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CA Paris, Pôle 4 - ch. 6, 19 septembre 2025, n° 22/07264

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/07264

19 septembre 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2025

(n° /2025, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07264 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFT47

Décision déférée à la Cour : jugement du 04 mars 2022 - tribunal de commerce de Paris - RG n° 2021009099

APPELANTE

S.A.S. ATHEX prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée à l'audience par Me Antoine MORAVIE, avocat au barreau de PARIS, toque : D363

INTIMÉE

S.A. EDILE CONSTRUCTION prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sylvie VERNIOLE DAVET de la SELARL VERDUN VERNIOLE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0309, substituée à l'audience par Me Karima ABDALLI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sylvie DELACOURT, présidente de chambre

Mme Laura TARDY, conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Viviane SZLAMOVICZ dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Manon CARON

ARRÊT :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sylvie DELACOURT, présidente de chambre et par Clément COLIN, greffier, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société Edile Construction (la société Edile) a confié en sous-traitance à la société Athex la fourniture et la pose de mobilier pour deux chantiers :

le chantier [Localité 4], en aménagement d'une crèche (menuiserie et mobilier) d'un montant de 39 266,30 euros HT, signé le 8 mars 2019 avec livraison prévue le 30 juin 2019 et avenant du 18 février 2020 portant ce délai au 30 avril 2020,

le chantier Soderec, en travaux divers (mobiliers et habillage d'escalier) d'un montant de 159 500 euros HT, signé le 18 mars 2019 avec livraison prévue le 10 juillet 2019.

Le 28 juillet 2020, la société Athex a assigné en règlement de factures impayées la société Edile devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris qui a rejeté ses demandes par ordonnance du 24 novembre 2020.

Sur appel de la société Athex, la cour d'appel de Paris, par arrêt du 10 septembre 2021, a renvoyé les parties sur le fond concernant le chantier Montrouge, et condamné la société Edile à payer à la société Athex une provision de 10 814,80 euros pour le chantier Sodorec.

Par acte du 8 février 2021, la société Athex a assigné la société Edile devant le tribunal de commerce de Paris en paiement.

Par jugement du 4 mars 2022, le tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes :

Pour le chantier [Localité 4] :

Condamne la société Edile à payer à la société Athex la somme de 7 853,26 euros HT (TVA en auto-liquidation), assortie des intérêts de retard au taux de la banque centrale européenne majorée de 10 % à compter du 16 juillet 2020, avec anatocisme ;

Condamne la société Edile à payer à la société Athex la somme de 40 euros à titre de provision sur le recouvrement ;

Annule la résiliation unilatérale de la société Edile et prononce la résolution du contrat aux torts partagés ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;

Pour le chantier Soderec :

Condamne la société Edile à payer à la société Athex les intérêts au taux de la banque centrale européenne majoré de 10 points, avec capitalisation, sur les sommes de :

12 384,50 euros à compter du 17 août 2019 jusqu'au 10 juin 2020,

14 017,50 euros à compter du 17 août 2019 jusqu'au 22 décembre 2020 ;

Condamne la société Edile à payer à la société Athex la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Athex pour le surplus ;

Condamne la société Edile aux dépens de l'instance ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples, autres ou contraires aux présentes dispositions ;

Ordonne l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 7 mars 2022, la société Athex a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour la société Edile.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 juillet 2022, la société Athex demande à la cour de :

Sur le contrat [Localité 4],

Réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la rupture du contrat [Localité 4] aux torts partagés et accordé seulement à la société Athex la somme de 7 853,26 euros HT ;

Statuant à nouveau,

Juger valable et fondée l'exception d'inexécution de la société Athex ;

Juger que la rupture consommée du contrat [Localité 4] est imputable exclusivement à la société Edile qui en supporte seule les conséquences ;

Condamner la société Edile à payer à la société Athex :

la somme de 14 921,20 euros avec intérêts selon les dispositions de l'article L. 441-10 II du code de commerce à compter du 16 juillet 2020 et capitalisation dans les conditions légales soit pour la première année au 16 juillet 2021,

la somme de 24 345 euros de dommages et intérêts pour résolution du contrat aux torts exclusifs de la société Edile et mauvaise foi dans l'exécution du contrat, avec intérêts légaux de retard à compter du jugement outre capitalisation ;

Sur le contrat Soderec,

Réformer le jugement en ce qu'il a refusé de condamner la société Edile à verser des dommages et intérêts pour non fourniture de la caution pour le chantier Soderec et ce malgré mise en demeure ;

Statuant à nouveau,

Juger que la mauvaise foi de la société Edile dans l'exécution du contrat est établie ;

Condamner la société Edile à payer à la société Athex la somme de 8 000 euros avec intérêts légaux de retard à compter du jugement et capitalisation ;

Réformer le jugement en ce qu'il a refusé de prononcer la réception du chantier Soderec ;

Juger et prononcer la réception du chantier Soderec ;

Condamner la société Edile à payer à la société Athex la somme de 10 814,80 euros ;

Juger applicable l'article L. 441-10 II du code de commerce ;

Condamner la société Edile à payer à la société Athex les pénalités de retard à compter du 30 avril 2020 et première capitalisation au 30 avril 2021 ;

En tout état de cause,

Condamner la société Edile aux entiers dépens de première instance, lesquels incluront le coût de la requête et du constat d'huissiers y afférent ;

Condamner la société Edile aux entiers dépens d'appel et au paiement de la somme de 4 000 euros d'article 700 du code de procédure civile dont distraction des dépens en faveur de Me Moravie en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2022, la société Edile demande à la cour de :

Sur le chantier de [Localité 4] :

- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la rupture du contrat [Localité 4] aux torts partagés ;

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a considéré que la société Athex avait manqué à ses obligations pour défaut de livraison des mobiliers ;

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a considéré mal fondée la demande de la société Athex en dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau,

- Déclarer la société Edile recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions ;

- Dire et juger que la société Edile a procédé au règlement des sommes contractuellement dues au titre du contrat de sous-traitance signé pour le chantier de [Localité 4] ;

- Dire et juger que le contrat de sous-traitance a été résilié aux torts de la société Athex pour le chantier [Localité 4] ;

- Débouter la société Athex de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Sur le chantier de Soderec :

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a refusé de condamner la société Edile à verser des dommages et intérêts pour non fourniture de la caution ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a refusé de prononcer la réception du chantier Soderec ;

Statuant à nouveau,

- Dire et juger que la société Edile a procédé au règlement des sommes contractuellement dues au titre du contrat de sous-traitance signé pour le chantier de Soderec ;

- Débouter la société Athex de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société Edile ;

- Condamner la société Athex à verser à la société Edile la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Athex aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 15 mai 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 5 juin 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur le chantier [Localité 4]

Moyens des parties

La société Athex fait valoir qu'elle peut se prévaloir de l'exception d'inexécution, laquelle a pour effet de rendre fautive la rupture unilatérale de la société Edile et de fonder sa demande de paiement des prestations effectuées et de dommages et intérêts.

Elle précise que trois manquements contractuels sont imputables à la société Edile :

- L'absence d'agrément du sous-traitant

- L'absence de fourniture de caution

- L'absence de paiement

Elle observe que la société Edile ne pouvait fonder sa demande de résiliation sur le contrat de sous-traitance à défaut d'agrément du sous-traitant.

Elle fait valoir que la résiliation du contrat doit être prononcée aux torts de la société Edile qui doit être condamnée à lui payer la somme de 14 9221,20 euros outre les pénalités de l'article L. 441-10 II du code de commerce à compter du 16 juillet 2020.

Elle ajoute que la mauvaise foi de la société Edile dans l'exécution du contrat justifie que le solde du marché lui soit octroyé à titre de dommages et intérêts.

La société Edile soutient que la société Athex a été acceptée par le maître d'ouvrage le 15 juin 2019 et qu'elle a fourni une caution bancaire de 39 266,30 euros, correspondant au prix du sous-traité.

Elle fait valoir qu'elle a prononcé la résiliation du contrat en application de l'article 13 des conditions générales du contrat de sous-traitance en raison de l'absence de réalisation par la société Athex des travaux dans les délais impartis.

Elle expose que la société Athex n'a pas exécuté les travaux dont elle demande le paiement et qu'elle ne justifie à ce titre d'aucune livraison, ni même fabrication du matériel.

Elle ajoute que la société Athex n'apporte pas la preuve que la société Edile aurait accepté un paiement pour un avancement de 20%, le contrat ne prévoyant pas de versement anticipé avant toute fabrication et aucune facture n'ayant été transmise à la société Edile concernant cet avancement de 20%.

Concernant la demande de dommages et intérêts, elle indique que la société Athex ne justifie d'aucun préjudice directement lié à l'absence de fourniture de caution et ne justifie pas le quantum des dommages et intérêts sollicités.

Réponse de la cour

A/ Sur la demande de paiement de la situation n°1 émise par la société Athex

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Au cas d'espèce, le contrat signé le 8 mars 2019 stipule dans son article 6.22 que par application de l'article 6.22 des conditions générales, le sous-traitant présente à l'entrepreneur principal sa situation mensuelle des travaux au 20 du mois anticipé à fin du mois.

Les conditions générales auxquelles renvoie le contrat stipulent dans l'article 6-23 que le sous-traitant s'engage à fournir dans les délais prévus aux conditions particulières tous les documents permettant le règlement des travaux qu'il a exécutés et dans son article 6-24 que l'entrepreneur principal s'engage à revêtir de son acceptation, après vérification dans les 15 jours de leur réception, les pièces que doit produire le sous-traitant à l'appui de sa demande de paiement. Il est précisé qu'en cas de rejet ou de modification des pièces, l'entrepreneur est tenu d'en faire connaître les motifs au sous-traitant et qu'une copie de la demande de paiement corrigée sera alors adressée au sous-traitant.

La société Athex justifie avoir adressé à la société Edile une situation de travaux le 11 mai 2020.

Les pièces produites par la société Athex à l'appui de cette situation de travaux correspondant à 38 % d'avancement sont des photographies de meubles dans un entrepôt dont il ne peut être établi l'authenticité et qui ne suffisent pas à prouver que ces meubles correspondent à ceux commandés par la société Edile. L'attestation de M. [W], salarié de la société Athex, n'est pas de nature à donner une force probante suffisante à ces photographies dès lors que M. [W] est nécessairement en lien de dépendance avec la société Athex.

Par courriel du 26 mai 2020, M. [L], directeur du bureau d'étude de la société Edile, demandait que la société Athex lui adresse une facture de situation à hauteur de 20% du marché et indiquait ne pas être en mesure d'indiquer la date précise de pose du mobilier mais que la société Athex devait prévoir une réservation dans son planning pour la dernière semaine de juin ou la première de juillet.

Par courriel du 10 juillet 2020, dont copie à M. [U], représentant légal de la société Edile, M. [L] indiquait à M. [G] de la société Athex qu'il restait dans l'attente de son retour de délais de pose afin de lui adresser la caution et le virement de la somme de la situation n°1.

Par courriel du 15 juillet 2020 à 13h29, M. [G] lui répondait : « adressez-moi ce que je vous réclame depuis longtemps sans obtenir satisfaction et après réception et encaissement je verrai pour agir en conséquence ».

Par courriel du 15 juillet 2020 à 15h36 émis de l'adresse mail [Courriel 5] et signé [O] [U] avec un numéro de téléphone portable et avec l'adresse mail de M. [U] en copie de ce mail, il est répondu à M. [G] que la demande d'acompte a bien été acceptée à hauteur de 20%, qu'il lui est demandé de confirmer le délai d'intervention de la société Athex, s'engageant à payer l'acompte et à adresser, dès cette confirmation, la garantie de paiement.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Edile a accepté la situation de paiement de la société Athex en la réduisant à 20% du montant du marché et que la société Athex justifie donc de sa créance à hauteur 7 853,26 euros, la société Edile ne pouvant se prévaloir du fait que la société Athex ne lui aurait pas adressé une nouvelle situation à 20% alors que les conditions générales du contrat ne comportent pas une telle obligation à la charge du sous-traitant mais prévoient uniquement qu'une copie de la demande de paiement corrigée est adressée par l'entrepreneur principal au sous-traitant.

B/ Sur la demande de dommages et intérêts pour rupture aux torts exclusifs de la société Edile

Aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975, l'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande.

Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant.

Il est jugé qu'en application de l'article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, la méconnaissance par l'entreprise principale de son obligation de faire accepter le sous-traitant et agréer ses conditions de paiement par le maître de l'ouvrage ouvre au sous-traitant une faculté de résiliation unilatérale pendant toute la durée du contrat, lequel doit recevoir application lorsque la sanction légale n'a pas été mise en oeuvre (3e Civ., 24 avril 2003, pourvoi n° 01-11.889).

Au cas d'espèce, la méconnaissance par la société Edile de son obligation de faire accepter la société Athex et agréer ses conditions de paiement par le maître de l'ouvrage n'autorisait pas la société Athex à suspendre l'exécution de ses travaux.

Aux termes du premier alinéa de l'article 1799 du code civil, le maître de l'ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l'article 1779 doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat.

Au cas d'espèce, la société Edile ne pouvait subordonner la justification de cette garantie à la transmission de dates de livraison par la société Athex, étant en outre observé que cette garantie ne date que du 8 juillet 2020 alors que la société Athex avait rappelé à la société Edile par lettre recommandée du 15 mai 2020 son obligation légale de fournir ladite garantie.

Il résulte de ce manquement de la société Edile ainsi que du défaut de paiement de la somme de 7 853,26 euros suite à l'émission par la société Athex de la situation n°1, que la société Athex était bien fondée à se prévaloir de l'exception d'inexécution pour refuser la livraison des meubles commandés par la société Edile et il s'en infère que la résiliation unilatérale du contrat par la société Edile est fautive.

La société Athex ne justifie cependant d'aucun préjudice lié à cette résiliation fautive, se contentant de solliciter le solde de son marché qu'elle n'a exécuté que partiellement et pour l'exécution partielle duquel la société Edile a été condamnée à paiement ci-dessus.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Athex.

Sur le chantier Soderec

Moyens des parties

La société Athex soutient que le lot à la charge de la société Edile est exécuté de sorte que la réception judiciaire doit être prononcée entre les sociétés Athex et Edile, soulignant que n'ayant pas été agréée par le maître d'ouvrage, il n'existe aucun lien avec la société Soderec.

Elle fait valoir que les observations du maître d'ouvrage lors de l'établissement du procès-verbal de constat d'huissier n'établissent pas la preuve de l'existence d'un désordre qui s'opposerait au paiement du solde restant dû par la société Edile.

La société Edile considère que le tribunal a justement rejeté la demande de dommages et intérêts en faisant valoir que la société Athex ne justifie d'aucun préjudice qui serait directement lié à l'absence de fourniture de caution.

Elle fait valoir que la réception des travaux ne peut être prononcée au regard des travaux non exécutés, malfaçons et réserves trop importantes du maître d'ouvrage et en l'absence de mise en cause de la société Soderec, le maître d'ouvrage. Elle en déduit que le solde des travaux de 10% qui doit être réglé après levée des réserves n'est pas dû.

Réponse de la cour

A/ Sur la demande de voir prononcer la réception judiciaire des travaux

L'article 1792-6 alinéa 1 du code civil dispose que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

Au cas d'espèce, les travaux commandés par la société Edile à la société Athex consistent dans la fourniture de mobiliers et la pose de ces derniers ainsi que l'habillage d'un escalier.

Il ne s'agit donc pas de travaux de construction d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil pour lequel la réception pourrait être prononcée judiciairement.

Le jugement sera donc confirmé en ce que cette demande a été rejetée.

B/ Sur la demande de paiement du solde de la facture

L'article 1304-3 du code civil dispose que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.

Au cas d'espèce, le contrat de sous-traitance stipule dans son article 6.22 que les avancements cumulés seront de 90% dans l'attente des opérations préalables de réception et de 95% dans l'attente de la levée des réserves à la réception dûment constatée par le maître d''uvre.

La société Athex a par ailleurs communiqué à la société Edile par lettre recommandée du 5 mai 2020 la caution bancaire fournie en remplacement de la retenue de garantie contractuelle de 5%.

La société Edile, qui était seule en mesure d'exiger du maître d'ouvrage que soient procédées aux opérations de réception, ne justifie pas des diligences accomplies en ce sens, alors qu'il n'est pas contesté que le maître d'ouvrage a pris possession des travaux et qu'il n'est pas allégué qu'il ne les aurait pas réglés à l'entrepreneur principal, de telle sorte que la production d'un constat d'huissier dans lequel le maître d'ouvrage émet des critiques sur des détails d'exécution des travaux ne saurait constituer un empêchement légitime pour l'entrepreneur principal d'exiger du maître d'ouvrage que se tiennent les opérations de réception.

Il convient d'en déduire que la société Edile ayant empêché l'accomplissement de la condition suspensive relative au paiement du solde des travaux, cette dernière est réputée accomplie.

La société Edile sera donc condamnée à payer à la société Athex la somme de 10 814,80 euros au titre du solde du marché.

C/ Sur la demande de dommages et intérêts

Aux termes de l'article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.

La seule allégation de la société Athex selon laquelle la société Edile aurait manqué à son obligation de bonne foi et qu'il en résulterait nécessairement un préjudice, « fut-il moral », ne suffit pas établir la preuve d'un quelconque préjudice subi par la société Athex distinct de celui déjà réparé par les intérêts moratoires.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Athex de dommages et intérêts.

Sur les pénalités de retard et l'indemnité forfaitaire de recouvrement

Selon l'article L. 441-10 II du code de commerce, les conditions de règlement mentionnées au I de l'article L. 441-1 précisent les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l'année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l'année en question. Pour le second semestre de l'année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l'année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire. Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret.

L'absence de mention sur les factures des pénalités de retard et de l'indemnité forfaitaire est sans incidence sur leur exigibilité de plein droit.

L'article 6.22 des conditions générales des contrats stipule que les intérêts de retard sont calculés au taux légal en vigueur augmenté de sept points.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit que la somme de 7 853,26 euros serait assortie des intérêts de retard au taux de la BCE majoré de 10%, la majoration du taux légal étant de 7%.

Concernant les sommes dues au titre du chantier Soderec, il convient également d'infirmer le taux d'intérêt de retard en le fixant la majoration à 7% au lieu de 10%.

La somme de 10 814,80 euros restant due au titre de ce marché portera intérêts à compter du 30 avril 2020, date d'exigibilité de la facture du solde du marché et la capitalisation des intérêts sera ordonnée.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient d'ajouter qu'y sera inclus le coût du constat d'huissier et de la requête y afférent, l'huissier ayant été désigné par l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 10 juillet 2020 aux fins de procéder au constat et ces frais étant relatifs à une instance ayant préparé celle dont le tribunal de commerce était saisi.

En cause d'appel, la société Edile, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à la société Athex la somme de 2 000 euros, au titre des frais irrépétibles.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il :

PRONONCE la résolution du contrat aux torts partagés ;

FIXE le taux d'intérêt des sommes dues par la société la société Edile construction à la société Athex au taux de la banque centrale européenne majoré de 10 points ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le taux d'intérêt des sommes dues par la société la société Edile construction à la société Athex est fixé au taux de la banque centrale européenne majoré de 7 points ;

CONDAMNE la société Edile construction à payer à la société Athex la somme de 10 814,80 euros au titre du solde du marché Soderec avec intérêts au taux de la banque centrale européenne majoré de 7 points et capitalisation des intérêts ;

DIT que les dépens incluront les frais de constat d'huissier et la requête y afférent ;

ADMET les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la société Edile construction et la condamne à payer à la société Athex la somme de 2 000 euros.

Le greffier, La présidente de chambre,

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