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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 18 septembre 2025, n° 24/10736

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/10736

18 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 18 SEPTEMBRE 2025

N° 2025/484

Rôle N° RG 24/10736 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNTQF

S.A.S. GARDEN CITY

S.A.S. GARDEN CITY [Localité 7] (GARDEN CITY [Localité 6])

C/

S.E.L.A.R.L. [F]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Laura SARKISSIAN de la SELARL GAZIELLO SARKISSIAN

Me Lisa VIETTI de la SELARL JURISBELAIR

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Tribunal judiciaire de TOULON en date du 06 Août 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/01173.

APPELANTES

S.A.S. GARDEN CITY

représentée par son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 3]

représentée par Me Laura SARKISSIAN de la SELARL GAZIELLO SARKISSIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A.S. GARDEN CITY [Localité 7] (GARDEN CITY [Localité 6])

représentée par son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 4]

représentée par Me Laura SARKISSIAN de la SELARL GAZIELLO SARKISSIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.E.L.A.R.L. [F]

représentée par son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 2]

représentée par Me Lisa VIETTI de la SELARL JURISBELAIR, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Patrice BIDAULT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 juin 2025 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Séverine MOGILKA, Conseillère

M. Laurent DESGOUIS, Conseiller rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2025,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline VAN-HULST, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 20 avril 2021, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) [F] a donné à bail commercial à la société par actions simplifiées (SAS) Garden City [Localité 7] (Garden City [Localité 6]) une résidence de tourisme, située [Adresse 1], moyennant un loyer annuel de 390 000 €, hors taxes et charges, payable par trimestres civils à terme échus le 15 janvier, 15 avril et 15 octobre de chaque année.

Suivant acte sous seing privé du même jour, la SAS Garden City s'est portée caution personnelle et solidaire de la SAS Garden City [Localité 7] pour un montant maximum de 3 510 000 €.

Dès loyers étant demeurés impayés, la SELARL [F] a fait, suivant exploit du 22 février 2024, délivrer un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire à la SAS Garden City [Localité 7] pour une somme de 129 519, 13 € au titre des loyers et charges impayés, impayé arrêté au 7 mai 2024, et coût de l'acte.

Suivant exploit du 24 avril 2024, ce commandement a été signifié à la SAS Garden City, caution solidaire.

Suivant exploit délivré le 22 mai 2024, La SELARL [F] a fait assigner la SAS Garden City [Localité 7] et la SAS Garden City devant le président du tribunal judiciaire de Toulon, statuant en référé, aux fins notamment de voir constater la résiliation du bail et d'ordonner l'expulsion de la locataire.

Suivant ordonnance réputée contradictoire, rendue le 6 août 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulon a :

constaté la résiliation du bail liant la SELARL [F] et la SAS Garden [Localité 7] à la date du 22 mars 2024 ;

ordonné l'expulsion de la SAS Garden [Localité 7] à défaut de libération volontaire ;

condamné solidairement la SAS Garden [Localité 7] et la SAS Garden City à payer à la SELARL [F] une indemnité d'occupation de 54 213, 20 € par mois à compter du 22 mars 2024 et jusqu'à libération effective des lieux ;

condamné solidairement la SAS Garden [Localité 7] et la SAS Garden City à payer à la SELARL [F] une provision de 167 258, 20 € correspondant au loyers et charges impayés au 7 mai 2024, outre intérêt au taux légal à compter du commandement de payer en date du 22 février 2024 ;

condamné solidairement la SAS Garden [Localité 7] et la SAS Garden City à payer à la SELARL [F] la somme de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens, comprenant le coût du commandement de payer du 22 février 2024 ainsi que les frais d'expulsion ;

rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.

Suivant déclaration transmise au greffe le 28 août 2024, la SAS Garden [Localité 7] et la SAS Garden City ont interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions dument reprises.

Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample expose' des prétentions et moyens, elles sollicitent de la cour qu'elle infirme l'ordonnance entreprise en tous les chefs déférés et, statuant à nouveau qu'elle :

juge que la SAS Garden City [Localité 7] est à jour de ses loyers et charges ;

en conséquence, suspende les effets de la clause résolutoire ;

octroie des délais de paiement à la SAS Garden City [Localité 7] ;

condamne la SELARL [F] à leur verser solidairement la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 novembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample expose' des prétentions et moyens, la SELARL [F] sollicite de la cour qu'elle confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et y ajoutant :

déboute la SAS Garden City [Localité 7] de l'ensemble de ses demandes ;

condamne la SAS Garden City [Localité 7] à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance au 3 juin 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constater », « donner acte », « dire et/ou juger » ou encore « déclarer » qui, sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions, en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif, plutôt que dans la partie discussion des conclusions d'appel.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire et la demande de délais de paiement rétroactifs :

L'article 834 du code de procédure civile dispose que « dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ».

L'article 835 du code de procédure civile dispose que « le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

L'article L. 145-41 alinéa 1 du code de commerce dispose que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux : le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai ».

En application des dispositions de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en 'uvre régulièrement.

Aux termes de l'article L. 145-41 alinéa 1 alinéa 2 du code de commerce, « les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil, peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation des effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant l'autorité de chose jugée : la clause résolutoire ne joue pas si locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ».

L'article 1343-5 du code civil dispose que « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ».

En matière de baux commerciaux, tant qu'aucune décision constatant la résolution du bail n'est passée en force de chose jugée, le juge saisi d'une demande de délais peut les accorder et suspendre les effets de la clause résolutoire de façon rétroactive au locataire à jour de ses loyers.

En l'espèce, l'article 8 inséré au bail commercial signé le 20 avril 2021, entre la SELARL [F] et la SAS Garden City [Localité 7] (Garden City [Adresse 5]) stipule qu' « il est convenu qu'à défaut de paiement à son échéance d'un seul terme du loyer ou au cas d'inexécution de l'une quelconque des conditions du présent bail, et un mois commandement de payer ou sommation d'exécuter contenant déclaration par le bailleur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause et demeuré infructueux, le bail sera résilié de plein droit, si bon semble au bailleur, sans qu'il soit besoin d'agir en justice ».

Il ressort des décomptes produits contradictoirement par les parties qu'à l'expiration du délai d'un mois, suivant la délivrance du commandement de payer en date du 22 février 2024, la preneuse restait à devoir la somme de 232 637, 93 €, arrêtée au 31 mars 2024 et incluant les échéances de janvier à mars 2024.

Les causes du commandement de payer n'ayant pas été réglées dans le délai requis d'un mois, l'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail liant la SELARL [F] et la SAS Garden [Localité 7] à la date du 22 mars 2024.

Pour solliciter le bénéfice de délais de paiement rétroactifs et la suspension de la clause résolutoire, les appelantes soutiennent que la locataire est à jour du règlement du loyer.

Or il ressort des deux décomptes identiques, produits par chacune des parties, que la dette locative, arrêtée au 31 décembre 2024, s'élève à la somme de 196 558, 19 €, échéances des mois de juillet à septembre 2024 inclues.

S'agissant des décomptes les plus récents produits en cause d'appel, les appelantes ne démontrent pas être, postérieurement, à jour du règlement de leur loyer courant et avoir apuré la dette locative.

Elles seront, en conséquence, déboutées de leur demande de délai de paiement et l'ordonnance critiquée sera confirmée en ce qu'elle a :

ordonné l'expulsion de la SAS Garden [Localité 7] à défaut de libération volontaire ;

condamné solidairement la SAS Garden [Localité 7] et la SAS Garden City à payer à la SELARL [F] une indemnité d'occupation de 54 213, 20 € par mois à compter du 22 mars 2024 et jusqu'à libération effective des lieux ;

condamné solidairement la SAS Garden [Localité 7] et la SAS Garden City à payer à la SELARL [F] une provision de 167 258, 20 € correspondant au loyers et charges impayés au 7 mai 2024, outre intérêt au taux légal à compter du commandement de payer en date du 22 février 2024.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Dès lors que les appelantes succombent en leur prétention en cause d'appel, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle les a condamnées solidairement à payer à la SELARL [F] la somme de 1000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens, comprenant le coût du commandement de payer du 22 février 2024.

L'ordonnance sera toutefois infirmée en ce qu'elle les a solidairement condamnées au paiement des frais d'expulsion. Il doit être, à ce titre rappelé que les dépens n'ont pas vocation à intégrer des frais futurs, en l'occurrence des frais d'exécution lesquels sont régis par leurs propres règles de liquidation et restent, au jour de l'ordonnance entreprise, hypothétiques.

Par ailleurs, les appelantes qui succombent en appel seront condamnées in solidum aux dépens d'appel.

Pour la même raison, elles seront déboutées de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais irrépétibles, non compris dans les dépens, qu'elle a dû engager en cause d'appel. Il lui sera allouée une somme de 2 000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné solidairement la SAS Garden [Localité 7] et la SAS Garden City aux frais d'expulsion au titre des dépens ;

La confirme pour le surplus de ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à condamnation solidaire de la SAS Garden [Localité 7] (Garden City [Adresse 5]) et la SAS Garden City aux frais d'expulsion au titre des dépens de première instance ;

Déboute la SAS Garden [Localité 7] (Garden City [Adresse 5]) et la SAS Garden City de leur demande de délai de paiement et de suspension du jeu de la clause résolutoire insérée au bail signé le 20 avril 2021 ;

Déboute la SAS Garden [Localité 7] (Garden City [Adresse 5]) et la SAS Garden City de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la SAS Garden [Localité 7] (Garden City [Localité 6]) et la SAS Garden City à payer à la SELARL [F] la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la SAS Garden [Localité 7] (Garden City [Localité 6]) et la SAS Garden City aux dépens d'appel.

La greffière Le président

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