CA Paris, Pôle 1 - ch. 3, 18 septembre 2025, n° 24/05618
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2025
(n° 354 , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/05618 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJEOE
Décision déférée à la cour : ordonnance du 28 février 2024 - président du TC de Créteil - RG n° 2024R00015
APPELANTE
Mme [F] [K] épouse [M]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Jérôme-Marc BERTRAND de la SCP BERTRAND ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0079
Ayant pour avocat plaidant Me Nathalie BERTRAND de la SCP BERTRAND ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMÉS
M. [S] [X]
[Adresse 3]
[Localité 7]
S.A.S.U. OFFICE NOTARIAL D'[Localité 8], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 8]
Représentés par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
Ayant pour avocat plaidant Me Fabienne VAN DER VLEUGEL de la SELARL VDV AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
S.E.L.A.S. BL ET ASSOCIES, en qualité d'administrateur provioire de la société OFFICE NOTARIAL D'[Localité 8], RCS de Créteil n°898429816, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 10]
Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09
Ayant pour avocat plaidant Me Jacqueline FERREIRA, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 juin 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Valérie GEORGET, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Michel RISPE, président de chambre
Anne-Gaël BLANC, conseillère
Valérie GEORGET, conseillère
Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Michel RISPE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.
********
Mme [K] et M. [X] exercent la profession de notaire.
En 2017, ils ont entrepris de s'associer et de prendre en charge chacun une étude notariale dans les départements de la Seine-et-Marne et du Val-de-Marne.
Le 11 décembre 2017, Mme [K] et M. [X] ont créé la société de participation financière de profession libérale de notaire par action simplifiée PRAX.
La société par actions simplifiéeVal d'Europe, dirigée par M. [X], a été créée.
Le 14 août 2018 a été créée la société par actions simplifiée Office Notarial d'[Localité 8] (ONO) ayant son siège social à [Localité 8] (94) et pour objet'l'exercice de l'activité de notaire'. Mme [K], associée unique, était désignée présidente de la société.
Par arrêté du 5 novembre 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice a accepté la démission de M. [V] notaire à la résidence d'[Localité 8] (Val-de-Marne), nommé la société par actions simplifiée à associé unique 'Office Notarial d'[Localité 8]', constituée pour l'exercice de la profession de notaire, notaire à la résidence d'[Localité 8] en remplacement de M. [V].
Par acte du 18 juillet 2019, Mme [K] a cédé à M. [X] 50 actions de la société ONO.
Par contrat du même jour, Mme [K] et M. [X] ont notamment apporté chacun à la société PRAX, 49 parts de la société ONO et 49 parts de la société SELARL du Val d'Europe Notaires.
Les relations entre Mme [K] et M. [C] se sont sensiblement dégradées à compter de 2021.
Soutenant avoir découvert, au cours du mois de mai 2022, que M. [X] avait fait enregistrer au registre du commerce et des sociétés différents actes aux termes desquels il serait devenu le seul actionnaire de la société ONO et son président (acte de cession d'action du 16 juin 2020 et acte du 31 mars 2022 actant une modification des statuts de la société), Mme [K] a, par acte extrajudiciaire du 8 août 2022, fait assigner M. [X] devant le président du tribunal de commerce de Créteil, statuant en référé, aux fins de voir suspendre les effets des décisions prises par l'assemblée générale du 31 mars 2022.
Par ordonnance de référé du 24 août 2022, le président du tribunal de commerce de Créteil a :
ordonné la suspension des effets de l'assemblée générale du 31 mars 2022 jusqu'à l'issue de la procédure engagée au fond devant se prononcer sur l'annulation de l'assemblée générale du 31 mars 2022 ;
suspendu les effets des décisions des associés de la société ONO du 31 mars 2022 jusqu'à l'issue de la procédure engagée devant le juge du fond devant se prononcer sur l'annulation de l'assemblée générale du 31 mars 2022 en interdisant à M. [X] de se prévaloir des fonctions de président en lieu et place de Mme [K], président en titre et en exercice et en ordonnant aux parties de gérer la société ONO dans les termes des statuts approuvés le 18 juillet 2019;
condamné M. [X] au paiement de la somme de 1 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Par arrêt du 4 novembre 2022, la cour d'appel de Paris, statuant en matière de référé, a déclaré irrecevables les demandes de la société ONO, confirmé l'ordonnance entreprise, dit n'y avoir lieu à son annulation et condamné M. [X] aux dépens et au paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Parallèlement, Mme [K] a, par acte extrajudiciaire du 7 juillet 2022, fait assigner M. [X] et la société ONO devant le tribunal de commerce de Créteil en annulation de l'assemblée générale du 31 mars 2022 et aux fins de voir dire caduque la cession d'action du 16 juin 2020.
Par jugement du 6 décembre 2022, le tribunal de commerce de Créteil a :
dit Mme [K] mal fondée en sa demande tendant à voir prononcer la caducité de la cession de l'action qu'elle détenait au sein de la société ONO ;
dit Mme [K] irrecevable à demander l'annulation de la cession de l'action qu'elle détenait au sein de la société ONO ;
dit Mme [K] mal fondée en sa demande tendant à voir prononcer la nullité des décisions prises par les actionnaires dans l'acte sous-seing privé du 31 mars 2022 et l'en a déboutée ;
rejeté la fin de non-recevoir des demandes de la société ONO soulevée par Mme [K] ;
dit Mme [K] mal fondée en sa demande de dommages et intérêts et l'en a déboutée ;
condamné Mme [K] à payer à M. [X] et à la société ONO la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté Mme [K] de sa demande sur ce fondement ;
condamné Mme [K] aux dépens.
Le 13 décembre 2023, Mme [K] a interjeté appel de ce jugement. Par ordonnance du 28 novembre 2024, le conseiller chargé de la mise en état a prononcé la radiation de l'affaire inscrite au rôle de la cour d'appel de Paris.
Soutenant que Mme [K] se comportait comme le dirigeant de fait de la société ONO et empêchait M. [X] d'exercer ses fonctions de président, M. [X] et la société ONO, ont, par acte extrajudiciaire du 19 décembre 2023, fait assigner Mme [K] devant le président du tribunal de commerce de Créteil afin de voir désigner un administrateur provisoire de la société.
Par ordonnance du 28 février 2024, le président du tribunal de Créteil a :
nommé la société BL et Associés, prise en la personne de Me [Z] [A], [Adresse 5] à [Localité 10], en qualité d'administrateur provisoire, pour une période de 9 mois, avec mission de :
gérer et administrer la société ONO à compter du 5 mars 2024 en se substituant immédiatement à tout dirigeant de droit ou de fait ;
vérifier l'état comptable, juridique et financier de la société ONO ;
prendre attache avec les banques de la société ONO aux fins d'avoir accès à tous les comptes bancaires liés à la gestion de la société et devenir seul donneur d'ordre du compte bancaire 'Office' n°[XXXXXXXXXX01] tenu par la Caisse des dépôts et consignations ;
identifier et vérifier la régularité de toutes les opérations effectuées sur le compte " Office " en 2021, 2022 et 2023 ;
récupérer les clefs de l'immeuble dans lequel la société ONO est exploitée et faire procéder au changement des serrures afin que les accès à l'entreprise soient dûment sous contrôle ;
récupérer le registre légal coté et paraphé de la société ONO, ainsi que celui des associés et des mouvements de titres ;
récupérer le contrat de leasing conclu par la société ONO pour une Mercedes Classe ML et en vérifier l'exécution et le coût ;
donner les instructions appropriées pour les procédures judiciaires en cours ;
vérifier l'état du compte courant d'associé de M. [X] ainsi que celui de l'ancienne associée Mme [F] [M] née [K] ;
dénoncer toute faute de gestion identifiée ;
autorisé l'administrateur provisoire à se faire assister par tout sapiteur de son choix;
autorisé l'administrateur provisoire, s'il le considère approprié, à requérir de l'administration des postes et télécommunications le déroutement du courrier et de tous envois postaux adressés au siège de la société ONO vers son étude, pendant toute la durée de sa mission ;
dit que la présente ordonnance sera publiée conformément à la loi ;
dit qu'en cas de difficulté rencontrée par l'administrateur provisoire dans l'exécution de sa mission, il nous en sera référé ;
fixé à 3 000 euros HT le montant de la consignation initiale de nomination de l'administrateur judiciaire que la société ONO devra lui verser dès sa saisine et préalablement à l'exécution de sa mission à titre d'avance sur sa rémunération mensuelle ;
dit qu'en cas de refus de paiement de cette consignation initiale par Mme [F] [M] née [K], ès qualités de dirigeante de fait de la société ONO, une astreinte de 3 000 euros par jour de retard lui sera appliquée au visa de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
dit qu'après évaluation succincte de la situation, l'administrateur provisoire ci-dessus désigné devra, pour tout dépassement de ses honoraires fixés par la présente ordonnance, nous soumettre le montant de ceux-ci, en y joignant une note justifiant la facturation envisagée ;
rejeté toutes les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
mis les dépens à la charge des parties demanderesses.
Par déclaration du 14 mars 2024, Mme [K] a relevé appel de cette décision sauf en ce qu'elle a :
rejeté toutes les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
mis les dépens à la charge des parties demanderesses ;
Par ordonnance d'incident du 28 novembre 2024, le conseiller délégué a :
rejeté la demande de caducité de la déclaration d'appel ;
condamné M. [X] à payer à Mme [M]-[K] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné M. [X] aux dépens de l'incident.
Par ses dernières conclusions remises et notifiées le 8 juin 2025, Mme [K] demande à la cour de :
infirmer l'ordonnance en ses chefs critiqués ;
statuant à nouveau,
débouter M. [X] et la société Office notarial d'[Localité 8] de leur demande de désignation d'un administrateur provisoire ;
les débouter de toutes autres demandes qu'ils viendraient éventuellement à formuler ;
condamner M. [X] à payer les honoraires de Me [A] ;
condamner M. [X] à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
les condamner aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions remises et notifiées le 12 juin 2025, M. [X] et la société ONO demandent à la cour de :
confirmer l'ordonnance ;
y ajoutant,
débouter Mme [K] de toutes ses demandes plus amples ou contraires dirigées à l' encontre de M. [X] et notamment la débouter de sa demande de condamnation à devoir payer les honoraires de Me [A] et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner Mme [K] à rembourser à M. [X] la somme de 3 600 euros TTC que celle-ci avait été condamnée à devoir payer sous astreinte par l'ordonnance de référé contradictoire en premier ressort rendue par le président du tribunal de commerce de Créteil le 28 février 2024, outre intérêts au taux légal à compter de la date du message RPVA par lequel Mme [K] communique l'ordonnance à la cour d'appel, soit le 1er mars 2024, outre capitalisation au visa de l'article 1343-2 du code civil ;
condamner Mme [K] à payer à M. [X] la somme de 3 600 euros TTC sous la même astreinte de 3 000 euros par jour de retard, à l'avantage de celui-ci, dès le jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;
condamner Mme [K] à payer le solde des honoraires à Me [A], soit la somme de 14 097,19 euros ;
condamner Mme [K] à payer à M. [C] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
la condamner aux dépens ;
confirmer l'exécution provisoire.
Par ses dernières conclusions remises et notifiées le 10 juin 2025, la société BL et Associés, ès qualités d'administrateur provisoire de la société ONO, demande à la cour de :
constater que la société BL et Associés s'en rapporte à la sagesse de la cour quant à la décision à intervenir ;
condamner la partie qui sera jugée responsable à lui payer la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la partie qui sera jugée responsable aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 juin 2025.
Sur ce,
Sur la désignation d'un administrateur provisoire
Aux termes de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Aux termes de l'article 873 du même code, le président du tribunal de commerce peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le juge des référés tient de ces textes le pouvoir de désigner un administrateur provisoire.
Il est rappelé que la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire d'une société est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent.
En l'espèce, pour solliciter la désignation d'un administrateur provisoire de la société ONO, M. [X] et la société ONO soutiennent que, bien que président de droit et associé unique de la société ONO depuis le 31 mars 2022, M. [X] n'a accès ni au compte spécial de l'étude détenant les fonds du public (compte DCN) ni au compte bancaire office n° [XXXXXXXXXX01] (permettant de payer les factures et charges de l'étude) la Caisse des dépôts et consignations lui refusant cet accès faute de certificat de non-appel du jugement du tribunal de commerce de Créteil du 6 décembre 2022. Ils affirment que Mme [K], qui n'est pourtant plus associée de la société ONO, s'impose en qualité de dirigeant de fait de sorte que M. [X] ne peut avoir une quelconque visibilité sur la santé financière de la société qu'il dirige. Ils estiment qu'il convient de distinguer, d'une part, l'exercice de l'activité notariale, d'autre part, le fonctionnement de société par actions simplifiée. Ils affirment que les fonctions de notaire sont distinctes de celles d'un dirigeant de droit d'une société à forme commerciale travaillant avec un 'compte bancaire office'.
Ils considèrent que l'existence d'un péril imminent est établie dès lors que :
- par jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 23 janvier 2024, la société ONO a été condamnée à payer à la société Fichorga, spécialisée dans l'informatique, la vente de matériel et de prestations de services à destination des notaires, la somme, en principal, de 38 710, 28 euros ;
- la rémunération de Mme [K] n'est pas contrôlée, cette dernière s'est octroyée l'usage d'un véhicule dont la location est payée par la société ONO ;
- le rapport rédigé par l'administrateur provisoire désigné par le premier juge met en évidence les multiples débits irréguliers figurant sur le compte bancaire de la société effectués par Mme [K] à titre personnel.
Pour poursuivre l'infirmation de l'ordonnance et voir rejeter la demande de désignation d'un administrateur provisoire, Mme [K] oppose, en premier lieu, que l'objet de la société ne peut être ignoré. Elle ajoute que chaque étude de notaire fait l'objet d'au moins une inspection annuelle, organisée sur l'initiative de la chambre des notaires. Elle souligne que Me [A], désigné en qualité d'administrateur provisoire, a fait état de difficultés pour remplir sa mission dans la mesure où il n'a pas pu avoir accès à tous les documents compte tenu du secret des affaires. Elle considère que M. [X] n'établit pas être le dirigeant de la société ONO et souligne qu'elle est la seule notaire titulaire autorisée à exercer au sein de cette société.
En outre, elle objecte que l'existence d'un péril imminent n'est pas caractérisée dès lors que, d'une part, M. [X] argue de faits anciens relatifs à la demande de transmission des codes d'accès au logiciel comptable ou au compte bancaire, d'autre part, la déclaration d'activité professionnelle pour l'exercice 2023 met en évidence un résultat de 155 397, 03 euros. Elle observe que Me [A], administrateur provisoire, n'est pas en mesure de dire si la société ONO est en état de cessation des paiements.
La cour rappelle que l'article 63 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 a prévu que la profession de notaire pouvait être exercée soit à titre individuel, soit dans le cadre d'une entité dotée de la personnalité morale, à l'exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant, soit en qualité de salarié d'une personne physique ou morale titulaire d'un office notarial. L'article 2 du décret n° 2016-883 du 29 juin 2016 (abrogé par l'article 53 du décret n° 2025-131 du 13 février 2025) indiquait que : ' la nomination d'une société dans un office public et ministériel est prononcée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. La nomination vaut agrément. L'arrêté mentionne la commune du siège de l'office. L'arrêté de nomination porte également nomination de l'associé ou des associés autorisés à exercer la profession concernée dans l'office, en application des dispositions de l'article 1er du décret du 12 juillet 1988 susvisé. Une société peut être nommée dans plusieurs offices d'une même profession, sous réserve du respect des conditions fixées à l'article 24 du présent décret. L'arrêté de nomination prend effet au plus tôt à la date de sa publication au Journal officiel de la République française.' Selon l'article 8 du même décret : 'toute modification de la répartition ou du nombre des actions ou parts sociales détenues par les associés exerçant la profession dont l'exercice constitue l'objet social de la société, ou des droits de vote afférents, fait l'objet, dans un délai de trente jours, d'une déclaration au garde des sceaux, ministre de la justice, par téléprocédure sur le site internet du ministère de la justice, à la diligence de la société ou de l'un au moins des associés concernés.'
A titre surabondant, la cour relève qu'ont ensuite été publiés, l'ordonnance n°2023-77 du 8 février 2023, entrée en vigueur le 1er septembre 2024, qui clarifie l'exercice en société de la profession de notaire -, le décret n°2024-873 du 14 août 2024 - entré en vigueur le 1er septembre 2024, qui détermine les conditions d'exercice en société de la profession de notaire. Le régime des sociétés commerciales de droit commun, dont les sociétés par actions simplifiées, est aligné sur celui des sociétés d'exercice libéral soumises aux règles du livre III de l'ordonnance du 8 février 2023. L'article 61 de l'ordonnance entreprise prévoit que 'le président et les dirigeants des sociétés par actions simplifiées sont des associés exerçant leur activité au sein de la société.' Le décret n° 2025-131 du 13 février 2025 relatif aux sociétés pluri-professionnelles des professions d'avocat, d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, de commissaire de justice, de notaire, d'administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, d'expert-comptable, de commissaire aux comptes, de conseil en propriété industrielle ou de géomètre-expert.
Au cas présent, par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 5 novembre 2018, il a été décidé que : 'La démission de M. [V] ([P]), notaire à la résidence d'[Localité 8] (Val-de-Marne) est acceptée. La société par actions simplifiée à associée unique 'Office Notarial d'[Localité 8]' constituée pour l'exercice de la profession de notaire est nommée notaire à la résidence d'[Localité 8] (Val-de-Marne) en remplacement de M. [V] [P]. Mme [K] ([F], [E], [W]) est nommée notaire associée, membre de la société par actions simplifiée à associé unique Office Notarial d'[Localité 8].'
Se fondant sur un acte de cession d'action du 16 juin 2020 et sur un acte du 31 mars 2022 mentionnant une modification des statuts de la société, M. [X] fait valoir qu'il est l'unique associé et président de la société ONO.
Mme [K] objecte qu'il ne peut être ignoré qu'elle a formé appel contre le jugement du tribunal de commerce de Créteil qui a, selon elle, 'validé les manoeuvres de M. [X] pour se voir désigner président de la société ONO'.
A ce stade, il convient de constater que le jugement du 6 décembre 2022 du tribunal de commerce de Créteil, assorti de l'exécution provisoire, a :
- dit Mme [K] mal fondée en sa demande tendant à voir prononcer la caducité de la cession de l'action qu'elle détenait au sein de la société ONO ;
- dit Mme [K] irrecevable à demander l'annulation de la cession de l'action qu'elle détenait au sein de la société ONO ;
- dit Mme [K] mal fondée en sa demande tendant à voir prononcer la nullité des décisions prises par les actionnaires dans l'acte sous-seing privé du 31 mars 2022 et l'en a débouté ;
Si Mme [K] a interjeté appel de cette décision, l'affaire inscrite au registre général du rôle de la cour sous le numéro 22-20599 a été radiée par ordonnance du 28 novembre 2024.
Cependant, au-delà de la question de la détermination de l'identité du président de la société ONO, et ainsi que relevé par Mme [K], s'agissant d'une société ayant pour objet'l'exercice de l'activité de notaire', les fonctions de président de la société ONO et celles de l'étude notariale ne peuvent, contrairement à ce que le premier juge a retenu, être dissociées.
L'article 1er de l'ordonnance n°45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat dispose que les notaires sont les officiers publics, établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions.
Il s'ensuit que, nonobstant la question de l'existence d'un fonctionnement anormal de la société l'exposant à un péril imminent, un administrateur provisoire n'exerçant pas la profession de notaire ne pouvait être désigné par le premier juge.
Me [A], exerçant au sein de la SELAS BL et Associés, désignée par le premier juge en qualité d'administrateur provisoire, a d'ailleurs souligné qu'il s'était heurté à des contraintes réglementaires eu égard à la confidentialité attachée à la profession de notaire.
De plus, par ordonnance du 18 décembre 2024, le président du tribunal de commerce de Créteil, après avoir notamment relevé 'l'impossibilité pour le mandataire de justice désigné d'accomplir pleinement sa mission' et que 'les organismes de la profession notariale semb[laient] plus adaptés' a dit n'y avoir lieu de proroger la mission de la SELAS BL et Associés.
Dès lors, la demande tendant à voir désigner un administrateur provisoire de la société ONO sera rejetée.
L'ordonnance entreprise sera infirmée de ce chef.
Sur les autres demandes de la société ONO et de M. [X]
Aux termes de l'article 873, alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut, dans la limite de la compétence du tribunal, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Les demandes de la société ONO et de M. [X] tendant à voir condamner Mme [K] à rembourser à M. [X] la somme de 3 600 euros TTC, qui ne sont pas formées à titre provisionnel, sont irrecevables.
Sur les frais et honoraires de l'administrateur provisoire
Le sens de l'arrêt commande de mettre à la charge de M. [X] et de la société ONO les frais et honoraires de l'administrateur provisoire.
La demande de la société ONO et M. [X] tendant à voir condamner Mme [K] à payer le solde des honoraires à Me [A], soit la somme de 14 097,19 euros sera rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dispositions de l'ordonnance entreprise relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
M. [X] et la société ONO, parties succombantes, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel.
M. [X] sera condamné à payer la somme de 2 000 euros à Mme [K] et de 1 200 euros à la société BL et Associés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande au titre des frais irrépétibles formée par M. [X] sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans la limite de l'appel,
Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;
Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle désigne un administrateur provisoire de la société Office Notarial d'[Localité 8] ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Rejette la demande de M. [X] et de la société Office Notarial d'[Localité 8] tendant à la désignation d'un administrateur provisoire ;
Dit irrecevables les demandes en paiement de la société ONO et de M. [X] tendant à voir condamner Mme [K] ;
Condamne in solidum la société Office Notarial d'[Localité 8] et M. [X] à payer les frais et honoraires de l'administrateur provisoire désigné par le premier juge ;
Rejette la demande de la société Office Notarial d'[Localité 8] et de M. [X] tendant à voir condamner Mme [K] à payer le solde des honoraires de Me [A] ;
Condamne in solidum la société Office Notarial d'[Localité 8] et M. [X] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [X], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à payer :
- la somme de 2 000 euros à Mme [K] ;
- la somme de 1 200 euros à la société BL et Associés ;
Rejette la demande de la société Office Notarial d'[Localité 8] et de M. [X] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2025
(n° 354 , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/05618 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJEOE
Décision déférée à la cour : ordonnance du 28 février 2024 - président du TC de Créteil - RG n° 2024R00015
APPELANTE
Mme [F] [K] épouse [M]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Jérôme-Marc BERTRAND de la SCP BERTRAND ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0079
Ayant pour avocat plaidant Me Nathalie BERTRAND de la SCP BERTRAND ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMÉS
M. [S] [X]
[Adresse 3]
[Localité 7]
S.A.S.U. OFFICE NOTARIAL D'[Localité 8], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 8]
Représentés par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
Ayant pour avocat plaidant Me Fabienne VAN DER VLEUGEL de la SELARL VDV AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
S.E.L.A.S. BL ET ASSOCIES, en qualité d'administrateur provioire de la société OFFICE NOTARIAL D'[Localité 8], RCS de Créteil n°898429816, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 10]
Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09
Ayant pour avocat plaidant Me Jacqueline FERREIRA, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 juin 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Valérie GEORGET, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Michel RISPE, président de chambre
Anne-Gaël BLANC, conseillère
Valérie GEORGET, conseillère
Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Michel RISPE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.
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Mme [K] et M. [X] exercent la profession de notaire.
En 2017, ils ont entrepris de s'associer et de prendre en charge chacun une étude notariale dans les départements de la Seine-et-Marne et du Val-de-Marne.
Le 11 décembre 2017, Mme [K] et M. [X] ont créé la société de participation financière de profession libérale de notaire par action simplifiée PRAX.
La société par actions simplifiéeVal d'Europe, dirigée par M. [X], a été créée.
Le 14 août 2018 a été créée la société par actions simplifiée Office Notarial d'[Localité 8] (ONO) ayant son siège social à [Localité 8] (94) et pour objet'l'exercice de l'activité de notaire'. Mme [K], associée unique, était désignée présidente de la société.
Par arrêté du 5 novembre 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice a accepté la démission de M. [V] notaire à la résidence d'[Localité 8] (Val-de-Marne), nommé la société par actions simplifiée à associé unique 'Office Notarial d'[Localité 8]', constituée pour l'exercice de la profession de notaire, notaire à la résidence d'[Localité 8] en remplacement de M. [V].
Par acte du 18 juillet 2019, Mme [K] a cédé à M. [X] 50 actions de la société ONO.
Par contrat du même jour, Mme [K] et M. [X] ont notamment apporté chacun à la société PRAX, 49 parts de la société ONO et 49 parts de la société SELARL du Val d'Europe Notaires.
Les relations entre Mme [K] et M. [C] se sont sensiblement dégradées à compter de 2021.
Soutenant avoir découvert, au cours du mois de mai 2022, que M. [X] avait fait enregistrer au registre du commerce et des sociétés différents actes aux termes desquels il serait devenu le seul actionnaire de la société ONO et son président (acte de cession d'action du 16 juin 2020 et acte du 31 mars 2022 actant une modification des statuts de la société), Mme [K] a, par acte extrajudiciaire du 8 août 2022, fait assigner M. [X] devant le président du tribunal de commerce de Créteil, statuant en référé, aux fins de voir suspendre les effets des décisions prises par l'assemblée générale du 31 mars 2022.
Par ordonnance de référé du 24 août 2022, le président du tribunal de commerce de Créteil a :
ordonné la suspension des effets de l'assemblée générale du 31 mars 2022 jusqu'à l'issue de la procédure engagée au fond devant se prononcer sur l'annulation de l'assemblée générale du 31 mars 2022 ;
suspendu les effets des décisions des associés de la société ONO du 31 mars 2022 jusqu'à l'issue de la procédure engagée devant le juge du fond devant se prononcer sur l'annulation de l'assemblée générale du 31 mars 2022 en interdisant à M. [X] de se prévaloir des fonctions de président en lieu et place de Mme [K], président en titre et en exercice et en ordonnant aux parties de gérer la société ONO dans les termes des statuts approuvés le 18 juillet 2019;
condamné M. [X] au paiement de la somme de 1 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Par arrêt du 4 novembre 2022, la cour d'appel de Paris, statuant en matière de référé, a déclaré irrecevables les demandes de la société ONO, confirmé l'ordonnance entreprise, dit n'y avoir lieu à son annulation et condamné M. [X] aux dépens et au paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Parallèlement, Mme [K] a, par acte extrajudiciaire du 7 juillet 2022, fait assigner M. [X] et la société ONO devant le tribunal de commerce de Créteil en annulation de l'assemblée générale du 31 mars 2022 et aux fins de voir dire caduque la cession d'action du 16 juin 2020.
Par jugement du 6 décembre 2022, le tribunal de commerce de Créteil a :
dit Mme [K] mal fondée en sa demande tendant à voir prononcer la caducité de la cession de l'action qu'elle détenait au sein de la société ONO ;
dit Mme [K] irrecevable à demander l'annulation de la cession de l'action qu'elle détenait au sein de la société ONO ;
dit Mme [K] mal fondée en sa demande tendant à voir prononcer la nullité des décisions prises par les actionnaires dans l'acte sous-seing privé du 31 mars 2022 et l'en a déboutée ;
rejeté la fin de non-recevoir des demandes de la société ONO soulevée par Mme [K] ;
dit Mme [K] mal fondée en sa demande de dommages et intérêts et l'en a déboutée ;
condamné Mme [K] à payer à M. [X] et à la société ONO la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté Mme [K] de sa demande sur ce fondement ;
condamné Mme [K] aux dépens.
Le 13 décembre 2023, Mme [K] a interjeté appel de ce jugement. Par ordonnance du 28 novembre 2024, le conseiller chargé de la mise en état a prononcé la radiation de l'affaire inscrite au rôle de la cour d'appel de Paris.
Soutenant que Mme [K] se comportait comme le dirigeant de fait de la société ONO et empêchait M. [X] d'exercer ses fonctions de président, M. [X] et la société ONO, ont, par acte extrajudiciaire du 19 décembre 2023, fait assigner Mme [K] devant le président du tribunal de commerce de Créteil afin de voir désigner un administrateur provisoire de la société.
Par ordonnance du 28 février 2024, le président du tribunal de Créteil a :
nommé la société BL et Associés, prise en la personne de Me [Z] [A], [Adresse 5] à [Localité 10], en qualité d'administrateur provisoire, pour une période de 9 mois, avec mission de :
gérer et administrer la société ONO à compter du 5 mars 2024 en se substituant immédiatement à tout dirigeant de droit ou de fait ;
vérifier l'état comptable, juridique et financier de la société ONO ;
prendre attache avec les banques de la société ONO aux fins d'avoir accès à tous les comptes bancaires liés à la gestion de la société et devenir seul donneur d'ordre du compte bancaire 'Office' n°[XXXXXXXXXX01] tenu par la Caisse des dépôts et consignations ;
identifier et vérifier la régularité de toutes les opérations effectuées sur le compte " Office " en 2021, 2022 et 2023 ;
récupérer les clefs de l'immeuble dans lequel la société ONO est exploitée et faire procéder au changement des serrures afin que les accès à l'entreprise soient dûment sous contrôle ;
récupérer le registre légal coté et paraphé de la société ONO, ainsi que celui des associés et des mouvements de titres ;
récupérer le contrat de leasing conclu par la société ONO pour une Mercedes Classe ML et en vérifier l'exécution et le coût ;
donner les instructions appropriées pour les procédures judiciaires en cours ;
vérifier l'état du compte courant d'associé de M. [X] ainsi que celui de l'ancienne associée Mme [F] [M] née [K] ;
dénoncer toute faute de gestion identifiée ;
autorisé l'administrateur provisoire à se faire assister par tout sapiteur de son choix;
autorisé l'administrateur provisoire, s'il le considère approprié, à requérir de l'administration des postes et télécommunications le déroutement du courrier et de tous envois postaux adressés au siège de la société ONO vers son étude, pendant toute la durée de sa mission ;
dit que la présente ordonnance sera publiée conformément à la loi ;
dit qu'en cas de difficulté rencontrée par l'administrateur provisoire dans l'exécution de sa mission, il nous en sera référé ;
fixé à 3 000 euros HT le montant de la consignation initiale de nomination de l'administrateur judiciaire que la société ONO devra lui verser dès sa saisine et préalablement à l'exécution de sa mission à titre d'avance sur sa rémunération mensuelle ;
dit qu'en cas de refus de paiement de cette consignation initiale par Mme [F] [M] née [K], ès qualités de dirigeante de fait de la société ONO, une astreinte de 3 000 euros par jour de retard lui sera appliquée au visa de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
dit qu'après évaluation succincte de la situation, l'administrateur provisoire ci-dessus désigné devra, pour tout dépassement de ses honoraires fixés par la présente ordonnance, nous soumettre le montant de ceux-ci, en y joignant une note justifiant la facturation envisagée ;
rejeté toutes les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
mis les dépens à la charge des parties demanderesses.
Par déclaration du 14 mars 2024, Mme [K] a relevé appel de cette décision sauf en ce qu'elle a :
rejeté toutes les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
mis les dépens à la charge des parties demanderesses ;
Par ordonnance d'incident du 28 novembre 2024, le conseiller délégué a :
rejeté la demande de caducité de la déclaration d'appel ;
condamné M. [X] à payer à Mme [M]-[K] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné M. [X] aux dépens de l'incident.
Par ses dernières conclusions remises et notifiées le 8 juin 2025, Mme [K] demande à la cour de :
infirmer l'ordonnance en ses chefs critiqués ;
statuant à nouveau,
débouter M. [X] et la société Office notarial d'[Localité 8] de leur demande de désignation d'un administrateur provisoire ;
les débouter de toutes autres demandes qu'ils viendraient éventuellement à formuler ;
condamner M. [X] à payer les honoraires de Me [A] ;
condamner M. [X] à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
les condamner aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions remises et notifiées le 12 juin 2025, M. [X] et la société ONO demandent à la cour de :
confirmer l'ordonnance ;
y ajoutant,
débouter Mme [K] de toutes ses demandes plus amples ou contraires dirigées à l' encontre de M. [X] et notamment la débouter de sa demande de condamnation à devoir payer les honoraires de Me [A] et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner Mme [K] à rembourser à M. [X] la somme de 3 600 euros TTC que celle-ci avait été condamnée à devoir payer sous astreinte par l'ordonnance de référé contradictoire en premier ressort rendue par le président du tribunal de commerce de Créteil le 28 février 2024, outre intérêts au taux légal à compter de la date du message RPVA par lequel Mme [K] communique l'ordonnance à la cour d'appel, soit le 1er mars 2024, outre capitalisation au visa de l'article 1343-2 du code civil ;
condamner Mme [K] à payer à M. [X] la somme de 3 600 euros TTC sous la même astreinte de 3 000 euros par jour de retard, à l'avantage de celui-ci, dès le jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;
condamner Mme [K] à payer le solde des honoraires à Me [A], soit la somme de 14 097,19 euros ;
condamner Mme [K] à payer à M. [C] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
la condamner aux dépens ;
confirmer l'exécution provisoire.
Par ses dernières conclusions remises et notifiées le 10 juin 2025, la société BL et Associés, ès qualités d'administrateur provisoire de la société ONO, demande à la cour de :
constater que la société BL et Associés s'en rapporte à la sagesse de la cour quant à la décision à intervenir ;
condamner la partie qui sera jugée responsable à lui payer la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la partie qui sera jugée responsable aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 juin 2025.
Sur ce,
Sur la désignation d'un administrateur provisoire
Aux termes de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Aux termes de l'article 873 du même code, le président du tribunal de commerce peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le juge des référés tient de ces textes le pouvoir de désigner un administrateur provisoire.
Il est rappelé que la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire d'une société est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent.
En l'espèce, pour solliciter la désignation d'un administrateur provisoire de la société ONO, M. [X] et la société ONO soutiennent que, bien que président de droit et associé unique de la société ONO depuis le 31 mars 2022, M. [X] n'a accès ni au compte spécial de l'étude détenant les fonds du public (compte DCN) ni au compte bancaire office n° [XXXXXXXXXX01] (permettant de payer les factures et charges de l'étude) la Caisse des dépôts et consignations lui refusant cet accès faute de certificat de non-appel du jugement du tribunal de commerce de Créteil du 6 décembre 2022. Ils affirment que Mme [K], qui n'est pourtant plus associée de la société ONO, s'impose en qualité de dirigeant de fait de sorte que M. [X] ne peut avoir une quelconque visibilité sur la santé financière de la société qu'il dirige. Ils estiment qu'il convient de distinguer, d'une part, l'exercice de l'activité notariale, d'autre part, le fonctionnement de société par actions simplifiée. Ils affirment que les fonctions de notaire sont distinctes de celles d'un dirigeant de droit d'une société à forme commerciale travaillant avec un 'compte bancaire office'.
Ils considèrent que l'existence d'un péril imminent est établie dès lors que :
- par jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 23 janvier 2024, la société ONO a été condamnée à payer à la société Fichorga, spécialisée dans l'informatique, la vente de matériel et de prestations de services à destination des notaires, la somme, en principal, de 38 710, 28 euros ;
- la rémunération de Mme [K] n'est pas contrôlée, cette dernière s'est octroyée l'usage d'un véhicule dont la location est payée par la société ONO ;
- le rapport rédigé par l'administrateur provisoire désigné par le premier juge met en évidence les multiples débits irréguliers figurant sur le compte bancaire de la société effectués par Mme [K] à titre personnel.
Pour poursuivre l'infirmation de l'ordonnance et voir rejeter la demande de désignation d'un administrateur provisoire, Mme [K] oppose, en premier lieu, que l'objet de la société ne peut être ignoré. Elle ajoute que chaque étude de notaire fait l'objet d'au moins une inspection annuelle, organisée sur l'initiative de la chambre des notaires. Elle souligne que Me [A], désigné en qualité d'administrateur provisoire, a fait état de difficultés pour remplir sa mission dans la mesure où il n'a pas pu avoir accès à tous les documents compte tenu du secret des affaires. Elle considère que M. [X] n'établit pas être le dirigeant de la société ONO et souligne qu'elle est la seule notaire titulaire autorisée à exercer au sein de cette société.
En outre, elle objecte que l'existence d'un péril imminent n'est pas caractérisée dès lors que, d'une part, M. [X] argue de faits anciens relatifs à la demande de transmission des codes d'accès au logiciel comptable ou au compte bancaire, d'autre part, la déclaration d'activité professionnelle pour l'exercice 2023 met en évidence un résultat de 155 397, 03 euros. Elle observe que Me [A], administrateur provisoire, n'est pas en mesure de dire si la société ONO est en état de cessation des paiements.
La cour rappelle que l'article 63 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 a prévu que la profession de notaire pouvait être exercée soit à titre individuel, soit dans le cadre d'une entité dotée de la personnalité morale, à l'exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant, soit en qualité de salarié d'une personne physique ou morale titulaire d'un office notarial. L'article 2 du décret n° 2016-883 du 29 juin 2016 (abrogé par l'article 53 du décret n° 2025-131 du 13 février 2025) indiquait que : ' la nomination d'une société dans un office public et ministériel est prononcée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. La nomination vaut agrément. L'arrêté mentionne la commune du siège de l'office. L'arrêté de nomination porte également nomination de l'associé ou des associés autorisés à exercer la profession concernée dans l'office, en application des dispositions de l'article 1er du décret du 12 juillet 1988 susvisé. Une société peut être nommée dans plusieurs offices d'une même profession, sous réserve du respect des conditions fixées à l'article 24 du présent décret. L'arrêté de nomination prend effet au plus tôt à la date de sa publication au Journal officiel de la République française.' Selon l'article 8 du même décret : 'toute modification de la répartition ou du nombre des actions ou parts sociales détenues par les associés exerçant la profession dont l'exercice constitue l'objet social de la société, ou des droits de vote afférents, fait l'objet, dans un délai de trente jours, d'une déclaration au garde des sceaux, ministre de la justice, par téléprocédure sur le site internet du ministère de la justice, à la diligence de la société ou de l'un au moins des associés concernés.'
A titre surabondant, la cour relève qu'ont ensuite été publiés, l'ordonnance n°2023-77 du 8 février 2023, entrée en vigueur le 1er septembre 2024, qui clarifie l'exercice en société de la profession de notaire -, le décret n°2024-873 du 14 août 2024 - entré en vigueur le 1er septembre 2024, qui détermine les conditions d'exercice en société de la profession de notaire. Le régime des sociétés commerciales de droit commun, dont les sociétés par actions simplifiées, est aligné sur celui des sociétés d'exercice libéral soumises aux règles du livre III de l'ordonnance du 8 février 2023. L'article 61 de l'ordonnance entreprise prévoit que 'le président et les dirigeants des sociétés par actions simplifiées sont des associés exerçant leur activité au sein de la société.' Le décret n° 2025-131 du 13 février 2025 relatif aux sociétés pluri-professionnelles des professions d'avocat, d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, de commissaire de justice, de notaire, d'administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, d'expert-comptable, de commissaire aux comptes, de conseil en propriété industrielle ou de géomètre-expert.
Au cas présent, par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 5 novembre 2018, il a été décidé que : 'La démission de M. [V] ([P]), notaire à la résidence d'[Localité 8] (Val-de-Marne) est acceptée. La société par actions simplifiée à associée unique 'Office Notarial d'[Localité 8]' constituée pour l'exercice de la profession de notaire est nommée notaire à la résidence d'[Localité 8] (Val-de-Marne) en remplacement de M. [V] [P]. Mme [K] ([F], [E], [W]) est nommée notaire associée, membre de la société par actions simplifiée à associé unique Office Notarial d'[Localité 8].'
Se fondant sur un acte de cession d'action du 16 juin 2020 et sur un acte du 31 mars 2022 mentionnant une modification des statuts de la société, M. [X] fait valoir qu'il est l'unique associé et président de la société ONO.
Mme [K] objecte qu'il ne peut être ignoré qu'elle a formé appel contre le jugement du tribunal de commerce de Créteil qui a, selon elle, 'validé les manoeuvres de M. [X] pour se voir désigner président de la société ONO'.
A ce stade, il convient de constater que le jugement du 6 décembre 2022 du tribunal de commerce de Créteil, assorti de l'exécution provisoire, a :
- dit Mme [K] mal fondée en sa demande tendant à voir prononcer la caducité de la cession de l'action qu'elle détenait au sein de la société ONO ;
- dit Mme [K] irrecevable à demander l'annulation de la cession de l'action qu'elle détenait au sein de la société ONO ;
- dit Mme [K] mal fondée en sa demande tendant à voir prononcer la nullité des décisions prises par les actionnaires dans l'acte sous-seing privé du 31 mars 2022 et l'en a débouté ;
Si Mme [K] a interjeté appel de cette décision, l'affaire inscrite au registre général du rôle de la cour sous le numéro 22-20599 a été radiée par ordonnance du 28 novembre 2024.
Cependant, au-delà de la question de la détermination de l'identité du président de la société ONO, et ainsi que relevé par Mme [K], s'agissant d'une société ayant pour objet'l'exercice de l'activité de notaire', les fonctions de président de la société ONO et celles de l'étude notariale ne peuvent, contrairement à ce que le premier juge a retenu, être dissociées.
L'article 1er de l'ordonnance n°45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat dispose que les notaires sont les officiers publics, établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions.
Il s'ensuit que, nonobstant la question de l'existence d'un fonctionnement anormal de la société l'exposant à un péril imminent, un administrateur provisoire n'exerçant pas la profession de notaire ne pouvait être désigné par le premier juge.
Me [A], exerçant au sein de la SELAS BL et Associés, désignée par le premier juge en qualité d'administrateur provisoire, a d'ailleurs souligné qu'il s'était heurté à des contraintes réglementaires eu égard à la confidentialité attachée à la profession de notaire.
De plus, par ordonnance du 18 décembre 2024, le président du tribunal de commerce de Créteil, après avoir notamment relevé 'l'impossibilité pour le mandataire de justice désigné d'accomplir pleinement sa mission' et que 'les organismes de la profession notariale semb[laient] plus adaptés' a dit n'y avoir lieu de proroger la mission de la SELAS BL et Associés.
Dès lors, la demande tendant à voir désigner un administrateur provisoire de la société ONO sera rejetée.
L'ordonnance entreprise sera infirmée de ce chef.
Sur les autres demandes de la société ONO et de M. [X]
Aux termes de l'article 873, alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut, dans la limite de la compétence du tribunal, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Les demandes de la société ONO et de M. [X] tendant à voir condamner Mme [K] à rembourser à M. [X] la somme de 3 600 euros TTC, qui ne sont pas formées à titre provisionnel, sont irrecevables.
Sur les frais et honoraires de l'administrateur provisoire
Le sens de l'arrêt commande de mettre à la charge de M. [X] et de la société ONO les frais et honoraires de l'administrateur provisoire.
La demande de la société ONO et M. [X] tendant à voir condamner Mme [K] à payer le solde des honoraires à Me [A], soit la somme de 14 097,19 euros sera rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dispositions de l'ordonnance entreprise relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
M. [X] et la société ONO, parties succombantes, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel.
M. [X] sera condamné à payer la somme de 2 000 euros à Mme [K] et de 1 200 euros à la société BL et Associés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande au titre des frais irrépétibles formée par M. [X] sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans la limite de l'appel,
Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;
Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle désigne un administrateur provisoire de la société Office Notarial d'[Localité 8] ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Rejette la demande de M. [X] et de la société Office Notarial d'[Localité 8] tendant à la désignation d'un administrateur provisoire ;
Dit irrecevables les demandes en paiement de la société ONO et de M. [X] tendant à voir condamner Mme [K] ;
Condamne in solidum la société Office Notarial d'[Localité 8] et M. [X] à payer les frais et honoraires de l'administrateur provisoire désigné par le premier juge ;
Rejette la demande de la société Office Notarial d'[Localité 8] et de M. [X] tendant à voir condamner Mme [K] à payer le solde des honoraires de Me [A] ;
Condamne in solidum la société Office Notarial d'[Localité 8] et M. [X] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [X], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à payer :
- la somme de 2 000 euros à Mme [K] ;
- la somme de 1 200 euros à la société BL et Associés ;
Rejette la demande de la société Office Notarial d'[Localité 8] et de M. [X] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT