un immeuble de taille comparable à celui de M. et Mme [R] dans la commune de Nogent-sur-Marne, située en proche banlieue parisienne, aurait nécessairement pris de la valeur entre 2012 et 2019 en l'absence de fissures et de la nécessité de procéder à des travaux de démolition et de reconstruction.
Ainsi, alors que d'une part, le coût des travaux de reprise pesant sur l'acquéreur a nécessairement provoqué une diminution du prix de vente et, d'autre part, que l'emplacement et les autres caractéristiques du bien ont pu aussi jouer un rôle dans la baisse du prix de vente, c'est à juste titre que le tribunal a évalué le montant de la perte de chance subie par M. et Mme [R] à la somme de 127 186,53 euros TTC correspondant à 50 % du coût des travaux de reprise.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur le préjudice de jouissance
Moyens des parties
Mme [G] et la MAF soutiennent que la maison a pu être utilisée et que M. et Mme [R] ont pu y vivre normalement, la chambre inutilisable étant utilisée comme un bureau.
Elles précisent que le montant de 700 euros par mois apparaît surévalué au regard du montant de l'évaluation de la valeur locative de l'immeuble à 2 500 euros par mois en 2012 et à la surface impactée.
En réponse, M. et Mme [R] font valoir qu'ils ont subi un préjudice de jouissance depuis février 2009, la chambre de leur fille et la salle de bains attenante étant inutilisable.
Ils avancent que, compte tenu de la surface qu'ils n'ont pas pu utiliser dans la maison ainsi que de l'extérieur en raison de la présence d'étais dans le jardin, ils ont subi une perte de jouissance estimée à 1 000 euros par mois par l'agence immobilière sur une valeur locative de 2 500 euros.
Ils précisent que l'expert a validé ce préjudice à hauteur de 80 euros par mois soit la somme globale de 80 000 euros.
Réponse de la cour
Alors que l'inhabitabilité de la maison ne concerne que deux pièces sur les sept que comporte l'immeuble, s'agissant de la chambre de la fille de M. et Mme [R] utilisée comme bureau depuis son départ et de la salle de bains attenante et que le préjudice résultant de la présence des étais dans le jardin n'est pas évoqué par l'expert ni la durée de cet étayage, c'est à juste titre que le tribunal a fixé le préjudice de jouissance subi par M. et Mme [R] à la somme de 56 000 euros (soit 700 euros de valeur locative x 80 mois).
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur le préjudice moral
Moyens des parties
M. et Mme [R] font valoir qu'ils ont subi des perturbations importantes au sein de leur domicile pendant de nombreuses années.
Ils précisent avoir subi deux sinistres et avoir été contraints d'effectuer de nombreuses démarches.
En réplique, Mme [G] et la MAF soutiennent qu'ils ne versent aucun élément ni certificat médical au soutien de leur demande d'indemnisation.
Réponse de la cour
Alors qu'il résulte des développements précédents que M. et Mme [R] ont subi un préjudice moral incontestable au vu de l'importance des désordres constatés et qu'ils ont été contraints de vivre dans une maison affectée de désordres et d'entamer de nombreuses démarches pour obtenir réparation de leur préjudice, il y a lieu d'indemniser leur préjudice moral subi à ce titre à la somme de 5 000 euros.
Il y a lieu d'infirmer la décision déférée de ce chef.
Sur la garantie des assureurs
Sur la garantie de la MAF
Moyens des parties
Mme [G] la MAF soutiennent que cette dernière peut opposer aux tiers la limite de sa franchise contractuelle s'agissant de réclamation sur le fondement des garanties non obligatoires de sorte que sa garantie ne peut être mobilisée que dans le cadre et les limites de la police souscrite en application des dispositions de l'article L.112-6 du code des assurances.
En réplique, M. et Mme [R] font valoir que la MAF ne produit pas son contrat d'assurance signé et que s'agissant d'une demande formulée sur la garantie obligatoire, la franchise est inopposable aux tiers.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article L. 112-6 du code des assurances, l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire.
Selon l'article L. 124-3 du même code, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.
Il résulte des pièces produites aux débats que dans le cadre du chantier litigieux, Mme [G] a souscrit un contrat de responsabilité civile décennale auprès de la MAF.
En l'absence de production du contrat d'assurance, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la MAF devait sa garantie à Mme [G] et aux tiers sans que les limites contractuelles, plafonds et franchises, dont elles ne justifiaient pas, ne soient applicables.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur la garantie de la SMABTP
Moyens des parties
Mme [G] et la MAF soutiennent que la SMABTP était l'assureur de la société Ersom au jour de l'ouverture du chantier et qu'elle ne peut être mise hors de cause, l'attestation d'assurance étant applicable pour tous les chantiers ouverts entre le 1er octobre 1996 et le 30 septembre 1999.
Elles précisent que deux attestations d'assurance ont été délivrées par la SMABTP après l'ouverture du chantier le 18 juin 1999 et le 6 juillet 1999, applicables pour les chantiers ouverts entre le 1er octobre 1996 et le 30 septembre 1999.
En outre, elles sollicitent, dans le partage des responsabilités, la limitation de la responsabilité de Mme [G] à hauteur de 7 %.
En réplique, la SMABTP fait valoir que la société Ersom n'ayant pas réglé les primes d'assurance, les garanties souscrites ont été suspendues du 19 avril au 15 juin 1999 puis qu'elle a procédé à la résiliation de la police à effet du 30 juin 1999.
Elle précise qu'alors que M. et Mme [S] ont confié à la société Ersom la réalisation des travaux litigieux selon marché du 18 mai 1999, ces travaux ne sont pas garantis par la SMABTP, ses garanties étant déjà suspendues à la date d'ouverture du chantier.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1383, devenu 1241, du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement pas son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
L'assureur engage sa responsabilité délictuelle à l'égard des tiers auxquels l'attestation d'assurance a faussement fait croire que leur cocontractant était assuré, alors que, selon les stipulations de la police, il ne l'était pas (3e Civ, 1er octobre 2020, pourvoi n° 19-18.165, publié).
Au cas d'espèce, il n'est pas contesté que la garantie de la SMABTP a été suspendue au jour de l'ouverture du contrat, soit le 25 mai 1999 et que le contrat d'assurance a ensuite été résilié le 30 juin 1999 en raison du défaut de règlement des primes d'assurance.
Toutefois, il ressort des pièces produites aux débats que le contrat d'assurance a été suspendu le 19 mai 1999 avant d'être résilié le 30 juin 1999 après l'envoi de deux courriers recommandés avec accusé de réception à la société Ersom.
Ainsi, il s'en infère que la SMABTP a établi deux attestations d'assurance au profit de la société Ersom le 15 juin 1999, date à laquelle la garantie était suspendue et le 6 juillet 1999, date à laquelle le contrat était déjà résilié, sans mentionner ni la suspension ni la résiliation de sa garantie, de sorte que ces attestations étaient de nature à induire en erreur les tiers au contrat sur l'existence d'une garantie obligatoire au profit de la société Ersom.
Dès lors, en l'absence de toute limite figurant sur ces attestations, il y a lieu de qualifier la délivrance de ces attestations comme fautives et de retenir que la SMABTP a engagé sa responsabilité délictuelle.
La décision entreprise sera donc infirmée de ce chef.
Par ailleurs, l'expert judiciaire a relevé que les attendus de la maîtrise d''uvre confiée à Mme [G] n'ont pas été correctement réalisés dans le cadre du chantier, précisant que la réalisation enclavée du bâtiment extension dans l'angle sud-est de la propriété, se trouve à l'aplomb d'une ancienne cave voutée avec des anciennes infrastructures qui ont été mal reconnues à l'origine de la mise au point du projet, engageant la responsabilité de Mme [G] à hauteur de 15 %, celle de la société Ersom étant engagée à hauteur de 85 %.
Ainsi, alors que le maître d''uvre devait s'assurer du contrôle du chantier et notamment s'assurer de la conformité avec les pièces du marché, s'agissant notamment du positionnement des micropieux et de leur raccordement, ces manquements étant à l'origine des désordres constatés, il y a lieu de fixer la responsabilité de Mme [G] dans la survenance du dommage à hauteur de 15 %.
En conséquence, la SMABTP sera condamnée à garantir Mme [G] et la MAF de l'ensemble des condamnations mises à leur charge à hauteur de 85 %.
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, Mme [G] et la MAF, parties succombantes, seront condamnées in solidum aux dépens et à payer à M. et Mme [R] la somme globale de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il :
rejette la fin de non-recevoir soulevée par la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics,
met la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics hors de cause,
condamne in solidum Mme [G] et la Mutuelle des architectes français à verser à M. et Mme [R] la somme de 45 897,45 euros au titre des frais d'investigations consécutifs aux désordres,
condamne in solidum Mme [G] et la Mutuelle des architectes français à verser à M. et Mme [R] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice moral,
L'infirme sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevables comme étant forcloses les demandes formées par M. et Mme [R] à l'encontre de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics ;
Condamne in solidum Mme [G] et la Mutuelle des architectes français à payer à M. et Mme [R] la somme globale de 46 767,85 euros au titre des frais d'investigations ;
Condamne in solidum Mme [G] et la Mutuelle des architectes français à payer à M. et Mme [R] la somme globale de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
Condamne la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics à garantir Mme [G] et la Mutuelle des architectes français à hauteur de 85 % des condamnations prononcées à leur encontre ;
Condamne in solidum Mme [G] et la Mutuelle des architectes français aux dépens d'appel ;
Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum Mme [G] et la Mutuelle des architectes français à payer à M. et Mme [R] la somme globale de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles ; rejette les autres demandes.
La greffière, Le président de chambre,
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2025
(n° /2025, 17 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14866 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGJMX
Décision déférée à la Cour : jugement du 12 mai 2022 - tribunal de judiciaire de CRETEIL - RG n° 20/04597
APPELANTES
Madame [Y] [G]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée à l'audience par Me Alexandre DUVAL STALLA de la SELARL DUVAL-STALLA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : J128
Société d'assurance mutuelle LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS - M.A.F. en qualité d'assureur de Madame [G] [Y], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée à l'audience par Me Alexandre DUVAL STALLA de la SELARL DUVAL-STALLA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : J128
INTIMES
Monsieur [X] [R]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représenté par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Claire PRUVOST de la SELAS CHEVALIER MARTY PRUVOST, avocat au barreau de PARIS
Madame [C] [S] épouse [R]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représenté par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Claire PRUVOST de la SELAS CHEVALIER MARTY PRUVOST, avocat au barreau de PARIS
Société d'assurances mutuelles SMABTP en qualité d'assureur de la Société ERSOM prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 6]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Emmanuelle BOUTIE, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Ludovic JARIEL, président de chambre
Mme Emmanuelle BOUTIE, conseillère
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
Greffier, lors des débats : M. Alexandre DARJ
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Ludovic JARIEL, président de chambre et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par un contrat du 25 mai 1999, M. et Mme [R] ont confié à la société Ersom, aujourd'hui liquidée, assurée auprès de la Société mutuelle des assurances du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), des travaux de reprise de fondation de leur immeuble, sis [Adresse 2] à [Localité 11] (94).
La maîtrise d''uvre a été confiée à Mme [G], architecte assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF).
Le 5 mai 2000, les travaux ont été réceptionnés et de nouveaux désordres seraient survenus en 2003.
Par acte du 16 novembre 2006, M. et Mme [R] ont fait assigner Mme [G] et la SMABTP devant le juge des référés aux fins d'organisation d'une expertise judiciaire.
Par ordonnance du 5 décembre 2006, le juge des référés a mis hors de cause la SMABTP et désigné M. [M] en qualité d'expert.
Par ordonnance du 16 janvier 2007, M. [K] a remplacé M. [M].
Par actes en dates des 3, 5 et 8 mars 2010, M. et Mme [R] ont fait assigner Mme [G], la MAF, en sa qualité d'assureur de celle-ci, et la SMABTP en extension des mesures d'expertise.
Par ordonnance du 5 mai 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a étendu les mesures d'expertise à la MAF et rejeté les demandes formées contre la SMABTP.
Le 18 janvier 2016, le rapport de l'Expert a été déposé.
Par acte authentique du 1er mars 2019, M. et Mme [R] ont vendu l'immeuble à la société [Localité 10] 1.
Par actes du 18 août 2020, M. et Mme [R] ont assigné Mme [G], la MAF, ès qualités, et la SMABTP, ès qualités, en réparation de leurs préjudices.
Par jugement du 12 mai 2022, le tribunal judiciaire de Créteil a statué en ces termes :
Rejette les fins de non-recevoir soulevées par Mme [G], la MAF et la SMABTP ;
Déclare la société Ersom et Mme [G] responsables des désordres de l'immeuble de M. et Mme [R] ;
Met la SMABTP hors de cause ;
Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 127 186,53 euros TTC ;
Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 45 897,45 euros au titre des frais d'investigation consécutifs aux désordres ;
Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 56 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice de jouissance ;
Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice moral ;
Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] à verser à M. et Mme [R] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Mme [G] et la MAF aux dépens, comprenant ceux de l'instance en référé, le coût de l'expertise judiciaire et les frais d'administrateur judiciaire, qui pourront être directement recouvrés par la société Chevalier Marty Pruvost, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Rappelle que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit ;
Rejette toute plus ample demande.
Par déclaration en date du 5 septembre 2022, Mme [G] et la MAF, ès qualités, ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :
- la SMABTP,
- M. et Mme [R].
Par déclaration en date du 6 septembre 2022, Mme [G] et la MAF, ès qualités, ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :
- la SMABTP,
- M. et Mme [R].
Par ordonnance du 6 décembre 2022, la conseiller de la mise en l'état a prononcé la jonction des procédures enregistrées sous les numéros n° RG22/14866 et n° RG22/15741, se poursuivant sous le numéro n° RG22/14866.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 27 avril 2023, Mme [G] et la MAF, ès qualités, demandent à la cour de :
D'infirmer le jugement rendu, en ce qu'il :
- Rejette les fins de non-recevoir soulevées par Mme [G], la MAF et la SMABTP ;
- Déclare la société Ersom et M. [G] responsables des désordres de l'immeuble de M. et Mme [R] ;
- Met la SMABTP hors de cause ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 127 186,53 euros TTC ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 45 897,45 euros au titre des frais d'investigation consécutifs aux désordres ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 56 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice de jouissance ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice moral ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] à verser à M. et Mme [R] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF aux dépens, comprenant ceux de l'instance en référé, le coût de l'expertise judiciaire et les frais d'administrateur judiciaire, qui pourront être directement recouvrés par la société Chevalier Marty Pruvost, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
- Rejette toute plus ample demande ;
Et statuant de nouveau,
A titre principal :
Constater l'existence d'une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action ;
En conséquence,
Débouter les requérants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de Mme [G] et de la MAF ;
A titre subsidiaire :
Constater l'existence d'une fin de non-recevoir tirée de l'absence de saisine préalable de l'ordre des architectes ;
En conséquence,
Débouter les requérants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de Mme [G] et de la MAF ;
A titre infiniment subsidiaire :
Rejeter les préjudices allégués au titre de la moins-value de la maison, du préjudice de jouissance, du préjudice moral et de réduire en de notables proportions le montant des autres préjudices réclamés par M. et Mme [R], et encore plus subsidiaire, de réduire en de notables proportions le montant de tous les préjudices réclamés par M. et Mme [R] ;
Juger que la société Ersom a une part de responsabilité prépondérante dans les désordres allégués ;
Condamner la SMABTP à garantir Mme [G] et la MAF de toute condamnation prononcée à leur encontre ;
Limiter la part de responsabilité de Mme [G] à un pourcentage qui n'excèdera pas 7 points, et encore plus subsidiaire à un pourcentage qui n'excèdera pas 15 points concernant les préjudices allégués concernant la maison et 7 points concernant les préjudices allégués concernant le mur ;
Juger que la MAF peut opposer aux tiers la limite de sa franchise contractuelle s'agissant de réclamation sur le fondement des garanties non obligatoires ;
Juger que la garantie de la MAF ne pourra être mobilisée que dans le cadre et les limites de la police souscrite par cette dernière ;
Juger que la franchise contractuelle, dont le montant sera calculé dans les conditions décrites au contrat, est opposable aux parties ;
En tout état de cause :
Condamner M. et Mme [R] et la SMABTP à payer à Mme [G] et à la MAF la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 mai 2023, la SMABTP demande à la cour de :
A titre principal
Confirmer le jugement rendu en ce qu'il :
- Met la SMABTP hors de cause,
A titre subsidiaire
D'infirmer le jugement rendu, en ce qu'il :
- Rejette les fins de non-recevoir soulevées par Mme [G], la MAF et la SMABTP ;
- Déclare la société Ersom et M. [G] responsables des désordres de l'immeuble de M. et Mme. [R] ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 127 186,53 euros TTC ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 45 897,45 euros au titre des frais d'investigation consécutifs aux désordres ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 56 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice de jouissance ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice moral ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF à verser à M. et Mme [R] à verser à M. et Mme [R] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne in solidum Mme [G] et la MAF aux dépens, comprenant ceux de l'instance en référé, le coût de l'expertise judiciaire et les frais d'administrateur judiciaire, qui pourront être directement recouvrés par la société Chevalier Marty Pruvost, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
- Rejette toute plus ample demande ;
Et statuant de nouveau,
A titre principal,
Juger irrecevable l'action en garantie décennale formée par M. et Mme [R] à l'égard de la SMABTP comme prescrite ;
En conséquence,
Débouter les requérants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SMABTP, Mme [G], et de la MAF ;
A titre subsidiaire,
Limiter la part de responsabilité de la société Ersom à un maximum de 85 %, ainsi que l'a proposé l'Expert ;
Rejeter les préjudices allégués au titre de la moins-value de la maison, du préjudice de jouissance, du préjudice moral et de Réduire en de notables proportions le montant des autres préjudices réclamés par M. et Mme [R], et encore plus subsidiaire, de Réduire en de notables proportions le montant de tous les préjudices réclamés par M. et Mme [R] ;
Juger que les garanties non obligatoires de la SMABTP ne sont pas mobilisables en l'espèce, la résiliation étant intervenue avant la première réclamation ;
Condamner Mme [G] et la MAF à relever et garantir la SMABTP de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle de Mme [G] ;
En tout état de cause :
Débouter les parties de l'ensemble de leurs demandes et appels en garantie formulées à l'encontre de la SMABTP ;
Condamner M. et Mme [R], Mme [G] et la MAF à payer à la SMABTP la somme de 4 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction pour ceux la concernant au profit de la société 2H Avocats prise en la personne de Me [F] et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 24 février 2023, M. et Mme [R] demandent à la cour de :
Déclarer M. et Mme [R] recevables et biens fondés en leurs demandes ;
Débouter de leurs appels Mme [G] et la MAF et de son appel incident la SMABTP ;
Confirmer le jugement entrepris ce qu'il a :
- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par Mme [G], la MAF et la SMABTP,
- déclaré la société Ersom et Mme [G] responsables des désordres de l'immeuble de M. et Mme [R],
- condamné in solidum Mme [G], la MAF au paiement de la somme de :
127 186,53 euros au titre de la moins-value du prix de vente de la maison,
Aux dépens de l'instance en référé, coût de l'expertise judiciaire et les frais d'administrateur judiciaire ;
Infirmer le jugement en qu'il a :
- mis la SMABTP hors de cause,
- condamné in solidum Mme [G], la MAF au paiement de la somme de :
45 897,45 euros au titre des frais d'investigation consécutifs aux désordres,
56 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice de jouissance,
1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice moral,
- débouté M. et Mme [R] de leur demande de dommages et intérêts au titre des travaux d'amélioration ;
Et statuant à nouveau,
Condamner in solidum Mme [G], la MAF et la SMABTP à payer à M. et Mme [R] les sommes suivantes :
- au titre des frais avancés : 46 767,85 euros,
- au titre des travaux d'amélioration : 1 805,41 euros,
- au titre de la moins-value du prix de vente de la maison : 127 186,53 euros,
- au titre du préjudice de jouissance : 80 000 euros,
- au titre du préjudice moral : 6 000 euros,
Soit la somme globale de 261 759,79 euros ;
Débouter Mme [G], la MAF et la SMABTP de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
Condamner in solidum Mme [G], la MAF et la SMABTP à payer à M. et Mme [R] la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner in solidum Mme [G], la MAF et la SMABTP aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais d'expertise et les frais de l'administrateur judiciaire.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 8 avril 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 14 mai 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion
Moyens des parties
Mme [G] et la MAF soutiennent que l'action en garantie décennale engagée par M. et Mme [R] est irrecevable comme étant prescrite.
Elles précisent que l'assignation au fond n'a été engagée que par acte du 18 août 2020 soit plus de dix ans après la dernière ordonnance rendue le 5 mai 2010.
La SMABTP fait valoir que par ordonnance du 5 décembre 2006, le juge des référés a fait droit à la demande d'expertise de M. et Mme [R] mais a mis hors de cause la SMABTP, à l'instar de l'ordonnance du 5 mai 2010.
Elle avance que le délai décennal n'a jamais été interrompu par M. et Mme [R] à l'égard de la SMABTP, celle-ci ayant été mise hors de cause par les ordonnances de référé des 5 décembre 2006 et 5 mai 2010.
En réponse, M. et Mme [R] soutiennent que plusieurs actes interruptifs de prescription ont été délivrés, s'agissant de la saisine du juge des référés aux fins de désignation d'un expert judiciaire par acte du 16 novembre 2016 et la saisine du juge des référés aux fins d'extension de la mission de l'expert et de demande d'expertise commune à l'encontre de la MAF par actes des 3, 5 et 8 mars 2010 et ordonnance du 5 mai 2010.
En outre, ils exposent que l'assignation au fond délivrée le 18 août 2020 bénéficie de la prorogation des délais en raison de la mise en place de l'état d'urgence sanitaire, les ordonnances n° 2020-306 du 25 mars 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-560 du 13 mai 2020 ayant prorogé de deux mois les délais qui ont expiré entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020.
Réponse de la cour
Aux termes des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l'article 1792-4-1 du code civil, toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article.
Selon l'article 2241 du même code, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Aux termes de l'article 2242 de ce code, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.
Aux termes de l'article 2243 de ce code, l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.
Il est établi que la désignation d'un expert n'a pu avoir d'effet interruptif de prescription à l'égard de l'assureur mis hors de cause par le juge des référés (1re Civ., 9 juillet 2003, pourvoi n° 01-02.581, Bulletin civil 2003, I, n° 165).
De même, il est établi que l'ordonnance de référé déclarant commune à d'autres constructeurs une mesure d'expertise précédemment ordonnée, n'a pas d'effet interruptif de prescription à l'égard de ceux qui n'étaient parties qu'à l'ordonnance initiale (3e Civ., 21 mai 2008, pourvoi n° 07-13.561, Bull. 2008, III, n° 91).
Au cas d'espèce, alors que la réception est intervenue le 5 mai 2000, les actes interruptifs de forclusion délivrés à la SMABTP sont non avenus dès lors que, par ordonnances des 5 décembre 2006 et 5 mai 2010, le juge des référés l'a mise hors de cause.
Par suite, l'action de M. et Mme [R] sera déclarée irrecevable à l'égard de la SMABTP.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
S'agissant de Mme [G], la forclusion a été interrompue à son égard par les assignations en référé-expertise et en extension de la mission de l'expert lui ayant été délivrées et cette interruption a produit ses effets jusqu'à chacune des deux ordonnances rendues ensuite de ces assignations, de sorte que, selon le droit commun, la forclusion est acquise au 5 mai 2020.
S'agissant de la MAF, la forclusion a été interrompue à son égard par l'assignation en extension de la mission de l'expert lui ayant été délivrée et cette interruption a produit ses effets jusqu'à l'ordonnance rendue le 5 mai 2010, de sorte que, selon le droit commun, la forclusion est acquise au 5 mai 2020.
Toutefois, il résulte des dispositions des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et l'adaptation des procédures pendant cette même période, applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus, que tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il résulte de l'application de ces dispositions que le délai de forclusion, expirant en l'espèce le 5 mai 2020 à l'égard de Mme [G] et de la MAF, a été prorogé jusqu'au 23 août 2020, de sorte que l'assignation à elles délivrée le 18 août 2020 l'a été dans le délai et que, partant, l'action de M. et Mme [R] à leur encontre est recevable.
Sur la clause relative à la saisine préalable du Conseil régional de l'ordre des architectes
Moyens des parties
Mme [G] et la MAF soutiennent que le contrat d'architecte conclu entre M. et Mme [R] et Mme [G] contient une clause 2.5.3 qui prévoit une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge.
Elles arguent, qu'en l'absence de respect de cette procédure, les demandes de M. et Mme [R] doivent être déclarées irrecevables.
En réponse, M. et Mme [R] font valoir que la MAF ne peut, en sa qualité de tiers au contrat, se prévaloir de cette clause contractuelle, seuls les professionnels au sens du code de la consommation pouvant saisir le Conseil de l'Ordre d'une demande de conciliation aux termes de l'article 68 du Règlement intérieur de l'Ordre des architectes.
En outre, ils précisent que leur demande est fondée sur l'article 1792 du code civil qui est d'ordre public de sorte qu'aucune clause ne peut y déroger.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Selon l'article 126 du même code, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.
Il est établi que la clause, qui stipule qu'"en cas de litige portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire", institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge. Le moyen tiré du défaut de mise en 'uvre de cette clause constitue une fin de non-recevoir et la situation donnant lieu à celle-ci n'est pas susceptible d'être régularisée par la mise en 'uvre de la clause en cours d'instance (Ch. mixte, 12 décembre 2014, pourvoi n° 13-19.684, Bull. 2014, Ch. mixte, n° 3 ; 3e Civ., 16 novembre 2017, pourvoi n° 16-24.642, Bull. 2017, III, n° 123).
Toutefois, il a aussi été jugé que la clause de conciliation préalable ne s'applique pas à l'action directe contre l'assureur de l'architecte et que, dès lors, viole l'article L. 124-3 du code des assurances, une cour d'appel qui, pour déclarer irrecevable l'action du maître d'ouvrage contre l'assureur de l'architecte, retient que ce maître d'ouvrage n'a pas procédé à la saisine préalable du conseil de l'ordre prévue au contrat d'architecte (3e Civ., 18 décembre 2013, pourvoi n° 12-18.439, Bull. 2013, III, n° 169).
De même, une telle clause ne s'applique pas lorsque la responsabilité de l'architecte est recherchée sur le fondement de l'article 1792 du code civil (3e Civ., 23 mai 2007, pourvoi n° 06-15.668, Bull. 2007, III, n° 80 ; 3e Civ., 23 mai 2019, pourvoi n° 18-15.286, publié au Bulletin).
Il s'en infère que la fin de non-recevoir soulevée par Mme [G], dont la responsabilité est recherchée sur le fondement de la garantie décennale, et la MAF ne peut qu'être écartée.
Par suite, l'action de M. et Mme [R] est recevable à l'égard de Mme [G] et de la MAF.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la responsabilité
Moyens des parties
Mme [G] et la MAF soutiennent, à titre liminaire, que l'expertise judiciaire est contestable dans la mesure où l'expert est intervenu au préalable en qualité de bureau d'étude géotechnique pour le compte de M. et Mme [R] en février 1998, avant l'ouverture des opérations d'expertise et après la survenance du sinistre, de sorte qu'il existe un conflit d'intérêts.
En outre, elles avancent que l'engagement de la responsabilité de l'architecte nécessite la démonstration d'une faute ayant causé un préjudice alors que l'architecte est tenu d'une obligation de résultat limitée à ses compétences et à son contrat.
Elles précisent que l'expert judiciaire ne retient la responsabilité de Mme [G] qu'à hauteur de 15 % alors qu'en sa qualité d'architecte, elle n'était pas compétente s'agissant de la réalisation de micropieux, de sorte qu'aucun manquement ne peut lui être reproché et qu'il n'existe pas de lien de causalité entre la mission de Mme [G] et les désordres affectant l'extension.
Enfin, elles exposent que les désordres affectant l'immeuble de M. et Mme [R] ont pour origine et pour cause les défauts de conception et de réalisation des travaux de reprise en sous-'uvre effectués par l'entreprise Ersom.
En réplique, M. et Mme [R] font valoir que l'expert judiciaire a retenu que Mme [G] avait failli à sa mission de conception et de suivi du chantier et que les désordres constatés présentent un caractère décennal au sens de l'article 1792 du code civil.
Sur la contestation des conclusions du rapport d'expertise, ils soutiennent que l'expert a réalisé un travail particulièrement minutieux et que les opérations d'expertise ne sont entachées d'aucune irrégularité.
En outre, ils avancent que Mme [G] ne justifie pas d'une cause exonératoire de responsabilité dès lors qu'elle ne démontre pas avoir alerté le maître d'ouvrage sur une difficulté ni avoir sollicité les compétences d'autres professionnels alors qu'il lui appartenait, dans le cadre d'une mission de maîtrise d''uvre complète, de s'assurer que la conception et la réalisation des travaux étaient conformes aux règles de l'art.
Ils précisent qu'en présence de désordres de nature décennale, Mme [G] a engagé sa responsabilité de plein droit, le lien d'imputabilité étant établi.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Il est établi qu'il incombe au maître ou à l'acquéreur de l'ouvrage de rapporter la preuve que les conditions d'application de l'article 1792 du code civil sont réunies (3e Civ., 2 mars 2022, pourvoi n° 21-10.753, publié au Bulletin).
A cet égard, il est jugé que les travaux de rénovation affectant la structure de l'immeuble sont, par leur importance, assimilables à un ouvrage (3e Civ., 2 octobre 2002, pourvoi n° 01-10.241) et qu'il en est, notamment, ainsi de travaux confortatifs de reprise en sous-'uvre (3e Civ., 13 décembre 2011, pourvoi n° 11-10.014).
Il en résulte, qu'au cas présent, les travaux de reprise en sous-'uvre de la maison sont bien constitutifs d'un ouvrage, au sens de l'article 1792 précité, et ceux-ci ont été réceptionnés.
A titre liminaire, si Mme [G] et la MAF contestent le rapport d'expertise en faisant état d'une situation de conflit d'intérêts de l'expert, l'avis de l'ensemble des parties a été sollicité par l'expert sur ce point sans qu'aucune opposition ni demande de récusation n'aient été formulées.
Par ailleurs, il convient de relever que les appelantes ne formulent aucune demande tendant à l'annulation du rapport d'expertise qui apparaît suffisamment détaillé et répond aux termes de la mission impartie à l'expert.
S'agissant des nombreuses fissures présentes dans les murs de la maison, particulièrement à l'intérieur et à l'extérieur de la partie extension, les parties ne remettent pas en cause leur matérialité telle que constatée par l'expert et rappelée par les premiers juges mais leur imputabilité à Mme [G].
A cet égard, l'expert a retenu que leur apparition s'expliquait par des défauts de conception et de réalisation des travaux de reprise en sous-'uvre réalisés par la société Ersom, la déstabilisation des micropieux et leur défaut de portance ayant entraîné des fissurations dans la substructure.
Il précise aussi que, s'agissant du bâtiment extension, les travaux de reprise en sous-'uvre n'ont pas été réalisés selon les règles de l'art.
Il a préconisé la démolition complète du bâtiment extension et sa reconstruction avec un système de reprise en sous-'uvre adapté à son environnement.
Il s'en infère que l'ouvrage en cause, c'est-à-dire la reprise en sous-'uvre, est impropre à sa destination confortative d'une maison d'habitation.
Par suite, les désordres en cause sont bien de nature décennale.
Par ailleurs, la garantie décennale repose sur une responsabilité de plein droit qui ne tombe que devant la preuve d'une cause étrangère, de sorte que sa mise en jeu n'exige pas la recherche de la cause des désordres (3e Civ., 1er décembre 1999, n° 98-13.252, Bull n° 230). Il suffit que les désordres soient imputables aux travaux réalisés par le locateur d'ouvrage (3e Civ., 20 mai 2015, pourvoi n° 14-13.271, Bull. 2015, III, n° 46).
Plus précisément, ayant relevé que des travaux de réparation entrepris par une société, non seulement n'avaient pas permis de remédier aux désordres initiaux, insusceptibles de constituer une cause étrangère exonératrice, mais les avaient aggravés et étaient à l'origine de l'apparition de nouveaux désordres, une cour d'appel en déduit à bon droit que la responsabilité de cette société est engagée pour l'ensemble des désordres de nature décennale (3e Civ., 4 mars 2021, pourvoi n° 19-25.702, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, il est constant que les travaux réalisés présentent de nombreuses malfaçons à l'origine des désordres constatés sur le bâtiment extension, de sorte que les constructeurs, qui sont dans un lien d'imputabilité avec ceux-ci, sont responsables de l'ensemble des désordres provoqués par cette instabilité.
S'agissant de Mme [G], celle-ci était, aux termes du contrat de maîtrise d''uvre du 25 mai 1999, chargée d'une mission d''uvre complète concernant toutes les phases des travaux, comprenant l'esquisse (relevé des existants), l'avant-projet sommaire, l'avant-projet détaillé, le dépôt de permis de construire ou autres autorisations administratives, le projet de conception générale, l'assistance à la passation des marchés de travaux, la direction d'exécution des travaux et comptabilité des travaux et l'assistance aux opérations de réception.
En outre, Mme [G] ne justifie pas d'une cause exonératoire de responsabilité alors qu'elle ne démontre pas avoir alerté le maître d'ouvrage sur une difficulté ni avoir sollicité les compétences d'autres professionnels alors qu'il lui appartenait, dans le cadre d'une mission de maîtrise d''uvre complète, de s'assurer que la conception et la réalisation des travaux étaient conformes aux règles de l'art.
Partant, les désordres en cause sont dans un lien d'imputabilité avec la mission de maîtrise d''uvre complète qui lui a été confiée.
Par suite, la responsabilité décennale de Mme [G] et de la société Ersom est engagée en l'espèce.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur les préjudices de M. et Mme [R]
Il est établi que tous les dommages, matériels et immatériels, consécutifs aux désordres de l'ouvrage, doivent être réparés par le constructeur tenu à garantie en application de l'article 1792 du code civil (3e Civ., 15 février 2024, pourvoi n° 22-23.179).
Sur les frais d'investigations
En cause d'appel, M. et Mme [R] produisent aux débats la facture du 5 février 2011 d'un montant de 870,40 euros au titre de l'intervention du géomètre ainsi que l'ensemble des factures et justificatifs produits devant le tribunal.
En l'absence de contestation des appelantes sur ce point et au vu de l'ensemble des justificatifs produits aux débats, il sera fait droit à la demande d'indemnisation de M. et Mme [R] à ce titre pour un montant de 46 767,85 euros (soit 45 897,45 euros, montant retenu par le tribunal +870,40 euros correspondant à la facture du géomètre).
Il y a lieu d'infirmer la décision entreprise sur le quantum de la condamnation prononcée à ce titre.
Sur les travaux d'amélioration
Moyens des parties
M et Mme [R] soutiennent que, compte tenu de la durée des opérations d'expertise, ils ont été contraints de procéder à de menus travaux d'amélioration pour rendre leur quotidien vivable en évitant notamment les chutes de matières liées aux fissures et tout risque de blessure.
En réplique, Mme [G] et la MAF sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté leur demande à ce titre.
Réponse de la cour
Alors que l'expert a estimé que la reprise des désordres impliquait la démolition et la reconstruction de l'ouvrage et en l'absence de nouvel élément produit en cause d'appel, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu que M. et Mme [R] ne démontrent pas que les travaux d'amélioration réalisés sont nécessaires pour remédier aux fissures.
Ainsi, il y a lieu de rejeter la demande de M. et Mme [R] à ce titre, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Sur la moins-value de la vente de la maison
Moyens des parties
M. et Mme [R] exposent avoir vendu leur maison pour un prix de 1 100 000 euros après l'expertise judiciaire sans avoir réalisé les travaux alors qu'elle était estimée à environ 1 091 000 euros en septembre 2012 en prenant en compte un état de dégradation avancé.
Ils soutiennent que la vente de leur terrain avec maison dont les travaux auraient été réalisés leur aurait nécessairement permis d'obtenir un meilleur prix.
Ils font valoir que compte tenu du montant des travaux à réaliser s'élevant à 254 373,06 euros, ils ont subi une perte de chance de pouvoir vendre leur maison à un prix supérieur et sollicitent l'indemnisation de leur perte de chance à ce titre à hauteur de 127 186,53 euros.
En réplique, Mme [G] et la MAF soutiennent que M. et Mme [R] ont souhaité vendre leur immeuble avant la réalisation des travaux de sorte qu'ils ont contribué à leurs préjudices.
Elles avancent qu'aucune nouvelle estimation n'a été réalisée et qu'il n'est pas justifié d'une moins-value.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1231-2 du code civil, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.
La reconnaissance d'une perte de chance permet de réparer une part de l'entier dommage, déterminée à hauteur de la chance perdue, lorsque ce dommage n'est pas juridiquement réparable. Le préjudice ainsi réparé, bien que distinct de l'entier dommage en demeure dépendant (Ass. plén., 27 juin 2025, pourvoi n° 22-21.812, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, il est constant que M. et Mme [R] ont vendu leur immeuble à la société [Localité 10] 1 par acte du 1er mars 2019 pour un prix de 1 100 000 euros.
Il ressort de l'attestation immobilière de la société arthurimmo.com datée du 5 septembre 2012, soit près 7 ans avant la vente, que l'immeuble de M. et Mme [R] était évalué à 1 091 000 euros sans prendre en compte les fissures, en se fondant sur le prix au m² moyen et sur la surface locative moyenne.
En outre, l'expert judiciaire a pu indiquer que l'immeuble de M. et Mme [R] prendrait de la valeur une fois les travaux de reprise du bâtiment extension seront réalisés, évalué le préjudice lié à la perte de valeur locative à hauteur de 1 000 euros par mois et fixé le coût des travaux de reprise à la somme de 254 373,06 euros.
De plus, la cour relève, à l'instar du tribunal, qu'il n'est pas contesté qu'un immeuble de taille comparable à celui de M. et Mme [R] dans la commune de Nogent-sur-Marne, située en proche banlieue parisienne, aurait nécessairement pris de la valeur entre 2012 et 2019 en l'absence de fissures et de la nécessité de procéder à des travaux de démolition et de reconstruction.
Ainsi, alors que d'une part, le coût des travaux de reprise pesant sur l'acquéreur a nécessairement provoqué une diminution du prix de vente et, d'autre part, que l'emplacement et les autres caractéristiques du bien ont pu aussi jouer un rôle dans la baisse du prix de vente, c'est à juste titre que le tribunal a évalué le montant de la perte de chance subie par M. et Mme [R] à la somme de 127 186,53 euros TTC correspondant à 50 % du coût des travaux de reprise.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur le préjudice de jouissance
Moyens des parties
Mme [G] et la MAF soutiennent que la maison a pu être utilisée et que M. et Mme [R] ont pu y vivre normalement, la chambre inutilisable étant utilisée comme un bureau.
Elles précisent que le montant de 700 euros par mois apparaît surévalué au regard du montant de l'évaluation de la valeur locative de l'immeuble à 2 500 euros par mois en 2012 et à la surface impactée.
En réponse, M. et Mme [R] font valoir qu'ils ont subi un préjudice de jouissance depuis février 2009, la chambre de leur fille et la salle de bains attenante étant inutilisable.
Ils avancent que, compte tenu de la surface qu'ils n'ont pas pu utiliser dans la maison ainsi que de l'extérieur en raison de la présence d'étais dans le jardin, ils ont subi une perte de jouissance estimée à 1 000 euros par mois par l'agence immobilière sur une valeur locative de 2 500 euros.
Ils précisent que l'expert a validé ce préjudice à hauteur de 80 euros par mois soit la somme globale de 80 000 euros.
Réponse de la cour
Alors que l'inhabitabilité de la maison ne concerne que deux pièces sur les sept que comporte l'immeuble, s'agissant de la chambre de la fille de M. et Mme [R] utilisée comme bureau depuis son départ et de la salle de bains attenante et que le préjudice résultant de la présence des étais dans le jardin n'est pas évoqué par l'expert ni la durée de cet étayage, c'est à juste titre que le tribunal a fixé le préjudice de jouissance subi par M. et Mme [R] à la somme de 56 000 euros (soit 700 euros de valeur locative x 80 mois).
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur le préjudice moral
Moyens des parties
M. et Mme [R] font valoir qu'ils ont subi des perturbations importantes au sein de leur domicile pendant de nombreuses années.
Ils précisent avoir subi deux sinistres et avoir été contraints d'effectuer de nombreuses démarches.
En réplique, Mme [G] et la MAF soutiennent qu'ils ne versent aucun élément ni certificat médical au soutien de leur demande d'indemnisation.
Réponse de la cour
Alors qu'il résulte des développements précédents que M. et Mme [R] ont subi un préjudice moral incontestable au vu de l'importance des désordres constatés et qu'ils ont été contraints de vivre dans une maison affectée de désordres et d'entamer de nombreuses démarches pour obtenir réparation de leur préjudice, il y a lieu d'indemniser leur préjudice moral subi à ce titre à la somme de 5 000 euros.
Il y a lieu d'infirmer la décision déférée de ce chef.
Sur la garantie des assureurs
Sur la garantie de la MAF
Moyens des parties
Mme [G] la MAF soutiennent que cette dernière peut opposer aux tiers la limite de sa franchise contractuelle s'agissant de réclamation sur le fondement des garanties non obligatoires de sorte que sa garantie ne peut être mobilisée que dans le cadre et les limites de la police souscrite en application des dispositions de l'article L.112-6 du code des assurances.
En réplique, M. et Mme [R] font valoir que la MAF ne produit pas son contrat d'assurance signé et que s'agissant d'une demande formulée sur la garantie obligatoire, la franchise est inopposable aux tiers.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article L. 112-6 du code des assurances, l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire.
Selon l'article L. 124-3 du même code, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.
Il résulte des pièces produites aux débats que dans le cadre du chantier litigieux, Mme [G] a souscrit un contrat de responsabilité civile décennale auprès de la MAF.
En l'absence de production du contrat d'assurance, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la MAF devait sa garantie à Mme [G] et aux tiers sans que les limites contractuelles, plafonds et franchises, dont elles ne justifiaient pas, ne soient applicables.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur la garantie de la SMABTP
Moyens des parties
Mme [G] et la MAF soutiennent que la SMABTP était l'assureur de la société Ersom au jour de l'ouverture du chantier et qu'elle ne peut être mise hors de cause, l'attestation d'assurance étant applicable pour tous les chantiers ouverts entre le 1er octobre 1996 et le 30 septembre 1999.
Elles précisent que deux attestations d'assurance ont été délivrées par la SMABTP après l'ouverture du chantier le 18 juin 1999 et le 6 juillet 1999, applicables pour les chantiers ouverts entre le 1er octobre 1996 et le 30 septembre 1999.
En outre, elles sollicitent, dans le partage des responsabilités, la limitation de la responsabilité de Mme [G] à hauteur de 7 %.
En réplique, la SMABTP fait valoir que la société Ersom n'ayant pas réglé les primes d'assurance, les garanties souscrites ont été suspendues du 19 avril au 15 juin 1999 puis qu'elle a procédé à la résiliation de la police à effet du 30 juin 1999.
Elle précise qu'alors que M. et Mme [S] ont confié à la société Ersom la réalisation des travaux litigieux selon marché du 18 mai 1999, ces travaux ne sont pas garantis par la SMABTP, ses garanties étant déjà suspendues à la date d'ouverture du chantier.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1383, devenu 1241, du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement pas son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
L'assureur engage sa responsabilité délictuelle à l'égard des tiers auxquels l'attestation d'assurance a faussement fait croire que leur cocontractant était assuré, alors que, selon les stipulations de la police, il ne l'était pas (3e Civ, 1er octobre 2020, pourvoi n° 19-18.165, publié).
Au cas d'espèce, il n'est pas contesté que la garantie de la SMABTP a été suspendue au jour de l'ouverture du contrat, soit le 25 mai 1999 et que le contrat d'assurance a ensuite été résilié le 30 juin 1999 en raison du défaut de règlement des primes d'assurance.
Toutefois, il ressort des pièces produites aux débats que le contrat d'assurance a été suspendu le 19 mai 1999 avant d'être résilié le 30 juin 1999 après l'envoi de deux courriers recommandés avec accusé de réception à la société Ersom.
Ainsi, il s'en infère que la SMABTP a établi deux attestations d'assurance au profit de la société Ersom le 15 juin 1999, date à laquelle la garantie était suspendue et le 6 juillet 1999, date à laquelle le contrat était déjà résilié, sans mentionner ni la suspension ni la résiliation de sa garantie, de sorte que ces attestations étaient de nature à induire en erreur les tiers au contrat sur l'existence d'une garantie obligatoire au profit de la société Ersom.
Dès lors, en l'absence de toute limite figurant sur ces attestations, il y a lieu de qualifier la délivrance de ces attestations comme fautives et de retenir que la SMABTP a engagé sa responsabilité délictuelle.
La décision entreprise sera donc infirmée de ce chef.
Par ailleurs, l'expert judiciaire a relevé que les attendus de la maîtrise d''uvre confiée à Mme [G] n'ont pas été correctement réalisés dans le cadre du chantier, précisant que la réalisation enclavée du bâtiment extension dans l'angle sud-est de la propriété, se trouve à l'aplomb d'une ancienne cave voutée avec des anciennes infrastructures qui ont été mal reconnues à l'origine de la mise au point du projet, engageant la responsabilité de Mme [G] à hauteur de 15 %, celle de la société Ersom étant engagée à hauteur de 85 %.
Ainsi, alors que le maître d''uvre devait s'assurer du contrôle du chantier et notamment s'assurer de la conformité avec les pièces du marché, s'agissant notamment du positionnement des micropieux et de leur raccordement, ces manquements étant à l'origine des désordres constatés, il y a lieu de fixer la responsabilité de Mme [G] dans la survenance du dommage à hauteur de 15 %.
En conséquence, la SMABTP sera condamnée à garantir Mme [G] et la MAF de l'ensemble des condamnations mises à leur charge à hauteur de 85 %.
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, Mme [G] et la MAF, parties succombantes, seront condamnées in solidum aux dépens et à payer à M. et Mme [R] la somme globale de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il :
rejette la fin de non-recevoir soulevée par la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics,
met la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics hors de cause,
condamne in solidum Mme [G] et la Mutuelle des architectes français à verser à M. et Mme [R] la somme de 45 897,45 euros au titre des frais d'investigations consécutifs aux désordres,
condamne in solidum Mme [G] et la Mutuelle des architectes français à verser à M. et Mme [R] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice moral,
L'infirme sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevables comme étant forcloses les demandes formées par M. et Mme [R] à l'encontre de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics ;
Condamne in solidum Mme [G] et la Mutuelle des architectes français à payer à M. et Mme [R] la somme globale de 46 767,85 euros au titre des frais d'investigations ;
Condamne in solidum Mme [G] et la Mutuelle des architectes français à payer à M. et Mme [R] la somme globale de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
Condamne la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics à garantir Mme [G] et la Mutuelle des architectes français à hauteur de 85 % des condamnations prononcées à leur encontre ;
Condamne in solidum Mme [G] et la Mutuelle des architectes français aux dépens d'appel ;
Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum Mme [G] et la Mutuelle des architectes français à payer à M. et Mme [R] la somme globale de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles ; rejette les autres demandes.
La greffière, Le président de chambre,