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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 18 septembre 2025, n° 23/03210

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 23/03210

18 septembre 2025

N° RG 23/03210 - N° Portalis DBVM-V-B7H-L6KP

C1

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Jérémy TOURT

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 18 SEPTEMBRE 2025

Appel d'un jugement (N° RG 2022J138)

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 21 juillet 2023

suivant déclaration d'appel du 31 août 2023

APPELANT :

M. [Z] [K]

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 3]

représenté par Me Jérémy TOURT, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/1777 du 22/04/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 8])

INTIMÉE :

S.A.S. UN BOUT DE [Localité 5] au capital de 13. 000 euros, immatriculée du registre du commerce et des sociétés de Grenoble sous le numéro SIREN 794 508 903 et représentée par son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Jacques LABIT, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SOANE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,

Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière.

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 juin 2025, Mme FAIVRE, Conseillère, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et Me LABIT en sa plaidoirie,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant acte sous seing privé du 5 juillet 2013, la SAS Un bout de [Localité 5] a été constituée par dix associés, dont notamment M. [K], maraîcher en Savoie, afin de commercialiser, via l'exploitation d'un magasin de producteurs, leurs productions en vente directe.

Au fil des années, la relation entre M. [K] et la société s'est dégradée, les associés lui reprochant un approvisionnement irrégulier.

Un nouveau maraîcher, Les Jardins du Temple devenu Aux bonheurs des légumes, est venu intégrer le magasin au début de l'année 2020 en dépôt-vente de ses produits.

Lors d'une réunion du 3 août 2020, les associés ont décidé d'associer la société Les jardins du temple à compter du 1er janvier 2021. M. [K] était absent de cette réunion.

Au printemps 2021, la société Aux bonheurs des légumes a informé la société Un bout de [Localité 5] de ses difficultés à produire et fournir un magasin de producteurs et de son souhait de ne plus devenir associée, précisant néanmoins continuer à fournir le magasin en tant que dépôt vendeur jusqu'au mois de mars 2022.

Lors d'une réunion du 7 juin 2021, M. [K], répondant aux critiques émises s'agissant de l'insuffisance d'approvisionnement et du manque de qualité de ses produits livrés, a indiqué ne plus être motivé pour travailler au sein du magasin.

Le 4 novembre 2021, les associés ont décidé par 13 voix contre une, l'entrée à compter du 1er janvier 2022 d'un nouveau maraîcher l'Earl [W] pour toute la gamme de légume.

Lors d'une réunion du 17 juin 2021, M. [K] a informé les associés de sa décision de quitter le magasin en décembre 2021, avant d'indiquer lors d'une réunion du 4 octobre 2021,que finalement il ne souhaitait pas quitter la société au 31 décembre 2021.

Le 17 décembre 2021, la société Un bout de [Localité 5] a notifié une convocation au comité de direction pour une réunion devant se tenir le 10 janvier dont l'objet était de statuer sur la convocation d'une assemblée générale extraordinaire devant se prononcer notamment sur le maintien ou l'exclusion de M. [K].

Selon résolution n°2 de l'assemblée générale de la société Un bout de [Localité 5] du 31 janvier 2022, M. [K] a été exclu de la société.

Par lettre recommandée en date du 10 février 2022 réceptionnée le 16 février 2022, M. [K] a invité la société Un bout de [Localité 5] à envisager une solution transactionnelle en vue de l'indemniser de ses préjudices.

Suivant courrier du 8 mars 2022, le conseil de la société Un bout de [Localité 5] a précisé que le délai de convocation précédent l'assemblée générale avait été respecté et que sa mandante n'entendait pas revenir sur sa décision.

Par acte d'huissier du 11 avril 2022, M. [K] a fait délivrer assignation à la société Un bout de [Localité 5] devant le tribunal de commerce de Grenoble en nullité de la décision d'exclusion et en nullité de la décision d'admission de la société les jardins des temples en qualité d'associée et en indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 21 juillet 2023, le tribunal de commerce de Grenoble a :

- débouté M. [Z] [K] de sa demande de nullité ou à tout le moins d'inopposabilité de la décision d'exclusion de la société Un bout de [Localité 5],

- débouté M. [Z] [K] de sa demande de juger infondés ou inexistants les griefs ayant conduit à son exclusion de la société Un bout de [Localité 5],

- confirmé la décision d'exclusion de M. [Z] [K] prise par les associés de la société Un bout de [Localité 5] lors de l'assemblée générale extraordinaire du 31 janvier 2022 et le rachat des actions que détenait M. [Z] [K] par la société Un bout de [Localité 5] au prix de 1.000 euros,

- débouté M. [Z] [K] de sa demande d'indemnisation de 401.052,20 euros au titre du préjudice commercial et de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

- jugé que la décision prise le 3 août 2020 de nommer la société les jardins du temple en qualité d'associée stagiaire est entachée de nullité, mais n'ouvre droit à aucune indemnisation de M. [Z] [K] en réparation de la perte de chiffre d'affaires, et rejette les demandes de ce dernier à ce titre,

- jugé que les agissements de M. [Z] [K] n'ont traduit aucune volonté de nuire,

- débouté en conséquence la société Un bout de [Localité 5] de sa demande de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné M. [Z] [K] à verser à la société Un bout de [Localité 5] la somme de 2.500 euros au titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [Z] [K] aux entiers dépens.

- liquidé les dépens à la somme indiquée au bas de la 1ère page de la décision conformément aux dispositions de l'article 701 du code de procédure civile.

Par déclaration du 31 août 2023, visant expressément l'ensemble des chefs du jugement, M. [K] en a interjeté appel.

Prétentions et moyens de M. [Z] [K] :

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 29 novembre 2023, M. [K] demande à la cour au visa des articles 1103 et suivants, 1844-14 du code civil et L.235-9 du code du commerce de :

- réformer le jugement en ce qu'il a :

* débouté M. [Z] [K] de sa demande de nullité ou à tout le moins d'inopposabilité de la décision d'exclusion de la société Un bout de [Localité 5],

* débouté M. [Z] [K] de sa demande de juger infondés ou inexistants les griefs ayant conduit à son exclusion de la société Un bout de [Localité 5],

* confirmé la décision d'exclusion de M. [Z] [K] prise par les associés de la société Un bout de [Localité 5] lors de l'assemblée générale extraordinaire du 31 janvier 2022 et le rachat des actions que détenait M. [Z] [K] par la société Un bout de [Localité 5] au prix de 1.000 euros,

* débouté M. [Z] [K] de sa demande d'indemnisation de 401.052,20 euros au titre du préjudice commercial et de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

* jugé que la décision prise le 3 août 2020 de nommer la société Les jardins du temple en qualité d'associée stagiaire est entachée de nullité, mais n'ouvre droit à aucune indemnisation de M. [Z] [K] en réparation de la perte de chiffre d'affaires, et rejette les demandes de ce dernier à ce titre,

* jugé que les agissements de M. [Z] [K] n'ont traduit aucune volonté de nuire,

- débouté en conséquence la société Un bout de [Localité 5] de sa demande de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

* condamné M. [Z] [K] à verser à la société Un bout de [Localité 5] la somme de 2.500 euros au titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné M. [Z] [K] aux entiers dépens,

* liquidé les dépens à la somme indiquée au bas de la 1ère page de la décision conformément aux dispositions de l'article 701 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

- juger recevables et bien fondées l'intégralité de ses prétentions,

- juger que la décision prononçant son exclusion est nulle ou à tout le moins inopposable,

En tout cas, juger que la décision prononçant son exclusion repose sur des griefs infondés et/ou inexistants,

Partant,

- condamner la société Un bout de [Localité 5] à lui verser les sommes suivantes:

* 401.052,20 euros au titre du préjudice commercial comme explicité plus en amont,

* 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

- juger que la décision prise lors de la réunion mensuelle du 3 août 2020 d'admission de la société Les jardins du temple en qualité d'associée stagiaire est nulle,

Partant,

- condamner la société Un bout de [Localité 5] à lui verser la somme de 54.437.90 euros en réparation de la perte de chiffre d'affaires,

- débouter la société Un bout de [Localité 5] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions contraires,

- condamner la société Un bout de [Localité 5] à lui verser la somme de 5.260 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société Un bout de [Localité 5] aux entiers dépens d'instance et d'exécution forcée.

Au soutien de sa demande en nullité de la décision prononçant son exclusion, il expose que :

- le délai de 15 jours de notification des griefs avant la date de la réunion de l'assemblée générale, qui est prévu à l'article 16 des statuts de la société n'a pas été respecté, puisqu'il n'a jamais été destinataire d'une lettre recommandée, le cabinet comptable de la société ayant expliqué que la lettre lui a été retournée sans qu'il ne comprenne pourquoi, la poste ayant retourné l'enveloppe telle quelle et, contrairement à ce qu'a retenu à tort le tribunal, il importe peu qu'il ait été présent lors de l'assemblée générale, qu'il ait pu s'exprimer et participer au vote prononçant son exclusion, alors qu'il n'avait pas la possibilité de changer ce vote et que les textes n'imposent pas de subir un préjudice pour obtenir l'annulation d'une assemblée générale,

- la feuille de présence fait état de deux pouvoirs, alors que la décision fait état de trois associés représentés et si le pouvoir de Mme [A] [H] n'appelle aucune observation particulière, en revanche, celui de M. [V] est plus discutable puisqu'il est daté du 31 janvier 2022, soit le jour du vote, de sorte que l'on peut sérieusement se questionner sur une éventuelle régularisation a

posteriori et alors enfin qu'aucune explication ni justificatif n'avait été donné à la signature de M. [Y] [P] dont il n'est pas discuté qu'il n'est aucunement le représentant légal de l'EARL [Adresse 7] et la transmission dans les dernières écritures de l'intimée d'un pouvoir daté du 23 janvier 2022, n'est pas de nature à justifier celui-ci,

- il n'a pas jamais reçu la moindre proposition de règlement de ses actions dans le délai statutairement fixé, alors qu'en application des dispositions statutaires, la totalité des actions de l'actionnaire exclu doit être cédée dans les 60 jours de la décision d'exclusion, étant précisé que le prix des actions doit être déterminé d'un commun accord ou à défaut à dire d'expert, et alors que la motivation du tribunal qui a retenu qu'il a reçu un virement de 1.000 euros correspondant à la valeur nominale de ses actions, et qu'il a donc encaissé cette somme dont il ne pouvait ignorer l'origine, est critiquable, puisqu'il n'a pas encaissé cette somme mais l'a reçue par virement.

Pour justifier du caractère infondé des griefs qui lui sont opposés, M. [K] expose que :

- le grief tiré du manque de respect du travail effectué lors de la recherche d'un nouvel associé ne figure pas parmi les cas d'éviction prévus par les statuts d'origine, comme ceux modifiés en juin 2020, qui fixent une liste limitative de griefs susceptibles de justifier l'éviction,

- le grief tenant au déficit d'information donnée aux producteurs de légumes pour pallier le défaut d'approvisionnement, ne figure pas parmi les cas d'éviction prévue par les statuts d'origine, comme ceux modifiés en juin 2020, et en tout état de cause, il a toujours communiqué lors des permanences du mercredi, oralement ou par écrit via le tableau d'affichage, les informations nécessaires sur ses approvisionnements étant précisé que les récoltes étaient réalisées du lundi au mardi soir, de sorte qu'il a donc respecté l'article F3 selon lequel le producteur concerné s'engage à transmettre des informations fiables sur l'état de sa production, et il a été amené à pallier la carence de maraîcher dépôt vendeur,

- le grief tenant à une absence de prise en compte du manque de légumes au magasin n'entre pas dans les cas d'exclusions limitativement énumérés dans les statuts et le règlement intérieur précise d'ailleurs que pour un tel manquement, aucune exclusion n'est encourue et en tout état de cause les conditions météorologiques s'agissant d'une exploitation située à [Localité 6], comme les rendements moins importants en agriculture biologique ainsi que l'augmentation de la demande pendant la crise sanitaire, expliquent qu'il puisse y avoir des retards dans l'approvisionnement de certains produits,

- le grief tenant aux doutes quant à la priorité donnée au magasin, n'entre pas dans les cas d'exclusions prévus, par ailleurs, le règlement intérieur précise qu'aucune exclusion n'est encourue s'agissant de ce manquement, qu'aucune preuve de ce grief n'est rapportée par l'intimée, un doute ne pouvant suffire à caractériser une faute, que s'il reconnaît être lié avec un autre magasin, ce que les statuts n'interdisent pas et ce dont étaient parfaitement informés ses associés qui en font de même, pour autant, il a toujours donné priorité au magasin Un bout de campagne et ce pour une raison simple, le magasin représentait pour lui la plus grosse part de son chiffre d'affaires et une rentabilité plus importante et qu'enfin au surplus son chiffre d'affaires de 178.245.42 euros en 2019, de 169.386.42 euros en 2020 et de 105.661.55 euros en 2021 reflète bien toute

l'importance financière que représentait pour lui l'approvisionnement du magasin, étant relevé que les baisses subies en 2020 et 2021 sont la résultante de l'intégration d'un nouveau maraîcher en dépôt vente, Les Jardins du Temple,

- le grief tenant à l'absence de participation aux animations et activités du magasin n'entre pas dans les cas d'exclusions limitativement énumérés dans les statuts et le règlement intérieur précise d'ailleurs que pour un tel manquement, la seule sanction possible est la diminution du taux de commission à hauteur de celui des producteurs non associés pendant 3 mois et n'est en aucune manière un motif susceptible d'exclusion,

- le grief tenant à l'absence de planning d'approvisionnement n'entre pas dans les cas d'exclusions limitativement énumérés dans les statuts, ce que ne conteste absolument pas l'intimée et ce grief est infondé alors qu'il a bien transmis un planning annuel d'approvisionnement de production de légumes pour le Potager de [Localité 12], indiquant les périodes de début et de fin de production qui est d'ailleurs affiché de manière continue dans le bureau du magasin et qu'il envoyait par ailleurs toutes les semaines par mail la liste des légumes qui allaient être livrés, sans oublier de préciser oralement lors des permanences des mercredis toutes les informations nécessaires,

- le grief tenant à l'information sans préavis du passage de l'agriculture biologique à l'agriculture conventionnelle n'entre pas dans les cas d'exclusions limitativement énumérés dans les statuts ce que ne conteste absolument pas l'intimée, et ce grief n'est pas fondé alors que s'il a dû cesser la production bio c'est parce qu'il a été confronté à une perte du jour au lendemain d'une part importante de son chiffre d'affaires suite à la décision des associés d'intégrer un autre maraîcher et son exploitation n'avait plus les moyens de rémunérer des travailleurs saisonniers supplémentaires nécessaires au maintien de l'activité du maraîchage biologique (désherbage à la main, etc), pas plus qu'il ne pouvait continuer à payer la licence d'agrément bio auprès de Bureau Véritas, étant précisé qu'il a prévenu l'intimée dès le mois de mars et cette information a été actée dans un compte rendu de réunion du 12 avril 2021 l'agrément [Localité 4] étant valable jusqu'au 31 décembre 2021,

- s'agissant du grief tenant au dénigrement du point de vente collectif et de ses membres, si l'intimée soutient que le courrier du 16 juillet 2019 qu'il lui a adressé caractérise un dénigrement, cet élément ne peut être retenu car il n'a jamais été évoqué durant toute la procédure d'éviction et il repose sur un courrier datant de plus de deux ans avant l'engagement de la procédure adressé à l'intention des associés, qui est un droit de réponse aux critiques et injures dont il faisait l'objet et ce droit de réponse l'a été uniquement en interne et n'a fait l'objet d'aucune publicité extérieure.

Au soutien de ses demandes indemnitaires, il expose que :

- il est en droit de solliciter soit sa réintégration et la nullité de l'ensemble des décisions prises par l'assemblée le 31 janvier 2022, soit une juste indemnisation de ses préjudices étant précisé que la décision étant nulle, les griefs reprochés au requérant n'ont même pas à être évoqués,

- il privilégie la seconde option dès lors que sa présence n'est plus souhaitée ni même envisagée au sein de la société Un bout de [Localité 5],

- du fait de son éviction, il se retrouve privé d'une grande partie de son chiffre d'affaires,

- ce chiffre d'affaires était de 178.245,42 euros en 2019, de 169.386,42 euros en 2020 et de 105.661,55 euros en 2021 et les baisses subies en 2020 et 2021 sont la résultante de l'intégration d'un nouveau maraîcher en dépôt vente, Les Jardins du Temple, dont le tribunal de commerce a jugé que l'intégration était illégale,

- ce « nouveau » maraîcher a annoncé quitter le magasin à compter du mois de mars 2022, de sorte que cela lui aurait permis de réaliser un chiffre d'affaires au moins égal à celui de 2019 soit 178.245,42 euros puisqu'il se serait de nouveau retrouvé seul maraîcher comme en 2019,

- il a été contraint de licencier du personnel ou de négocier des ruptures conventionnelles pour répondre à sa baisse d'activité et essayer à maxima de réduire ses pertes en empruntant de l'argent (45.000 euros) et en vendant des véhicules et matériels, il a dû négocier un prêt bancaire de trésorerie auprès du crédit agricole en juin 2022 de 150.000 euros sur une période de 10 ans,

- son préjudice est de 401.052,20 euros, correspondant au préjudice commercial subi pour les trois années à venir, période durant laquelle il estime qu'il lui serait impossible de reconstituer le chiffre d'affaires perdu et calculé comme suit :178.245,42 euros de chiffre d'affaires x 0.75 (75 % de marge brute) x 3 ans,

- il subit un préjudice tenant à la baisse de son chiffre d'affaire en 2021 du fait de l'intégration d'un nouveau maraîcher correspondant à la marge brute appliquée à la baisse de son chiffre d'affaire entre 2020 et 2021,

- il subit un préjudice moral tenant aux reproches injustifiés de la part de ses associés, reproches ayant abouti à son exclusion avec une grande violence morale qui sera réparé par l'octroi d'une somme de 15.000 euros.

Prétentions et moyens de la société Un bout de [Localité 5] :

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 28 février 2024, la société Un bout de [Localité 5] demande à la cour au visa des articles L.225-104 et L.227-16 du code de commerce, de l'article 1231 du code civil et des articles 641, 642 et 700 du code de procédure civile de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* débouté M. [Z] [K] de sa demande de nullité ou à tout le moins d'inopposabilité de la décision d'exclusion de la société Un bout de [Localité 5],

* débouté M. [Z] [K] de sa demande de juger infondés ou inexistants les griefs ayant conduit à son exclusion de la société Un bout de [Localité 5],

* confirmé la décision d'exclusion de M. [K] prise par les associés de la société Un bout de [Localité 5] lors de l'assemblée générale extraordinaire du 31 janvier 2022 et le rachat des actions que détenait M. [Z] [K] par la société Un bout de [Localité 5] au prix de 1.000 euros,

* débouté M. [K] de sa demande d'indemnisation de 401.052.20 euros au titre du préjudice commercial et de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

* condamné M. [K] à verser à la société Un bout de [Localité 5] la somme de 2.500 euros au titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné M. [K] aux entiers dépens,

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :

* jugé que la décision du 3 août 2020 de nommer la société les jardins du temple en qualité d'associée stagiaire est entachée de nullité,

* jugé que les agissements de M. [Z] [K] n'ont traduit aucune volonté de nuire,

* l'a débouté en conséquence de sa demande de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Et statuant à nouveau,

- rejeter l'ensemble des demandes de M. [K],

- juger que la décision prise le 3 août 2020 de nommer la société Les jardins du temple en qualité d'associée stagiaire n'est pas entachée de nullité,

- juger que les agissements de M. [K] ont traduit une volonté de nuire,

- condamner en conséquence M. [K] à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner M. [K] à lui verser la somme de 5.550 euros au titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [K] aux entiers dépens.

Pour justifier du bien fondé de l'exclusion de M. [K], elle expose que :

- M. [K] a informé par courrier en date du 16 juillet 2019 l'ensemble des associés en réponse aux demandes de justification des difficultés d'approvisionnement des légumes au point de vente Un Bout de [Localité 5] qu'il était « associé d'un autre magasin qui a ouvert en novembre 2016 et qu'il faisait des démarches de transformation de sa structure en SARL, de sorte que ces informations sont en contradiction avec notamment les engagements mentionnés à l'article D.1 du règlement intérieur lequel stipule que « Un Bout de [Localité 5] » est un groupement constitué en SAS, par des exploitants agricoles au sens des trois premières lignes de l'article L311-1 du code rural : « sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires à ce cycle » pour vendre directement l'ensemble des produits de leurs exploitations qui sont cultivés, élevés et transformés par leurs soins. A ce titre, les exploitants agricoles concernés s'engagent à approvisionner de façon équitable et régulière le [P] de Vente Collectif « Un Bout de [Localité 5] » sur la gamme engagée », puisqu'il y a incompatibilité à développer une activité d'achat-revente et à prétendre vendre des produits provenant uniquement de son exploitation,

- M. [K] a été dans l'incapacité de livrer prioritairement le magasin en volume et en qualité,

- malgré les demandes faites notamment dans le courrier du 27 octobre 2021, il a été dans l'incapacité de fournir un quelconque début de preuves du respect de ses engagements,

- il lui a été impossible de fournir des informations fiables sur sa production alors que le 17 juin 2021 il indiquait aux membres de la commission légumes, vendre dans trois magasins (Un Bout de [Localité 5], magasin de producteurs de [Adresse 9] [Localité 10], vente à la ferme),

- il n'a fourni aux autres associés aucun chiffre sur les quantités vendues à chaque magasin,

- pendant les années qui ont précédé son exclusion, il a refusé de produire les éléments permettant de constater qu'il livrait prioritairement le magasin appartenant à la société Un Bout de [Localité 5],

- son attitude durant les années qui ont précédé son exclusion et les montants des indemnités exorbitants demandées traduisent la volonté manifeste de ne pas se soumettre aux règles collectives fixées au sein de la société Un Bout de [Localité 5],

- en indiquant aux autres associés en juillet 2019 qu'il livrait depuis 3 ans à un autre point de vente et qu'il souhaitait développer une activité d'achat-revente de légumes par la transformation de son exploitation en SARL, il s'est mis à l'écart du groupe,

- les menaces de poursuite judiciaire en cas de recherche par la société Un Bout de [Localité 5] d'un maraîcher pour pallier son départ traduisent tout le mépris de cet associé à l'égard de l'intérêt de l'ensemble des membres du groupe.

Pour contester la nullité ou en tout cas l'inopposabilité de la décision d'exclusion pour non-respect des dispositions statutaires du délai de convocation de 15 jours, elle expose que :

- l'envoi par lettre recommandée avec accusé de réception le 13 janvier 2022 de la convocation à l'assemblée générale extraordinaire du 31 janvier 2022 n'est que l'aboutissement d'un long processus initié par M. [K] lorsqu'il a envoyé à tous les associés un courriel le 16 juillet 2019,

- entre le 16 juillet 2019 et le 31 janvier 2022, il a eu de nombreuses occasions d'exprimer ses intentions,

- il a également pu s'expliquer sur son attitude lors de la réunion du Comité de direction qui s'est tenu le 10 janvier 2022,

- contrairement à ce qu'indique le jugement attaqué, il a été ensuite convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception le 13 janvier 2022 à l'assemblée générale extraordinaire devant se réunir le 31 janvier 2022,

- contrairement à ce qu'affirme M. [K], il n'a pas été convoqué par courriel, mais il a omis de retirer le courrier recommandé envoyé le 13 janvier 2022 qui a dû lui être retourné car il avait refusé de le retirer, de sorte que la lettre recommandée ayant été envoyée le 13 janvier 2022, le délai de quinze jours était parfaitement respecté le 31 janvier 2022,

- la chambre mixte de la Cour de cassation a en effet rappelé qu'en cas de convocation par lettre recommandée, le délai se calcule sans tenir compte de la date de réception de la lettre. (Chambre mixte de la Cour de cassation 16 décembre 2005, pourvoi n°04610.986),

- M. [K] s'est exprimé durant cette assemblée et ses arguments ont été consignés sur le procès-verbal d'assemblée générale du 31 janvier 2022,

- M. [K] a pris part au vote, il a été le seul actionnaire sur 13 que compte la société Un Bout de [Localité 5] à s'opposer à son exclusion et au visa de l'article L.225-104 du code de commerce, la cour d'appel de Versailles a été jugé «qu'un associé est irrecevable à solliciter la nullité d'une assemblée du chef d'une prétendue irrégularité de convocation lorsque cet associé était présent à l'assemblée et qu'il a pu utilement participer aux débats ».

Pour contester la nullité de l'exclusion pour irrégularité de la décision de vote, elle indique que le jugement attaqué a constaté que les pouvoirs ont bien été donnés à M. [F] [X], M. [T] [D] et M. [P], de sorte qu'il a constaté que les mandataires avaient donc parfaitement capacité à voter en lieu et place de leurs mandants.

Pour contester la nullité de la décision d'exclusion pour absence de cession ou en tout cas de paiement, elle indique que :

- le fonctionnement établi par l'ensemble du groupe, et que ne pouvait ignorer M. [K], était le suivant : lorsqu'un associé quittait la Société Un bout de [Localité 5], les actions étaient remboursées au montant de l'apport à savoir 1.000 euros, l'objectif poursuivi par les associés était de rendre l'entrée dans leur [P] de vente accessible à tous les exploitants qui seraient acceptés par le groupe,

- or, le 1er février 2022, la notification d'exclusion lui a été envoyée par courrier recommandé en précisant « que ses actions sont annulées à leur valeur nominale, soit 1.000 euros et qu'elles lui seront remboursées à cette valeur au plus tard le 15 février 2022 et à cette date, un virement de 1.000 euros a été effectivement fait et en parfaite connaissance de la pratique établie, M. [K] n'a pas rejeté l'encaissement de la somme le 15 février 2022, de sorte que si son intention réelle lorsqu'il a encaissé le règlement avait été de voir juger de la nullité de la décision d'exclusion, il n'aurait pas manqué de reverser immédiatement les 1.000 euros qu'il a reçu en remboursement de ses actions, ce qu'il n'a pas fait à ce jour.

Pour contester la nullité de la décision prise le 3 août 2020 de nommer la société les Jardins du Temple en qualité d'associée stagiaire et sur ses conséquences, elle fait valoir que :

- les associés de cette société ont instauré une période d'essai afin de tester la collaboration du futur associé et durant cette période, dans l'esprit des membres de ce groupe, l'associé stagiaire n'a pas le statut d'associé, de sorte qu'il ne peut l'obtenir et être titulaire d'actions qu'à l'issue d'une période probatoire d'un an,

- la réunion du 3 août 2020 n'a pas décidé de l'entrée d'un nouvel associé mais d'un dépôt vendeur et la procédure d'admission d'un associé stagiaire soumis à une période probatoire ne relève pas de la compétence de l'assemblée générale prévue à l'article 23 de statuts mais du comité de direction de l'article 19 des statuts.

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, elle fait valoir que :

- l'attitude de M. [K] et notamment ses déclarations dans son courrier du 16 juillet 2019 ont créé une très forte insécurité pour l'ensemble des membres du point de vente, alors que sa première finalité est de créer une relation de confiance avec les consommateurs qui s'y déplacent,

- étant incapable de justifier des quantités produites sur son exploitation alors qu'il avait indiqué vouloir créer une société commerciale d'achat-revente et livrer à d'autres magasins, M. [K] a violé ses engagements de traçabilité des produits livrés,

- en ne fournissant pas le point de vente Un Bout de [Localité 5] en quantité suffisante, il ne justifie pas avoir tout mis en 'uvre pour donner la priorité d'approvisionnement au magasin Un Bout de [Localité 5],

- ces agissements à son égard marquent une volonté manifeste de lui nuire de sorte que ces comportements et la qualité insuffisante des légumes livrés au point de vente collectif lui ont causé un préjudice évalué à 10.000 euros.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2025, l'affaire a été appelée à l'audience du 5 juin 2025 et la décision mise en délibéré a été prononcée le 18 septembre 2025.

Selon soit-transmis du 10 juin 2025, la cour a invité les parties à s'expliquer sur la nature de perte de chance de vendre ses marchandises du préjudice allégué par M. [K] selon note en délibéré avant le 24 juin 2024.

Selon note en délibéré du 24 juin 2024, M. [K] produit une pièce nouvelle n°31 et fait valoir que comme indiqué dans ses conclusions, son chiffre d'affaire réalisé en qualité de producteur associé du magasin était de 178 245,42 euros en 2019, de 169.386,42 euros en 2020 (arrivée du jardin du Temple) et de 105.661,55 euros en 2021 (intégration imposée de la société Jardin du

temple à 50% en tant que futur associé). Or, ce nouveau maraîcher a annoncé quitter le magasin à compter du mois de mars 2022. Ce départ n'est pas sans conséquence puisqu'il lui aurait permis, alors qu'il se serait de nouveau retrouvé comme le seul maraîcher (comme en 2019), de réaliser un chiffre d'affaires au moins égal à celui de 2019 soit 178.245,42 euros.

Résultat comptable avant cession d'immobilisation et amortissements exceptionnel. 2020 : +20.218 euros, 2021 -11.632 euros, 2022 : -33.382 euros et 2023 : -1.426 euros (nouvelle pièce 31)

Pour compenser la perte de chiffre d'affaires et par cascade et les grosses difficultés de trésorerie, il a dû effectuer des cessions d'immobilisations (tracteur, etc.), faire un prêt de 10.000 euros au près du magasin de la Ravoire afin de l'aider dans les difficultés de trésorerie en 2021 suite à l'arrivée du jardin du temple qui l'ont privé d'une partie de ces recettes, faire 2 prêts familiaux de 20.000 euros soit 40.000 euros au total pour payer les factures, charges, etc.

Il a dû contracter un prêt de 150.000 euros le 7 juin 2022 au Crédit Agricole pour allonger et diminuer les échéances de prêts engagés avant son éviction du magasin Un Bout de [Localité 5] qui reposaient sur les ventes qui auraient dû être réalisées avec la production engagée en tant que producteur associé de ce magasin.

Selon note en délibéré du 25 juin 2025, la société Un bout de [Localité 5] développe à nouveau les moyens soutenus dans ses dernières écritures, mais ne développe aucun moyen s'agissant de la nature de perte de chance du préjudice allégué par M. [K] et qui était l'objet de la note en délibéré.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire la cour observe qu'il a été sollicité des parties la production d'une note en délibérée pour s'expliquer sur la nature de perte de chance du préjudice allégué par M. [K], lequel n'a jamais été autorisé à produire de nouvelles pièces. La cour d'appel n'aura donc pas à connaître de la pièce n°31 produite selon note en délibérée et non autorisée. .

Sur la nullité de la décision d'exclusion de M. [K] de la société Un bout de [Localité 5]

Conformément à l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En outre en application de l'article 1104 du même code, les contrats doivent être exécutés de bonne foi.

En l'espèce, l'article 16 des statuts de la société Un bout de [Localité 5] mis à jour au 8 juin 2020, stipule ainsi qu'il suit : « l'exclusion d'un actionnaire peut être prononcé dans les cas suivants :

- exercice de violence physique contre les autres actionnaires ou leurs proches,

- refus non motivé de participer aux permanences du point de vente collectif sans justification,

- utilisation abusive des fonds de la société,

- dénigrement avéré du point de vente collectif et de ses membres,

- non-respect des règles d'hygiènes, de sécurité et plus généralement de toute réglementation applicable aux activités pratiquées par la société,

- refus de se conformer aux décisions prises en application des statuts ou du règlement intérieur,

- liquidation judiciaire d'un actionnaire,

- changement de contrôle au sens de l'article L.233-3 du code de commerce.

(') La décision d'exclusion ne peut intervenir sans que les griefs invoqués à l'encontre de l'actionnaire susceptible d'être exclu et la date de réunion des actionnaires devant statuer sur l'exclusion, lui aient été préalablement communiqués au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de

réception adressé 15 jours avant la date de la réunion de la collectivité des actionnaires, et ce afin qu'il puisse présenter au cours d'une réunion préalable des actionnaires, ses observations, et faire valoir ses arguments en défense, lesquels doivent en tout état de cause, être mentionnés dans la décision des actionnaires. L'actionnaire concerné par l'exclusion peut présenter sa défense avec l'assistance du conseil de son choix.

La décision d'exclusion. À compter de son prononcé, elle est notifiée à l'actionnaire exclu par lettre recommandée avec demande de réception à l'initiative du comité de direction.

En outre, cette décision doit également statuer sur le rachat des actions de l'actionnaire exclu et désigner le ou les acquéreurs des actions ; il est expressément convenu que la cession sera valable sans qu'il y ait lieu d'appliquer des procédures statutaires prévues en cas de cession (agrément, péremption). La totalité des actions de l'actionnaire exclu doit être cédée dans les 60 jours de la décision d'exclusion. Ce délai pouvant faire l'objet d'une prorogation par ordonnance du tribunal, notamment si le prix des actions doit être déterminé par un expert tel que si après.

Le prix de cession des actions de l'exclu sera déterminé d'un commun accord ou, à défaut, à dire d'experts dans les conditions de l'article 1843-4 du code civil. Si la cession des actions de l'actionnaire exclu ou le paiement du prix ne sont pas réalisés dans le délai prévu, ou prorogé, la décision d'exclusion sera nulle et de nul effet ».

Selon résolution n°1 l'assemblée générale des associés de la société Un bout de [Localité 5] a adopté le 31 janvier 2022 la décision suivante : « l'assemblée générale se prononce en faveur de l'exclusion de M. [Z] [K] de la société Un bout de [Localité 5]. Il perd la qualité d'associé à compter de ce jour, ses actions étant annulées à leur valeur nominale. Le capital social est réduit à la somme de 1.000 euros pour être ramené de 13.000 euros à 12.000 euros ».

Selon résolution n°2, l'assemblée générale a pris acte que M. [Z] [M] perd la qualité de membre du comité de direction à compter du même jour, suite à son exclusion de la société.

S'il est établi que M. [K] n'a pas été convoqué dans le délai de 15 jours avant la date de la réunion de la collectivité des actionnaires, la lettre recommandée avec accusé de réception datée du 13 janvier 2022 ne lui ayant pas été distribuée, comme cela résulte de l'examen de l'avis de réception vierge versé aux débats par l'intimée et du courriel du 18 janvier 2022 de Mme [R], représentante du cabinet comptable de la société Un bout de [Localité 5], cette irrégularité n'est pas de nature à entraîner la nullité de la décision d'exclusion, alors que M. [K] était présent à l'assemblée et qu'il a pu utilement participer aux débats.

En revanche, il n'est pas contesté que M. [V] et Mme [H] étaient absents lors de cette assemblée générale et il n'est pas davantage discuté que M. [Y] [P] n'est pas le représentant légal de l'Earl [Adresse 7] ». Or, comme le relève justement l'appelant, le procès-verbal d'assemblée générale fait mention de l'annexion de deux pouvoirs, lesquels ne figurent d'ailleurs pas au procès-verbal et il importe peu, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, qu'il soit produit au débat trois pouvoirs datés respectivement du 25 janvier 2023, du 23 janvier 2023 et du 31 janvier 2023, dès lors qu'il résulte des mentions du procès-verbal qu'il était justifié de l'existence de seulement deux pouvoirs lors du vote, et que trois personnes étaient représentées.

Par ailleurs, selon courrier du 1er février 2022, la société Un bout de [Localité 5] a notifié à M. [K] son exclusion et lui a précisé que le capital social est réduit de la somme de 1.000 euros et a désigné M. [G], président du comité de direction, comme responsable du remboursement de ses actions au plus tard le 15 février 2022. Il ressort également des déclarations concordantes des parties et de l'extrait de compte bancaire de l'intimée que la somme de 1.000 euros a été virée directement sur le compte bancaire de M. [K].

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que la société Un bout de [Localité 5], n'a pas respecté les dispositions statutaires relatives au rachat des actions, dès lors qu'il n'est ni allégué ni a fortiori démontré que le prix de cession des actions de M. [K] a été déterminé d'un commun accord, et alors que la seule allégation de l'intimée selon laquelle les actions sont remboursées au montant de l'apport conformément au fonctionnement arrêté par l'ensemble du groupe, qui n'est établi par aucune offre de preuve et qui est en totale opposition avec la lettre des statuts n'est pas de nature à écarter l'application des dispositions desdits statuts.

C'est également par une fausse appréciation des faits de l'espèce que les premiers juges ont retenu que l'obligation de paiement avait été réalisée par l'encaissement sans objection par M. [K] de la somme de 1.000 euros, alors d'une part que ce paiement a été opéré par virement, de sorte qu'il ne peut s'en déduire aucune acceptation par l'appelant, lequel conteste fermement le montant de cette cession, et alors que ce virement n'est pas de nature à établir que le prix de cession a été arrêté d'un commun accord.

Au surplus, comme le souligne justement M [K], aucun des griefs invoqués au soutien de sa demande d'exclusion figurant tant dans la lettre du 13 janvier 2022 dont la preuve n'est pas rapportée qu'elle lui a été distribuée, que dans le procès-verbal d'assemblée générale du 31 janvier 2022 et tenant:

-'au manque de respect du travail effectué lors de la recherche d'un nouvel associé suite à l'annonce de son départ le 31 décembre 2021,

- au déficit d'informations données aux producteurs de légumes sollicités pour pallier les défauts d'approvisionnements et aux associés prenant le relais sur la coordination pour assurer la continuité du rayon légumes,

-à l'absence de prise en compte du manque de légumes au magasin malgré les signalements effectués, au doute sur la priorité donné au magasin dans l'approvisionnement des légumes eu égard aux éléments que le magasin a pu réunir,

- à l'inexistence de la participation aux animations et activités de gestion du magasin, à l'absence de planning d'approvisionnement pour pouvoir renseigner la clientèle ou les producteurs complémentaires,

-à l'information sans préavis (deux jours seulement) du passage de l'agriculture biologique à l'agriculture traditionnelle,

- à une perte de confiance qui s'est instaurée au fur et à mesure du temps et de la nuisance dans les relations entre associés qui s'en est suivie,

-à la méconnaissance par M. [K] des obligations d'esprit d'équipe attendues au sein de magasin et au manque dans le rayon légume, central pour le magasin, nuit à l'ensemble du magasin et aux ventes du groupe', ne constitue un des cas d'exclusion énumérés à l'article 16 des statuts précités, lesquels visent :

- l'exercice de violence physique contre les autres actionnaires ou leurs proches,

- le refus non motivé de participer aux permanences du point de vente collectif sans justification, l'utilisation abusive des fonds de la société,

- le dénigrement avéré du point de vente collectif et de ses membres, le non-respect des règles d'hygiènes, de sécurité et plus généralement de toute réglementation applicable aux activités pratiquées par la société,

- le refus de se conformer aux décisions prises en application des statuts ou du règlement intérieur, la liquidation judiciaire d'un actionnaire et le changement de contrôle au sens de l'article L.233-3 du code de commerce.

Ces griefs ne sont pas davantage sanctionnés par une exclusion en application du règlement intérieur du magasin, lequel ne vise que l'hypothèse du manquement constaté à la règle de l'approvisionnement équitable et régulier de la société Un bout de campagne qu'il sanctionne par un rappel à l'ordre et en cas de mise en péril du magasin, par un dialogue, un avertissement et une mise en demeure et l'hypothèse de l'absence de participation aux animations, qu'il sanctionne par une application durant trois mois du taux de commission des producteurs non associés.

En tout état de cause, aucun de ces griefs n'est démontré, les seuls compte-rendus de réunion qui reproduisent le ressenti des partenaires et traduisent un climat de mésentente et d'incompréhension entre M. [K] et les autres associés, étant insuffisants à caractériser les manquements allégués, en l'absence de tout élément probatoire extérieur et notamment de tout constat ou mise en demeure adressée à M. [K] s'agissant des insuffisances reprochées.

Enfin, le grief tenant au dénigrement de la société Un bout de [Localité 5] de la part de M. [K], outre qu'il n'a jamais été évoqué au soutien de la demande d'exclusion, mais seulement à hauteur d'appel et qui repose sur un courrier adressé par l'appelant le 16 juillet 2019, est infondé, alors que la seule affirmation, prononcée non pas publiquement mais dans une lettre privée adressée à ses associés, selon laquelle d'autres magasins obtiennent de meilleurs chiffres d'affaires, ne caractérise en aucun cas un acte de dénigrement.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la décision prononçant l'exclusion de M. [Z] [K] de la société Un bout de [Localité 5] qui a été prise alors qu'un des votants n'était pas régulièrement représenté par un mandat valablement donné et sans qu'il soit justifié de la cession des actions de l'actionnaire exclu dans le délai statutairement fixé, et qui ne repose sur aucune faute démontrée, est donc entachée d'irrégularités formelles et d'irrégularités de fond qui justifient son annulation.

Sur la nullité de la décision du 3 août 2020 de nommer la société Les jardins du temple en qualité d'associé stagiaire

L'article K1 du règlement intérieur de la société Un bout de [Localité 5] stipule ainsi qu'il suit : « la décision d'intégrer le nouvel associé est prise à l'unanimité. Elle suit les modalités prévues aux statuts de la SAS Un bout de [Localité 5]. L'agrément d'un nouveau producteur associé sera soumis au règlement d'un droit d'entrée non récupérable de 1.000 euros. Ce droit d'entrée a pour but de compenser le temps passé à la création du magasin et participer aux frais de modification des statuts. Instauration d'une période d'essai, dite stage. Cette période a pour objectif de tester la collaboration entre le producteur stagiaire et le magasin. Elle sera d'une durée d'un an. Le droit d'entrée est payable à la signature du contrat. Elle se traduit par la signature d'un contrat de mandat ».

Selon l'article 23 des statuts de la société mis à jour au 8 juin 2020, la collectivité des actionnaires est seule compétente pour toute décision ayant pour effet de modifier les statuts dont entre autre l'augmentation du capital social.

Selon compte rendu de réunion du 3 août 2020, les associés présents ont voté à l'unanimité l'intégration de la société Les jardins du temple en tant qu'associé stagiaire à compter du 1er janvier, soit à 100% de la production dans le cas ou [Z] partirait, soit à 50 % dans le cas où il resterait ».

Or, contrairement à ce que soutient l'intimée, cette décision, qui conduit à une modification des statuts comme en atteste le droit d'entrée dont l'objet est notamment de participer aux frais de modification des statuts, relève donc des pouvoirs des associés et non du comité de direction et le moyen tiré de ce que

dans l'esprit des membres l'associé stagiaire n'a pas la qualité d'associé, qui relève de l'hypothèse invérifiable, n'est pas de nature à déroger aux statuts de la société. La décision d'intégration de la société Les jardins du temple, prise au cours d'une réunion et non pas par l'assemblée des associés est donc entachée de nullité, fusse une décision de nomination en qualité de stagiaire. Il convient donc de confirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur les demandes indemnitaires de M. [K]

S'agissant de sa demande au titre du préjudice commercial et de sa demande au titre de la perte du chiffre d'affaires

M. [K] justifie d'un chiffre d'affaires de 178.245,42 en 2019, de 169.386,42 en 2020 et de 105.661,55 euros en 2021, lesquels montants ne sont pas discutés. Il justifie également d'une marge brute de 74,86 % selon attestation de la société Cerfance, expert-comptable en date du 29 mars 2022, qui n'est pas davantage contestée par l'intimée.

Or, l'exclusion fautive de M. [K] de la société Un bout de [Localité 5] le 31 janvier 2022, qui a mis un terme à son activité de dépôt-vente de ses légumes au sein du magasin géré par l'intimée, lui a causé un préjudice qui s'analyse en une perte de chance de vendre sa marchandise, laquelle doit être calculée sur la base d'un chiffre d'affaire moyen au cours des trois années d'activité au sein de la société et peut être fixée à 25 %, alors qu'il résulte de ses propres déclarations qu'il travaille également avec un autre maraîcher, de sorte que son chiffre d'affaire n'est pas exclusivement le fait de son activité au sein de la société intimée.

Il convient donc de condamner la société Un bout de [Localité 5] à lui payer la somme de 28.330,83 euros, soit ((151.097,79 euros (178.245,42 + 169.386,42 euros + 105.661,55 euros/ 3 ans) x 0,75 % de marge brute x 25 % )), en réparation de son préjudice commercial.

En revanche, il convient de le débouter de sa demande en paiement au titre de la perte de chiffre d'affaire du fait du recrutement d'un second maraîcher en 2021, alors que cette perte est déjà indemnisée au titre de la perte de chance de vendre ses marchandises.

S'agissant de sa demande au titre du préjudice moral

S'il n'est pas contestable que les reproches formulés à son encontre par l'intimée sont injustifiés, la cour observe que M. [K], qui se borne à faire état d'une grande violence morale sans toutefois en objectiver les retentissements sur sa personne, notamment par des éléments médicaux de nature à attester de sa souffrance morale, doit en conséquence être débouté de sa demande de ce chef de préjudice.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

La société Un bout de [Localité 5] doit supporter les dépens de première instance et d'appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés et verser à M. [K] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et en cause d'appel. Il convient en outre

d'infirmer le jugement déféré. Il y a également lieu de débouter la société Un bout de champ de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a:

- débouté M. [K] de sa demande en paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

- jugé que la décision prise le 3 août 2020 de nommer la société les jardins du temple en qualité d'associée stagiaire est entachée de nullité,

- débouté la société Un bout de [Localité 5] de sa demande de 10.000 euros de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Annule la décision d'exclusion de M. [Z] [K] de la société Un bout de [Localité 5],

Condamne la société Un bout de [Localité 5] à payer à M. [K] la somme de 28.330,83 euros en réparation de son préjudice commercial,

Déboute M. [K] de sa demande en paiement de la somme de 54.437,90 euros au titre de perte de son chiffre d'affaire,

Condamne la société Un bout de [Localité 5] à payer à M. [K] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,

Déboute la société Un bout de [Localité 5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Un bout de [Localité 5] aux dépens de première instance et d'appel.

Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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