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Décisions

CA Rennes, 7e ch prud'homale, 18 septembre 2025, n° 22/07467

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 22/07467

18 septembre 2025

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°310/2025

N° RG 22/07467 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TMBN

Mme [E] [C]

C/

S.A.S. TIKERNERH S.A.S.

RG CPH : 21/00195

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de QUIMPER

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Juin 2025 devant Monsieur Bruno GUINET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [X], médiateur judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Septembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [E] [C]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Sandrine DANIEL de la SELARL LCE AVOCATS NOTAIRES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉE :

TIKERNERH S.A.S. Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean Francois DRILLEAU de la SELAS FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE/Postulant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS TikernéRH a pour domaine d'activité le travail temporaire, elle compte moins de 10 salariés et applique les dispositions de la convention collective nationale des entreprises de travail temporaire.

A compter du mois de janvier 2019, des discussions ont eu lieu entre Mme [C] et la société TikernéRH, sur un projet de collaboration.

Le 1 er mars 2019, Mme [C] a créé la SASU ER Conseils.

Selon un pacte d'associés suivi d'un acte de décisions unanimes des associés en date du 27 juin 2019, la SAS ER Conseils est devenue associée minoritaire de la société TikernéRH par l'acquisition de 24% de ses parts sociales et Mme [C] a été nommée directrice générale de la SAS TikernéRH.

Le 23 septembre 2021, l'assemblée générale de la société TikernéRH a voté à l'unanimité la révocation du mandat de directrice générale de Mme [C].

Par courrier recommandé du même jour, la société TikernéRH a notifié à la société ER Conseils, représentée par Mme [C], la résiliation du contrat de prestation de services conclu le 1 er septembre 2019 modifié par avenant en date du 23 décembre 2019.

Par courrier du 30 septembre 2021, Mme [C] a, par l'intermédiaire de son conseil, affirmé qu'elle était salariée de la société avant de devenir directrice générale et que son contrat de travail avait donc été suspendu durant la durée du mandat mais qu'il avait automatiquement repris effet à l'expiration du mandat.

En réponse du 8 octobre 2021, la SAS TikernéRH a contesté l'existence d'un contrat de travail antérieur au mandat.

Par courrier recommandé en date du 29 octobre 2021, Mme [C] a notifié à la société TikernéRH une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail selon les termes suivants :

« Monsieur, j'ai été engagée par votre entreprise le 1 er janvier 2019. J'ai travaillé sans être rémunérée car vous avez considéré que les allocations Pôle Emploi que j'étais en mesure de percevoir vous dispenseraient de me verser un salaire.

Vous m'avez ensuite proposé d'occuper un mandat social de Directrice générale, ce que j'ai accepté à compter du 27 juin 2019.

En acceptant ce mandat social, il était évident que je ne pouvais le cumuler avec un contrat de travail. Celui-ci a donc été suspendu le temps du mandat.

Vous avez brutalement révoqué mon mandat social le 24 septembre 2021.

Le contrat de travail dont j'étais titulaire a donc repris effet le lendemain, soit le 25 septembre 2021.

Or, manifestement vous n'entendez pas tenir compte de l'existence d'un contrat de travail, et l'avez d'ailleurs confirmé à mon conseil. Je n'ai d'autre choix que de prendre acte, à vos torts, de la rupture de mon contrat de travail'»

***

Sollicitant la requalification de la rupture de son contrat de travail, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Quimper par requête en date du 10 novembre 2021 afin de voir :

- Requalifier la prise d'acte de la rupture en licenciement

- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 14 400 euros

- Indemnité de licenciement légale : 2 913 euros

- Indemnité compensatrice de préavis : 12 345 euros

- Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 1 234,50 euros

- Dommages et intérêts pour travail dissimulé (article L. 8223-1 du code du travail) : 24 690 euros

- Salaires de janvier à juin 2019 : 23 400 euros

- Congés payés sur les salaires de janvier à juin 2019 : 2 340 euros

- Article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros

- Remise des bulletins de paie de janvier à juin 2019, sous astreinte journalière de 50 euros

- Remise du certificat de travail, sous astreinte journalière de 50 euros

- Remise de l'attestation Pôle Emploi, sous astreinte journalière de 50 euros.

La SAS TikernéRH a demandé au conseil de prud'hommes de :

A titre principal,

- Débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- La condamner au paiement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

A titre subsidiaire,

En tout état de cause

- Débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes en indemnité de licenciement et indemnité pour travail dissimulé,

- Réduire les montants au titre du rappel de salaire, préavis et dommages et intérêts,

- Déduire du montant du rappel de salaire les sommes réglées à la société de Mme [C],

- Si le conseil ordonne la communication de documents sociaux, lui laisser un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir.

Par jugement en date du 1 er décembre 2022, le conseil de prud'hommes de Quimper a :

- Débouté Mme [C] de sa demande de constatation de l'existence d'un contrat de travail,

- Débouté Mme [C] de ses demandes de rappels de salaires, de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- Dit et jugé que Mme [C] ne peut se prévaloir d'une prise d'acte, n'ayant jamais été salariée de la SAS TikernéRH,

- Débouté Mme [C] de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Débouté Mme [C] de ses demandes de production de bulletins de salaires sous astreinte,

- Débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Pour statuer ainsi les premiers juges ont considéré que :

' Mme [C] ne prouve pas avoir débuté de relation contractuelle avec la SAS TikernéRH avant la date du 29 janvier 2019; le conseil constate le bien-fondé de la réalisation d'un travail par Mme [C] pour le compte de la société ER Conseils, laquelle a facturé tous ses travaux réalisés au profit de la SAS TikernéRH dès le début de sa mission ; au vu des pièces présentées le lien de subordination n'est pas établi entre la société TikernéRH et Mme [C] ; il existait une facturation par la SAS ER Conseils mais Mme [C] ne justifie par aucune pièce le versement d'une rémunération ;

' Mme [C] n'ayant jamais été titulaire d'un contrat de travail conclu avec la SAS TikernéRH, elle sera déboutée de ses demandes.

***

Mme [C] a interjeté appel de la décision précitée par déclaration au greffe en date du 23 décembre 2022.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 24 octobre 2023, Mme [C] demande à la cour d'appel de :

- Infirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle a débouté Mme [C] de sa demande de constatation de l'existence d'un contrat de travail, - Condamner la SAS TikernéRH à verser à Mme [C] un rappel de salaire de 23.400 euros, outre 2.340 euros à titre de congés payés, pour la période de janvier à juin 2019,

- Condamner la SAS TikernéRH à verser à Mme [C] un rappel de salaire de 4.800,83 euros, outre 480,08 euros à titre de congés payés, pour la période du 24 septembre 2021 au 29 octobre 2021,

- Condamner la SAS TikernéRH à verser à Mme [C] la somme de 24.690 euros en application de l'article L8223-1 du code du travail,

- Infirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle a jugé que Mme [C] ne peut se prévaloir d'une prise d'acte s'analysant comme un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et par conséquent condamner la SAS TikernéRH à verser à Mme [C] les sommes suivantes :

- 3 086,25 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 12 345 euros au titre du préavis, outre 1 234,50euros au titre des congés payés,

- 14 400 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Condamner la SAS TikernéRH à délivrer à Mme [C] des bulletins de salaire pour les mois de janvier à juin 2019 et des mois de septembre 2021 à janvier 2022, ainsi que les documents sociaux de fin de contrat, sous astreinte journalière de 50 euros.

- Condamner la SAS TikernéRH à payer à Mme [C] la somme de 2 500 euros bruts sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 4 décembre 2023, la SAS TikernéRH demande à la cour d'appel de :

A titre principal :

- Confirmer la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Quimper le 1 er décembre 2022.

- Juger qu'il n'y a pas de relation de travail entre Mme [C] et la SAS TikernéRH.

- Débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes.

- Condamner Mme [C] à verser à la société la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire :

- Si la cour retient l'existence d'un contrat de travail, juger que la rupture s'analyse en une démission.

- En tout état de cause, débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour travail dissimulé. - Réduire les montants au titre du rappel de salaire en prenant comme référence le SMIC applicable.

- Déduire du montant du rappel de salaire les sommes réglées à la Société de Mme [C] entre mars et juin 2019 pour un montant de 3 150 euros et celles réglées en septembre 2021 pour 3 600 euros.

A titre infiniment subsidiaire :

- Si la cour juge que la rupture constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse, réduire le montant du préavis et des dommages et intérêts en prenant comme référence le SMIC applicable.

- Si la cour ordonne la communication de documents sociaux, laisser à la société un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 27 mai 2025 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 10 juin 2025.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur l'existence d'un contrat de travail

Pour infirmation du jugement l'ayant déboutée de l'intégralité de ses demandes, Mme [C] soutient que dès le mois de janvier 2019 elle n'était pas une simple prestataire, qu'aucun contrat de prestation de service n'était d'ailleurs envisagé, que dès le début de la relation de travail il lui était demandé de se présenter en qualité de Dirigeante associée, et qu'elle disposait d'un véhicule de fonction, de cartes de visite avec le logo de l'entreprise et

d'une adresse mail dédiée.

L'appelante fait valoir en substance qu'elle était en réalité salariée de la société TikernéRH avant de devenir directrice générale de sorte que son contrat de travail était suspendu durant la durée du mandat mais qu'il reprenait automatiquement effet à l'expiration de son mandat social. Elle expose en ce sens que :

- M. [H], président de la société TikernéRH, lui a demandé de créer une société dont l'objet réel était de lui permettre de travailler dans un cadre d'apparence légale à titre exclusif pour la société TikernéRH en contrepartie d'une rémunération modique ;

- Elle consacrait toute son activité à son unique client, la comptabilité de la société ER Conseils ne fait apparaître aucun autre client que la SAS TikernéRH ;

- M. [H] lui donnait des ordres et directives et décidait, seul, du montant de la rémunération (500 euros par mois) et du processus (une facture par trimestre).

Pour confirmation du jugement, la société TikernéRH expose que Mme [C] se présentant comme dirigeante associée doit conduire la cour à reconnaitre qu'elle était dirigeante de fait, notion exclusive de tout contrat de travail.

La société soutient qu'il n'y a jamais eu l'intention de conclure un contrat de travail avec Mme [C], ni de détourner les dispositions légales en la matière de sorte que l'intéressée a exercé cette activité en toute indépendance en dehors de tout lien de subordination.

La SAS TikernéRH conclut qu'il n'y avait ni instruction, ni contrôle, ni sanction.

Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.

L'existence de relations de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des circonstances de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle.

Le contrat de travail peut se définir comme étant une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre et sous sa subordination, moyennant une rémunération. Trois éléments indissociables le caractérisent : l'exercice d'une activité professionnelle, la rémunération et le lien de subordination.

Le lien de subordination est l'élément déterminant du contrat de travail, puisqu'il s'agit là du seul critère permettant de le différencier d'autres contrats comportant l'exécution d'une prestation rémunérée. Il est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

S'il appartient en principe à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence et le contenu, la charge de la preuve est inversée en présence d'un contrat de travail apparent.

En outre, en vertu de l'article L. 8221-6 3º du code du travail, il existe une présomption légale de non-salariat à l'égard des dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés.

Il est constant que lorsqu'un salarié est nommé mandataire social, son contrat de travail est suspendu pendant l'exécution du mandat social (Soc., 25 octobre 2006, n°04-47.093).

A titre liminaire, il y a lieu de préciser que dans le cadre du présent litige l'opposant à la société TikernéRH, Mme [C] ne formule aucune prétention salariale relative à la période de juillet 2019 à août 2021 et ne développe aucun moyen tendant à la reconnaissance d'un cumul d'un contrat de travail et d'un mandat social durant cette période.

Il en ressort que seules les périodes de janvier à juin 2019 et du 24 septembre (lendemain de la révocation du mandat) au 29 octobre 2021 (date de la lettre de prise d'acte de la rupture) feront l'objet d'un examen dès lors que ces périodes, expressément mentionnées au dispositif des conclusions qui seul saisit la cour de céans, font l'objet de débats concernant la qualité de Mme [C] au sein de la SAS TikernéRH.

Il ne fait pas débat qu'aucun contrat de travail n'a été régularisé entre les parties et que Mme [C] dirige la société ER Conseils, immatriculée au RCS de [Localité 6] depuis le 1 er mars 2019, société par actions simplifiée à associé unique ayant pour objet : 6

« - Le conseil et l'assistance opérationnelle dans divers domaines apportés aux entreprises et autres organisations,

- Le conseil en matière de gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) et en matière de ressources humaines (outplacement),

- La prise de participation directe ou indirecte par tous moyens dans toutes les sociétés et notamment dans les sociétés commerciales. » (pièces n°4 société et n°21 appelante).

Les parties versent aux débats :

- Un pacte d'associés daté du 27 juin 2019, conclu entre la SAS Sofagem, dirigée par M. [H], la SASU CMD Consulting, dirigée par Mme [W] [I] et la SASU ER Conseils, dirigée par Mme [E] [C], avec l'intervention de la SAS TikernéRH, également dirigée par M. [H] ; ledit pacte stipulant que : « Dans le cadre du développement de la société

[TikernéRH], le Fondateur [M. [H]] cède à ce jour quarante-huit pour cent (48%) du capital et des droits de vote de cette dernière aux associés minoritaires » ; la répartition prévue à l'annexe 1 étant la suivante :

Associé

Nombre d'actions

% de détention

SOFAGEM

26.000

52%

CMD Consulting

12.000

24%

ER Conseils

12.000

24%

Total

50.000

100%

(pièce n°4 appelante) ;

- Un acte de décisions unanimes des associés (les sociétés Sofagem, CMD Consulting et ER Conseils) en date du 27 juin 2019 portant nomination de Mme [C] en qualité de Directeur général de la SAS TikernéRH (pièce n°2 appelante) sans stipulation d'une rémunération ;

- Des factures établies par la société ER Conseils au profit de la SAS TikernéRH sur la période du 31 mars 2019 au 5 janvier 2021 concernant des prestations d'assistance commerciale, prospection, prise de contacts, rendez-vous de société et placements de candidats pour des montants variant entre 456 et 14.400 euros TTC (pièce n°7 société) dont il n'est pas discuté qu'elles ont été réglées ;

- Un contrat de prestation de services daté du 1 er septembre 2019, uniquement signé et paraphé par la société TikernéRH, stipulant à l'article 1. Objet que : « Le prestataire [la SASU ER Conseils] s'engage et s'oblige par les présentes à fournir son assistance et ses conseils pour l'accomplissement des opérations énumérées ci-dessous dans le domaine de la gestion commerciale:

o Etablissement de fichiers,

o Organisation de prospection, contacts,

o Fidélisation clients,

o Développement commercial,

o Définition et mise en 'uvre des actions de promotion et de communication,

o Mise en place d'un CRM [Customer Relationship Management],

o Suivi du CRM.

Le prestataire pourra exécuter, à la demande de la société et pour son compte, des missions spécifiques nettement définies, limitées dans le temps et n'entrant pas dans le cadre habituel des prestations énumérées ci-dessus et qui feront l'objet d'une facturation distincte à convenir d'un commun accord tenant compte des frais particuliers engagés par la société et des résultats obtenus par la filiale. » (pièce n°23 appelante). 7

Ces éléments caractérisent une présomption simple de non-salariat conformément aux textes précités. Il appartient donc à Mme [C] de renverser cette présomption en prouvant l'existence d'un contrat de travail caractérisé par un lien de subordination juridique permanente sur la période sollicitée de janvier à juin 2019 et du 24 septembre au 29 octobre 2021, soit avant sa nomination en tant que directrice générale de la société TikernéRH et après sa révocation.

L'appelante se prévaut d'une dépendance économique, de l'utilisation du matériel de l'entreprise et de directives imposées par le président de la société, M. [H]. En ce sens, elle verse aux débats :

- Un mail daté du 18 janvier 2019 au terme duquel M. [H] indiquait : « Bonjour [E], je te confirme que nous sommes très heureux que tu rejoignes l'équipe et que tu participes ainsi à ce beau projet porteur d'identité et de valeurs. Comme convenu, je t'envoie le prévisionnel et te rappelle de m'envoyer au moins deux photos de portrait sur fond blanc, pour la réalisation des cartes de visites. Je te dis à très bientôt et te souhaite une bonne journée et un bon week-end. Biz » (pièce n°13) ;

- Un mail de M. [H], daté du 21 janvier 2019, rédigé comme suit :

« Bonjour [E], ci-joint le projet pour ta carte. Tu valides ' Biz » avec en pièce jointe un projet de carte de visite comportant la photo de Mme [C] ainsi que le logo de la société TikernéRH, le numéro de téléphone de la société, le site web ainsi que l'adresse mail (pièce n°14) ;

- Un mail daté du 22 janvier 2019 au terme duquel le président de la société adressait à Mme [C] ses identifiants afin d'accéder à sa boîte mail « [Courriel 5] » et à la boîte mail structurelle de la société « [email protected] » ; ce mail étant rédigé comme suit : « [E], ci-joint tes identifiants. Biz. » (pièce n°15) ;

- De nombreux mails au contenu professionnel échangés sur la période du 31 janvier au 25 février 2019 avec des sociétés utilisatrices ainsi que des salariés de la société TikernéRH ; étant observé qu'à compter du 13 février 2019 la signature de Mme [C] comportait la mention « Co-dirigeante associée

» et que par mail du 21 février 2019, l'appelante informait M. [H] en ces termes : « Accord signé ! Bizz », ce à quoi le président répondait: « Un grand bravo, nous ne manquerons pas de fêter ça. Bon après-midi » (pièce n°16) ;

- Des propositions commerciales concernant des offres de services pour la mise à disposition de compétences, établies de février à mai 2019, aux termes desquelles les interlocuteurs de la société TikernéRH étaient désignés comme suit : « - [V] [K] : assistante d'agence

- [L] [H] : président

- [E] [C] : dirigeante associée » (pièce n°17) ;

- Les comptes de résultat des sociétés ER Conseil et TikernéRH sur l'exercice 2019/2020 desquels il ressort les montants de 12 430 euros au titre de l'année 2019 et 25 000 euros pour l'année 2020 correspondant respectivement à l'ensemble des produits de la société ER Conseils et aux charges externes de la SAS TikernéRH (pièces n°24 et 25).

Il est ainsi établi que Mme [C] bénéficiait d'une carte de visite, d'identifiants et d'une adresse mail professionnelles associés à la société TikernéRH ; qu'elle adressait des 8 propositions commerciales, participait aux négociations et concluait des contrats avec différentes entreprises utilisatrices pour le compte de la société TikernéRH et que sur l'exercice 2019/2020, la société TikernéRH était l'unique client de la société ER Conseils, dirigée par Mme [C].

Toutefois, alors qu'elle revendique un statut de salariée sur la période de janvier à juin 2019 et pour un mois du 24 septembre au 29 octobre 2021, force est de constater que dès le mois de février 2019 :

- Les messages échangés entre les parties fréquemment signés « biz » ne comportaient aucune injonction ou directive de M. [H] qui tutoyait Mme [C] et sollicitait son approbation concernant les cartes de visite ;

- Mme [C] se présentait comme étant dirigeante associée de la société TikernéRH au terme des mails échangés avec les salariés de la société et les entreprises clientes ;

- L'appelante était également désignée comme dirigeante associée de la société TikernéRH au terme des documents de propositions commerciales ;

- Les contrats conclus étaient cachetés du logo de la société TikernéRH et signés par Mme [C] qui apposait la mention « P/O », à lire « pour ordre ».

Si Mme [C] se prévaut de mails échangés le 8 juillet 2021 aux termes desquels M. [H] reprochait à l'intéressée sa venue au bureau selon des termes aussi infantilisants que tyranniques tels que « Maintenant tu suis mes consignes. Point barre ! », ces propos isolés échangés lors de la période d'exercice du mandat social de Mme [C] ne sauraient emporter la conviction de la cour quant à l'existence d'un lien de subordination (pièce n°18).

Dans ces conditions où Mme [C] détenait 24% des parts de la société TikernéRH, signait les documents commerciaux engageant la société, s'immisçait dans la gestion de la société TikernéRH dont elle assurait la représentation vis-à-vis des tiers et qu'il ne résulte d'aucun élément que l'intéressée accomplissait ses fonctions sous le contrôle de M. [H], il est

établi que sur la période de février à juin 2019, Mme [C] exerçait les fonctions de dirigeant de fait de la société TikernéRH avant d'être nommée dirigeante associée par acte du 27 juin 2019. Il en va (et a fortiori) exactement de même pour la période du 24 septembre au 29 octobre 2021, qui court de la révocation de ses fonctions de mandataire sociale à celle de la prise d'acte de la rupture par la salariée, exempte de tout élément montrant que Mme [C] travaillait sous les ordres de M. [H].

Dès lors, c'est par une juste appréciation des faits de l'espèce que les premiers juges ont considéré que Mme [C], qui ne démontre pas qu'elle se trouvait dans une relation de subordination, échoue à renverser la présomption de non-salariat.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que Mme [C] a été déboutée de ses demandes tendant à voir établir une relation de travail salariée avec la société intimée, à obtenir des rappels de salaires , des indemnités de rupture du contrat de travail ainsi que de l'indemnité pour travail dissimulé.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes.

2- Sur les dépens et frais irrépétibles

En application de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [C], partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

Condamnée aux dépens, elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande en revanche de condamner Mme [C], sur ce même fondement juridique, à payer à la société TikernéRH une indemnité d'un montant de 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y additant,

Déboute Mme [C] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [C] à verser à la SAS TikernéRH la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [C] aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président

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