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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 18 septembre 2025, n° 21/14126

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/14126

18 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 18 SEPTEMBRE 2025

Rôle N° RG 21/14126 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIFYM

[J] [V] épouse [Y]

C/

[X] [V]

[D] [V]

S.C.I. AZUR

Copie exécutoire délivrée

le : 18 Septembre 2025

à :

Me Joseph [Localité 14]

Me Julie ARCHIPPE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 17] en date du 16 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 21/02845.

APPELANTE

Madame [J] [V] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 15] (SUD VIETNAM), demeurant [Adresse 12]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Guillaume TATOUEIX, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

Monsieur [X] [V]

né le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 8], demeurant [Adresse 9] - ESPAGNE

représenté par Me Julie ARCHIPPE, avocat au barreau de TOULON

Monsieur [D] [V]

né le [Date naissance 3] 1968 à [Localité 16], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Julie ARCHIPPE, avocat au barreau de TOULON

S.C.I. AZUR

, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Julie ARCHIPPE, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Juin 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente

Madame Laetitia VIGNON, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2025,

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La SCI Azur a été constituée entre les époux [S] et [E] [Z] le 25 août 1994 en vue de constituer une structure d'accueil de l'important patrimoine immobilier familial.

Les époux [L] [V] faisaient donation-partage ,à leurs trois enfants, [X], [J] et [D] [V], chacun pour un tiers, des parts sociales de la SCI Azur. Ces derniers étaient désormais les trois associés, à parts égales, de la société.

Des dissenssions apparaissaient entre, d'une part, Messieurs [X] [V], [D] [V] et d'autre part, Mme [J] [Y]. De nombreuses procédures judiciaires les opposaient.

Le 30 mars 2021, M. [D] [V], gérant de la SCI Azur, convoquait chacun des associés pour une assemblée générale ordinaire devant avoir lieu le 19 avril 2021, laquelle qui devait avoir notamment pour objet de modifier l'objet social afin d'y inclure la vente des immeubles.

L'assemblée générale se tenait 1e 19 avril 2021, à [Localité 11], lieu du siège social de la société Azur, en présence de deux de ses trois associés, Messieurs [X] [V], [D] [V] et en l'absence de Mme [J] [Y], qui ne se présentait pas.

La secrétaire de la séance était une avocate, Mme [I] [M].

Assistait également à l'assemblée générale ordinaire, Maître [A] [G], huissier de justice, qui dressait un procès-verbal de constat à toutes fins utiles.

Il était notamment voté, à l'unanimité des deux tiers des votants, une résolution qui modifiait l'objet social statutaire afin d'inclure la vente des immeubles.

Autorisée à le faire par ordonnance de la présidente du tribunal judiciaire de Toulon, Mme [J] [Y] assignait le 21 mai 2021 les deux autres associés de la SCI Azur aux fins d'annulation de l'assemblée générale du 19 avril 2021

Par jugement rendu le 16 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Toulon s'est prononcé en ces termes :

- déboute [J] [Y] née [V] de toutes ses demandes, principales, subsidiaires et accessoires,

- condamne [J] [Y] née [V] à payer à [X] [V] 1500 € au titre des frais irrépétibles,

- condamne [J] [Y] née [V] à payer à [D] [V] 1500 € au titre des frais irépétibles,

- condamne [J] [Y] née [V] à payer à la SCI Azur 1500 € au titre des frais irrépétibles,

- rappelle que le présent jugement est exécutoire par provision de droit dans son intégralité,

- condamne [J] [Y] née [V] au paiement des dépens de l'instance.

Mme [J] [Y] née [V] a formé un appel le 6 octobre 2021 en intimant Messieurs [X] [V], [D] [V] et la SCI Azur.

L'ordonnance de clôture, après avoir été révoquée une première fois, était finalement prononcée le 3 juin 2025 avant l'ouverture des débats.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 mai 2025, Mme [J] [Y] née [V] demande à la cour de :

Vu l'article 1844-10 du code civil, les articles 40 et 41 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978,

l'article 27 des statuts de la SCI Azur, vu le décret n°2021-384 du 2 avril 2021,

Vu les principes de loyauté et d'égalité entre associés,

- infirmer le jugement rendu le 16 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Toulon en ce

qu'il a débouté Mme [J] [Y] de toutes ses demandes et notamment en ce qu'il a :

débouté [J] [Y] née [V] de toutes ses demandes, principales, subsidiaires et accessoires,

condamné [J] [Y] née [V] à payer à [X] [V] 1 500 € au titre des frais irrépétibles,

condamné [J] [Y] née [V] à payer à [D] [V] 1500 € au titre des frais irrépétibles,

condamné [J] [Y] née [V] à payer à la SCI Azur 1500 € au titre des frais irrépétibles,

rappelé que le présent jugement est exécutoire par provision de droit dans son

intégralité,

condamné [J] [Y] née [V] au paiement des dépens de l'instance.

et statuant à nouveau,

- constater que l'assemblée générale du 19 avril 2021 s'est tenue en violation :

' des règles d'ordre public sanitaire en vigueur à cette date,

' des obligations légales et statutaires d'information préalable des associés,

' du principe d'égalité entre associés,

- constater l'existence d'un grief réel et personnel causé à Madame [Y], associée empêchée d'exercer ses droits,

et en conséquence,

- prononcer la nullité de l'assemblée générale du 19 avril 2021, y compris des résolutions relatives à la modification de l'objet social, des statuts et à la vente des biens sociaux.

- condamner la SCI Azur, M. [D] [V] et M. [X] [V] à verser

1500 euros à Madame [J] [V] en vertu des dispositions de l'article 700 du code de

procédure civile,

- condamner la SCI Azur, M. [D] [V] et M. [X] [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 mai 2025, Messieurs [X] [V], [D] [V], la SCI Azur demandent à la cour de :

vu les articles 1832 et suivants du code civil, le décret n°78-704 du 3 juillet 1978, l'article 700 du code de procédure civile,

en la forme,

- recevoir la SCI Azur, Messieurs [X] et [D] [V] en leurs écritures et les dire bien fondées,

à titre liminaire principalement

- rejeter les écritures communiquées par Mme [J] [V] épouse [Y] le 12 mai 2025 à 12h03,

à titre liminaire subsidiairement

- révoquer l'ordonnance de clôture du 13 mai 2025,

- admettre les présentes conclusions,

au fond,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

y ajoutant,

- condamner Mme [J] [V] épouse [Y] à payer à Messieurs [X] et [D] [V] ainsi qu'à la SCI Azur la somme de 2.000 € chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner Mme [J] [V] épouse [Y] aux entiers dépens de l'instance d'appel.

MOTIFS

La cour dit n'y avoir lieu de statuer sur la question du rejet des écritures de l'appelante notifiées la veille de l'ordonnance de clôture, les parties ayant consenti à la révocation de

l'ordonnance de clôture et au prononcé d'une nouvelle ordonnance avant l'ouverture des débats, pour admettre toutes les conclusions et pièces échangées.

1-sur la demande d'annulation de l'assemblée générale pour violation des règles sanitaires

Vu le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de COVID-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire,

Vu le décret n° 2021-384 du 2 avril 2021 modifiant les décrets n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 et n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire,

Vu l'article 4.I. dudit décret énonçant : Tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence est interdit entre 19 heures et 6 heures du matin à l'exception des déplacements pour les motifs suivants, en évitant tout regroupement de personnes :

« 1° Déplacements à destination ou en provenance :

« a) Du lieu d'exercice ou de recherche d'une activité professionnelle et déplacements professionnels ne pouvant être différés ;

« b) Des établissements ou services d'accueil de mineurs, d'enseignement ou de formation pour adultes mentionnés aux articles 32 à 35 du présent décret ;

« c) Du lieu d'organisation d'un examen ou d'un concours ;

« 2° Déplacements pour des consultations, examens, actes de prévention et soins ne pouvant être assurés à distance ou pour l'achat de produits de santé ;

« 3° Déplacements pour motif familial impérieux, pour l'assistance aux personnes vulnérables ou précaires ou pour la garde d'enfants ;

« 4° Déplacements des personnes en situation de handicap et, le cas échéant, de leur accompagnant ;

« 5° Déplacements pour répondre à une convocation judiciaire ou administrative ou pour se rendre chez un professionnel du droit pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance ;

« 6° Déplacements pour participer à des missions d'intérêt général sur demande de l'autorité administrative ;

« 7° Déplacements liés à des transferts ou transits vers ou depuis des gares ou aéroports dans le cadre de déplacements de longue distance relevant de l'un des motifs mentionnés au présent article ;

« 8° Déplacements brefs, dans un rayon maximal d'un kilomètre autour du domicile pour les besoins des animaux de compagnie.

« II.-Tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence est interdit entre 6 heures et 19 heures à l'exception des déplacements pour les motifs mentionnés au I et les motifs suivants, en évitant tout regroupement de personnes :

« 1° Déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle ou pour des livraisons à domicile ;

« 2° Déplacements pour effectuer des achats de première nécessité, des retraits de commandes ou pour les besoins de prestations de services qui ne sont pas interdites en application des chapitres 1er et 3 du titre IV du présent décret ;

« 3° Déplacements liés à un déménagement résultant d'un changement de domicile et déplacements indispensables à l'acquisition ou à la location d'une résidence principale, insusceptibles d'être différés ;

« 4° Déplacements, dans un rayon maximal de dix kilomètres autour du domicile, liés soit à la promenade, soit à l'activité physique individuelle des personnes, à l'exclusion de toute pratique sportive collective ;

« 5° Déplacements pour se rendre dans un service public, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance ;

« 6° Déplacements à destination ou en provenance d'un lieu de culte ;

« 7° Participation à des rassemblements, réunions ou activités sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public qui ne sont pas interdits en application de l'article 3.

« II bis.-Les déplacements mentionnés aux 2°, 5°, 6° du II, ainsi que ceux mentionnés à son 7° lorsqu'ils ne relèvent pas du II de l'article 3, s'effectuent dans les limites du département de résidence de la personne ou, en dehors de celui-ci, dans un périmètre de 30 kilomètres autour de son domicile.

« III.-Les personnes souhaitant bénéficier de l'une des exceptions mentionnées aux I et II se munissent, lors de leurs déplacements hors de leur domicile, d'un document leur permettant de justifier que le déplacement considéré entre dans le champ de l'une de ces exceptions.

« Les interdictions de déplacement mentionnées aux I et II ne peuvent faire obstacle à l'exercice d'une activité professionnelle sur la voie publique dont il est justifié dans les conditions prévues à l'alinéa précédent.

« IV.-Le représentant de l'Etat dans le département est habilité à adopter des mesures plus restrictives en matière de trajets et déplacements des personnes lorsque les circonstances locales l'exigent. Toutefois, dans les collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution, sous réserve que le présent décret leur soit applicable en vertu des dispositions de l'article 55, le représentant de l'Etat est habilité à prendre des mesures d'interdiction proportionnées à l'importance du risque de contamination en fonction des circonstances locales, après avis de l'autorité compétente en matière sanitaire, notamment en les limitant à certaines parties du territoire.

Selon l'article 1844-10 du code civil :La nullité de la société ne peut résulter que de la violation des dispositions de l'article 1832 et du premier alinéa des articles 1832-1 et 1833, ou de l'une des causes de nullité des contrats en général.Toute clause statutaire contraire à une disposition impérative du présent titre dont la violation n'est pas sanctionnée par la nullité de la société, est réputée non écrite.La nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent titre, à l'exception du dernier alinéa de l'article 1833, ou de l'une des causes de nullité des contrats en général.

Au soutien de sa demande d'annulation de l'assemblée générale du 19 avril 2021, Mme [J] [V] estime d'abord que ladite assemblée, qui s'est tenue à [Localité 10], a violé la loi d'urgence sanitaire et des interdictions, édictées au moment de la crise sanitaire de la COVID 19 en avril et mai 2021.

L'appelante précise :

- l'assemblée générale du 19 avril 2021 a été convoquée et maintenue en pleine période de restrictions imposées par le décret n°2021-384 du 2 avril 2021. Ce texte interdisait tout déplacement au-delà de 10 kilomètres du domicile, sauf motif impérieux,

- la tenue d'une assemblée pour modification statutaire ne constitue pas un motif impérieux, et aucun des deux coassociés présents physiquement ne pourrait justifier d'un tel motif,

- le déplacement pour participer à une assemblée de SCI ne figure pas parmi les dérogations listées par le décret.

- malgré les lettres recommandées de contestation envoyées par elle, le gérant a maintenu la réunion sans aménagement ni report,

- la présidente du tribunal judiciaire, saisie en urgence, a d'ailleurs indiqué dans son ordonnance que la nullité serait 'encourue dans tous les cas',

- Mme [J] [Y] a donc respecté les obligations liées à la COVID 19 et ne s'est pas rendue à l'assemblée générale ayant rappelé à plusieurs reprises en lettre recommandée avec accusé de réception au gérant l'impossibilité de tenue de cette assemblée générale,

- le premier juge a mis de côté le fait qu'une assemblée qui se tient alors qu'un associé est légalement empêché d'y assister viole les principes de loyauté et d'égalité entre associés,

- au moment de la tenue de l'assemblée générale, Mme [J] [Y] ne se trouvait pas à [Localité 10] mais à [Localité 17],

- une vingtaine de kilomètres sépare [Localité 17] et [Localité 10] en sorte que le décret n°2021-384 du 2 avril 2021 trouve à s'appliquer,

- M. [X] [Y] a agressé sa s'ur dans la nuit du 16 au 17 avril soit quelques jours avant la tenue de l'assemblée générale.

Pour s'opposer à toute annulation de l'assemblée générale du 19 avril 2021 au motif pris de la violation des règles sanitaires, les intimés rétorquent qu'il convient de rappeler qu'en matière de nullité des décisions d'associés prises en assemblée générale, l'alinéa 3 de l'article 1844-10 du code civil dispose : 'La nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent titre, ou de l'une des causes de nullité des contrats en général'.

Ils ajoutent qu'au surplus les dispositions du décret n°2021-384 du 2 avril 2021 dont excipe la requérante (qui n'était d'ailleurs pas entré en vigueur lorsque les convocations ont été adressées aux associés) comme celles des textes qui le précédaient ne connaissent qu'une seule sanction en cas de non-respect : celle de l'amende forfaitaire de 135 € prévue par le décret du 17 mars 2020.

Ils font encore valoir que Mme [J] [V] aurait en tout état de cause pu se rendre à l'assemblée générale du 19 avril 2021, sans violer le décret du 2 avril 2021, dès lors qu'elle n'avait pas à parcourir plus de 10 km pour se rendre à celle-ci, précisant qu'elle vivait en réalité à cette époque au lieu même du siège social. Les intimés associés ajoutent que sa présence à l'assemblée générale était parfaitement possible et le fait qu'elle ne s'y soit délibérément pas rendue ne saurait emporter une quelconque conséquence.

Ils soutiennent encore que Mme [J] [Y] ne justifie aucun fondement aux principes de loyauté et d'égalité entre associés dont elle tente de se prévaloir.

En l'espèce, il est exact qu'au moment où l'assemblée générale du 19 avril 2021 s'est tenue, en présentiel pour les associés (sans recours au distanciel), le décret° 2021-384 du 2 avril 2021 précédemment reproduit interdisait : Tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence (...)entre 6 heures et 19 heures à l'exception des déplacements pour les motifs mentionnés au I et les motifs suivants, en évitant tout regroupement de personnes.

Ce même décret autorisait notamment, entre 6 heures et 19 heures, les 'déplacements, dans un rayon maximal de dix kilomètres autour du domicile, liés soit à la promenade, soit à l'activité physique individuelle des personnes, à l'exclusion de toute pratique sportive collective'.

L'article 1844-10 du code civil, précédemment reproduit, prévoyant les cas de nullité des délibérations des organes d'une société civile, s'applique également aux règles impératives du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, en particulier aux dispositions de l'article 40 de ce texte qui édicte la convocation de l'assemblée des associés par lettre recommandée

En l'espèce, Mme [J] [Y] ne conteste pas qu'au moment où elle a reçu sa convocation pour l'assemblée générale litigieuse du 19 avril 2021, elle résidait bien à [Localité 10], au siège social de la société Azur,ce qui est aussi le lieu où devait précisément se tenir ladite assemblée.

D'ailleurs, l'appelante écrit elle-même, dans ses conclusions : 'Madame [J] [V] épouse [Y], qui n'arrivait pas à obtenir de ses frères les documents comptables et bancaires de la SCI Azur qu'elle n'a d'ailleurs toujours pas obtenu, a quitté la Guadeloupe où elle exerçait les fonctions de médecin et s'est installée un temps dans la villa de Carqueiranne afin de préserver ses intérêts. '

En outre, il résulte du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 19 avril 2021, diligenté par l'appelante elle-même, qu'elle a bien reçu la convocation pour l'assemblée générale litigieuse, à [Localité 10], lieu où s'est tenu l'assemblée générale et où elle résidait, le constat indiquant : 'avoir reçu [Adresse 6] à [Localité 7] un courrier recommandé avec avis de réception'.

Enfin, dans un courrier du 3 avril 2021, adressé au gérant de la SCI Azur, Mme [J] [Y] mentionne : 'Occupant actuellement le siège social, je constate l'absence totale de ces documents pourtant indispensables à la tenue d'une assemblée générale'.

Mme [J] [Y] indique que, le jour de l'assemblée générale, elle n'a pas pu s'y rendre, car elle était hébergée à [Localité 17], chez un ami, M. [F] [O] et n'a pas voulu enfreindre les règles posées par le décret pré-cité. Elle précise que, pour aller à l'assemblée générale à [Localité 10], elle aurait dû parcourir plus de 10 kilomètres hors de son lieu d'hébergement.

Cependant, en l'espèce, Mme [J] [Y] avait bien reçu la convocation pour l'assemblée générale et elle vivait temporairement au lieu où celle-ci devait précisément se tenir, de sorte qu'elle était en mesure de se rendre au lieu de ladite assemblée sans enfreindre les restrictions de déplacement posées par le décret précédemment cité. Elle n'aurait en effet pas eu à sortir de sa résidence ni à parcourir la moindre distance pour pouvoir participer à l'assemblée générale du 19 avril 2021.

Il importe peu de savoir que Mme [J] [Y] a pris la décision d'aller vivre, pour quelques jours, chez un ami, dès lors qu'il s'agissait de sa décision personnelle et qu'elle ne démontre pas qu'elle était obligée d'agir ainsi. Si elle précise qu'elle aurait été agressée par l'un de ses frères dans la nuit du 16 au 17 avril soit quelques jours avant la tenue de l'assemblée générale, elle ne verse pour autant aucun justificatif en ce sens.

Par ailleurs, il convient de rappeler que le caractère restrictif des causes de nullité édictées par l'article 1844-10 du code civil, précédemment reproduit, permet de rejeter toute cause de nullité, qui ne correspond pas à celle énumérées par ledit article (violation d'une disposition impérative du titre IX du livre III du code civil ou de l'une des causes de nullité des contrats en général). Ainsi, le non-respect d'une prescription réglementaire ne peut entraîner la nullité d'une assemblée générale d'une société civile. Comme les premiers juges l'ont jugement rappelé, les décrets invoqués par Mme [J] [Y] ne prévoient aucune cause de nullité pour une assemblée générale d'une société qui se serait tenue, en présentiel, durant les périodes concernées.

Mme [J] [Y], qui invoque des principes de loyauté et d'égalité entre les associés, ne donne pas de fondement légal à ces moyens de droit, ne citant pas ses sources textuelles.

S'agissant de la visioconférence, Mme [J] [Y] ne développe pas de moyen de droit, se contentant de soutenir que :'l 'assemblée s'est tenue en son absence, sans visio, sans procuration, sans débat.' et que : 'Aucune possibilité n'a d'ailleurs été proposé par les gérants afin de pallier cette impossibilité de déplacement. Le premier juge a curieusement renversé la charge de la preuve en faisant peser l'organisation d'une assemblée générale en visioconférence sur les épaules de Madame [Y] au lieu et place du gérant de la société. '

Sur ce point, la cour a précédemment estimé que si Mme [J] [Y] ne s'est pas rendue à l'assemblée générale dont elle recherche l'annulation, c'est uniquement en raison de sa décision personnelle de quitter son lieu de résidence (ou se tenait ladite assemblée) et de partir ailleurs.D'ailleurs, Mme [J] [Y] a pris soin d'adresser le 6 avril 2021 , au gérant de la société Azur, un courrier pour solliciter le report de l'assemblée générale, à une date ultérieure, sans mentionner à aucun moment qu'elle demandait l'instauration d'une assemblée par visioconférence.

Enfin, les mentions de l'ordonnance de la présidente du ordonnance de la présidente du tribunal judiciaire de Toulon (ordonnance ayant autorisé l'appelante à assigner à jour fixe les intimés en annulation de l'assemblée générale du 19 avril 2021) n'ont pas autorité de la chose jugée en ce qu'elles disent que la nullité serait 'encourue dans tous les cas'. Il s'agit en effet d'une simple ordonnance, sans défendeur, dont l'objet n'était pas celui qui est soumis à cette cour.

En conséquence, le moyen de nullité soulevé par Mme [J] [Y], tiré de la violation des décrets précédemment reproduits, est inopérant.

2-sur la demande de l'appelante d'annulation de l'assemblée générale pour absence d'information sur la modification de l'objet social et des statuts

Selon l'article 40 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978 relatif à l'application de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 modifiant le titre IX du livre III du code civil :Les associés sont convoqués quinze jours au moins avant la réunion de l'assemblée, par lettre recommandée. Celle-ci indique l'ordre du jour de telle sorte que le contenu et la portée des questions qui y sont inscrites apparaissent clairement sans qu'il y ait lieu de se reporter à d'autres documents.Dès la convocation, le texte des résolutions proposées et tout document nécessaire à l'information des associés sont tenus à leur disposition au siège social, où ils peuvent en prendre connaissance ou copie.Les associés peuvent demander que ces documents leur soient adressés soit par lettre simple, soit à leurs frais par lettre recommandée.

Toujours au soutien de sa demande d'annulation de l'assemblée générale du 19 avril 2021, Mme [J] [Y] ajoute :

- le procès-verbal d'assemblée, quant à lui, mentionne la tenue de la réunion au siège social,

- un constat d'huissier établi postérieurement révèle que le lieu ne contient aucun document social, aucun registre, aucun espace de tenue régulière d'une assemblée,

- le local est occupé par un tiers, dans un état incompatible avec la moindre activité de gestion.

Pour s'opposer à toute annulation de l'assemblée générale du 19 avril 2021 pour le motif exposé par l'appelante, les intimés rétorquent qu'aucun texte n'exige que la convocation des associés soit accompagnée de quelque document que ce soit. Ils précisent que tant le décret du 3 juillet 1978 que les statuts de la SCI Azur imposent que l'ordre du jour soit communiqué dès la convocation, ce qui a été fait en l'espèce puisqu'il est rappelé dans la lettre même de convocation.

Il résulte de l'article 40 précédemment rappelé que la convocation à l'assemblée générale doit seulement indiquer l'ordre du jour, sans qu'il soit prescrit qu'elle soit accompagnée de quelconques documents.

Contrairement à ce que soutient l'associée appelante, il importe donc peu de savoir, au regard de la régularité de sa convocation de l'assemblée générale du 19 avril 2021, que sa convocation n'était pas accompagnée de quelconques documents.

Par ailleurs, si l'appelante soutient que les documents nécessaires à son information n'étaient pas tenus à sa disposition au siège social, elle produit toutefois un constat d'huissier de justice -censé prouver la véracité de cette absence de documents-seulement postérieur à l'assemblée générale critiquée, datant en effet du 18 juin 2021 (l'assemblée générale ayant eu lieu deux mois plus tôt).

S'agissant de l'allégation de l'appelante selon laquelle le local était occupé par un tiers,

dans un état incompatible avec la moindre activité de gestion, celle-ci n'établit pas en quoi il s'agirait d'une cause de nullité de l'assemblée générale.

Les moyens de nullité soulevés par Mme [J] [Y] sont inopérants.

3-sur la demande de l'appelante d'annulation de l'assemblée générale pour présence d'un tiers non autorisé

Toujours pour tenter d'obtenir l'annulation de l'assemblée générale du 19 avril 2021,

l'appelante fait encore valoir qu'elle ne peut que s'interroger sur la présence des conseils de ses frères à l'assemblée générale et leur volonté d'imposer un déséquilibre des forces. Elle ajoute que ce type de déséquilibre constitue une atteinte manifeste à l'égalité entre associés, tout comme la volonté d'écarter le droit de vote de Mme [J] [Y].

Pour dire que l'assemblée générale du 19 avril 2021 est malgré tout valable, même avec la présence de deux des trois associés seulement et de deux personnes étrangères à la sociétéAzur (deux professionnels du droit), les intimés rappellent qu'en matière de nullité des décisions d'associés prises en assemblée générale, l'alinéa 3 de l'article 1844-10 du code civil dispose : 'La nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent titre, ou de l'une des causes de nullité des contrats en général'.Ils ajoutent que Madame [J] [V] épouse [Y] n'indique pas quelle disposition impérative aurait été violée par la présence d'un huissier de justice requis par le gérant de la société.

En l'espèce, il résulte du constat d'huissier de justice du 19 avril 2021, diligenté par les intimés, concernant à la fois le déroulement de l'assemblée générale et l'état de la villa alors occupée par l'appelante, qu'étaient présents, lors de ladite assemblée :

- Messieurs [X] et [D] [V] (soit deux tiers des associés votants),

- Mme [I] [M] en qualité de secrétaire (également avocate),

- Me [A] [G], huissier de justice à [Localité 13] , Var (en qualité d'huissier de justice requis par les intimés).

Si deux personnes, étrangères à la société Azur, étaient donc présentes lors de l'assemblée générale litigieuse, il n'est aucunement soutenu, ni démontré, que ces dernières auraient exercé une quelconque influence sur les débats, se seraient immiscées dans le fonctionnement de la société ou auraient pris part au vote des résolutions soumises aux associés. Par ailleurs, Mme [J] [Y] n'était pas présente à cette assemblée générale et elle ne peut en conséquence soutenir qu'elle se serait heurtée à un 'déséquilibre des forces'.

Le moyen de nullité tiré de la présence de deux tiers (en l'espèce, deux professionnels du droit dont un huissier de justice) est également inopérant.

La cour confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [J] [V] [Y], d'annulation de l'assemblée générale du 19 avril 2021.

4-sur les frais du procès

La cour ne peut que confirmer le jugement du chef de l'article 700 et des dépens,toutes les prétentions de Mme [J] [V] [Y] étant rejetées à hauteur d'appel.

Mme [J] [V] [Y] est déboutée de ses demandes au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, Mme [J] [V] [Y] sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

Mme [J] [V] [Y] est également condamnée à payer à chacun des trois intimés une somme de 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe,contradictoire :

- confirme le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- rejette les demandes de Mme [J] [V] [Y] au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne Mme [J] [V] [Y] à payer à chacun des trois intimés (Messieurs [X] et [D] [V], la SCI Azur) une somme de 1800 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne Mme [J] [V] [Y] aux entiers dépens d'appel, dont ceux exposés par (Messieurs [X] et [D] [V] , la SCI Azur).

Le Greffier, La Présidente,

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