CA Bordeaux, 1re ch. civ., 18 septembre 2025, n° 24/05048
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Proxima (SELARL)
Défendeur :
Proxima (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Poirel
Conseillers :
Vallée, Breard
Avocats :
Bonnaric, Blanc
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
1. Le 26 novembre 2014, la Selarl Proxima, cabinet d'avocats dont le gérant est Maître [X] [R], a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Toulon.
Le 1er juin 2017, la Selarl Proxima, cabinet d'avocats, dont le gérant est Maître [D] [U], a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Rennes.
2. Le 06 juin 2017, Me [U], a déposé la marque « Proxima » à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), avec publication au BOPI le 30 juin 2017.
Le 29 juin 2017, Me [R] a déposé la marque « SELARL Proxima ».
3. Se plaignant de la confusion entre les deux marques et entre les deux dénominations sociales, Me [R] et la Selarl Proxima de Toulon ont, par actes du 05 octobre 2022, fait assigner devant le tribunal judiciaire de Laval Me [U] et la Selarl Proxima de Rennes, au visa de l'article 1240 du code civil et de l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, aux fins notamment de leur voir ordonner de ne plus utiliser la marque « Proxima », les dénominations sociales « SELARL Proxima » et « Proxima » et de modifier en conséquence le nom de domaine de leur cabinet d'avocats sous astreinte, d'obtenir la nullité de la marque « Proxima » ainsi que leur condamnation à changer de dénomination sociale et à ne plus utiliser la dénomination 'Selarl Proxima' ou 'Proxima'.
4. Par ordonnance du 05 octobre 2023, le juge de la mise en état a déclaré incompétent le tribunal judiciaire de Laval au pro't du tribunal judiciaire de Bordeaux et, par application de l'article 82 du code de procédure civile, le dossier de cette affaire a été transmis à ce tribunal.
5. Par conclusions d'incident déposées le 26 juillet 2024, la Selarl Proxima de Rennes et Me [U] ont saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux, aux fins, notamment, de voir :
- juger incompétente la juridiction saisie et renvoyer devant l'INPI la demande en nullité de la marque,
- juger irrecevable l'assignation qui leur a été délivrée pour défaut d'intérêt à agir,
- juger irrecevable l'assignation en vertu de la prescription de l'action en concurrence déloyale,
- juger irrecevable l'assignation en vertu de la forclusion pour tolérance de la demande en nullité de la marque du défendeur
Subsidiairement :
- condamner Me [R] et la Selarl Proxima de [Localité 9], sous astreinte, à communiquer le courrier adressé par eux au bâtonnier de l'Ordre des avocats de [Localité 9] ayant suscité l'envoi par ce dernier au bâtonnier de l'Ordre des avocats de [Localité 8] de la correspondance en date du 19 avril 2018 indiquant que Me [R] renonçait à sa contestation, ainsi que les correspondances reçues en réponse du Bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 9] accusant réception de cette renonciation.
6. Par ordonnance contradictoire du 28 octobre 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- rejeté l'exception d'incompétence au pro't de l'Institut national de la propriété intellectuelle s'agissant de la demande en nullité de la marque ;
- rejeté la 'n de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir ;
- débouté Me [U] et la Selarl Proxima de [Localité 8] de leur demande de production de pièces ;
- déclaré irrecevable l'action de Me [R] et de la Selarl Proxima de [Localité 9] en concurrence déloyale comme étant prescrite ;
- déclaré forclose par tolérance l'action en nullité de la marque « Proxima » ;
- dit qu'en conséquence le tribunal est dessaisi du Iitige ;
- condamné Me [R] et de la Selarl Proxima de [Localité 9] à payer à Me [U] et la Selarl Proxima de [Localité 8] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Me [R] et de la Selarl Proxima de [Localité 9] aux dépens.
7. Me [R] et la Selarl Proxima de [Localité 9] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 19 novembre 2024, en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable l'action de Me [R] et de la Selarl Proxima de [Localité 9] en concurrence déloyale comme étant prescrite ;
- déclaré forclose par tolérance l'action en nullité de la marque Proxima ;
- dit qu'en conséquence le tribunal est dessaisi du litige ;
- condamné Me [R] et la Selarl Proxima de [Localité 9] à payer à Me [U] et la Selarl Proxima de [Localité 8] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Me [R] et la Selarl Proxima de [Localité 9] aux dépens.
8. Par dernières conclusions déposées le 20 mai 2025, Me [R] et la Selarl Proxima de [Localité 9] demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance rendue le 28 octobre 2024 par le juge de la mise en état de [Localité 5] en ce qu'elle a :
- déclaré prescrite l'action en concurrence déloyale de Me [R] et de la Selarl Proxima de [Localité 9] à l'encontre Me [U] et de la Selarl Proxima de [Localité 8] ;
- déclaré forclose par tolérance leur action en nullité de la marque « Proxima» ;
- dit qu'en conséquence le tribunal est dessaisi du litige ;
- condamné Me [R] et la Selarl Proxima de [Localité 9] à payer à Me [U] et la Selarl Proxima de [Localité 8] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Me [R] et la Selarl Proxima de [Localité 9] aux dépens.
Et statuant à nouveau :
- déclarer recevable car non prescrite l'action en concurrence déloyale de Me [R] et de la Selarl Proxima de [Localité 9] à l'encontre de Me [U] et de la Selarl Proxima de [Localité 8] ;
- déclarer recevable car non forclose leur action en nullité de la marque « Proxima » n°4366288 ;
- rejeter l'exception d'incompétence de Me [U] et de la Selarl Proxima de [Localité 8] ;
- rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir ;
- débouter Me [U] et la Selarl Proxima de [Localité 8] de leur demande de production de pièces ;
- condamner solidairement Me [U] et la Selarl Proxima de [Localité 8] à verser à la Selarl Proxima de [Localité 9] ainsi qu'à Me [R] et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la Selarl Proxima de [Localité 8] et Me [U] solidairement aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.
9. Par dernières conclusions d'incident déposées le 21 mars 2025, M. [U] et la Selarl Proxima de [Localité 8] demandent à la cour de :
- confirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de
Bordeaux le 28 octobre 2024 en ce qu'elle a :
- déclaré irrecevable l'action de Me [R] et de la Selarl Proxima de [Localité 9] en concurrence déloyale comme étant prescrite ;
- déclaré forclose par tolérance l'action en nullité de la marque « Proxima » ;
- dit qu'en conséquence le Tribunal est dessaisi du litige ;
- condamné Me [R] et de la Selarl Proxima de [Localité 9] à payer à Me [U] et la Selarl Proxima de [Localité 8] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Me [R] et de la Selarl Proxima de [Localité 9] aux dépens ;
- infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de
Bordeaux le 28 octobre 2024 en ce qu'elle a :
- rejeté l'exception d'incompétence au profit de l'Institut national de la propriété
intellectuelle s'agissant de la demande en nullité de la marque ;
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir ;
- débouté Me [U] et la Selarl Proxima de [Localité 8] de leur demande de production de pièces.
Statuant à nouveau :
- juger incompétente la juridiction saisie et renvoyer devant l'INPI s'agissant de la demande en nullité de la marque ;
- juger irrecevable l'assignation délivrée par Me [R] et la Selarl Proxima de [Localité 9] à Me [U] et la Selarl Proxima de [Localité 8] le 5 octobre 2022 pour défaut d'intérêt à agir ;
- juger irrecevable l'assignation en vertu de la prescription de l'action en concurrence
déloyale ;
- juger irrecevable l'assignation en vertu de la forclusion pour tolérance de la demande en nullité de la marque du défendeur.
Subsidiairement :
dans l'hypothèse où l'assignation délivrée à la requête de Me [R] et la Selarl Proxima de [Localité 9] était recevable :
- condamner Me [R] et la Selarl Proxima de [Localité 9] à communiquer le courrier adressé en son temps par Me [R] et la Selarl Proxima au Bâtonnier de l'Ordre des avocats de [Localité 9] ayant suscité l'envoi par ce dernier au Bâtonnier de l'Ordre des avocats de [Localité 8] de la correspondance du 19 avril 2018 indiquant que Me [R] renonçait à sa contestation, ainsi que les correspondances reçues en réponse du Bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 9] accusant réception de cette renonciation ;
- juger que cette condamnation à communiquer ces pièces devra être assortie d'une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la date de signification de l'ordonnance à intervenir.
En tout état de cause :
- condamner solidairement Me [R] et la Selarl Proxima de [Localité 9] à verser à Me [U] et la Selarl Proxima de [Localité 8] une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la Selarl Proxima de [Localité 9] et Me [R] solidairement aux entiers dépens.
10. L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 19 juin 2025.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 5 juin 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
11. Par l'effet de l'appel incident de Me [U] et la Selarl Proxima Rennes, quant à l'exception d'incompétence au profit de l'INPI, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir et la demande de production de pièce et de l'appel principal de Me [R] et la Selarl Proxima [Localité 9] quant à la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale de l'action en concurrence déloyale et la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action en nullité de la marque par tolérance, la cour est saisie de l'entier litige soumis au tribunal judiciaire de Bordeaux.
Sur l'exception d'incompétence au profit de l'INPI
12. Me [U] et la Selarl Proxima [Localité 8] sollicitent l'infirmation de l'ordonnance entrepris en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence au profit de l'INPI s'agissant de la demande en nullité de la marque, faisant valoir, sur le fondement de l'article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle, que les demandes en nullité exclusivement fondées sur le motif suivant lequel une marque porte atteinte à une dénomination sociale antérieure, mentionné au 3° du I de l'article L. 711-3 du même code, ne peuvent être formées que devant l'INPI et qu'en l'espèce, il ressort du dispositif de l'assignation délivrée le 05 octobre 2022 que Me [R] et la Selarl Proxima de [Localité 9] agissent uniquement en nullité de la marque et non en concurrence déloyale. Ils ajoutent que les demandes d'interdiction d'utiliser la marque et la dénomination sociale 'Proxima' et de condamnation à changer de dénomination sociale ne sont que des demandes accessoires à la demande principale en nullité de la marque et non formées à l'occasion d'une action en concurrence déloyale de sorte que les dispositions du II de l'article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle ne sont pas applicables. Enfin, ils précisent que les bâtonniers de l'Ordre des avocats des barreaux de [Localité 9] et de [Localité 6] se sont rangés à l'analyse du président de la commission déontologie de la Conférence des bâtonniers qui a considéré que la demande de nullité de la marque Selarl Proxima relève de la compétence de l'INPI.
13. Me [R] et la Selarl Proxima [Localité 9] concluent à la confirmation de l'ordonnance entreprise de ce chef.
Sur ce,
14. En application de l'article 81 alinéa 2 du code de procédure civile, 'le juge qui se déclare incompétent désigne la juridiction qu'il estime compétente. Cette désignation s'impose aux parties et au juge de renvoi'.
15. Il s'en déduit que les parties ne peuvent plus contester la compétence devant la juridiction de renvoi, toute exception d'incompétence devenant alors irrecevable.
16. C'est dès lors à bon droit que, rappelant que par ordonnance du 05 octobre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Laval s'était déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Bordeaux pour statuer sur la demande en nullité de la marque comme étant connexe à une action en concurrence déloyale, et que Me [U] et la Selarl Proxima de Rennes n'avaient pas interjeté appel de cette décision sur la compétence, le premier juge a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par ces derniers.
17. L'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir et la demande de production de pièces
18. Me [U] et la Selarl Proxima [Localité 8] sollicitent l'infirmation de l'ordonnance entreprise, faisant valoir le défaut d'intérêt à agir de Me [R] lequel aurait définitivement renoncé à agir suite à un accord acté entre bâtonniers. Pour permettre à la cour d'acter cette irrecevabilité, ils demandent que soit fait sommation à Me [R] et la Selarl Proxima [Localité 9] de communiquer le courrier adressé au bâtonnier de l'Ordre des avocats de [Localité 9], Me [L] [N], qui a suscité l'envoi par ce dernier d'une correspondance du 19 avril 2018 indiquant que Me [R] renonçait à sa contestation, ajoutant que les correspondances échangées entre l'avocat et les autorités ordinales ne sont pas confidentielles et que si par extraordinaire la cour retenait leur confidentialité, il est possible pour un avocat de déroger à celle-ci afin d'assurer sa propre défense en application de l'article 4 du décret du 30 juin 2023.
19. Me [R] et la Selarl Proxima [Localité 9] concluent à la confirmation de l'ordonnance entreprise de ce chef.
Sur ce,
20. La renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes qui caractérisent de manière certaine et non équivoque la volonté de renoncer.
21. En l'espèce, c'est par d'exacts motifs qu'il convient d'adopter que le premier juge a estimé que le courrier du bâtonnier de [Localité 9] en date du 19 avril 2018 adressé au bâtonnier de [Localité 8], aux termes duquel il écrit 'Il (Maître [X] [R]) considère que le confrère ne conteste pas l'antériorité mais indique se limiter à un autre champ d'activité sur un territoire géographique circonscrit. Dès lors qu'il prend cet engagement, nous pouvons en rester là. Je procède donc au classement de la réclamation' n'était pas de nature à caractériser une renonciation à agir en justice suite à la contestation relative à une confusion de marque et de dénomination sociale.
22. Le tribunal doit également être approuvé en ce qu'il a rejeté la demande de production de pièces dès lors que Me [R] déclare ne pas être en mesure de communiquer les correspondances réclamées et qu'en tout état de cause, ces correspondances auraient été inopérantes pour caractériser une transaction qui doit être matéralisée par écrit.
23. L'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté d'une part la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Me [R] et de la Selarl Proxima [Localité 9] et d'autre part la demande de production de pièces formée par Me [U] et la Selarl Proxima [Localité 8].
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale de l'action en concurrence déloyale
24. Le premier juge a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en concurrence déloyale engagée par Me [R] et la Selarl Proxima [Localité 9] au motif qu'il apparaissait suffisamment établi que Me [R] aurait dû connaître, dès le 29 juin 2017, date de son dépôt de la marque 'Selarl Proxima', l'existence de la marque 'Proxima' déposée le 06 juin 2017, dès lors qu'il pouvait à ce moment réaliser des recherches de disponibilité et de similarité du nom choisi avec ceux déjà déposés.
25. Me [R] et la Selarl Proxima [Localité 9] critiquent cette décision faisant valoir :
- d'une part, que les recherches d'antériorité ne sont pas un préalable obligatoire au dépôt de marque,
- d'autre part, que même s'ils avaient fait de telles recherches, celles-ci n'auraient pas permis de détecter la marque 'Proxima' déposée par Me [U] le 06 juin 2017 puisque celle-ci n'a été publiée au BOPI que le 30 juin 2017, soit le lendemain du jour où Me [R] a déposé la marque 'Selarl Proxima',
- enfin, que le dépôt de marque en tant que tel ne peut servir de point de départ à la prescription ni même la date de la publication de la demande d'enregistrement.
Affirmant n'avoir découvert l'enregistrement de la marque 'Proxima' que le 05 octobre 2017 à l'occasion d'une recherche sur internet, ils estiment qu'ils avaient jusqu'au 05 octobre 2022 pour agir, de sorte que le 05 octobre 2022, jour de la délivrance de l'assignation, ils n'étaient pas prescrits.
26. Me [U] et la Selarl Proxima [Localité 8] concluent au contraire à la confirmation de la décision entreprise sur ce point, faisant valoir qu'ayant eu connaissance du dépôt de la marque 'Proxima' au plus tard le 29 juin 2017, date à laquelle Me [R] a déposé sa marque s'accompagnant d'une recherche d'antériorité, ils avaient jusqu'au 29 juin 2022 pour agir. Ils ajoutent que depuis le 30 juin 2017, date de la publication de la marque déposée par Me [U], les appelants sont réputés avoir connaissance de l'existence de cette marque. Enfin, ils relèvent que Me [R] ne pouvait plus ignorer l'existence du cabinet Proxima de Me [U] à compter de juin 2017 puisque ce dernier a créé un site internet en mai 2017.
Sur ce,
26. L'action en concurrence déloyale, fondée sur la responsabilité délictuelle, se prescrit par cinq ans en application des dispositions de l'article 2224 du code civil. Le point de départ de cette action est le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, peu important que les agissements déloyaux se soient inscrits dans la durée. (Com, 15 novembre 2023, n°22-21.878)
27. En l'espèce, compte tenu des possibilités existantes d'effectuer des recherches d'antériorité et plus particulièrement de commander auprès du service Recherche d'informations stratégiques et concurrentielles (RISC) de l'INPI une veille concurrentielle afin de vérifier l'absence d'atteinte à une marque déposée laquelle aurait permis à Me [R] d'être informé de la publication au BOPI de la marque litigieuse quelques jours seulement après le dépôt de sa propre demande d'enregistrement, quand bien même il ne s'agit pas d'une obligation, Me [R] aurait dû connaître l'existence de la marque 'Proxima' déposée le 06 juin 2017 par Me [U] au plus tard le 30 juin 2017, date de sa publication au BOPI, étant précisé qu'il ne pouvait ignorer qu'il existe un délai entre le dépôt d'une marque avec demande d'enregistrement et sa publication au BOPI.
28. Il en résulte que l'action en concurrence déloyale introduite par assignation délivrée le 05 octobre 2022 est prescrite pour avoir été introduite plus de cinq ans après le 30 juin 2017.
29. L'ordonnance entreprise doit être confirmée de ce chef.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion par tolérance de l'action en nullité de marque :
30. Le premier juge a déclaré forclose l'action en nullité de la marque 'Proxima', estimant que Me [R] aurait dû avoir connaissance de la marque qu'il conteste lors du dépôt de sa propre marque le 29 juin 2017 compte tenu des possibilités de recherche d'identité offertes à ce moment et qu'il ne s'était pas utilement opposé à l'usage de la marque critiquée dans le délai de forclusion.
31. Me [R] et la Selarl Proxima [Localité 9] contestent cette décision faisant valoir:
- qu'à la date du 29 juin 2017, le dépôt de la marque 'Proxima' n'était pas encore publié sur les registres de l'INPI de sorte qu'ils ne pouvaient en avoir connaissance à cette date,
- que la simple publication du dépôt de marque n'est pas un évènement suffisant pour justifier de la connaissance de l'usage effectif d'un signe,
- que la preuve de la connaissance de cet usage repose sur celui qui invoque la forclusion,
- que rien dans le dossier ne permet d'affirmer que Me [R] connaissait la marque 'Proxima' avant le 05 octobre 2017, date du courrier qu'il a adressé immédiatement après avoir découvert l'existence de la Selarl Proxima de [Localité 8] lors d'une recherche internet,
- que l'action en nullité de marque, engagée le 05 octobre 2022, est donc parfaitement recevable.
32. Me [U] et la Selarl Proxima [Localité 8] concluent à la confirmation de l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré forclose l'action en nullité de marque intentée par Me [R] et de la Selarl Proxima [Localité 9], faisant valoir que ceux-ci ont toléré l'usage de la marque pendant une période de cinq années consécutives à compter du 29 juin 2017 au plus tard de sorte qu'au 05 octobre 2022, date de l'assignation, ils étaient forclos.
Sur ce,
33. Aux termes de l'article L. 716-2-8 du code de la propriété intellectuelle, 'Le titulaire d'un droit antérieur qui a toléré pendant une période de cinq années consécutives l'usage d'une marque postérieure enregistrée en connaissance de cet usage n'est plus recevable à demander la nullité de la marque postérieure sur le fondement de l'article L. 711-3, pour les produits ou les services pour lesquels l'usage de la marque a été toléré, à moins que l'enregistrement de celle-ci ait été demandé de mauvaise foi.'
34. Rappelant que la forclusion par tolérance, qui est un délai préfix, suppose que celui à qui elle est opposée ait eu connaissance de l'usage de la marque en cause ou à tout le moins n'ait pu l'ignorer compte tenu des circonstances et que, en dépit de cette connaissance, il se soit abstenu de s'y opposer, le premier juge précise justement que le point de départ du délai de forclusion par tolérance est constitué non par le dépôt de la marque attaquée, mais par la date à laquelle le demandeur a eu connaissance, ou aurait dû avoir connaissance de l'existence de la marque qu'il conteste.
35. En l'espèce, pour les mêmes motifs que précédemment développés, Me [R] aurait dû connaître l'existence de la marque 'Proxima' déposée le 06 juin 2017 par Me [U] au plus tard le 30 juin 2017, date de sa publication au BOPI, eu égard aux possibilités existantes d'effectuer des recherches d'antériorité et plus particulièrement de commander auprès du service Recherche d'informations stratégiques et concurrentielles (RISC) de l'INPI une veille concurrentielle afin de vérifier l'absence d'atteinte à une marque déposée.
36. Faute de s'être utilement opposé à l'usage de cette marque dans le délai de forclusion, celui-ci est acquis.
37. L'ordonnance entreprise ayant déclaré forclose l'action en nullité de la marque 'Proxima' sera donc confirmée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
38. Me [R] et la Selarl Proxima de [Localité 9], qui succombent en leur recours, en supporteront les dépens et seront équitablement condamnés à payer à Me [U] et la Selarl Proxima de [Localité 8], ensemble, la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme la décision entreprise en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne Maître [X] [R] et la Selarl Proxima de [Localité 9] à payer à Maître [D] [U] et la Selarl Proxima de [Localité 8], ensemble, la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Bérengère VALLEE, conseiller, en remplacement de Paule POIREL, présidente légitimement empêchée, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.