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Décisions

CA Douai, 3e ch., 18 septembre 2025, n° 24/04404

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

X

Défendeur :

Cofidis (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Salomon

Conseillers :

Mme Belkaid, Mme Joubert

Avocats :

Me Boulaire, Me Helain

JCP [Localité 9], du 15 juill. 2024, n° …

15 juillet 2024

EXPOSE DU LITIGE

A la suite d'un démarchage à domicile et selon bon de commande du 23 février 2011, M. [T] a acquis auprès de la société Idf Solaire une installation de production d'électricité photovoltaïques au prix de 20 500 euros, financée au moyen d'un crédit affecté contracté auprès de la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo.

Reprochant à l'établissement financier une faute résultant de sa participation au dol commis par le vendeur et dans le déblocage des fonds, les époux [T] ont fait assigner la société Cofidis devant le tribunal judiciaire de Lille en responsabilité et réparation.

L'établissement financier a opposé la prescription de leur action.

Par jugement du 15 juillet 2024, le tribunal judiciaire de Lille, a .

déclaré M. [E] [T] et Mme [P] [T] née [N] irrecevables en leurs demandes indemnitaires présentées à l'encontre de la Sa Cofidis

débouté les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

condamné in solidum [E] [T] et Mme [P] [T] née [N] aux dépens de l'instance

rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par déclaration du 13 septembre 2024, M. et Mme [T] ont interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 10 décembre 2024, M. et Mme [T] demandent à la cour, au visa de l'article liminaire du code de la consommation des anciens articles 1109 et 1116 du code civil, de l'article 16 de la loi n°212-354 du 14 mars 2012 de finance rectificative pour 2012, des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation dans leur rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 et de l'article L. 121-28 issu de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de :

infirmer le jugement entrepris dans les termes de la déclaration d'appel

statuant à nouveau, et y ajoutant

déclarer leurs demandes recevables et bien fondées

condamner la société Cofidis à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par eux au titre de l'exécution normale du contrat litigieux à savoir les sommes de :

20 500 euros correspondant au capital emprunté

20 933,84 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais en exécution du contrat

en tout état de cause :

- condamner la société Cofidis à leur verser les sommes suivantes :

5 000 euros au titre du préjudice moral

* 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouter la société Cofidis de l'ensemble de ses prétentions

- condamner la société Cofidis à supporter les dépens de l'instance.

Au soutien de leur demande de réformation du jugement dont appel, les époux [T] font valoir que :

- sur la prescription : en application de l'article 2224 du code civil auquel les actions en responsabilité sont soumises, le point de départ de la prescription n'est pas fixé au jour des faits susceptibles de fonder une action en justice, mais à la date à laquelle le titulaire du droit d'agir les a connus ou aurait dû les connaître. Pour fixer le point de départ d'une action en responsabilité d'un consommateur pour faute de la banque il convient de déterminer à quel moment le créancier titulaire du droit d'agir a eu connaissance non seulement du préjudice subi dans toute son ampleur mais encore du fait générateur de responsabilité. En effet, tant en droit interne qu'au regard du droit de l'Union européenne, le principe d'effectivité commande d'écarter un régime de prescription qui serait basé sur une présomption de connaissance parfaite par le consommateur des irrégularités renfermées dans le contrat et ce dès sa signature ; qu'ainsi, le point de départ de la prescription s'entend de la connaissance effective des faits ; qu'en application de ces principes, ils ont légitimement ignoré les faits leur permettant d'agir, notamment la faute de la banque, et que ce n'est qu'après avoir consulté un avocat que leur attention a été appelée sur cette faute et qu'il est admis qu'un consommateur normalement diligent ne peut identifier les irrégularités que l'instrumentum pourrait renfermer. S'agissant d'une irrégularité tirée de l'absence de mentions obligatoires au contrat, il ne peut être admis que le consommateur serait en faute de ne pas l'avoir détectée dès la signature, puisque cela ne résulte pas d'une simple lecture de l'acte mais d'une analyse approfondie d'un professionnel comme l'a rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 24 janvier 2024, opérant un revirement de jurisprudence, qui a considéré que la reproduction, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement, ne permettait pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat ; que dès lors, le premier juge ne pouvait retenir comme point de départ du délai de prescription, pour les irrégularités formelles, la date de la signature du contrat, motif pris de ce que celui-ci reproduisait les articles applicables du code de la consommation.

Dès lors qu'ils n'étaient pas en mesure de déterminer, au moment de la signature du bon de commande, l'existence d'irrégularités, il appartient à la société Cofidis d'apporter la preuve de sa connaissance de ces irrégularités, dès la signature du contrat, ce qu'elle ne fait pas.

- s'agissant de la responsabilité de la banque, le bon de commande établi par la société France Habitat solution comportait des irrégularités de sorte que celle -ci a commis une faute :

* d'une part, résultant de sa participation au dol commis par le vendeur : ils se sont engagés dans une opération désavantageuse sur la base de fausses promesses alors que, conformément aux articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation, le vendeur devait communiquer l'ensemble des éléments de productivité et de rentabilité de l'installation, ce qui n'a pas été le cas et que si le prêt n'avait pas été soldé par anticipation, ils auraient dû attendre plus de 33 ans de production pour rembourser la totalité du crédit avant de réaliser des économies. Par ailleurs, alors que les parties avaient convenu du report total de la première échéance du prêt à 360 jours précisément pour tenir compte de l'autofinancement de l'opération, leur consentement au crédit affecté comme au contrat principal a été obtenu à la faveur de man'uvres et d'une réticence dolosive

* d'autre part, dans le déblocage des fonds par la banque qui a manqué à son devoir d'information et d'alerte alors que la loi impose à celle-ci de vérifier la régularité du bon de commande avant le déblocage des fonds. Or, le bon de commande ne comporte ni la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens et services ni les conditions d'exécution du contrat et notamment les modalités et délais de livraison ni l'indication des modalités de financement, ce au mépris des dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n°93-949 du 26 juillet 1993. La banque ne rapporte la preuve de l'exécution une telle information particulière portant sur ces irrégularités

- sur le préjudice : ils subissent un préjudice en lien direct avec la faute de la banque qui a financé, en procédant au déblocage des fonds, un contrat comportant des irrégularités sur lesquelles elle était tenue de les alerter.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 29 janvier 2025, la société Cofidis demande à la cour, de :

A titre principal :

confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions

à titre subsidiaire :

la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes

déclarer M. et Mme [T] mal fondés en leurs demandes et les en débouter

condamner solidairement M. et Mme [T] à lui payer la somme de

3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de ses demandes, la société Cofidis soutient que :

- à titre principal, au visa des articles 1304 et 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce, les demandes des époux [T] sont irrecevables comme étant prescrites en faisant valoir que :

* s'agissant de la participation au dol du vendeur, le point de départ du délai de prescription d'une action en responsabilité se situe au jour où les acquéreurs ont su que la vente d'électricité n'allait pas couvrir les mensualités du prêt soit à la date de la première facture d'électricité, en l'espèce le 20 août 2012

* s'agissant de la faute lors de la libération des fonds, ce point de départ se situe au jour de la signature de l'attestation de livraison soit le 22 avril 2011

* s'agissant de la faute résultant du financement d'un bon de commande entaché de causes de nullité, le point de départ du délai de prescription se situe au jour où les emprunteurs ont su qu'elle avait financé un bon de commande entaché de causes de nullité. Les appelants lui ayant ordonné de libérer les fonds au profit du vendeur le 26 avril 2011, ils disposaient d'un délai de 5 ans pour agir. A titre subsidiaire, le délai a commencé à courir dès le prélèvement de la première mensualité, soit le 5 mai 2012, date à laquelle les appelants ne pouvaient ignorer qu'elle avait libéré les fonds et financé l'opération

- à titre subsidiaire, sur le fond,

* elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle :

** au titre de sa participation au dol du vendeur étant précisé qu'à supposer ce dol établi, seule la nullité du prêt devrait être prononcée et que le dol doit être établi ce qui n'est pas le cas en l'absence de pièces démontrant une promesse de rendement ou d'autofinancement et leur caractère déterminant au moment du contrat et alors en outre qu'elle ne s'est jamais engagée à vérifier la rentabilité de l'investissement

** dans la libération des fonds alors que la Cour de cassation a confirmé, dans les arrêts du 6 juin 2018 et du 8 septembre 2021, que la banque n'a pas à vérifier la mise en service de l'installation dès lors qu'elle ne s'y est pas engagée contractuellement et il en est de même de l'obtention des autorisations administratives. Par ailleurs, les obligations des emprunteurs prennent effet à son égard lorsqu'elle prouve la mise en service de l'installation. A cet égard, les fonds ont été libérés au vu d'une attestation de livraison précise rendant suffisamment compte de la complexité de l'opération et de la mise en service du matériel

** en finançant un bon de commande qui n'est ni annulé ni annulable

* il n'est justifié d'aucun préjudice ni d'un lien de causalité entre une prétendue faute et le préjudice allégué alors que les appelants n'ont pas sollicité la nullité du contrat de sorte que l'insolvabilité du vendeur lui est inopposable, qu'ils ont conservé la propriété du matériel et qu'ils ont vocation à récupérer le capital et les intérêts grâce à la revente d'électricité

* la demande de paiement des intérêts n'est pas fondée alors que les appelants ont procédé à un remboursement anticipé

* le préjudice moral allégué n'est pas démontré.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour constate :

- que le contrat de vente conclu le 23 février 2011 entre la société [Adresse 8] et M. et [T] est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au jour du contrat, issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile

- que le contrat de crédit affecté conclu le même jour entre M. et Mme [T] et la société Cofidis est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016

- qu'il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfixe et la chose jugée.

Il est rappelé que les époux [T] recherchent la responsabilité contractuelle de la société Cofidis en invoquant

- une faute résultant de sa participation au dol du vendeur en ce que les éléments de productivité de l'installation afin de connaître la rentabilité de l'achat ne leur ont pas été communiqués

- une faute dans le déblocage des fonds alors que le bon de commande comporte des irrégularités susceptibles d'affecter la validité du contrat

Les parties ne contestent pas l'application au litige des dispositions l'article 2224 du code civil, issu de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, selon lesquelles les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les fais lui permettant de l'exercer.

La manifestation d'un dommage certain en son principe suffit à faire courir la prescription même si le préjudice n'est pas encore chiffrable, alors que le dommage se révèle à la victime le jour où celle-ci prend conscience du caractère préjudiciable de sa situation, même si l'ampleur exacte des pertes subies est encore ignorée à cette date.

Il convient donc d'examiner successivement la recevabilité de l'action au regard de chacun des moyens invoqués par M. et Mme [T].

- S'agissant de la participation de la banque au dol du vendeur :

La société Cofidis fait valoir que le délai de prescription a couru à partir de la première facture de vente d'électricité établie le 20 août 2012 de sorte que l'action des époux [T] est prescrite.

Si M. et Mme [T] soutiennent que leur action n'est pas prescrite, ils n'invoquent aucun point de départ du délai de prescription quinquennal se contentant de soutenir qu'ils ont ignoré les faits leur permettant d'agir jusqu'à ce que l'avocat, qu'ils ont saisi, attire leur attention sur ce point.

Pour autant, le point de départ du délai de prescription se situe à la date à laquelle le dol a été découvert.

Dès lors que M. et Mme [T] invoquent des man'uvres et une réticence dolosive destinées à leur faire croire que l'installation serait autofinancée et rentable financièrement, le point de départ de la prescription doit être fixée à la date de la première facture de revente, date à laquelle ils connaissaient la production réelle de leur installation.

En effet, seule la remise de la première facture de production d'électricité permet au consommateur de réaliser si la capacité énergétique de l'installation photovoltaïque est correctement renseignée dans le bon de commande. Tant que les premiers revenus d'énergie ne sont pas reçus, le consommateur ne peut pas savoir si les informations ont été fournies de manière complète et compréhensible.

Cette première facture remonte au 20 août 2012 (pièce 4) et fait apparaître pour la période du 19 août 2011 au 20 août 2012 une production annuelle générée de 796 kwh pour un gain de 366,16 euros alors que les échéances du prêt s'élèvent à 246,63 euros par mois (pièce 2) soit une somme annuelle de 2 959,56 euros.

L'action, ayant été introduite par assignation du 8 février 2023, soit plus de 5 ans après cette date, est en conséquence prescrite.

- s'agissant de la faute de la banque dans le déblocage des fonds sans vérification du bon de commande

La société Cofidis affirme que le point de départ du délai de prescription se situe au jour de la signature de l'attestation de livraison de sorte que l'action des époux [T] est prescrite.

Citant la jurisprudence en la matière de la Cour de cassation, de la Cour de justice de l'union européenne et de la Cour européenne des droits de l'homme, M. et Mme [T] considèrent que le point de départ de la prescription doit être fixé au jour de la connaissance effective des faits leur permettant d'agir à savoir les nullités affectant le contrat au regard du code de la consommation, sans toutefois en préciser la date.

Sur ce, concernant l'action en responsabilité contre la banque pour faute dans la libération des fonds alors que le bon de commande était prétendument entaché de causes de nullité, elle est prescrite 5 ans après cette libération laquelle est intervenue le 26 avril 2011 ainsi que cela résulte de l'historique de compte des emprunteurs (pièce intimé n°6), soit depuis le 26 avril 2016.

Si la banque est tenue, avant le déblocage des fonds, à la vérification de la régularité du contrat principal ainsi qu'à la vérification de l'entière exécution de ses prestations par l'entrepreneur principal, la cour observe que M. [T] n'a émis à la réception de l'installation aucun grief ni réserve pouvant laisser penser qu'il aurait été trompé sur les caractéristiques du matériel puisqu'il a signé, le 22 avril 2011, une attestation de livraison et d'installation selon laquelle : « Je confirme avoir obtenu et accepté sans réserve la livraison des marchandises. Je constate expressément que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisées. Je demande à Sofemo de bien vouloir procéder au décaissement de ce crédit et d'en verser le montant directement entre les mains de la société ».

Ainsi, par la signature de l'attestation de livraison, M. [T] a reconnu que l'entrepreneur principal avait intégralement exécuté ses obligations, sans que la banque soit tenue à cet égard à de plus amples vérifications.

C'est donc à la date de livraison de l'installation photovoltaïque, le 26 avril 2011, que les époux [T] ont été à même de constater les éventuelles irrégularités au code de la consommation grevant le contrat principal, et par voie de conséquence, l'éventuel défaut de vérification de la régularité du contrat principal par l'établissement de crédit.

M. et Mme [T] se bornent à invoquer leur qualité de consommateur profane et leur méconnaissance de la réglementation applicable pour voir repousser le point de départ de la prescription à la date à laquelle ils ont pu avoir connaissance effective des conséquences juridiques des irrégularités invoquées en consultant un avocat. Toutefois, cette argumentation vise à voir repousser le point de départ de la prescription à une date incertaine, à la totale maîtrise des demandeurs, puisque ceux-ci demandent à ce qu'il soit fixé à la date à laquelle ils ont fait la démarche de se rapprocher d'un avocat.

Ce point de départ ne peut être reporté à la date à laquelle les appelants ont eu connaissance, par la consultation d'un avocat, de la faute qu'ils reprochent à la société Cofidis alors qu'ils étaient en mesure de connaître les irrégularités du bon de commande par la seule lecture des dispositions du code de la consommation qui lui étaient annexées et qui rappelaient clairement le formalisme applicable et les mentions à porter sur un tel bon de commande.

La prescription quinquennale prévue par le législateur, étant destinée à garantir la sécurité juridique, ne peut permettre qu'un acte puisse être remis en cause au-delà. Or, M. et Mme [T] bénéficiait d'un délai de cinq ans à compter de la signature du bon de commande pour consulter un conseil juridique et, le cas échéant, agir en nullité du contrat de vente affecté d'une cause de nullité, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

Par ailleurs, les époux [T] ne peuvent utilement se prévaloir de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne pour échapper à la prescription quinquennale. En effet, la règle nationale de prescription de l'action est conforme aux principes européens d'effectivité des droits, notamment du consommateur, en ce que d'une part, elle ne fait courir le délai à l'encontre du titulaire d'un droit qu'à partir du moment où il se trouve en possession de tous les éléments lui permettant d'évaluer sa situation au regard de ses droits et d'autre part en ce qu'elle aménage un délai suffisamment long pour lui permettre de les mettre en 'uvre efficacement.

En outre, le principe d'effectivité des sanctions posé par l'article 23 de la directive 2008.43/CE du 23 avril 2008 n'impose pas à une juridiction nationale d'écarter les règles de prescription internes, et ce dans un souci de sécurité juridique compatible avec le droit communautaire.

De la même manière, ils ne peuvent valablement invoquer la jurisprudence de la Cour de cassation issue de son arrêt du 24 janvier 2024 relative à la confirmation d'un acte nul par application de l'article 1182 du code civil, qui juge désormais que la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions, puisque l'article 1182 exige une connaissance effective de la cause de nullité alors que l'article 2224 du code civil, applicable à l'espèce, n'exige du titulaire du droit qu'une connaissance effective ou supposée des faits.

A cet égard, le fait permettant d'agir en nullité est l'absence des mentions obligatoires sur le bon de commande de sorte que la date de signature de celui-ci doit être retenue comme point de départ de prescription, puisque cette absence y était parfaitement visible, et non la connaissance juridique des conséquences de cette absence. Le fait que la banque ne l'aurait pas alertée sur les irrégularités formelles du contrat est donc sans incidence sur le point de départ du délai de prescription.

Il résulte des éléments qui précèdent, que l'assignation ayant été délivrée le 8 février 2023, la prescription de l'action en responsabilité des époux [T] était acquise à cette date.

Le jugement querellé doit donc être confirmée en ce qu'il a déclaré les demandes des époux [T] à l'encontre de la société Cofidis irrecevables comme étant prescrites.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à confirmer le jugement sur ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

- et d'autre part, à condamner M. et Mme [T] aux dépens d'appel.

L'équité commande de débouter la société Cofidis de sa demande d'indemnité de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme, en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 juillet 2024 par le tribunal judiciaire de Lille ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [P] [T] née [N] et M. [E] [T] aux dépens de l'instance d'appel ;

Déboute la société Cofidis de sa demande d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

© LIVV - 2025

 

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