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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 13, 19 septembre 2025, n° 22/04506

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/04506

19 septembre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 19 Septembre 2025

(n° , 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/04506 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFSOI

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Mars 2022 par le Pole social du TJ de [Localité 18] RG n° 19/10834

APPELANTE

Madame [Z] [C] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Arnaud TAILFER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0445 substitué par Me Claire TOURNIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

[Adresse 22]

[Adresse 1]

[Adresse 11]

[Localité 3]

représentée par Mme [R] [V] en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Raoul CARBONARO, Président de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

Mme Sophie COUPET,

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Raoul CARBONARO, Président de chambre et Mme Fatma DEVECI, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par madame [Z] [L] d'un jugement rendu le 17 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Paris sous le RG 19/10834 dans un litige l'opposant à l'Urssaf Centre - Val-de-Loire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que l'Urssaf a adressé à madame [L], le 26 novembre 2018 un appel de cotisation d'un montant de 40 385 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie ([12]) de l'année 2017, calculée sur ses revenus du patrimoine 2017 et exigible au 28 décembre 2018.

Madame [L] s'est acquittée de l'intégralité de la somme réclamée.

Par courrier du 2 janvier 2019, madame [L] a formé une réclamation auprès des services de l'Urssaf Centre - Val-de-[Localité 17].

Par courrier du 29 mars 2019, les services de l'Urssaf Centre - Val-de-[Localité 17] ont maintenu l'appel de cotisation en date du 26 novembre 2018.

Par courrier du 25 avril 2019, madame [L] a saisi la commission de recours amiable ([8]) de l'Urssaf Centre - Val-de-[Localité 17] d'une contestation du bien-fondé de son assujettissement à la [12] au titre de l'année 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er juillet 2019, madame [L] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judicaire, d'une contestation de la décision implicite de rejet de la [Adresse 9], celle-ci n'ayant pas statué dans le délai règlementaire.

Par décision en date du 26 septembre 2019 notifiée à l'intéressée le 5 octobre 2019, la [10] a rejeté la requête de madame [L].

Par jugement du 17 mars 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Paris a :

- déclaré madame [L] recevable en son recours, mais mal fondée ;

- débouté madame [L] de l'ensemble de ses prétentions ;

- déclaré régulier l'appel de cotisation subsidiaire maladie en date du 26 novembre 2018 adressé par l'Urssaf Centre - Val-de-[Localité 17] ;

- validé l'appel de cotisation subsidiaire maladie en date du 26 novembre 2018 pour son montant de 40 385 euros ;

- condamné madame [L] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal retient que :

- les dispositions réglementaires, à savoir le décret 2016-979 du 19 juillet 2016 relatif aux modalités de calcul de la [12] et le décret 2017-736 du 3 mai 2017 relatif aux modalités de recouvrement de la [12] sont entrés en vigueur avant l'appel de cotisation du 15 décembre 2017, objet du litige ; en conséquence, l'appel de cotisation ne saurait être annulé du fait du caractère prétendument rétroactif des textes instaurant la [12] ;

- le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible, sans aucune autre sanction, de telle sorte que l'appel à cotisation n'est pas entaché d'irrégularité du fait de son caractère tardif ;

- en dépit du caractère tardif de l'information spécifique du traitement de données personnelles, un éventuel manquement aux dispositions de la loi informatique et libertés ne saurait être sanctionné par la nullité de l'appel de cotisation litigieux, en l'absence de grief particulier invoqué par madame [L] ;

- les plus-values de cession de valeurs mobilières (déclarées en case 3 VG de la déclaration 2042) sont des revenus entrant dans le calcul de l'assiette de la [12], leur caractère « exceptionnel » étant indifférent à cette prise en compte ; ainsi, le fait que la constitution de cette plus-value se soit étalée sur une période supérieure à huit ans en l'espèce, est sans incidence sur son intégration totale dans l'assiette de la cotisation, ainsi que sur les règles de calcul de la [12] ;

- les moyens invoqués par madame [L] aux fins d'annulation de l'appel de cotisation du 26 novembre 2018 fondés sur une prétendue inconstitutionnalité de la [12], ainsi que sur une prétendue violation du principe d'égalité devant l'impôt, sont rejetés.

Le jugement a été notifié le 23 mars 2022 à Mme [L], qui en a interjeté appel par recommandé expédié le 5 avril 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience collégiale de la cour d'appel du 12 juin 2025, après un renvoi.

Par conclusions visées par le greffe et reprises oralement à l'audience, Mme [L] demande à la cour de :

- Annuler le jugement rendu le 17 mars 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris ;

- A titre principal, annuler l'appel de cotisation critiqué et lui restituer la somme réglée au titre de la [12] 2017 ;

- A titre subsidiaire, restituer le trop-perçu de cotisation, excédant la cotisation maximale égale à 8 fois le PASS ;

- Condamner l'Urssaf à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles;

- Ordonner l'exécution provisoire du jugement.

Par conclusions visées par le greffe et reprises oralement à l'audience, l'Urssaf demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Paris du 17 mars 2022 ;

Y ajoutant,

- A titre reconventionnel, condamner la requérante à lui verser la somme restant due de 26 170 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie ;

- Confirmer la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable en date du 26 septembre 2019 ;

- Valider l'appel de cotisation du 26 novembre 2018 d'un montant de 40 385 euros ;

- Rejeter les arguments et prétentions de Mme [L] ;

- Condamner Mme [L] aux entiers dépens.

A l'issue de l'audience, les parties ont été informées que la décision serait mise à disposition le 19 septembre 2019.

SUR CE :

- Sur le caractère tardif de l'appel à cotisation :

Moyens des parties :

Mme [L] expose qu'en application de l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale, la délivrance tardive de l'appel à cotisation le rend illégal, puisqu'après le 30 novembre de l'année, l'Urssaf n'est plus compétente ratione temporis pour procéder à l'appel à cotisation. Elle précise que l'appel de cotisation a été établi le 26 novembre 2018 et reçu par elle après le 30 novembre 2018.

L'Urssaf fait valoir que si l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale prévoit que la cotisation est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due, aucune sanction n'est prévue en cas de délivrance tardive. Elle indique qu'en vertu d'une jurisprudence claire (Cass., Civ. 2e, 28 janvier 2021, pourvois 19-22.255 et 19-25.853), le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale a pour seul effet le report du délai au terme duquel la cotisation devient exigible.

L'Urssaf indique que l'appel de cotisation ne constitue pas un acte administratif faisant grief à la redevable et qu'il ne peut donc être annulé. Elle précise que le retard de délivrance n'affecte que la date d'exigibilité qui se voit repoussée, ce qui n'entraîne aucun préjudice pour la redevable.

Réponse de la cour :

L'alinéa 1er de l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale dispose :

« La cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée. »

L'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale dispose que :

« Les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s'apprécie à compter du 30 juin de l'année qui suit l'année au titre de laquelle elles sont dues. »

L'article L. 244-8-1 du code de la sécurité sociale dispose que :

« Le délai de prescription de l'action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard, intentée indépendamment ou après extinction de l'action publique, est de trois ans à compter de l'expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L. 244-2 et L. 244-3. »

Le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l'article R. 380-4 a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible (2e Civ., 28 janvier 2021, pourvoi n° 19-22.255 ; 2e Civ., 6 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.379), étant rappelé qu'aucune sanction de nullité n'est prévue en cas de non-respect du délai. Dès lors, le dépassement du délai prévu entraîne uniquement le report de l'exigibilité et du point de départ de calcul des majorations de retard.

Le report de l'exigibilité de la cotisation ne fait pas grief au cotisant. En effet, il convient de distinguer, d'une part, la prescription de la dette et d'autre part, la prescription de l'action en recouvrement. En application de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, quelle que soit la date de l'appel à cotisation, la dette de cotisation de Mme [L] se prescrit par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elle est due. Un décalage de l'appel à cotisation sera donc sans effet sur le cours de la prescription de la dette, qui commence toujours à courir le 31 décembre de l'année au titre de laquelle elle est due. En revanche, le report de l'exigibilité influe sur la prescription de l'action en recouvrement qui ne pourra courir qu'à compter de la délivrance de la mise en demeure ; un décalage de l'appel à cotisation retardera donc le point de départ de la prescription de l'action en recouvrement, qui est sans autre effet sur le cotisant que d'allonger le délai de paiement, étant précisé que si l'appel à cotisation intervient après le délai triennal de prescription de la dette, l'[Adresse 21] ne pourra plus réclamer aucune somme.

En l'espèce, l'appel de cotisation a été établi le 26 novembre 2018, l'Urssaf ne justifie pas de sa date d'envoi. Mme [L] affirme, dans son premier courrier, l'avoir reçu le 10 décembre 2018. Quoi qu'il en soit, au regard des éléments sus-évoqués, même si l'appel de cotisation a été reçu après le 30 novembre 2018, il n'en demeure pas moins régulier, seule la date d'exigibilité a été décalée.

Ce moyen sera en conséquence rejeté.

- Sur la régularité de l'appel à cotisations au regard de la régularité du transfert des données personnelles :

Moyens des parties :

Mme [L] expose que pour permettre le recouvrement de la [12], deux traitements de données personnelles doivent être mis en 'uvre :

- un traitement automatisé de transfert de données personnelles par l'administration fiscale ([13]) à l'administration sociale ([5]) ;

- un traitement concernant l'utilisation par l'ACOSS des données reçues de la [13].

Elle indique que le décret autorisant le transfert des données par la [13] à l'ACOSS est paru au JO du 26 mai 2018, c'est-à-dire postérieurement à la mise en recouvrement de la [12] 2016.

L'Urssaf expose que les dispositions de l'article 27 de la loi Informatique et libertés sont respectées, dès lors que le transfert des données entre l'administration fiscale et l'Urssaf est prévu par le dernier alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, par l'article R. 380-3 du code de la sécurité sociale, par l'article D. 380-5 du code de la sécurité sociale, ainsi que par le décret du 3 novembre 2017, pris après avis motivé de la [7]. Elle précise que le décret du 24 mai 2018 est venu compléter ce dispositif pour permettre à la [13] d'effectuer à son niveau, un premier traitement de données pour la cotisation 2017 appelée en 2018.

En tout état de cause, l'Urssaf indique qu'en cas de non-respect de l'article 27 de la loi Informatique et libertés, la sanction ne consiste pas en l'annulation de l'appel à cotisation, mais relève de la [7].

Réponse de la cour :

L'article 22 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 (ancien article 27), dans sa version applicable au litige telle qu'elle résulte de la loi 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles, dispose :

« Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les catégories de responsables de traitement et les finalités de ces traitements au vu desquelles ces derniers peuvent être mis en 'uvre lorsqu'ils portent sur des données comportant le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques. La mise en 'uvre des traitements intervient sans préjudice des obligations qui incombent aux responsables de traitement ou à leurs sous-traitants en application de la section 3 du chapitre IV du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité.»

Le principe du partage d'informations nominatives entre l'administration fiscale et les organismes de sécurité sociale préexistait à l'instauration de la [12] et est prévu à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales, qui dispose, dans sa version applicable au présent litige :

« Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes et services chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale, de l'attribution de la protection complémentaire en matière de santé visée à l'article du code de la sécurité sociale, aux services chargés de la gestion et du paiement des pensions aux fonctionnaires de l'Etat et assimilés, aux institutions mentionnées au chapitre Ier du titre II du livre IX du code de la sécurité sociale, au service mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 815-7 du même code ainsi qu'à l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail les informations nominatives nécessaires :

« 1° à l'appréciation des conditions d'ouverture et de maintien des droits aux prestations ;

« 2° au calcul des prestations ;

« 3° à l'appréciation des conditions d'assujettissement aux cotisations et contributions ;

« 4° à la détermination de l'assiette et du montant des cotisations et contributions ainsi qu'à leur recouvrement ;

« 5° Au recouvrement des prestations indûment versées ;

« 6° A l'appréciation des conditions d'ouverture et de maintien des prestations versées dans le cadre de leur mission légale en matière d'action sanitaire et sociale ;

« 7° Au calcul des prestations versées dans le cadre de leur mission légale en matière d'action sanitaire et sociale.

« Le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques peut être utilisé pour les demandes, échanges et traitements nécessaires à la communication des informations mentionnées aux 1° à 7°, lorsqu'elles concernent des personnes physiques.

« Dans le but de contrôler les conditions d'ouverture, de maintien ou d'extinction des droits aux prestations de sécurité sociale de toute nature, ainsi que le paiement des cotisations et contributions, les organismes et services mentionnés au premier alinéa peuvent demander aux administrations fiscales de leur communiquer une liste des personnes qui ont déclaré soit n'avoir plus leur domicile en France, soit n'avoir perçu que des revenus du patrimoine ou de placement.

« Les agents des administrations fiscales signalent aux directeurs régionaux des affaires sanitaires et sociales et aux chefs des services régionaux de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles, ainsi qu'aux organismes de protection sociale les faits susceptibles de constituer des infractions qu'ils relèvent en ce qui concerne l'application des lois et règlements relatifs au régime général, au régime des travailleurs indépendants non agricoles, aux régimes spéciaux, au régime agricole de sécurité sociale ou à l'assurance chômage. »

La loi instituant la [12], cotisation fixée en fonction, notamment, des revenus du patrimoine et de l'activité professionnelle, prévoit que cette cotisation est déterminée sur la base de ce partage d'informations, puisque l'article L. 380-2, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, qui fixe l'assiette de la cotisation, dispose :

« Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales. »

Ce partage d'informations entre l'administration fiscale et les organismes de recouvrement, prévu par la loi, existait également dans les dispositions réglementaires rendues applicables à la [12], puisque l'article R. 380-3 du code de la sécurité sociale, préexistant à la [12], prévoit, dans sa version applicable au présent litige :

« Les cotisations mentionnées à l'article L. 380-2 et au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1 sont calculées, appelées et recouvrées par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l'administration fiscale ou par les personnes redevables de ces cotisations. »

Et l'article D. 380-5-I du code de la sécurité sociale, également préexistant à la [12], précise, dans sa version applicable au présent litige :

« Les éléments nécessaires à la détermination des revenus mentionnés aux articles D. 380-1 et D. 380-2 sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations mentionnées à l'article L. 380-2 et au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1. »

Les organismes de sécurité sociale, et notamment les [20], disposaient donc d'un accès aux données fiscales sur la base du corpus législatif et réglementaire existant, sans qu'il ne soit nécessaire d'attendre le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 22 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978. En revanche, ce sont les modalités de traitement de ces données pour déterminer les personnes assujetties et le montant de la cotisation qui ont dû être fixées par décret, conformément aux obligations fixées par la loi 78-17 du 6 janvier 1978.

Par application de l'article 27 devenu 22 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978, l'article 1er du décret 2017-1530 du 3 novembre 2017, pris après avis motivé et publié de la [7] sous le numéro 2017-279 en date du 26 octobre 2017, prévoit :

« I - Pour l'application des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale est autorisée la création par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'un traitement de données à caractère personnel dénommé « Cotisation spécifique maladie ».

« Les finalités de ce traitement sont le calcul et le recouvrement par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale de la cotisation spécifique maladie prévue par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale.

« II. - Le traitement autorisé par le présent article porte sur les catégories de données suivantes :

« 1° Données relatives à l'identité des personnes (')

« 2° Données fiscales relatives aux revenus :

« - traitements et salaires ;

« - pensions, retraites et rentes ;

« - revenus et plus-values des professions non salariées : revenus agricoles, revenus industriels et commerciaux professionnels, revenus industriels et commerciaux non professionnels, revenus non commerciaux professionnels, revenus non commerciaux non professionnels ;

« - divers : montant net des revenus agricoles, revenus industriels et commerciaux, revenus non commerciaux non soumis aux contributions sociales par les organismes sociaux, indemnités d'élus locaux, revenus étrangers imposables en France, ouvrant droit à un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français ;

« - revenus des valeurs et capitaux mobiliers ;

« - plus-values et gains divers ;

« - revenus fonciers ;

« - revenus fonciers exceptionnels ou différés ;

« - le cas échéant, rectifications apportées, par le contribuable ou les services de la direction générale des finances publiques, aux mêmes données, en cas d'émission de rôles supplémentaires et de dégrèvements.

« III. - Sont destinataires des données à caractère personnel mentionnées au II du présent article, à raison de leurs attributions respectives et dans la limite du besoin d'en connaître :

« 1° Les agents de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale individuellement habilités par le directeur de l'Agence ;

« 2° Les agents des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale chargés du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation prévue par l'article L. 380-2, individuellement habilités par le directeur de l'organisme concerné. (')

« V. - Les droits d'accès et de rectification prévus aux articles 39 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée s'exercent auprès du directeur de l'organisme mentionné aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale auquel la personne est rattachée au vu de l'adresse de domicile qu'elle a déclarée à l'administration fiscale.

« Le droit d'opposition prévu par l'article 38 de la même loi ne s'applique pas au traitement dont la création est autorisée par le présent article. »

Le décret 2017-1530 du 3 novembre 2017 a été complété ultérieurement par le décret 2018-392 du 24 mai 2018, qui a prévu l'autorisation d'un traitement automatisé au niveau de la [13] avant transmission des données entre la [13] et l'Acoss ainsi qu'il est dit dans son article 1 :

« Pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est autorisée la mise en 'uvre par la direction générale des finances publiques d'un traitement automatisé de transfert de données à caractère personnel à destination de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.

« Ce traitement automatisé a pour finalité de communiquer à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale les informations nominatives dont dispose l'administration fiscale nécessaires à la détermination de l'assiette et du montant de la cotisation prévue par les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ci-dessus mentionné.

« Le transfert est mis en 'uvre par un service informatique de la direction générale des finances publiques.»

Le décret 2018-392 a été pris après délibération n° 2017-250 du 14 septembre 2017 portant avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Le traitement automatisé par la [13] a été mis en place pour la [12] 2017 appelée à la fin de l'année 2018. Il était donc autorisé pour l'appel à cotisation litigieux du 26 novembre 2018 adressé à Mme [L].

Il résulte de l'ensemble de ces textes qu'au jour de l'appel à cotisations litigieux, étaient donc prévus :

- par des dispositions législatives (article L. 152 du livre des procédures fiscales et article L. 380-2 du code de la sécurité sociale), le partage des données fiscales entre l'administration fiscale, l'Acoss et les [20] ;

- par un décret en Conseil d'Etat 2017-1530 du 3 novembre 2017 après avis de la [7], la collecte, le traitement et la transmission des données fiscales par l'Acoss et les [20],

- par un décret en Conseil d'Etat 2018-392 du 24 mai 2018, après avis de la [7], le traitement automatisé de transfert de données à caractère personnel par la direction générale des finances publiques à destination de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.

Ainsi, le moyen d'irrégularité fondé sur l'article 27 devenu article 22 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 sera donc écarté.

- Sur la régularité de l'appel à cotisation au regard de l'obligation d'information de l'Urssaf:

Moyens des parties :

Mme [C] [U] rappelle que, dans sa délibération du 14 septembre 2017, la [7] a rappelé que l'Urssaf était tenue d'une obligation spécifique d'information à l'égard des intéressés. Elle indique que la seule publication des textes au Journal Officiel et sur le site internet de l'Urssaf est insuffisante pour remplir cette obligation d'information spécifique. Elle précise qu'elle n'a reçu aucune information spécifique de l'Urssaf.

L'Urssaf expose que l'obligation d'informer les personnes concernées par le traitement de données à caractère personnel, lors du transfert de ces données, prévue à l'article 32 III de la loi Informatique et Liberté, a été respectée, dès lors que le site internet de l'Urssaf contient l'information nécessaire, qui a été rappelée expressément à la cotisante à la fois dans l'appel à cotisation et dans la décision de la commission de recours amiable.

L'Urssaf rappelle qu'elle n'est tenue que d'une obligation générale d'information et qu'il ne lui appartient pas, en l'absence de demande spécifique du cotisant, de prendre l'initiative de le renseigner sur ses droits, ni de porter à sa connaissance des textes officiels publiés au journal officiel.

Réponse de la cour :

Le paragraphe I de l'article 32, III, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018, dispose :

« I.-La personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée, sauf si elle l'a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant :

« 1° De l'identité du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant ;

« 2° De la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ;

« 3° Du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ;

« 4° Des conséquences éventuelles, à son égard, d'un défaut de réponse ;

« 5° Des destinataires ou catégories de destinataires des données ;

« 6° Des droits qu'elle tient des dispositions de la section 2 du présent chapitre dont celui de définir des directives relatives au sort de ses données à caractère personnel après sa mort;

« 7° Le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un Etat non membre de la Communauté européenne ;

« 8° De la durée de conservation des catégories de données traitées ou, en cas d'impossibilité, des critères utilisés permettant de déterminer cette durée.

« Lorsque de telles données sont recueillies par voie de questionnaires, ceux-ci doivent porter mention des prescriptions figurant aux 1°, 2°, 3° et 6°. »

L'article 14 du règlement RGPD, intitulé « informations à fournir lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été collectées auprès de la personne concerné » prévoit, dans son paragraphe 5 :

« Les paragraphes 1 à 4 ne s'appliquent pas lorsque et dans la mesure où :

« a) la personne concernée dispose déjà de ces informations ;

« b) la fourniture de telles informations se révèle impossible ou exigerait des efforts disproportionnés, en particulier pour le traitement à des fins archivistiques dans l'intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques sous réserve des conditions et garanties visées à l'article 89, paragraphe 1, ou dans la mesure où l'obligation visée au paragraphe 1 du présent article est susceptible de rendre impossible ou de compromettre gravement la réalisation des objectifs dudit traitement. En pareils cas, le responsable du traitement prend des mesures appropriées pour protéger les droits et libertés ainsi que les intérêts légitimes de la personne concernée, y compris en rendant les informations publiquement disponibles ;

« c) l'obtention ou la communication des informations sont expressément prévues par le droit de l'Union ou le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis et qui prévoit des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes de la personne concernée ; ou

« d) les données à caractère personnel doivent rester confidentielles en vertu d'une obligation de secret professionnel réglementée par le droit de l'Union ou le droit des États membre, y compris une obligation légale de secret professionnel. »

Aux termes de l'article 32, III, alinéa 1er, de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l'enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données.

Selon l'article 32, III, alinéa 2, de la loi du 6 janvier 1978, susvisée, le responsable du traitement n'est pas tenu de fournir à la personne concernée les informations énumérées au I de ce texte lorsque celle-ci est déjà informée.

Selon le paragraphe 5 du règlement [19], il est fait exception à l'obligation de fournir des informations à la personne concernée auprès de laquelle les données à caractère personnel n'ont pas été collectées lorsque et dans la mesure où l'obtention ou la communication des données sont expressément prévues par le droit de l'Union ou le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis et qui prévoit des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes de la personne concernée (CJUE, arrêt du 28 novembre 2024, Másdi, C-169/23, § 45).

Il résulte des articles L. 380-2, dernier alinéa, R. 380-3 et D. 380-5, I, du code de la sécurité sociale, susvisés, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, le deuxième dans sa rédaction issue du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017 et le dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016, que les éléments nécessaires à la détermination des revenus composant l'assiette de la cotisation subsidiaire maladie sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations.

Le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 susvisé autorise la mise en 'uvre par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale. Il prévoit l'identité du responsable du traitement des données, les finalités poursuivies par le traitement, les destinataires des données, la durée de conservation des données traitées, ainsi que l'existence d'un droit d'accès et de rectification aux données et les modalités d'exercice de ces droits.

Il résulte de la combinaison de ces textes que, dès lors que la communication des données fiscales du cotisant à l'Urssaf est expressément prévue par les articles L. 380-2, dernier alinéa, R. 380-3 et D. 380-5, I, du code de la sécurité sociale précités et qu'il est prévu, par le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017, des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes du cotisant, il est fait exception, pour les cotisations appelées à compter de cette dernière date, à l'obligation d'information, prévue au paragraphe III de l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 susvisé, pesant sur le responsable du traitement des données personnelles, à l'égard de la personne concernée par celles-ci lorsqu'elles n'ont pas été recueillies auprès d'elle (2e Civ., 27 février 2025, pourvoi n° 23-22.218).

En l'espèce, l'appel de cotisation a été adressé au cotisant le 26 novembre 2018, c'est-à-dire postérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 3 novembre 2017, contenant des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes du cotisant.

Mme [L] a eu connaissance de la transmission de ses données personnelles, de l'administration fiscale vers l'organisme chargé du recouvrement, par la publication au Journal Officiel des dispositions législatives et réglementaires susvisées (articles L. 380-2, R. 380-3 et D. 380-5 du code de la sécurité sociale).

L'[Adresse 21] le lui a rappelé directement dans l'appel de cotisations du 26 novembre 2018, puisque ce document, après avoir exposé les informations générales sur la [12], précise « selon les éléments transmis par la [14] ([13]), vous êtes redevable de la somme de 40385 euros calculée sur vos revenus du patrimoine 2017 et exigible au 28/12/2018 ». Cet appel à cotisations invite également la cotisante à consulter le site de l'Urssaf ou à contacter un conseiller pour davantage d'informations ou pour contestation des montants retenus.

Ainsi, les dispositions relatives à l'obligation d'information, prévue au paragraphe III de l'article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ne s'appliquent pas au cas d'espèce.

Le moyen d'irrégularité de l'appel à cotisations fondé sur l'obligation d'information de l'Urssaf sera donc écarté.

- Sur l'assiette de la cotisation :

Moyens des parties :

Mme [L] indique que, selon la jurisprudence du tribunal judiciaire de Paris (jugement du 11 septembre 2019), les revenus qui ne constituent pas des revenus tirés d'activités professionnelles et qui ont un caractère exceptionnel, doivent être exclus de l'assiette de la cotisation. Elle indique que le régime des plus-values de cession de valeur mobilières est régie par l'article 150-0 A du code général des impôts, qui précise que ce n'est que lorsque les plus-values ont pour origine des opérations de bourse effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d'opérations que ces plus-values sont traitées comme des revenus d'activité soumis au régime de bénéfices non commerciaux au sens de l'article 92 du code général des impôts. A défaut, les plus-values doivent être considérées comme ne relevant pas d'une activité professionnelle et sont des revenus présentant un caractère exceptionnel. Elle précise qu'en ce qui la concerne, elle a procédé en 2017, à la cession de titres pour un montant total de 503 699 euros, afin de finaliser l'acquisition d'un bien immobilier rendue nécessaire à la suite de son divorce. Elle en conclut que ces revenus étaient tout à fait exceptionnels et ne devaient donc pas être inclus dans l'assiette de la [12].

Au surplus, elle fait valoir que cette plus-value est le fruit d'une détention des titres s'étendant sur une période supérieure à 8 ans et que les abattements applicables en matière d'impôt sur le revenu devaient être déduits, avant prise en compte dans l'assiette de la [12].

L'Urssaf indique que, conformément aux articles L. 380-2 du code de la sécurité sociale et 1417 IV 1° a bis du code général des impôts, pour la CSM 2017, il convient de tenir compte, pour déterminer l'assiette de la [12], du montant de plus-values (case 3 G) majoré de l'abattement pour durée de détention de droit commun (case 3 SG). L'Urssaf indique que le changement de législation, écartant la case 3SG, n'est intervenue que pour les revenus 2018.

L'Urssaf indique que l'assiette de la [12] est donc d'un montant de 514 624 euros et que le montant de la cotisation correspondante est bien 40 385 euros.

Réponse de la cour :

L'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose :

« Les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes :

« 1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France de l'autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ;

« 2° Elles n'ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d'allocation de chômage au cours de l'année considérée. Il en est de même, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l'autre membre du couple.

« Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l'assiette de la cotisation, lorsqu'ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l'article 1417 du code général des impôts, l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l'objet d'une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.

« Lorsque les revenus d'activité mentionnés au 1° sont inférieurs au seuil défini au même 1° mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l'assiette de la cotisation fait l'objet d'un abattement dans des conditions fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d'activité, pour atteindre 100% à hauteur du seuil défini audit 1°.

« La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'Etat.

« Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales. »

Le paragraphe IV de l'article 1417 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur, prévoit :

« 1° Pour l'application du présent article, le montant des revenus s'entend du montant net après application éventuelle des règles de quotient définies à l'article 163-0 A des revenus et plus-values retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu au titre de l'année précédente.

« Ce montant est majoré :

« a) du montant des charges déduites en application de l'article 163 duovicies ainsi que du montant des cotisations ou des primes déduites en application de l'article 163 quatervicies ;

« a bis) du montant de l'abattement mentionné au 2° du 3 de l'article 158, du montant des plus-values en report d'imposition en application de l'article 150-0 B quater, du montant de l'abattement prévu au 1 de l'article 150-0 D, du montant de l'abattement prévu à l'article 150-0 D ter et du montant des plus-values soumises au prélèvement prévu à l'article 244 bis B ;

« b) du montant des bénéfices exonérés en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 octies, 44 octies A, 44 terdecies à 44 quindecies, ainsi que de l'article 93-0 A et du 9 de l'article 93 ;

« c) du montant des revenus soumis aux prélèvements libératoires prévus au II de l'article 125-0 A, aux I bis, II, III, second alinéa du 4° et deuxième alinéa du 9° du III bis de l'article 125 A et au II de l'article 163 bis, de ceux soumis aux versements libératoires prévus par l'article 151-0 retenus pour leur montant diminué, selon le cas, de l'abattement prévu au 1 de l'article 50-0 ou de la réfaction forfaitaire prévue au 1 de l'article 102 ter, de ceux visés aux articles 81 A, 81 D et 155 B, de ceux perçus par les fonctionnaires des organisations internationales, de ceux exonérés par application d'une convention internationale relative aux doubles impositions ainsi que de ceux exonérés en application des articles 163 quinquies B à 163 quinquies C bis ;

« d) Du montant des plus-values exonérées en application des 1 et 1 bis du III de l'article 150-0 A ;

« e) Des sommes correspondant aux droits visés à l'article L. 3152-4 du code du travail. »

L'article D. 3801-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, prévoit :

« I.-Le montant de la cotisation mentionné à l'article L. 380-2 due par les assurés dont les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à un seuil fixé à 10% du plafond annuel de la sécurité sociale est déterminé selon les formules suivantes :

« 1° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à 5% du plafond annuel de la sécurité sociale :

« Montant de la cotisation = 8% × (A-D)

« Où :

« A est l'assiette des revenus définie au quatrième alinéa de l'article L. 380-2 ;

« D, qui correspond au plafond mentionné au quatrième alinéa du même article, est égal à 25 % du plafond annuel de la sécurité sociale ;

« 2° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont compris entre 5% et 10% du plafond annuel de la sécurité sociale :

« Montant de la cotisation = 8% × (A-D) × 2 × (1-R/ S)

« Où :

« R est le montant des revenus tirés d'activités professionnelles ;

« S, qui correspond au seuil des revenus tirés d'activités professionnelles mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 380-2, est égal à 10% du plafond annuel de la sécurité sociale.

« II.-Lorsque le redevable de cette cotisation ne remplit les conditions mentionnées à l'article L. 160-1 que pour une partie de l'année civile, le montant de la cotisation due est calculé au prorata de cette partie de l'année.

« III.-Si, au titre d'une période donnée, l'assuré est redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-3-1, il ne peut être redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 pour la même période. Le montant de celle-ci est alors calculé dans les conditions prévues au II. »

L'article D. 380-5 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, prévoit :

« I.-Les éléments nécessaires à la détermination des revenus mentionnés aux articles D. 380-1 et D. 380-2 sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations mentionnées à l'article L. 380-2 et au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1. »

A titre liminaire, il convient d'écarter l'argumentation soutenue par Mme [L] concernant la question de savoir si les revenus perçus au titre de la cession de ses valeurs mobilières peuvent être qualifiés de professionnels et donc relever du régime des bénéfices non commerciaux. En effet, la [12] est due, par application de la lettre même de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, par les personnes qui ont des revenus professionnels insuffisants pour participer de façon significative à l'effort de financement de la branche assurance-maladie, mais qui ont par ailleurs des revenus du patrimoine supérieurs à 25% du PASS. Les revenus dont il est débattu dans le cadre du présent litige n'ont jamais été considérés par l'Urssaf comme des revenus professionnels. Il s'agit de revenus du patrimoine.

Ces revenus du patrimoine sont définis comme les « revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article 1417 du code général des impôts ». Les plus-values des cessions de valeurs mobilières font donc expressément partie de l'assiette de la [12], sans qu'il n'y ait lieu de distinguer s'il s'agit de plus-values habituelles ou exceptionnelles. De la même façon, les raisons d'acquisition de ces plus-values sont totalement indifférentes à leur prise en compte ; l'argument selon lequel Mme [L] a été incitée à céder ses valeurs mobilières au regard de ses besoins personnels de logement sera écarté.

Pour définir le montant des plus-values à prendre en compte, il convient de se référer à la déclaration fiscale de l'intéressée, conformément aux articles L. 380-2 et D. 380-5 du code de la sécurité sociale : les plus-values à prendre en compte sont celles mentionnées à la case 3 VG de la déclaration 2042, majorées, le cas échéant, des abattements prévus à l'article 1417 IV du code général des impôts et notamment de l'abattement de droit commun prévu à l'article 150-0 D du code général des impôts (case 3SG).

Dans la déclaration 2074 produit en annexe 7 de la cotisante, il apparaît que Mme [L] a déclaré, en 2017, des plus-values d'un montant imposable de 176 575 euros (case 3VG). Il convient de majorer ce montant de l'abattement de droit commun, soit la somme de 327 124 euros (case 3SG). Le montant à prendre en compte au titre des plus-values est de 503 699 euros.

Mme [L] ne conteste pas les sommes retenues par l'Urssaf au titre des revenus d'actions et des intérêts. En tout état de cause, elle ne produit pas sa déclaration de revenus 2042 pour établir que les revenus déclarés à ces titres auraient été différents.

L'assiette à prendre en compte au titre de la CSM 2017 pour Mme [L] s'établit donc comme suit :

- Revenus des actions et parts, case 2DC : 10 342 euros ;

- Intérêts et autres produits de placement à revenu fixe, case 2TR : 583 euros ;

- Plus-values des cessions de valeurs mobilières (3VG+3SG) : 503 699 euros ;

Soit une assiette de 514 624 euros.

Le montant de la CSM 2017 s'élève donc à 8% x (514 624 ' 50% PASS) = 40 385 euros.

Il convient donc de dire que c'est à juste titre que l'Urssaf a appelé la somme de 40 385 euros au titre de la [12] 2017.

Sur la violation du principe d'égalité devant les charges publiques et la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel du 27 septembre 2018 :

Moyens des parties :

Mme [C] [U] indique que le principe d'égalité devant les charges publiques, prévu à l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, est assuré si:

- La différence de traitement est fondée sur des critères objectifs et rationnels, en fonction des buts que le législateur se propose ;

- La répartition de l'imposition est réalisée en fonction des facultés contributives.

Mme [L] explique que les modalités de la [12] engendrent des ruptures d'égalité en raison des deux seuils retenus (niveau de revenus d'activité et niveau de revenus du capital) :

- Une personne disposant d'un patrimoine de plusieurs millions d'euros mais percevant un revenu d'activité de 4 000 euros ne financera pas la sécurité sociale via la cotisation ;

- Une personne disposant d'un patrimoine plus modeste que le premier exemple, mais disposant d'un revenu d'activité tout juste en dessous du seuil, contribuera significativement à la sécurité sociale via la cotisation au taux de 8% ;

- Une personne disposant d'un revenu d'activité tout juste en-dessous du seuil, disposant par ailleurs de revenus du capital pour 9 000 euros ne financera pas la sécurité sociale par la cotisation ;

- Une personne disposant d'un revenu d'activité tout juste en-dessous du seuil disposant par ailleurs de revenus du capital pour 11 000 euros financera la sécurité sociale par la cotisation.

Elle en déduit que l'effet de seuil est excessif et que la cotisation méconnaît les facultés contributives des assurés. Selon elle, cela engendre des traitements différenciés en raison des seuils retenus, ce qui est complètement étranger au but du législateur.

Elle expose que les travaux parlementaires de 2018 ont mis en évidence l'insuffisance d'équité du dispositif ce qui a amené un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

Elle indique que les revenus pris en compte pour la [12] sont déjà assujettis à la CSG, qui finance également la sécurité sociale, ce qui engendre une rupture d'égalité puisque les assujettis contribuent doublement au financement de la sécurité sociale sur un même revenu. Elle souligne que, pour certains revenus, l'imposition atteint un taux de 74,2%, ce qui est confiscatoire, à savoir 45% (impôt sur le revenu au taux marginal) + 4% (contribution sur les hauts revenus) + 17,2% (prélèvements sociaux) + 8% (CSM).

Elle indique que, tirant les conséquences de ces constatations, le calcul de la [12] a été revu par la loi de financement pour la sécurité sociale 2019.

Elle fait valoir qu'à la suite de la décision 2018-735 QPC du 27 septembre 2018 du Conseil constitutionnel, le pouvoir réglementaire aurait dû tirer toutes les conséquences de cette décision et mettre en place, pour le passé, des mesures de lissage et de plafonnement, afin de rendre la [12] conforme aux dispositions de la Constitution.

L'Urssaf fait valoir que la [12] est calculée à hauteur de 8% des revenus, ce qui est un pourcentage qui n'a rien de disproportionné, ni d'exceptionnel. De plus, elle souligne que, dans sa décision 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a décidé que l'absence de plafonnement de la [12] n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Elle rappelle que le Conseil d'Etat, dans sa décision du 10 juillet 2019, a décidé que le législateur, dans l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, en créant une distinction entre les personnes pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l'assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts qu'il se proposait.

L'Urssaf expose que la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel est une réserve d'interprétation directive, c'est-à-dire que le Conseil constitutionnel donne l'interprétation à retenir et comporte une prescription à l'égard du pouvoir réglementaire chargé de l'application de la loi. Dès lors, la réserve d'interprétation ne permet pas de considérer que le Conseil constitutionnel a entendu déclarer rétroactivement non conformes à la constitution les dispositions réglementaires portées dans le décret 2016-979.

Elle précise que les modifications de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale introduites par la loi de financement de sécurité sociale pour 2019 n'ont pas été prises uniquement à la suite de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel, mais aussi pour atténuer les effets de seuil et pour mettre un terme aux incohérences ou difficultés relevées. Elle précise que ces modifications ne s'appliquent qu'à compter de la CSM 2019 et n'ont donc pas vocation à s'appliquer au présent litige.

L'Urssaf indique que le fait que les revenus pris en compte aient été soumis aux prélèvements sociaux est sans incidence que la fixation de l'assiette de la [12]. En effet, elle rappelle que la [12] constitue une source spécifique de financement de l'assurance maladie, prévue au livre 3 du code de la sécurité sociale, qui doit être distinguée des ressources de droit commun prévues au livre 4 du code de la sécurité sociale.

L'Urssaf souligne également que la [12] et la CSG ne doivent pas être confondues. La seconde, qui est une imposition de toute nature, permet le financement de différents régimes obligatoires de sécurité sociale et pas seulement de l'assurance-maladie et répond à des règles de financement qui lui sont propres. Elle conclut que le paiement de la CSG ne dispense pas de s'acquitter de la [12] sur les mêmes revenus.

Réponse de la cour :

L'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, ci-dessus détaillé, fixe le principe de la cotisation subsidiaire maladie.

L'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, prévoit les modalités de calcul de cette CSM.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision QPC n° 2018-735 du 27 septembre 2018, a déclaré l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale conforme à la Constitution, sous la réserve d'interprétation énoncée au paragraphe 19, à savoir « la seule absence de plafonnement d'une cotisation dont les modalités de détermination de l'assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. » Le Conseil constitutionnel a donc validé l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et, partant, a validé l'existence d'un seuil d'assujettissement.

L'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale fait partie des dispositions réglementaires prises en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale et visées par la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel.

Saisi d'un recours pour excès de pouvoir de la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté la demande d'un requérant tendant à l'adoption de nouvelles mesures réglementaires d'application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale pour les cotisations dues sur les revenus antérieurs au 1er janvier 2019, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, le Conseil d'Etat a statué sur la constitutionnalité des dispositions réglementaires prises en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, telles que rédigées à la suite du décret du 19 juillet 2016, dans un arrêt de la première chambre du 29 juillet 2020 (CE, 29 juillet 2020, n° 430326). Il a ainsi décidé « qu'en fixant, dans le cadre déterminé par les dispositions de l'article L. 380-2 précité, le seuil de revenus professionnels prévu au deuxième alinéa de cet article, en deçà duquel la cotisation est due, à 10% du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 3 922,80 euros en 2017, le montant des revenus du patrimoine mentionné au quatrième alinéa du même article, au-delà duquel s'applique le prélèvement, à 25% de ce même plafond, soit 9 807 euros en 2017, et le taux de la cotisation en cause à 8%, le pouvoir réglementaire a défini les modalités de calcul de cette cotisation dans des conditions qui n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Il s'en suit que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 19 juillet 2016 précité, ne méconnaît pas le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et des citoyens de 1789, pas plus que les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'impliquait pas l'adoption de mesures réglementaires pour le passé. »

Il s'en déduit que la question de la légalité de l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016, au regard des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale -telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018- ne soulève pas de difficulté sérieuse et qu'il ne méconnaît ni le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens de 1789, ni les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2018-735 QPC du 27 septembre 2018 (Cass., Civ. 2e, 27 février 2025, pourvoi n° 22-21.800).

Par ailleurs, en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique. De même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire (CE, 16 juin 1923, [J] c/ [6], n° 00732). Toutefois, ces principes doivent être conciliés tant avec l'exigence de bonne administration de la justice qu'avec les principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions, en vertu desquels tout justiciable a droit à ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable. Il suit de là que si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal (Tribunal des conflits, 17/10/2011, SCEA du Cheneau et autres c/ [15], C3828).

Ainsi, contrairement à ce que soutient Mme [L], le juge judiciaire ne peut statuer sur la légalité de dispositions réglementaires que si leur illégalité est manifeste, au vu d'une jurisprudence établie. Or, ainsi qu'il vient d'être rappelé ci-dessus, la légalité des articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige, n'a pas été remise en cause par le Conseil d'Etat dans sa décision susvisée du 29 juillet 2020. Les conditions pour permettre au juge judiciaire d'apprécier la légalité des articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale ne sont donc pas réunies.

Dès lors, dans les litiges relatifs à la [12] pour la période antérieure au 1er janvier 2019, le juge judiciaire ne peut, sans enfreindre la dualité des ordres de juridictions, écarter de lui-même, directement dans un jugement, les articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable.

Par ailleurs, l'article 12 de la loi 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2019 dispose :

« I.-L'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

« (')

« II.-Le présent article s'applique aux cotisations dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2019. »

Les nouvelles modalités de calcul issues de la [16] 2019 ne s'appliquent donc qu'aux cotisations dues au titre des années 2019 et suivantes. Le législateur n'a prévu aucune rétroactivité. Dès lors, Mme [L] ne peut pas s'en prévaloir dans le présent litige concernant la [12] 2017.

En ce qui concerne le caractère confiscatoire de la [12], il ressort des articles L. 380-2 et D. 380-1 précités que le taux de la cotisation subsidiaire maladie est fixé à 8% des revenus du patrimoine mentionnés par le premier, que l'assiette de la cotisation fait l'objet d'un abattement croissant à proportion des revenus d'activité et que la cotisation n'est assise que sur la fraction des revenus du patrimoine dépassant un plafond fixé à 25% du plafond annuel de la sécurité sociale. Ainsi, la différence de traitement entre les assurés sociaux dénoncée par Mme [L], inhérente à l'existence d'un seuil, se trouve atténuée par ces mécanismes d'abattement d'assiette et de limitation de l'assiette aux revenus du patrimoine dépassant ce plafond.

En outre, la cotisation constitue, pour les personnes qui en sont redevables, des versements à caractère obligatoire constituant la contrepartie légale du bénéfice des prestations en nature qui leur sont servies conformément à l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale.

Dès lors, les articles L. 380-2 et D. 380-1 précités ménagent un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé, sans que l'absence de plafonnement du montant de la cotisation soit de nature à entraîner une atteinte disproportionnée à la situation financière du cotisant (Cass, Civ. 2e, 27 février 2025, pourvoi 22-21.800).

Il sera ajouté que si Mme [L] propose un raisonnement purement théorique en additionnant des pourcentages d'imposition, de prélèvements et de cotisations de toutes natures, elle ne justifie pas, par une application chiffrée à son cas d'espère, que l'appel de cotisation de [12] aurait un caractère confiscatoire au regard du montant total de ses revenus.

Par ailleurs, il importe peu que l'assiette de la [12], laquelle est une cotisation, soit également soumise à des contributions sociales, lesquelles sont des impositions de toutes natures, dès lors que le caractère discriminatoire ou confiscatoire de l'ensemble des prélèvements obligatoires n'est pas établi

En conséquence, l'appel à cotisations délivré par l'Urssaf Centre - Val-de-[Localité 17] à Mme [L] sera déclaré régulier au regard de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel en date du 27 septembre 2018 et du principe d'égalité devant les charges publiques.

- Sur le montant des sommes dues :

Au regard du dernier courrier de l'Urssaf en date du 16 mai 2025, l'Urssaf reconnaît que Mme [L] a déjà versé la somme de 14 215 euros. Le reste des sommes, initialement versées, lui a été restitué.

Le montant de la somme restant due au titre de la [12] 2017 s'élève donc à 26 170 euros. La condamnation à paiement sera donc prononcée dans cette limite.

Comme indiqué précédemment, les dispositions de la [16] 2019 ne pouvant s'appliquer à la présente situation, la demande subsidiaire de Mme [L] visant à limiter à 8 fois le PASS le montant de sa cotisation sera écartée.

- Sur la confirmation de la décision de la commission de recours amiable :

Les décisions des cours et tribunaux se substituent aux décisions des caisses, de telle sorte que la cour d'appel n'est saisie que du fond du litige.

La cour d'appel n'a pas à statuer sur les demandes d'infirmation, de confirmation ou d'annulation des décisions de la commission de recours amiable, qui est une instance purement administrative. La demande sera donc écartée.

- Sur les demandes accessoires :

Mme [L] succombant en la demande, elle sera tenue aux dépens d'appel. Elle sera également déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision n'étant susceptible que de pourvoi, la demande relative à l'exécution provisoire sera écartée.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel formée par l'Urssaf Centre - Val-de-[Localité 17] ;

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris sous le RG 19/10384 en date du 17 mars 2022 en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT,

CONDAMNE Mme [Z] [L] à verser à l'[Adresse 23] la somme de 40 385 euros au titre des sommes restant dues pour la [12] 2017 ;

DIT n'y avoir lieu à confirmation de la décision de la commission de recours amiable en date du 26 septembre 2019 ;

DÉBOUTE Mme [Z] [L] de sa demande subsidiaire de limitation du montant de la [12] à 8 fois le PASS, de sa demande relative à l'exécution provisoire et de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [Z] [L] aux dépens d'appel.

La greffière Le président

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