CA Aix-en-Provence, ch. 1-4, 18 septembre 2025, n° 25/04456
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 18 SEPTEMBRE 2025
N° 2025/
Rôle N° RG 25/04456 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BOVZA
SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT
C/
Société HOTEL AZUR RIVIERA
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Joëlle FOLANT
Me Sandra JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 05 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018F00247.
APPELANTE
SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Joëlle FOLANT de la SELAS AVOCATS J.C.COTE D'AZUR, avocat au barreau de GRASSE, Me Benoit-guillaume MAURIZI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEE
SOCIETE HOTEL AZUR RIVIERA
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat postulant et ayant pour avocat plaidant Me David TICHADOU de la SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-ROMETTI & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Mai 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Madame Véronique MÖLLER, Conseillère
Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025 prorogé le 18 septembre 2025
ARRÊT
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
L'EURL HOTEL AZUR RIVIERA exploite un fonds de commerce à usage d'hôtellerie et de restauration au [Adresse 2].
Suite à une déclaration de cessation des paiements en date du 23 février 2011, et par jugement du 28 mars 2012, un plan de redressement par voie de continuation a été arrêté au bénéfice de cette société.
Le 26 février 2015 le Tribunal de commerce de Nice a pris acte de la cession par Mme [E] [H], propriétaire, de l'intégralité des parts sociales de l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA au profit de la société ILO HOLDING SAS représentée par Monsieur [R].
Au cours du mois de mai 2015, l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA a confié à Monsieur [T], architecte, la maîtrise d''uvre de travaux à réaliser dans l'hôtel.
Dans le cadre de ces travaux, un devis a été établi le 18 mai 2015 par la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT.
Le 15 février 2016, la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT a émis une facture d'un montant de 25.200€ TTC.
La SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT a par la suite sollicité auprès de Monsieur [R] le paiement de sa facture du 15 février 2016 ; le désaccord portant sur le paiement de cette facture n'a pas trouvé d'issue amiable.
Compte tenu de cette difficulté, par acte d'huissier en date du 12 avril 2018, la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT a fait délivrer une assignation à l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA devant le Tribunal de commerce de Nice.
Par jugement en date du 5 juin 2019, le Tribunal de commerce de Nice :
- Déclare irrecevables les demandes formées par la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à l'encontre de l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA,
- Déboute l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la résistance abusive de l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA,
- Ordonne l'exécution provisoire,
- Condamne la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à verser à l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA la somme de 4.000,00€ (quatre mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
- Liquide les dépens à la somme de 66,70€ (soixante six euros et soixante dix centimes).
Par déclaration en date du 27 juin 2019, la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT a formé appel de cette décision à l'encontre de l'EURL HOTELIERE BBCSCB AZUR MEDITERRANEE en ce qu'elle :
- Déclare irrecevables les demandes formées par la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à l'encontre de l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA,
- Condamne la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à verser à l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA la somme de 4.000,00€ (quatre mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par ordonnance d'incident en date du 2 février 2023, la magistrate de la mise en état de la chambre 1-4 de la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE a constaté la péremption de l'instance n°19/10374.
Par arrêt en déféré du 6 juillet 2023, la chambre 1-3 de cette Cour a infirmé cette ordonnance.
L'affaire s'est poursuivie, après ré-enrôlement, sous le n°RG 25/04456.
***
Par ses dernières conclusions notifiées le 29 novembre 2021 (conclusions datées du 25 septembre 2021), la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT demande à la Cour de :
Vu les faits exposés,
Vu les pièces versées aux débats,
vu la loi du
Vu les articles du 700 et 1217 Code Civil,
DIRE ET JUGER que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT est recevable et bien fondée en son action,
CONSTATER que la société BBCSCB avait parfaite connaissance de l'intervention de la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT
CONSTATER la faute de la société BBSCB HOTEL AZUR RIVIERA qui n'a pas respecté ses obligations de maitre d'ouvrage
En conséquence,
INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 05 juin 2019 ;
CONDAMNER LA SOCIETE BBCSCB HOTEL AZUR RIVIERA à verser à la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT la somme de 25 200 € TTC à titre principal, en paiement de la facture impayée échue au 15 septembre 2015 avec intérêts au taux légal à compter du 15/02/2016 date de l'émission de la facture payable comptant.
CONDAMNER LA SOCIETE BBCSCB HOTEL AZUR RIVIERA à verser à la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT la somme 5 000 € à titre de dommages intérêts pour résistance abusive.
CONDAMNER LA SOCIETE BBCSCB HOTEL AZUR RIVIERA à verser à la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT la somme 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
CONDAMNER la société BBCSCB HOTEL AZUR RIVIERA aux entiers dépens.
Elle reproche au premier juge d'avoir considéré qu'elle n'avait aucun lien contractuel avec l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA ; elle soutient que cette dernière avait bien connaissance de son intervention sur le chantier et qu'elle n'a formé aucune opposition à la proposition d'honoraires qui lui avait été précédemment adressée ; elle soutient que par application de la législation relative à la sous-traitance, la société AZUR RIVIERA est tenue au paiement de la facture litigieuse.
L'EURL HOTEL AZUR RIVIERA, par conclusions en réponse notifiées le 29 novembre 2019 demande à la Cour de :
Vu les articles 3, 5, 6 et 12 de la loi numéro 75-1331 du 31 décembre 1975,
Vu les pièces versées au débat
Il est sollicité de la cour d'appel d'AIX EN PROVENCE :
A titre principal,
DIRE ET JUGER que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'a aucun lien contractuel avec la société HOTEL AZUR RIVIERA,
DIRE ET JUGER que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT est le sous-traitant de la société LA BOITE A OUTILS,
DIRE ET JUGER que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'a pas respecté le formalisme imposé par l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975,
DIRE ET JUGER que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'a été ni acceptée ni agréée dans ces conditions de paiement par la société HOTEL AZUR RIVIERA,
En conséquence,
CONFIRMER le jugement rendu en date du 5 juin 2019 par le Tribunal de commerce de NICE en ses entières dispositions,
DECLARER irrecevables les demandes formulées par la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à l'encontre de la société HOTEL AZUR RIVIERA,
A titre subsidiaire,
DIRE ET JUGER que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'a subi aucun préjudice dans la mesure où les prestations listées dans sa facture 15/3111 n'ont pas été réalisées (à l'exception de la prestation « diagnostic » qui a été réglée par la société LA BOITE A OUTILS),
En conséquence,
DEBOUTER la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT de toutes ces demandes formulées à l'encontre de la société HOTEL AZUR RIVIERA,
En tout état de cause,
CONDAMNER la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT au paiement d'une somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, elle expose qu'elle n'a jamais mandaté la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT pour la réalisation de travaux et qu'aucun lien contractuel n'a donc existé entre elles ; que cette société n'a été que le sous-traitant de la société BOITE A OUTILS, entreprise générale. Elle considère que la société appelante n'a pas respecté les conditions de forme imposées par la loi de 1975 sur la sous-traitance afin de pouvoir agir contre le maître d'ouvrage et qu'elle n'a fait l'objet d'aucune acceptation ni agrément de sa part de sorte qu'elle n'est pas en mesure d'exercer une action directe à son encontre. Elle précise qu'aucune acceptation tacite ne peut être caractérisée. Subsidiairement, elle expose que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'a pas réalisé les missions sur lesquelles elle fonde sa facture.
L'affaire a été clôturée à la date du 12 mai 2025 et appelée en dernier lieu à l'audience du 20 mai 2025.
Le délibéré, initialement fixé au 3 juillet 2025, a été prorogé au 18 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la recevabilité de l'action :
Il est donc constant que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT est intervenue sur le chantier de l'hôtel du [Adresse 2] ; un devis daté du 18 mai 2015 et adressé à Monsieur [B] [T], chargé de la maîtrise d''uvre, pour un montant de 26.500€ HT porte une mention « bon pour accord lu et approuvé » ainsi qu'une signature attribuée à Monsieur [F], gérant de la société LA BOITE A OUTILS.
En effet, un contrat de prestation de service avait été conclu entre la société BBCSCB et la société BOITE A OUTILS, cette dernière ayant été désignée en tant qu'entreprise générale dans ce projet de rénovation de l'hôtel. Il est à relever que ce contrat de prestation de service conclu le 7 juillet 2015 entre les sociétés BBCSCB et BOITE A OUTILS prévoyait le recours à la sous-traitance en indiquant :
« Afin de mener à bien sa mission, il est expressément convenu entre les Parties que le Prestataire pourra faire appel, pour l'exécution de tout ou partie de sa mission, à des tiers sous quelque forme que ce soit (sous-traitance par exemple), sous réserve d'en informer préalablement et par écrit le client. Cependant le client dispense d'ores et déjà le prestataire de solliciter à son agrément le choix des tiers ».
Il doit être relevé que selon cette disposition, si le prestataire (société BOITE A OUTILS) a pour obligation d'informer le client (HOTEL AZUR RIVIERA), il est dispensé de solliciter l'agrément prévu par la loi du 31 décembre 1975.
Or, il convient de rappeler que les dispositions de cette loi sont d'ordre public.
La facture litigieuse de la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT, d'un montant de 25.200€, a été émise le 15 févier 2016 (facture n°15/311) au nom de la SARL BBCSCB.
L'action à l'encontre de la société HOTEL AZUR RIVIERA a pour objet de voir engager la responsabilité du maître d'ouvrage en soutenant que ce dernier était parfaitement informé de sa présence sur le chantier.
Les conditions d'une action directe du sous-traitant à l'encontre du maître de l'ouvrage impliquent l'existence d'un contrat d'entreprise, l'existence d'un agrément nécessaire et la délivrance d'une mise en demeure, cela en application des article 3, 11 et 12 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975.
S'agissant de l'agrément par le maître d'ouvrage, celui-ci doit en effet porter sur la personne du sous-traitant mais également sur les conditions de son paiement ; si la possibilité d'un agrément tacite ou implicite peut être admise, un tel agrément ne saurait résulter d'un simple silence ou d'une tolérance passive. Il ne peut en effet se déduire que d'actes manifestant sans équivoque la volonté du maître de l'ouvrage d'accepter le sous-traitant.
En application de l'article 3 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975, « L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande.
Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant ».
En l'espèce, l'agrément de la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'a pas eu lieu. Ainsi, la société LA BOITE A OUTILS, entrepreneur principal, a eu recours à la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT, en tant que sous-traitante, sans que les obligations de la loi du 31 décembre 1975 n'aient été respectées.
Il doit être relevé que :
- La société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT est mentionnée sur le compte rendu de chantier n°4 du 6 décembre 2015 (BET THERM), ainsi que sur le compte rendu de chantier n°6 du 18 décembre 2015. Le maître d'ouvrage était également présent à ces réunions.
- Selon une attestation de l'architecte Monsieur [T] en date du 24 janvier 2018, la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT est bien intervenue sur le chantier (établissement de plans et descriptifs, présence lors de plusieurs réunions de chantier).
Compte tenu de la mention de la présence de la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à des réunions de chantier en même temps que le maître d'ouvrage, il n'est pas contestable que, nonobstant l'absence d'agrément, ce dernier a eu connaissance de l'intervention de cette société sur le chantier. Or, en présence d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet d'une acceptation ou d'un agrément de ses conditions de paiement, le maître d'ouvrage est tenu de mettre l'entrepreneur principal en demeure de s'acquitter de ses obligations, cela par application de l'article 14-1 de la même loi :
« Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics :
- le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés ;
- si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution.
Les dispositions ci-dessus concernant le maître de l'ouvrage ne s'appliquent pas à la personne physique construisant un logement pour l'occuper elle-même ou le faire occuper par son conjoint, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint.
Les dispositions du deuxième alinéa s'appliquent également au contrat de sous-traitance industrielle lorsque le maître de l'ouvrage connaît son existence, nonobstant l'absence du sous-traitant sur le chantier. Les dispositions du troisième alinéa s'appliquent également au contrat de sous-traitance industrielle ».
Selon ces dispositions, applicables aux contrats de travaux de bâtiments et de travaux publics dans le cadre de marchés publics et privés, en omettant de procéder à ces démarches, le maître d'ouvrage commet une négligence faisant perdre au sous-traitant la possibilité de disposer d'une caution ou d'une délégation de paiement s'il n'est pas payé par l'entrepreneur principal. En effet, le recours à une caution ou à la délégation de paiement sont des garanties d'ordre public dont doit bénéficier le sous-traitant lors de tels travaux.
Si, comme indiqué ci-avant, une acceptation tacite de la présence du sous-traitant peut être admise, celle-ci n'est pas caractérisée en l'espèce à défaut d'actes manifestant sans équivoque une telle volonté du maître d'ouvrage.
En outre, il convient de préciser qu'en l'absence d'agrément, le sous-traitant n'est pas fondé à engager une action directe à l'encontre du maître d'ouvrage.
Toutefois, si une action directe en paiement n'est pas possible pour le sous-traitant, le maître d'ouvrage qui n'a pas rempli les obligations précitées doit indemniser celui-ci lorsqu'il n'a pas pu disposer d'une caution ni d'une délégation de paiement à concurrence du solde du prix des travaux lui restant dû. En effet, en l'espèce, le maître d'ouvrage a eu connaissance au cours du chantier de la présence de la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT. Si, selon le contrat conclu avec la société LA BOITE A OUTILS, cette dernière pouvait être dispensée de solliciter un agrément, il incombait en tout état de cause au maître d'ouvrage d'exiger de l'entrepreneur principal la fourniture d'une caution ou d'une délégation de paiement du sous-traitant agréé et accepté. En cas de manquement à cette obligation, le maître d'ouvrage est tenu envers le sous-traitant à une indemnisation correspondant au montant des travaux impayés dès lors que si le cautionnement ou la délégation de paiement prévus par la loi avaient été fournis au sous-traitant, celui-ci aurait été intégralement payé du montant des travaux restés impayés.
En, conséquence, la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT est en l'espèce recevable à agir à l'encontre de la société HOTEL AZUR RIVIERA.
La décision contestée sera infirmée en ce qu'elle a déclaré cette action irrecevable.
Sur le bien fondé de la demande :
Dans le cadre de son argumentation subsidiaire, pour s'opposer à la demande en paiement formée par la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT, la société HOTEL AZUR RIVIERA soutient que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'a assisté qu'à deux réunions de chantier et qu'elle n'a réalisé que la mission « diagnostic » qui était prévue à son contrat, prestations pour laquelle elle a été réglée à hauteur de 1500€ HT.
Selon la société HOTEL AZUR RIVIERA, la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'a donc pas réalisé les autres missions incluses dans son contrat puisque le chantier a été interrompu au mois de février 2016 ; elle soutient que l'attestation de Monsieur [T] faisant état des prestations accomplies par la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT est mensongère, et souligne le fait qu'elle est elle-même en conflit avec Monsieur [T].
La société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT oppose qu'elle demande le paiement de prestations qu'elle a bien réalisées et justement facturées à la société HOTEL AZUR RIVIERA.
Le contenu de la prestation que devait fournir la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT est précisé sur le devis n°15/3110 du 18 mai 2015 accepté par le gérant de la société LA BOITE A OUTILS. La mission comprenait quatre phases :
- Diagnostic,
- Avant projet,
- Etude de projet ' DCE,
- Assistance au suivi de chantier.
La rémunération totale de cette mission était détaillée dans l'article 5 de ce devis, article relatif aux honoraires. La facture émise le 15 février 2016 reprend ces différents postes de facturation ; elle s'élève à 25.200€ TTC et il en ressort que la prestation de « diagnostic » (1.500€ HT) a déjà été réglée et celle de « assistance au suivi de chantier » (4.000€ HT) n'est pas facturée.
Les pièces produites ne permettent pas d'appréhender dans quelle mesure cette mission a été exécutée ; en effet, la présence de la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'est établie que pour deux réunions de chantier en novembre et décembre 2015.
Dans son attestation du 24 janvier 2018, Monsieur [T] a indiqué notamment « avoir reçu un jeu de plans et les descriptifs correspondant élaborés par M. [O], ingénieur fluides attaché au dit BET ». Si cette attestation confirme le principe de la participation de la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT et une exécution au moins partielle de sa mission en sa qualité de sous-traitante, elle ne suffit pas à établir le niveau de réalisation de cette mission et la réalité de l'exécution des différentes phases prévues par le devis.
Par ailleurs, la portée de cette attestation est relativisée par celle de Monsieur [S], assistant à la maîtrise d'ouvrage qui, le 18 juin 2018, indique que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT « n'a assisté qu'à deux réunions techniques avant l'arrêt des travaux ». Par courrier en date du 29 septembre 2019, Monsieur [S] a précisé que seule la « mission diagnostic » avait été réalisée par la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT.
Aucune pièce ne vient objectiver la mesure de l'intervention de la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT.
Dès lors, la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT ne justifie pas de la réalisation des prestations dont elle demande le paiement. Il convient en conséquence de la débouter de sa demande formée à ce titre à l'encontre de la société HOTEL AZUR RIVIERA.
Sur les demandes annexes :
Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à payer à la société HOTEL AZUR RIVIERA une somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT sera en outre condamnée aux entiers dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement du Tribunal de commerce de Nice en date du 5 juin 2019 en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées par la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à l'encontre de l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA ;
Statuant à nouveau,
Déclare recevables les demandes formées par la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à l'encontre de la SARL unipersonnelle HOTEL AZUR RIVIERA ;
Déboute la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT de ses demandes ;
Y ajoutant,
Condamne la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à payer à la SARL unipersonnelle HOTEL AZUR RIVIERA une somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT aux entiers dépens de l'instance.
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Patricia CARTHIEUX , greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 18 SEPTEMBRE 2025
N° 2025/
Rôle N° RG 25/04456 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BOVZA
SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT
C/
Société HOTEL AZUR RIVIERA
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Joëlle FOLANT
Me Sandra JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 05 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018F00247.
APPELANTE
SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Joëlle FOLANT de la SELAS AVOCATS J.C.COTE D'AZUR, avocat au barreau de GRASSE, Me Benoit-guillaume MAURIZI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEE
SOCIETE HOTEL AZUR RIVIERA
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat postulant et ayant pour avocat plaidant Me David TICHADOU de la SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-ROMETTI & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Mai 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Madame Véronique MÖLLER, Conseillère
Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025 prorogé le 18 septembre 2025
ARRÊT
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
L'EURL HOTEL AZUR RIVIERA exploite un fonds de commerce à usage d'hôtellerie et de restauration au [Adresse 2].
Suite à une déclaration de cessation des paiements en date du 23 février 2011, et par jugement du 28 mars 2012, un plan de redressement par voie de continuation a été arrêté au bénéfice de cette société.
Le 26 février 2015 le Tribunal de commerce de Nice a pris acte de la cession par Mme [E] [H], propriétaire, de l'intégralité des parts sociales de l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA au profit de la société ILO HOLDING SAS représentée par Monsieur [R].
Au cours du mois de mai 2015, l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA a confié à Monsieur [T], architecte, la maîtrise d''uvre de travaux à réaliser dans l'hôtel.
Dans le cadre de ces travaux, un devis a été établi le 18 mai 2015 par la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT.
Le 15 février 2016, la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT a émis une facture d'un montant de 25.200€ TTC.
La SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT a par la suite sollicité auprès de Monsieur [R] le paiement de sa facture du 15 février 2016 ; le désaccord portant sur le paiement de cette facture n'a pas trouvé d'issue amiable.
Compte tenu de cette difficulté, par acte d'huissier en date du 12 avril 2018, la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT a fait délivrer une assignation à l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA devant le Tribunal de commerce de Nice.
Par jugement en date du 5 juin 2019, le Tribunal de commerce de Nice :
- Déclare irrecevables les demandes formées par la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à l'encontre de l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA,
- Déboute l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la résistance abusive de l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA,
- Ordonne l'exécution provisoire,
- Condamne la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à verser à l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA la somme de 4.000,00€ (quatre mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
- Liquide les dépens à la somme de 66,70€ (soixante six euros et soixante dix centimes).
Par déclaration en date du 27 juin 2019, la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT a formé appel de cette décision à l'encontre de l'EURL HOTELIERE BBCSCB AZUR MEDITERRANEE en ce qu'elle :
- Déclare irrecevables les demandes formées par la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à l'encontre de l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA,
- Condamne la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à verser à l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA la somme de 4.000,00€ (quatre mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par ordonnance d'incident en date du 2 février 2023, la magistrate de la mise en état de la chambre 1-4 de la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE a constaté la péremption de l'instance n°19/10374.
Par arrêt en déféré du 6 juillet 2023, la chambre 1-3 de cette Cour a infirmé cette ordonnance.
L'affaire s'est poursuivie, après ré-enrôlement, sous le n°RG 25/04456.
***
Par ses dernières conclusions notifiées le 29 novembre 2021 (conclusions datées du 25 septembre 2021), la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT demande à la Cour de :
Vu les faits exposés,
Vu les pièces versées aux débats,
vu la loi du
Vu les articles du 700 et 1217 Code Civil,
DIRE ET JUGER que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT est recevable et bien fondée en son action,
CONSTATER que la société BBCSCB avait parfaite connaissance de l'intervention de la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT
CONSTATER la faute de la société BBSCB HOTEL AZUR RIVIERA qui n'a pas respecté ses obligations de maitre d'ouvrage
En conséquence,
INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 05 juin 2019 ;
CONDAMNER LA SOCIETE BBCSCB HOTEL AZUR RIVIERA à verser à la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT la somme de 25 200 € TTC à titre principal, en paiement de la facture impayée échue au 15 septembre 2015 avec intérêts au taux légal à compter du 15/02/2016 date de l'émission de la facture payable comptant.
CONDAMNER LA SOCIETE BBCSCB HOTEL AZUR RIVIERA à verser à la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT la somme 5 000 € à titre de dommages intérêts pour résistance abusive.
CONDAMNER LA SOCIETE BBCSCB HOTEL AZUR RIVIERA à verser à la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT la somme 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
CONDAMNER la société BBCSCB HOTEL AZUR RIVIERA aux entiers dépens.
Elle reproche au premier juge d'avoir considéré qu'elle n'avait aucun lien contractuel avec l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA ; elle soutient que cette dernière avait bien connaissance de son intervention sur le chantier et qu'elle n'a formé aucune opposition à la proposition d'honoraires qui lui avait été précédemment adressée ; elle soutient que par application de la législation relative à la sous-traitance, la société AZUR RIVIERA est tenue au paiement de la facture litigieuse.
L'EURL HOTEL AZUR RIVIERA, par conclusions en réponse notifiées le 29 novembre 2019 demande à la Cour de :
Vu les articles 3, 5, 6 et 12 de la loi numéro 75-1331 du 31 décembre 1975,
Vu les pièces versées au débat
Il est sollicité de la cour d'appel d'AIX EN PROVENCE :
A titre principal,
DIRE ET JUGER que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'a aucun lien contractuel avec la société HOTEL AZUR RIVIERA,
DIRE ET JUGER que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT est le sous-traitant de la société LA BOITE A OUTILS,
DIRE ET JUGER que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'a pas respecté le formalisme imposé par l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975,
DIRE ET JUGER que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'a été ni acceptée ni agréée dans ces conditions de paiement par la société HOTEL AZUR RIVIERA,
En conséquence,
CONFIRMER le jugement rendu en date du 5 juin 2019 par le Tribunal de commerce de NICE en ses entières dispositions,
DECLARER irrecevables les demandes formulées par la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à l'encontre de la société HOTEL AZUR RIVIERA,
A titre subsidiaire,
DIRE ET JUGER que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'a subi aucun préjudice dans la mesure où les prestations listées dans sa facture 15/3111 n'ont pas été réalisées (à l'exception de la prestation « diagnostic » qui a été réglée par la société LA BOITE A OUTILS),
En conséquence,
DEBOUTER la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT de toutes ces demandes formulées à l'encontre de la société HOTEL AZUR RIVIERA,
En tout état de cause,
CONDAMNER la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT au paiement d'une somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, elle expose qu'elle n'a jamais mandaté la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT pour la réalisation de travaux et qu'aucun lien contractuel n'a donc existé entre elles ; que cette société n'a été que le sous-traitant de la société BOITE A OUTILS, entreprise générale. Elle considère que la société appelante n'a pas respecté les conditions de forme imposées par la loi de 1975 sur la sous-traitance afin de pouvoir agir contre le maître d'ouvrage et qu'elle n'a fait l'objet d'aucune acceptation ni agrément de sa part de sorte qu'elle n'est pas en mesure d'exercer une action directe à son encontre. Elle précise qu'aucune acceptation tacite ne peut être caractérisée. Subsidiairement, elle expose que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'a pas réalisé les missions sur lesquelles elle fonde sa facture.
L'affaire a été clôturée à la date du 12 mai 2025 et appelée en dernier lieu à l'audience du 20 mai 2025.
Le délibéré, initialement fixé au 3 juillet 2025, a été prorogé au 18 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la recevabilité de l'action :
Il est donc constant que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT est intervenue sur le chantier de l'hôtel du [Adresse 2] ; un devis daté du 18 mai 2015 et adressé à Monsieur [B] [T], chargé de la maîtrise d''uvre, pour un montant de 26.500€ HT porte une mention « bon pour accord lu et approuvé » ainsi qu'une signature attribuée à Monsieur [F], gérant de la société LA BOITE A OUTILS.
En effet, un contrat de prestation de service avait été conclu entre la société BBCSCB et la société BOITE A OUTILS, cette dernière ayant été désignée en tant qu'entreprise générale dans ce projet de rénovation de l'hôtel. Il est à relever que ce contrat de prestation de service conclu le 7 juillet 2015 entre les sociétés BBCSCB et BOITE A OUTILS prévoyait le recours à la sous-traitance en indiquant :
« Afin de mener à bien sa mission, il est expressément convenu entre les Parties que le Prestataire pourra faire appel, pour l'exécution de tout ou partie de sa mission, à des tiers sous quelque forme que ce soit (sous-traitance par exemple), sous réserve d'en informer préalablement et par écrit le client. Cependant le client dispense d'ores et déjà le prestataire de solliciter à son agrément le choix des tiers ».
Il doit être relevé que selon cette disposition, si le prestataire (société BOITE A OUTILS) a pour obligation d'informer le client (HOTEL AZUR RIVIERA), il est dispensé de solliciter l'agrément prévu par la loi du 31 décembre 1975.
Or, il convient de rappeler que les dispositions de cette loi sont d'ordre public.
La facture litigieuse de la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT, d'un montant de 25.200€, a été émise le 15 févier 2016 (facture n°15/311) au nom de la SARL BBCSCB.
L'action à l'encontre de la société HOTEL AZUR RIVIERA a pour objet de voir engager la responsabilité du maître d'ouvrage en soutenant que ce dernier était parfaitement informé de sa présence sur le chantier.
Les conditions d'une action directe du sous-traitant à l'encontre du maître de l'ouvrage impliquent l'existence d'un contrat d'entreprise, l'existence d'un agrément nécessaire et la délivrance d'une mise en demeure, cela en application des article 3, 11 et 12 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975.
S'agissant de l'agrément par le maître d'ouvrage, celui-ci doit en effet porter sur la personne du sous-traitant mais également sur les conditions de son paiement ; si la possibilité d'un agrément tacite ou implicite peut être admise, un tel agrément ne saurait résulter d'un simple silence ou d'une tolérance passive. Il ne peut en effet se déduire que d'actes manifestant sans équivoque la volonté du maître de l'ouvrage d'accepter le sous-traitant.
En application de l'article 3 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975, « L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande.
Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant ».
En l'espèce, l'agrément de la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'a pas eu lieu. Ainsi, la société LA BOITE A OUTILS, entrepreneur principal, a eu recours à la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT, en tant que sous-traitante, sans que les obligations de la loi du 31 décembre 1975 n'aient été respectées.
Il doit être relevé que :
- La société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT est mentionnée sur le compte rendu de chantier n°4 du 6 décembre 2015 (BET THERM), ainsi que sur le compte rendu de chantier n°6 du 18 décembre 2015. Le maître d'ouvrage était également présent à ces réunions.
- Selon une attestation de l'architecte Monsieur [T] en date du 24 janvier 2018, la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT est bien intervenue sur le chantier (établissement de plans et descriptifs, présence lors de plusieurs réunions de chantier).
Compte tenu de la mention de la présence de la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à des réunions de chantier en même temps que le maître d'ouvrage, il n'est pas contestable que, nonobstant l'absence d'agrément, ce dernier a eu connaissance de l'intervention de cette société sur le chantier. Or, en présence d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet d'une acceptation ou d'un agrément de ses conditions de paiement, le maître d'ouvrage est tenu de mettre l'entrepreneur principal en demeure de s'acquitter de ses obligations, cela par application de l'article 14-1 de la même loi :
« Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics :
- le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés ;
- si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution.
Les dispositions ci-dessus concernant le maître de l'ouvrage ne s'appliquent pas à la personne physique construisant un logement pour l'occuper elle-même ou le faire occuper par son conjoint, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint.
Les dispositions du deuxième alinéa s'appliquent également au contrat de sous-traitance industrielle lorsque le maître de l'ouvrage connaît son existence, nonobstant l'absence du sous-traitant sur le chantier. Les dispositions du troisième alinéa s'appliquent également au contrat de sous-traitance industrielle ».
Selon ces dispositions, applicables aux contrats de travaux de bâtiments et de travaux publics dans le cadre de marchés publics et privés, en omettant de procéder à ces démarches, le maître d'ouvrage commet une négligence faisant perdre au sous-traitant la possibilité de disposer d'une caution ou d'une délégation de paiement s'il n'est pas payé par l'entrepreneur principal. En effet, le recours à une caution ou à la délégation de paiement sont des garanties d'ordre public dont doit bénéficier le sous-traitant lors de tels travaux.
Si, comme indiqué ci-avant, une acceptation tacite de la présence du sous-traitant peut être admise, celle-ci n'est pas caractérisée en l'espèce à défaut d'actes manifestant sans équivoque une telle volonté du maître d'ouvrage.
En outre, il convient de préciser qu'en l'absence d'agrément, le sous-traitant n'est pas fondé à engager une action directe à l'encontre du maître d'ouvrage.
Toutefois, si une action directe en paiement n'est pas possible pour le sous-traitant, le maître d'ouvrage qui n'a pas rempli les obligations précitées doit indemniser celui-ci lorsqu'il n'a pas pu disposer d'une caution ni d'une délégation de paiement à concurrence du solde du prix des travaux lui restant dû. En effet, en l'espèce, le maître d'ouvrage a eu connaissance au cours du chantier de la présence de la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT. Si, selon le contrat conclu avec la société LA BOITE A OUTILS, cette dernière pouvait être dispensée de solliciter un agrément, il incombait en tout état de cause au maître d'ouvrage d'exiger de l'entrepreneur principal la fourniture d'une caution ou d'une délégation de paiement du sous-traitant agréé et accepté. En cas de manquement à cette obligation, le maître d'ouvrage est tenu envers le sous-traitant à une indemnisation correspondant au montant des travaux impayés dès lors que si le cautionnement ou la délégation de paiement prévus par la loi avaient été fournis au sous-traitant, celui-ci aurait été intégralement payé du montant des travaux restés impayés.
En, conséquence, la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT est en l'espèce recevable à agir à l'encontre de la société HOTEL AZUR RIVIERA.
La décision contestée sera infirmée en ce qu'elle a déclaré cette action irrecevable.
Sur le bien fondé de la demande :
Dans le cadre de son argumentation subsidiaire, pour s'opposer à la demande en paiement formée par la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT, la société HOTEL AZUR RIVIERA soutient que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'a assisté qu'à deux réunions de chantier et qu'elle n'a réalisé que la mission « diagnostic » qui était prévue à son contrat, prestations pour laquelle elle a été réglée à hauteur de 1500€ HT.
Selon la société HOTEL AZUR RIVIERA, la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'a donc pas réalisé les autres missions incluses dans son contrat puisque le chantier a été interrompu au mois de février 2016 ; elle soutient que l'attestation de Monsieur [T] faisant état des prestations accomplies par la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT est mensongère, et souligne le fait qu'elle est elle-même en conflit avec Monsieur [T].
La société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT oppose qu'elle demande le paiement de prestations qu'elle a bien réalisées et justement facturées à la société HOTEL AZUR RIVIERA.
Le contenu de la prestation que devait fournir la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT est précisé sur le devis n°15/3110 du 18 mai 2015 accepté par le gérant de la société LA BOITE A OUTILS. La mission comprenait quatre phases :
- Diagnostic,
- Avant projet,
- Etude de projet ' DCE,
- Assistance au suivi de chantier.
La rémunération totale de cette mission était détaillée dans l'article 5 de ce devis, article relatif aux honoraires. La facture émise le 15 février 2016 reprend ces différents postes de facturation ; elle s'élève à 25.200€ TTC et il en ressort que la prestation de « diagnostic » (1.500€ HT) a déjà été réglée et celle de « assistance au suivi de chantier » (4.000€ HT) n'est pas facturée.
Les pièces produites ne permettent pas d'appréhender dans quelle mesure cette mission a été exécutée ; en effet, la présence de la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT n'est établie que pour deux réunions de chantier en novembre et décembre 2015.
Dans son attestation du 24 janvier 2018, Monsieur [T] a indiqué notamment « avoir reçu un jeu de plans et les descriptifs correspondant élaborés par M. [O], ingénieur fluides attaché au dit BET ». Si cette attestation confirme le principe de la participation de la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT et une exécution au moins partielle de sa mission en sa qualité de sous-traitante, elle ne suffit pas à établir le niveau de réalisation de cette mission et la réalité de l'exécution des différentes phases prévues par le devis.
Par ailleurs, la portée de cette attestation est relativisée par celle de Monsieur [S], assistant à la maîtrise d'ouvrage qui, le 18 juin 2018, indique que la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT « n'a assisté qu'à deux réunions techniques avant l'arrêt des travaux ». Par courrier en date du 29 septembre 2019, Monsieur [S] a précisé que seule la « mission diagnostic » avait été réalisée par la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT.
Aucune pièce ne vient objectiver la mesure de l'intervention de la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT.
Dès lors, la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT ne justifie pas de la réalisation des prestations dont elle demande le paiement. Il convient en conséquence de la débouter de sa demande formée à ce titre à l'encontre de la société HOTEL AZUR RIVIERA.
Sur les demandes annexes :
Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à payer à la société HOTEL AZUR RIVIERA une somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT sera en outre condamnée aux entiers dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement du Tribunal de commerce de Nice en date du 5 juin 2019 en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées par la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à l'encontre de l'EURL HOTEL AZUR RIVIERA ;
Statuant à nouveau,
Déclare recevables les demandes formées par la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à l'encontre de la SARL unipersonnelle HOTEL AZUR RIVIERA ;
Déboute la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT de ses demandes ;
Y ajoutant,
Condamne la SAS TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT à payer à la SARL unipersonnelle HOTEL AZUR RIVIERA une somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la société TECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT aux entiers dépens de l'instance.
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Patricia CARTHIEUX , greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,