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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 17 septembre 2025, n° 23/02584

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 23/02584

17 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 17 SEPTEMBRE 2025

N° 2025/ 242

N° RG 23/02584

N° Portalis DBVB-V-B7H-BKZ5H

Syndicat de copropriétaire de la copropriété [X]

C/

Société L'AUXILIAIRE

S.A.R.L. LEO

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Alexandra [Localité 4]

Me Romain CHERFILS

Me Aurelie BERENGER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de proximité d'AIX-EN-PROVENCE en date du 25 Novembre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-19-000415.

APPELANTE

Syndicat de copropriétaire de la copropriété LONGAREL sis à [Localité 6]

pris en son syndic FONCIA dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par Me Alexandra BEAUX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Laura PETITET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉES

Société L'AUXILIAIRE

ayant son siège social [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Romain CHERFILS, membre de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Christian SALOMEZ, membre de la SARL RAYNE SALOMEZ GOMEZ CANEL & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

S.A.R.L. LEO

Ayant son siège social [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès-qualité audit siège

représentée par Me Aurelie BERENGER, membre de la SCP CABINET BERENGER, BLANC, BURTEZ-DOUCEDE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère faisant fonction de présidente

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Madame Florence PERRAUT, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Septembre 2025, signé par Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère faisant fonction de présidente et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société VITALI REBOA HOLDING, dite VRH, a entrepris en 2010 la construction d'un lotissement comportant quatre maisons individuelles sur une parcelle de terrain située [Adresse 5] à [Localité 6] (Bouches-du-Rhône), qu'elle a ensuite commercialisées dans le cadre de ventes en l'état futur d'achèvement sous le statut de la copropriété.

Les travaux de voirie et réseaux divers ont été confiés à la société MONNOT ENVIRONNEMENT, assurée auprès de la compagnie L'AUXILIAIRE.

La commune de [Localité 6] ayant refusé de délivrer le certificat de conformité en raison de l'absence de dispositif d'évacuation des eaux pluviales, le promoteur a commandé à la société MONNOT ENVIRONNEMENT la réalisation d'un bassin de rétention le long d'un mur de soutènement formant limite avec la propriété des époux [Z] située en aval, sur la base d'une étude hydraulique réalisée par la société SETHI ENVIRONNEMENT.

Se plaignant de désordres liés à cet ouvrage, les époux [Z] ont obtenu en référé la désignation d'un expert en la personne de M. [H] [K], lequel a rendu son rapport le 8 octobre 2018, concluant à un défaut d'étanchéité du bassin de rétention ayant occasionné des dommages tant à la propriété des requérants qu'à la voirie du lotissement.

Aux termes d'un jugement rendu le 25 novembre 2022, auquel il est ici renvoyé pour l'exposé complet de la procédure, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a entre autres dispositions :

- condamné le syndicat des copropriétaires à réaliser les travaux préconisés par l'expert afin de mettre fin aux désordres, ainsi qu'à verser aux époux [Z] diverses indemnités en réparation de leurs préjudices matériels et immatériels,

- condamné la société LEO, venant aux droits de la société VRH, à relever et garantir le syndicat à concurrence de 15 % du total des sommes mises à sa charge, dont 20.921 € HT au titre des travaux susdits,

- condamné la compagnie L'AUXILIAIRE, en sa qualité d'assureur de la société MONNOT ENVIRONNEMENT, placée en liquidation judiciaire, à relever et garantir le syndicat à concurrence de 85 % du total des sommes mises à sa charge, sous réserve de l'application de la franchise contractuelle s'appliquant aux dommages immatériels, dont 118.552,70 € HT au titre de ces mêmes travaux.

Le syndicat des copropriétaires LONGAREL, agissant par son syndic en exercice la société FONCIA FORBIN, a interjeté appel limité de cette décision le 15 février 2023, intimant uniquement la société LEO et la compagnie L'AUXILIAIRE.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 5 novembre 2024, il fait valoir que le coût actuel des travaux dépasse celui qui avait été évalué par l'expert, ainsi qu'il résulte des devis qu'il produit aux débats, de sorte que les montants retenus par le tribunal ne correspondent plus au principe de réparation intégrale du préjudice.

Il ajoute que les condamnations ont été prononcées hors taxes, alors qu'il ne peut bénéficier de la récupération de la TVA à la différence des sociétés commerciales.

Il demande principalement à la cour, infirmant de ce chef le jugement entrepris, de fixer le coût total des travaux à la somme de 182.388,80 € TTC, et de condamner en conséquence la société LEO et la compagnie L'AUXILIAIRE à le relever et garantir respectivement à concurrence de 27.358,32 € pour la première nommée et 155.030,48 € pour la seconde, lesdites sommes étant en outre indexées sur l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction jusqu'à l'exécution effective des réparations.

Subsidiairement, pour le cas où le montant des travaux ne serait pas réévalué, il demande que les condamnations prononcées en première instance soient majorées du taux de la TVA, soit 25.105,20 € à la charge de la société LEO et 142.263,24 € à la charge de la société L'AUXILIAIRE, et que lesdites sommes soient indexées sur l'évolution du même indice à compter de la date du rapport d'expertise.

Il conclut à la confirmation du jugement pour le surplus de ses dispositions, et réclame accessoirement paiement de 2.000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel, outre ses dépens.

Par conclusions notifiées le 2 novembre 2023, la société LEO forme appel incident du chef de jugement lui ayant attribué une part de responsabilité dans les désordres, faisant valoir que ceux-ci procèdent uniquement d'un défaut de conception et de réalisation du bassin de rétention imputable la société MONNOT ENVIRONNEMENT. Elle ajoute qu'elle n'était pas tenue de s'adjoindre un maître d'oeuvre puisque l'entrepreneur disposait d'une étude réalisée par la société SETHI ENVIRONNEMENT.

Elle demande à la cour d'infirmer en ce sens le jugement déféré et, statuant à nouveau, de rejeter l'ensemble des prétentions formulées à son encontre et de condamner toute partie perdante à lui verser la somme de 3.000 € au titre de ses frais irrépétibles, outre ses dépens.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 29 janvier 2024, la compagnie d'assurances L'AUXILIAIRE poursuit principalement la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, faisant valoir à cet effet :

- que les devis produits aux débats ne sont pas probants,

- qu'il appartenait au syndicat des copropriétaires de formuler une demande d'indexation devant le premier juge,

- que le syndicat ne justifie pas de son non-assujettissement à la TVA,

- et que la société VRH, aux droits de laquelle a succédé la société LEO, a commis une immixtion fautive dans l'acte de construire, exonérant partiellement la responsabilité de son assuré.

Subsidiairement, elle demande à la cour de condamner la société LEO à la relever et garantir à concurrence de 15 % du montant des sommes mises à sa charge.

En tout état de cause, elle réclame contre toute partie perdante une somme de 3.000 € au titre de ses frais irrépétibles, outre ses dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 juin 2025.

DISCUSSION

Sur l'appel principal du syndicat des copropriétaires :

En vertu de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Toutefois, les prétentions par lesquelles les parties élèvent le montant de leurs réclamations initiales ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent pareillement à l'indemnisation du préjudice subi.

En outre, l'article 566 du même code permet aux parties d'ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, c'est à bon droit que la compagnie L'AUXILIAIRE fait valoir que les nouveaux devis produits aux débats, recueillis à la demande unilatérale du syndicat des copropriétaires, ne peuvent prévaloir sur l'estimation du coût des travaux retenue par l'expert judiciaire à l'issue d'investigations contradictoires.

En revanche, en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, l'appelant est bien fondé à réclamer que la somme retenue par M. [H] [K] soit indexée sur l'évolution du coût de la construction à compter de la date du rapport d'expertise, et ce jusqu'à celle de son règlement effectif (et non de la date d'exécution des travaux).

Il convient de retenir l'indice trimestriel du coût de la construction (ICC) publié par l'INSEE, l'indice de départ étant celui publié pour le quatrième trimestre 2018 (1703).

Enfin, il résulte de la réponse ministérielle publiée au Journal Officiel des débats parlementaires du 26 août 2008, versée au dossier, que les syndicats de copropriétaires, qui ne réalisent aucune opération imposable à la taxe sur la valeur ajoutée, ne peuvent récupérer celle-ci à l'occasion des dépenses qu'ils engagent dans des travaux, de sorte que les indemnités dues seront majorées du taux de TVA applicable à l'opération considérée.

A cette fin, le syndicat des copropriétaires devra justifier auprès des débiteurs de l'indemnité de l'application soit du taux normal prévu à l'article 278 du code général des impôts, soit du taux réduit prévu à l'article 279-0 bis du même code.

Sur l'appel incident de la société LEO :

Suivant l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent sa solidité ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Toutefois, une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

L'article 1792-1 répute notamment constructeur :

- tout entrepreneur lié au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage,

- toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire.

Le défaut de conception ou d'exécution imputable à l'entrepreneur chargé d'un marché de travaux n'exonère pas le promoteur de sa propre responsabilité lorsque celui-ci décide, comme en l'espèce, d'assumer le rôle de maître d'oeuvre.

En outre, l'expert indique en page 37 son rapport que l'étude réalisée par la société SETHI ENVIRONNEMENT consistait en une simple note de dimensionnement de l'ouvrage hydraulique, mais ne valait pas documents d'exécution.

C'est donc à bon droit que le tribunal a imputé à la société LEO, venant aux droits de la société VRH, une part de responsabilité à concurrence de 15 % du montant de l'ensemble des préjudices occasionnés par la défectuosité de l'ouvrage, étant relevé que la cour, comme le premier juge, n'est pas saisie d'une demande de condamnation in solidum des constructeurs.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions contestées,

Y ajoutant,

Dit que les indemnités dues par la société LEO d'une part, et par la compagnie L'AUXILIAIRE d'autre part, au titre des travaux de reprise mis à la charge du syndicat des copropriétaires, seront indexées sur l'évolution de l'indice trimestriel du coût de la construction publié par l'INSEE à compter de la date du rapport d'expertise jusqu'à celle de leur règlement effectif (l'indice de départ étant celui publié pour le quatrième trimestre 2018) et majorées du taux de TVA applicable à l'opération considérée,

Condamne in solidum la société LEO et la compagnie L'AUXILIAIRE aux dépens de l'instance d'appel, ainsi qu'à payer au syndicat des copropriétaires une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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