CA Nîmes, 4e ch. com., 19 septembre 2025, n° 23/01502
NÎMES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Sert (SASU)
Défendeur :
King Memphis (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Codol
Conseillers :
M. Maitral, Mme Vareilles
Avocats :
Me Divisia, Me Menguy, Me Floutier, Me Lefebvre
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 28 avril 2023 par la SAS Sert [F] Chartres à l'encontre du jugement rendu le 2 mars 2023 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance n° RG 2019J497 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 13 juin 2025 par la SAS Sert [F] [Localité 8], appelante à titre principal, intimée à titre incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 10 juin 2025 par la SAS King Memphis, intimée à titre principal, appelante à titre incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l'ordonnance du 13 janvier 2025 de clôture de la procédure à effet différé au 5 juin 2025, révoquée par ordonnance du 11 juin 2025 avec fixation d'une nouvelle clôture au 17 juin 2025.
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La société King Memphis, spécialisée dans la restauration traditionnelle à thème, exploite un réseau de franchise sur le territoire français sous l'enseigne Memphis Coffee.
Elle est dirigée par Monsieur [C] [L], en qualité de président.
Courant 2012, Monsieur [J] [F] s'est rapproché de la société King Memphis, afin d'exploiter un restaurant sous enseigne Memphis Coffee.
Le 16 mars 2012 la société King Memphis a remis à Monsieur [J] [F] un document d'information précontractuel (DIP).
Le 24 octobre 2012, les parties ont signé, pour différentes zones, un contrat de recherche d'exploitation d'exclusivité et de priorité de territoires.
Le 23 mars 2013, en vue de l'exploitation d'un restaurant sous enseigne Memphis Coffee, Monsieur [J] [F], agissant pour le compte de la société Sert [F] [Localité 8] en cours d'immatriculation, a conclu avec une société foncière un contrat de bail commercial concernant un local situé [Adresse 3].
Le 5 juin 2013, la société Sert [F] [Localité 8], gérée par Monsieur [J] [F], a signé avec la société King Memphis un contrat de franchise d'une durée de 9 ans, soit jusqu'au 5 juin 2022, en vue de l'exploitation d'un restaurant Memphis à [Localité 6].
Concomitamment à la signature du contrat de franchise, par acte du 5 juin 2013 Monsieur [J] [F] a régularisé un contrat de réservation de territoire d'une durée de 18 mois pour la zone de [Localité 14] (78), en vue d'un éventuel deuxième projet de restaurant. Un droit de priorité a été également concédé pour les départements 91, 92, 94 et 78.
Le 4 décembre 2013, la société Sert [F] [Localité 8] a ouvert son restaurant sous l'enseigne Memphis Coffee à [Localité 6].
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La société Sert [F] [Localité 8] a estimé avoir rencontré de nombreuses difficultés dans le cadre de l'exécution de son contrat de franchise qui la lie à la société King Memphis.
Le 14 juin 2019, la société Sert [F] [Localité 8] a adressé à la société King Memphis une proposition de protocole transactionnel, refusée par cette dernière le 08 juillet 2019.
La société Sert [F] [Localité 8] a estimé avoir reçu des prévisionnels erronés par son franchiseur, être obligée d'appliquer une politique tarifaire en inadéquation avec la qualité des produits servis, avoir subi des dysfonctionnements du réseau et avoir été laissée à elle-même sans assistance, avec comme résultante un impact considérable sur son chiffre d'affaires.
Par exploit du 3 décembre 2019, la société Sert [F] [Localité 8] a fait assigner la société King Memphis en nullité du contrat de franchise, subsidiairement en responsabilité précontractuelle du franchiseur, très subsidiairement en responsabilité contractuelle du franchiseur et résiliation du contrat à ses torts.
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Par jugement du 2 mars 2023, le tribunal de commerce de Nîmes a statué au visa de l'article 122 du code de procédure civile, des articles 1102, 1134, 1304 (anciens) du code civil, des articles 1134, 1145, 1147, 1150 1384 et 1338 du code civil (ancien), de l'article L. 442-5 du code de commerce, du règlement UE 7530/2020 du 20 avril 2010, et de l'article L. 518-17 du code monétaire et financier, et :
« Se déclare compétent pour connaître du présent litige,
Constate la prescription des demandes formées par la société Sert [F] [Localité 8] relatives
- à une prétendue nullité du contrat de franchise Memphis du 3 juin 2013
- pour dol ou erreur sur la substance
- pour absence de transmission d'un savoir-faire procurant un avantage concurrentiel
- à un prétendu manquement du franchiseur à une obligation d'information précontractuelle,
En conséquence, les déclare irrecevables
Constate la résiliation du contrat de franchise Memphis du 3 juin 2013 aux torts exclusifs de la société Sert [F] [Localité 8] avec effet au 15 mai 2022,
Prononce cette résiliation,
Déboute la société Sert [F] [Localité 8] de sa demande de non-application des articles 29 et 33 du contrat de franchise mais la validité de ces clauses au regard de l'ordonnance du 10 février 2016 n'a pas été examinée car non sollicitée par les parties.
Déboute la société King Memphis de sa demande à l'encontre de la société Sert [F] [Localité 8] de la somme de 20000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne la société Sert [F] [Localité 8] à payer à la société King Memphis la somme de 2 552,34 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice financier, du fait de la fin prématurée du contrat,
Déboute la société King Memphis de sa demande à l'encontre de la société Sert [F] [Localité 8], de la somme de 50000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial lié à la disparition de l'enseigne localement,
Déboute la société King Memphis de sa demande à l'encontre de la société Sert [F] [Localité 8], de la somme de 10000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la reprise des spécificités du concept Memphis,
Condamne la société King Memphis à verser à la société Sert [F] [Localité 8] la somme de 38213.73 euros TTC au titre des RFA non reversées pour les exercices 2019 à 2021
Ordonne l'exécution provisoire de la décision à intervenir du chef des demandes de la société King Memphis et des demandes de la société Sert [F] [Localité 8],
Déboute la société King Memphis [Localité 8] de ses autres demandes, fins et prétentions,
Déboute la société Sert [F] [Localité 8] de ses autres demandes, fin et prétentions,
Condamne la société Sert [F] [Localité 8] au paiement de la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la SAS Sert [F] Chartres aux dépens de l'instance que le tribunal liquide et taxe à la somme de 74,18 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d'instance, le coût de la signification de la présente décision, ainsi que tous autres frais et accessoires. ».
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La société Sert [F] [Localité 8] a relevé appel le 28 avril 2023 de ce jugement, pour le voir infirmer, annuler, ou réformer en ce qu'il a :
Constaté la prescription des demandes formées par la société Sert [F] [Localité 8] relatives à une prétendue nullité du contrat de franchise Memphis du 3 juin 2013
- pour dol ou erreur sur la substance
- pour absence de transmission d'un savoir-faire procurant un avantage concurrentiel ;
à un prétendu manquement du franchiseur à une obligation d'information précontractuelle,
En conséquence, les a déclarés irrecevables,
Constaté la résiliation du contrat de franchise Memphis du 3 juin 2013 aux torts exclusifs de la société Sert [F] [Localité 8] avec effet au 15 mai 2022,
Prononcé cette résiliation,
Débouté la société Sert [F] [Localité 8] de sa demande de non-application des articles 29 et 33 du contrat de franchise mais la validité de ces clauses au regard de l'ordonnance du 10 février 2016 n'a pas été examinée car non sollicitée par les parties.
Condamné la société Sert [F] [Localité 8] à payer à la société King Memphis la somme de 2 552,34 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice financier, du fait de la fin prématurée du contrat,
Condamné la société King Memphis à verser à la société Sert [F] [Localité 8] la somme de 38213.73 euros TTC au titre des RFA non reversées pour les exercices 2019 à 2021
Ordonné l'exécution provisoire de la décision à intervenir
Débouté la société Sert [F] [Localité 8] de ses autres demandes, fin et prétentions,
Condamné la société Sert [F] [Localité 8] au paiement de la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
Condamné la SAS Sert [F] Chartres aux dépens de l'instance que le tribunal liquide et taxe à la somme de 74,18 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d'instance, le coût de la signification de la présente décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.
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Dans ses dernières conclusions, la société Sert [F] [Localité 8], appelante, demande à la cour, au visa des articles 1102, 1134, 1304 (anciens) du code civil, de l'article L. 442-5 du code de commerce, du règlement UE 330/2020 du 20 avril 2010, et de l'article L. 518-17 du code monétaire et financier, de :
«-déclarer recevables les conclusions récapitulatives n°2 signifiées par la société Sert [F] [Localité 8] le 30 mai 2025 ;
- Juger et déclarer les demandes de la société Sert [F] [Localité 8] recevables et bien fondées, et les accueillir.
- Juger et déclarer recevable et biens fondé leur appel, et l'accueillir.
Y faisant droit,
A titre principal, sur la nullité du contrat de franchise :
- Réformer le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 2 mars 2023, et en conséquence :
- Infirmer le jugement, et en conséquence :
- Juger que la société Sert [F] [Localité 8] est recevable en son action en nullité à l'encontre de la société King Memphis, en ce qu'elle n'est pas prescrite ;
- Juger que le chiffre d'affaires prévisionnel communiqué par le franchiseur à l'expert-comptable Avenir Plus, aux fins d'établissement par ce dernier à l'attention des banques de comptes prévisionnels, dont l'expert-comptable a retenu le chiffre d'affaires annoncé en hypothèse moyenne à 1.930.000 euros HT, compte prévisionnels retournés au franchiseur, et donc validés par le franchiseur, ce dernier n'ayant fait aucun commentaire, sont irréalistes, grossièrement erronés et ont vicié le consentement du franchisé ;
- Prononcer la nullité du contrat de franchise en raison :
A titre principal,
- du dol par réticence commis par franchiseur dans l'établissement de prévisionnels, qu'il savait irréalistes et grossièrement erronés, ayant vicié le consentement du franchisé ;
- ou à défaut en raison de l'erreur substantielle sur la rentabilité de l'entreprise ;
- En conséquence, condamner la société King Memphis à payer à la société Sert [F] [Localité 8] les sommes suivantes :
Au titre des restitutions :
- 39.000 euros au titre du droit d'entrée ;
- quatre cent vingt-quatre mille cent quarante-sept euros et cinquante-deux centimes (424.147,52 euros) au titre des redevances versées en exécution du contrat à la date du 31 décembre arrêtée au 31 décembre 2021.
A titre de dommages et intérêts :
- à titre principal : 3.724.863 euros à en raison de la perte de marge commerciale par la société Sert [F] [Localité 8] au regard du prévisionnel,
- subsidiairement : de la totalité des investissements bruts que la société franchisée n'aurait avec certitude pas réalisé à titre de perte de chance, soit 1.020.064 euros
522.1785 euros au titre de la perte de valeur terminal d'actif, à titre de perte de chance.
A titre subsidiaire, sur la responsabilité précontractuelle du franchiseur :
- Réformer le jugement, et en conséquence
- Juger que la société King Memphis a engagé sa responsabilité précontractuelle à l'égard de la société Sert [F] [Localité 8] ;
- Condamner la société King Memphis à payer à la société Sert [F] [Localité 8] au titre du manque à gagner lié à la perte de chiffre d'affaires/ perte de profitabilité au regard du prévisionnel :
- du début de l'exploitation, laquelle ne serait pas survenue si la faute n'avait pas été commise, jusqu'au 31 décembre 2018, la somme de 3 724 863 euros,
- du 1er janvier 2019 au 3 juin 2022 (terme du contrat), sur la moyenne de perte de marge commerciale entre 2016 à 2018 d'un montant de 903.190 euros, soit 903.190 x3,5 années = 3.161.165 euros.
- Condamner la société King Memphis à verser à la société Sert [F] [Localité 8] la somme de 522.185 euros au titre de la perte de valeur nominale d'actif.
Sur la condamnation de King Memphis à payer les RFA à la société Sert [F] [Localité 8] :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société King Memphis à payer la société Sert [F] [Localité 8] la somme de 38.213,73 euros TTC et y ajouter les RFA pour l'année 2022 fixés provisoirement à la somme de 6000 euros TTC, à parfaire.
Sur les demandes de King Memphis devant le tribunal de commerce
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté King Memphis de toutes ses demandes reconventionnelles au titre :
de dommages et intérêts pour procédure abusive à hauteur de 20.000 euros
de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial lié à la disparition de l'enseigne localement pour la somme de 50.000 euros
de dommages et intérêts en réparation du préjudice liée à la reprise des spécificités du concept pour la somme de 10.000 euros
- Débouter la société King Memphis (i) de toutes ses demandes afférentes à la clause de non-concurrence post-contractuelle, qui sera jugée nulle à défaut inopposable, et (ii) de toutes ses autres demandes relatives à l'activité de la société Sert [F] après l'expiration du contrat de franchise.
- Réformer le jugement en ce qu'il a considéré que ce devait être la société Sert [F] [Localité 8] la débitrice de l'article 700 du code de procédure civile
- Débouter la société King Memphis de toutes ses demandes, moyens fins et conclusions
- Condamner la société King Memphis à payer à la société Sert [F] [Localité 8] la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société King Memphis aux entiers dépens ».
- Condamner la société King Memphis à payer à la société Sert [F] [Localité 8] la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société King Memphis aux entiers dépens ; ».
Au soutien de ses prétentions, la société Sert [F] [Localité 8], appelante, expose tout d'abord que ses conclusions n°2 sont recevables par application de l'article 910-4 du code de procédure civile. Elle considère en effet que ces conclusions comportent de nouveaux moyens de défense parfaitement recevables.
A titre principal, l'appelante soutient que le contrat de franchise doit être annulé pour vice du consentement et responsabilité précontractuelle du franchiseur. Elle prétend que sa demande n'est pas prescrite car Monsieur [F] n'a eu connaissance du caractère insincère et non réaliste des prévisionnels établis que lorsqu'il a été en possession des comptes annuels du 2ème exercice comptable, soit le 31 décembre 2015. Elle ne conteste pas avoir su dès juin 2014 qu'il y avait un différentiel entre le chiffre d'affaires et le prévisionnel mais, selon elle, le point de départ de la prescription se situe à la date à laquelle ce différentiel est devenu significatif, à savoir durant le deuxième exercice comptable qui affiche un différentiel de 52% (contre 6 à 13% pour le premier exercice). L'appelante critique le jugement déféré en ce qu'il a recherché le point de départ de la prescription au jour de la naissance d'un doute de sa part mais non à partir du jour où ce doute s'est transformé en certitude, c'est-à-dire courant 2015.Le franchisé explique en outre avoir participé à une réunion des franchisés les 16 et 17 juin 2015 au cours de laquelle est apparu un problème structurel de décrochage du chiffre d'affaires au sein du réseau. Il en déduit que le deuxième exercice comptable lui a permis d'attribuer le différentiel à une grave erreur dans la fixation des chiffres d'affaires prévisionnels, ce que ne permettait pas de comprendre le premier exercice comptable, le différentiel pouvant être dû à différentes causes.
Son action introduite le 3 décembre 2019 étant recevable, le franchisé met en cause les prévisionnels flash établis par le franchiseur, les prévisionnels dressés par l'expert-comptable du franchiseur sur la base desquels il a réalisé son propre dossier de prévisionnel. Il fait valoir que le franchiseur exploitait déjà en propre, depuis plusieurs exercices comptables, 4 établissements lors de l'élaboration des prévisionnels et qu'il était donc parfaitement informé de leur caractère irréaliste. L'appelante analyse ces 4 établissements pour conclure à une disparité entre les zones de chalandise, deux d'entre eux étant implantés dans les centres commerciaux les plus importants de France tandis que le sien et celui de [Localité 10] sont situés dans des zones beaucoup moins fréquentées. Le franchisé considère en outre que le franchiseur publie sur son site internet des chiffres d'affaires erronés qui ne correspondent pas à la réalité.
Le franchisé déduit de l'ensemble de ces éléments que le franchiseur a commis un dol car, par son silence, il a validé les comptes prévisionnels du franchisé alors qu'il a une obligation d'assistance. A défaut, il invoque une erreur substantielle sur la rentabilité de l'entreprise. En conséquence, le franchisé réclame restitution du droit d'entrée et des redevances versées ainsi que des dommages intérêts pour perte de marge et de perte de valeur terminal d'actif.
Subsidiairement, le franchisé conclut à la responsabilité précontractuelle du franchiseur au titre des écarts évidents entre le prévisionnel et les chiffres d'exploitation réels du réseau alors que le franchiseur est soumis à une obligation de sincérité. Il fait valoir que la prescription quinquennale a débuté le 31 décembre 2014, date de clôture du premier exercice et que son action n'est donc pas prescrite. Il fait état d'une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses et sollicite la condamnation du franchiseur à lui payer des dommages intérêts au titre de la perte du chiffre d'affaires/perte de profitabilité au regard du prévisionnel et au titre de la perte de valeur terminal d'actif.
Le franchisé remarque que le franchiseur a cessé de lui reverser les RFA à compter de 2019, ce qui engage sa responsabilité contractuelle et conclut à la confirmation du jugement déféré sur ce point.
En ce qui concerne les demandes du franchiseur, l'appelante fait valoir qu'elle a réglé toutes ses redevances jusqu'au terme du contrat, que la clause de non-concurrence est nulle ou inopposable parce qu'elle est d'une durée de 5 ans, vise le territoire du département et les départements limitrophes et ne contient aucune protection du savoir-faire, de sorte qu'elle est disproportionnée.
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Dans ses dernières conclusions, la société King Memphis, intimée à titre principal, appelante à titre incident, demande à la cour, au visa de l'article 122 du code de procédure civile, et des articles 1134, 1145, 1147, 1150 1184 et 1338 du code civil (ancien), de :
« Déclarer irrecevables les conclusions récapitulatives n°2 signifiées par la société la société Sert [F] [Localité 8] le 30 mai 2025,
Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 2 mars 2023 entrepris en ce qu'il :
- constate la prescription des demandes formées par la société Sert [F] [Localité 8] relatives à une prétendue nullité du contrat de franchise Memphis du 3 juin 2013 :
- pour dol ou erreur sur la substance
- pour absence de transmission d'un savoir-faire procurant un avantage concurrentiel à un prétendu manquement du franchiseur à une obligation d'information précontractuelle,
- En conséquence, les déclare irrecevables,
- constate la résiliation du contrat de franchise Memphis du 3 juin 2013 aux torts exclusifs de la société Sert [F] [Localité 8] avec effet au 15 mai 2022,
- prononce cette résiliation,
- déboute la société Sert [F] [Localité 8] de sa demande de non-application des articles 29 et 33 du contrat de franchise ;
- condamne la société Sert [F] [Localité 8] à payer à la société King Memphis la somme de 2 552,34 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice financier, du fait de la fin prématurée du contrat,
- déboute la société Sert [F] [Localité 8] de ses autres demandes, fin et prétentions,
- condamne la société Sert [F] [Localité 8] au paiement de la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamne la SAS Sert [F] [Localité 8] aux dépens de l'instance
L'infirmer pour le surplus
Recevoir l'appel incident de la société King Memphis,
Le déclarer fondé, et statuant à nouveau,
Débouter la société Sert [F] [Localité 8] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Ordonner à la société Sert [F] [Localité 8] de respecter l'article 33 « conséquences de la cessation du contrat » de franchise Memphis,
Condamner la société Sert [F] [Localité 8], à payer à la société King Memphis une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamner la société Sert [F] [Localité 8] à payer à la société King Memphis la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice commercial lié à la disparition de l'enseigne localement
Condamner la société Sert [F] [Localité 8] à payer à la société King Memphis la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice lié à la reprise des spécificités du concept Memphis,
Ordonner à la société Sert [F] [Localité 8] de cesser l'usage des spécificités du concept Memphis, sur tous supports et en tous lieux, ce, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du jour du prononcé du jugement à intervenir,
Se réserver la liquidation de l'astreinte,
Condamner la société Sert [F] [Localité 8] au paiement de la somme de 45.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société Sert [F] [Localité 8] en tous les dépens de la première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ».
Au soutien de ses prétentions, la société King Memphis, intimée à titre principal, appelante à titre incident, fait tout d'abord valoir que la société Sert [F] [Localité 8] ne répliquait pas aux conclusions d'intimée en réponse et aux fins d'appel incident dans le délai de trois mois imparti par l'article 910 du Code de procédure civile et que ses conclusions du 30 mai 2025 sont donc irrecevables.
Elle soulève une fin de non-recevoir tenant à la prescription de la demande en nullité pour dol ou erreur sur la substance. L'intimée indique ne pas avoir la preuve d'une réunion des franchisés mi-juin 2015 et fait état de divers courriels du franchisé adressés à compter d'août 2014 dans lesquels ce dernier l'alertait sur la baisse du chiffre d'affaires. Le franchiseur ajoute avoir été informé le 1er décembre 2014 que le franchisé renonçait à d'autres projets d'ouverture de restaurants Memphis parce que son prévisionnel n'était pas atteint. En outre, le franchisé disposait début décembre 2014 d'un bilan intermédiaire de son restaurant lequel « faisait ressortir une perte importante ». Le franchiseur en déduit que le point de départ du délai de prescription se situe au mois de juin 2014, date à laquelle, selon le franchisé, il y a un premier décrochage de chiffre d'affaires par rapport à son prévisionnel, ou à tout le moins au 1er décembre 2014, date à laquelle le franchisé dispose d'un bilan intermédiaire l'amenant à renoncer à d'autres projets Memphis.
Relevant que dans le dispositif de ses conclusions, le franchisé prétend qu'il n'y a pas eu transmission d'un savoir-faire procurant un avantage concurrentiel, le franchiseur invoque également la prescription de cette demande car ce manquement doit avoir été accompli au jour de la signature du contrat pour emporter sa nullité. (NB :La société King Memphis relève cependant dans son préambule que cette prétention ne figure pas dans les conclusions du 30 mai)
Le franchiseur conclut encore à la prescription de la demande visant à engager sa responsabilité précontractuelle qui est nécessairement antérieure à la date de signature du contrat.
Sur le fond, le franchiseur expose que l'appelante a exécuté volontairement le contrat pendant plusieurs années, en connaissance des prétendues causes de nullité ou d'inexécution, ce qui emporte sa confirmation au sens des dispositions de l'ancien article 1338 du code civil.
Le franchiseur soutient que son concept est rentable : il a plus de 13 d'existence, le réseau regroupe 21 restaurants répartis sur l'ensemble du territoire français et ne cesse de progresser, les franchisés et les consommateurs sont satisfaits.
Il rappelle qu'il n'est pas le rédacteur du prévisionnel, que Monsieur [F] est un homme d'affaires avisé qui a déterminé les bases de rédaction de son prévisionnel par son expert-comptable à partir des chiffres d'affaires qui lui ont été communiqués par l'étude MC2, prestataire avec lequel Monsieur [F] avait l'habitude de travailler. Il invoque une clause de non-responsabilité sur le contenu du prévisionnel qui est stipulée dans le contrat de franchise.
Le franchiseur relève que l'avis de la société MC2, qui n'a pas été rédigé par ses soins, exclut tout caractère contractuel à ses prévisions sur le chiffre d'affaires, que le document d'information précontractuel (DIP) et le contrat de franchise avertissent le franchisé sur le caractère aléatoire des données communiquées, de sorte qu'il ne peut y avoir de responsabilité précontractuelle.
L'intimée exclut toute volonté de tromper car l'expert comptable atteste avoir travaillé à partir des données réelles des restaurants Memphis et que le franchisé disposait de toutes les informations sur le site grâce à l'avis MC2 qui contient une cartographie détaillée de la zone de chalandise permettant une comparaison objective avec les zones d'implantation des autres restaurants. Elle s'étonne de l'argument tenant à la fausseté de ses données financières sur site car les données invoquées datent de 2016 alors que le contrat a été signé en 2013 et, en tout état de cause, elles ne sont qu'indicatives d'un chiffre d'affaires pouvant être réalisé.
Le franchiseur soutient que les données financières du franchisé démontrent la rentabilité de l'activité Memphis car elle a été bénéficiaire depuis l'année 2015 et jusqu'en 2018. Il en déduit qu'il n'y a pas d'erreur substantielle.
Il relève que le franchisé avait toute liberté de fixer ses prix et qu'il ne peut y avoir nullité pour imposition d'un prix minimal de revente.
Il considère que son savoir-faire est efficient, qu'il a été transmis au franchisé lors de la formation initiale, de l'assistance initiale et par la remise du livre savoir-faire. Il remarque que le franchisé a repris dans le cadre de l'exploitation de sa nouvelle enseigne UNYC Brasserie la plupart des plats proposés par Memphis et qu'il ne peut donc critiquer le positionnement des prix et produits Memphis. De même, le franchiseur fait valoir que le franchisé était informé, par l'intermédiaire de l'avis MC2, d'une concurrence renforcée dans sa zone de chalandise. Il réfute l'argumentation adverse sur la qualité de ses produits, sur les outils d'analyse de la clientèle, sur l'échec du réseau Memphis.
Le franchiseur regrette de s'être « toujours heurté à un mur lorsqu'il proposait au franchisé des solutions pour tenter d'améliorer son activité ». Il indique avoir fait évoluer sa carte, adapter son offre commerciale'
En ce qui concerne les préjudices invoqués, le franchiseur expose que, si la nullité était prononcée, il devrait être déduit de la restitution du droit d'entrée et des redevances un montant équivalent à la jouissance des prestations dont il a bénéficié. De plus, l'annulation du contrat empêche toute indemnisation d'un préjudice financier correspondant au défaut d'obtention des résultats commerciaux. Le franchiseur estime de toute façon cette demande inopérante car le prévisionnel porte sur 2 ans et non 5 ans, ne contient que des projections hypothétiques soumises à de nombreux aléas, outre le fait qu'elle n'est pas justifiée par des pièces probantes. Enfin, la perte de valeur d'actif fait doublon avec la perte de marge commerciale alors même que le franchisé confond perte de marge et bénéfice.
Le franchiseur conteste devoir une quelconque somme au titre des remises de fin d'année (RFA) par application de l'article 2 du contrat dès lors que le franchisé n'est pas à jour de toutes ses obligations contractuelles.
Il demande la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé qui a fait preuve de déloyauté, a fermé de manière anticipée le restaurant Memphis le 16 mai 2022 au lieu du 5 juin suivant. Il réclame des dommages intérêts portant sur la somme dont elle a été privée du fait de cette résiliation anticipée, sur un préjudice commercial constitué par le déficit de réputation, sur la reprise de ses concepts par UNYC Brasserie.
Considérant l'action du franchisé abusive, le franchiseur en demande réparation sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile. Il fait état d'un dossier vide et d'une action utilisée comme un moyen de pression pour faire accepter au franchiseur une fausse proposition de transaction.
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Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la procédure :
Selon l'article 910 du code de procédure civile, dans sa version applicable à l'espèce « L'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite pour remettre ses conclusions au greffe.
L'intervenant forcé à l'instance d'appel dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande d'intervention formée à son encontre lui a été notifiée pour remettre ses conclusions au greffe. L'intervenant volontaire dispose, sous la même sanction, du même délai à compter de son intervention volontaire. »
Selon l'article 910-4 du code de procédure civile, dans sa version applicable à l'espèce « A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »
Le franchisé a conclu le 27 juillet 2023 et le franchiseur a répondu le 21 septembre 2023 en faisant appel incident. Dès lors, le franchisé, en tant qu'intimé à titre incident, devait remettre ses conclusions dans le délai de 3 mois à compter du 21 septembre 2023.
Il n'a cependant déposé ses conclusions que le 30 mai 2025.
Ces écritures du 30 mai 2025 sont décomposées en prétentions destinées à répliquer aux conclusions adverses, ce qui est recevable par application de l'article 910-4 du code de procédure civile et en une réponse aux « demandes de King Memphis en première instance » qui concerne l'appel incident du franchiseur.
La cour de cassation, dans un arrêt 3e Civ., 2 juin 2016, pourvoi n° 15-12.834, Bull. 2016, III, n° 70 a dit :
« Les parties pouvant invoquer de nouveaux moyens et conclure à nouveau jusqu'à la clôture de l'instruction, une cour d'appel ne peut prononcer l'irrecevabilité des conclusions déposées par l'appelant principal avant la clôture mais après l'expiration du délai de deux mois suivant l'appel incident formé par l'intimé, sans rechercher si ces conclusions n'étaient pas, au moins en partie, destinées à développer son appel principal.
Cette jurisprudence a été reprise dans un arrêt de la cour de cassation, 2ème chambre civile, 1 juillet 2021, pourvoi n° 20-14.284 qui dit
« L'appel relatif à une décision du juge de l'exécution étant, de plein droit, instruit à bref délai, il résulte des articles 905-2, alinéa 1, et 911 du code de procédure civile, que le délai d'un mois imparti à l'intimé pour conclure et former le cas échéant un appel incident court de plein droit dès la notification des conclusions de l'appelant, puis la notification de ces conclusions comportant un appel incident fait courir le délai d'un mois imparti à l'intimé à cet appel incident pour remettre ses conclusions. Il en résulte que les conclusions tardives de l'appelant, intimé à un appel incident, sont irrecevables en tant qu'elles ne développent pas son appel principal. »
Dans ses premières conclusions du 27 juillet 2023, le franchisé s'était limité à demander, sans développer aucun moyen:
« (i) la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté KING MEMPHIS de toutes ses demandes reconventionnelles au titre :
- De dommages et intérêts pour procédure abusive à hauteur de 20.000 euros
- De dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial lié à la disparition de l'enseigne localement pour la somme de 50.000 euros
- De dommages et intérêts en réparation du préjudice liée à la reprise des spécificités du concept pour la somme de 10.000 euros. »
L'appel incident du franchiseur porte sur le rejet de ses demandes reconventionnelles. Le franchisé aurait dû conclure en réponse dans le délai de 3 mois à cet appel incident, ce qu'il s'est abstenu de faire, de sorte que ses conclusions du 30 mai 2025 puis du 13 juin 2025 sont irrecevables en ce qui concerne les moyens et prétentions développés au soutien du rejet de l'appel incident.
Sur la prescription de la demande en nullité du contrat de franchise:
Selon l'article 1304 du code civil, dans sa version applicable au litige, « Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts »...
Ainsi que le relève le jugement déféré, le chiffre d'affaires réalisé par la société Sert [F] [Localité 8] en année 1 (2014) n'est inférieur que de 13% par rapport au prévisionnel mais la dégradation des comptes est surtout intervenue à compter de juin 2014, les 6 derniers mois de l'année faisant apparaître un chiffre d'affaires largement inférieur aux 6 premiers mois de l'exploitation.
Il est produit des courriels du franchisé transmis au franchiseur les 24 août 2014, 9 septembre 2014, 2 et 6 octobre 2014 dans lesquels le franchisé exprime son inquiétude face à un niveau d'activité insuffisant.
Le jugement déféré en tire la conséquence que la société Sert [F] [Localité 8] était en mesure, dès le mois de juin 2014 et au cours des mois suivants, de se poser la question de l'origine du différentiel de chiffre d'affaires et de l'attribuer à une grave erreur dans la fixation des chiffres d'affaires prévisionnels prétendument reçus de son franchiseur.
Cependant, dans le courriel du 24 août 2014, le franchisé demande à « avoir des points de repère par rapport aux autres sites » lui « permettant de mesurer si sa situation évolue dans la moyenne des autres restaurants ou s'il y a un décrochage propre à [Localité 8] ».
Il ne reçoit pas cette information mais une consultation du chiffre d'affaires de ses concurrents à [Localité 8] faisant apparaître un maintien de leur activité ce qui fait dire au franchisé qu'il « y a donc une spécificité Memphis ».
Le franchisé entend remédier à sa baisse de chiffre d'affaires par la mise en place d'un menu à bas prix le midi, comme le font ses concurrents (courriel du 9 septembre 2014). Il réitère sa demande d'avis du franchiseur dans les courriels du 2 et 6 octobre 2014.
Le 7 octobre 2014, Monsieur [F], dirigeant de la société Sert [F] [Localité 8] exerce une option dans le but d'ouvrir un autre restaurant franchisé dans la commune de [Localité 9]. Ainsi, à cette date, le franchisé n'a pas encore fait le lien entre une éventuelle étude prévisionnelle mensongère et le chiffre d'affaires réel de son restaurant.
Dans un courriel du 1er décembre 2014, que commente abondamment le franchiseur, Monsieur [F] écrit :
« J'ai pris la décision dimanche de ne pas faire les projets [Localité 9] et/ou [Localité 11].
Le compte d'exploitation de [Localité 8] est tombé et il n'est pas à la hauteur des espérances malgré des efforts constants sur la gestion opérationnelle.
Le CA de novembre se termine à 96 Keuros ce qui laisse augurer de nouvelles pertes. Nous n'avons pas assez de clients et la situation perdure.
Les six premiers mois d'ouverture ont été peu ou prou conformes aux prévisions mais depuis juin, le CA se stabilise autour de 100 Keuros. C'est ainsi que sur les 6 derniers mois, excepté août, je perds de l'argent.
Dans ce contexte, aux dires des spécialistes du financement, il sera difficile de financer un nouveau restaurant sans avoir stabilisé le premier. A la réflexion, tout cela est « logique ».
Je préfère donc attendre la réceptivité des clients à la nouvelle carte et ses conséquences associées avant de reprendre éventuellement le processus de développement' »
Il résulte de l'ensemble de ces courriels que le franchisé a bien conscience d'un différentiel entre le chiffre d'affaires prévisionnel et le chiffre d'affaires réel mais il en attribue la cause à un défaut de menu d'appel et à la carte proposée, non à un dol ou au caractère erroné de l'étude prévisionnelle.
Il ne connaissait donc pas, à la date du 3 décembre 2014 les faits, tels qu'allégués, lui permettant d'exercer son action en nullité. Il ne peut lui être fait grief de ne pas les avoir découverts alors que les 6 premiers mois d'exercice de l'activité ont été approximativement conformes à l'étude prévisionnelle.
Par conséquent, le point de départ de l'action en nullité du contrat de franchise ne peut se situer que postérieurement au 3 décembre 2014, plus précisément le 11 décembre 2014, lorsque la société Sert [F] [Localité 8] a reçu les estimations de chiffre d'affaires des unités Memphis aux fins de comparaison avec son chiffre d'affaires (sa pièce 69).
L'assignation ayant été délivrée le 3 décembre 2019, l'action en nullité est recevable et le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré l'action en nullité du contrat de franchise prescrite.
Sur l'absence de transmission d'un savoir-faire procurant un avantage concurrentiel :
Selon l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, « La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. »
Aucune prétention sur l'absence de transmission d'un savoir-faire procurant un avantage concurrentiel - que ce soit sur la recevabilité ou le bien fondé - n'est énoncée dans le dispositif des écritures de la société Sert [F] [Localité 8] de sorte que la cour n'est pas saisie de la disposition constatant la prescription des demandes formées par la société Sert [F] pour absence de transmission d'un savoir-faire procurant un avantage concurrentiel.
Sur la prescription de la demande visant à engager la responsabilité précontractuelle du franchiseur :
Aux termes de l'article 2224 du code civil « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
Ainsi que vu précédemment dans le paragraphe relatif à la prescription de l'action en nullité du contrat, la société Sert [F] [Localité 8] n'a pu découvrir une possible violation de l'obligation d'information précontractuelle que le 11 décembre 2014. Sa demande n'est donc pas prescrite.
Sur la nullité du contrat de franchise :
Le franchisé fonde sa demande de nullité sur l'absence de prévisionnels sincères, sérieux, objectifs, réalistes remis par le franchiseur et le dol/erreur sur la substance qui en est résulté.
Sur l'exécution volontaire du contrat :
Selon l'ancien article 1338 du code civil, « L'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.
A défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.
La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers. »
La société Sert [F] [Localité 8] ne développe aucun moyen de défense à l'application de cet article.
Il est démontré que l'appelante a eu connaissance de la cause de nullité éventuelle le 11 décembre 2014 mais elle ne manifeste à aucun moment l'intention de réparer le vice, la continuité d'exploitation étant insuffisante à apporter cette démonstration.
Par conséquent, le moyen tiré de l'exécution volontaire du contrat est inopérant.
Sur la nullité du contrat de franchise :
Selon l'article L 330-3 du code de commerce:
« Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.
Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.
Lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.
Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent. »
Selon l'article R 330-1 du code de commerce:
' Le document prévu au premier alinéa de l'article L 330-3 contient les informations suivantes:
1° l'adresse du siège de l'entreprise et la nature des ses activités avec l'indication de sa forme juridique et de l'identité du chef d'entreprise s'il s'agit d'une personne physique ou des dirigeants s'il s'agit d'une personne morale; le cas échéant, le montant du capital;
2° les mentions visées aux 1° et 20 de l'article R 123-237 ou le numéro d'inscription au répertoire des métiers ainsi que la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque, et, dans le cas où la marque doit faire l'objet du contrat a été acquise à la suite d'une cession ou d'une licence, la date et le numéro de l'inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l'indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie;
3° la ou les domiciliations bancaires de l'entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires;
4° la date de création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants;
Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement du marché;
'Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l'article L 451-1-2 du code monétaire et financier';
5° une présentation du réseau qui comporte:
a) la liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu;
b) l'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée;
lorsque le réseau compte plus de cinqunate exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée,
c) le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de la même année précédant celle de la délivrance du document. Le document précuse si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé;
d) s'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci;
6° l'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités.
Le document précise en outre la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet du contrat engage avant de commencer l'exploitation'.
En vertu de l'article L. 330-3 du code de commerce, le franchiseur est ainsi tenu de remettre, le Document d'Information pré-contractuel (DIP) établi par l'enseigne ainsi que le projet de contrat de façon obligatoire 20 jours avant toute signature de contrat de franchise ou le versement de toute somme d'argent. Mais cet article ne met pas à la charge du franchiseur une obligation d'information sur les résultats des différents franchisés et l'obligation de loyauté, que ce texte impose au franchiseur, porte sur les informations qu'il doit communiquer ou qu'il a spontanément transmises.
L'article R. 330-1 précité ne prévoit pas la transmission de comptes prévisionnels. Mais si le franchiseur donne une information qui n'est pas exigée par les textes, il doit alors satisfaire à l'obligation de sincérité prévue à l'article L. 330-3 du code de commerce ( Com., 11 février 2003, pourvoi n 01-03.932 ; 19 janvier 2010, pourvoi n 09-10.980).
Monsieur [Z], de la société King Memphis a adressé à Monsieur [F] des « prévisionnels flash » en février 2013. Le franchisé ne communique que les échanges de courriel (pièces 5-1 du franchisé) sans les tableaux d'hypothèses annexés. Il ne peut donc en être tiré aucune conclusion.
L'étude prévisionnelle (pièce 5.2 du franchisé), dans la présentation du projet, indique que :
- le prévisionnel a été établi d'après les informations reçues du créateur Monsieur [J] [F],
- que le projet est mené par Monsieur [F] et que le niveau d'activité s'appuie sur une étude de marché réalisée dès le début de l'année 2013.
Elle précise que c'est l'hypothèse moyenne de l'étude, pour l'activité de la première année, qui a été retenue et que pour la deuxième année, il a été retenu le chiffre d'affaires prévu par l'étude de marché mais une fois la zone terminée.
C'est ainsi que l'étude prévisionnelle fait état la première année d'un chiffre d'affaires prévisionnel de 1 903 000 euros HT.
En ce qui concerne la seconde année, l'étude mentionne que « le chiffre d'affaires retenu par les associés est celui résultant de l'hypothèse moyenne avec ouverture totale de la zone soit 1 960 090 euros. » L'étude d'Avenir Plus précise qu'une SAS doit être constituée avec un capital détenu par la Holding [F] elle-même détenue par Monsieur [J] [F] et son fils [U] [F].
La société MC2 indique en première page de son étude de marché avoir été interrogée par « Memphis Coffee sur la pertinence d'installer une unité de l'enseigne au sein de la zone commerciale de [Localité 6] ».
C'est donc bien le franchiseur qui a donné l'information nécessaire au prévisionnel établi par cette société MC2 en avril 2013. Mais le tableau fait uniquement état de la première année d'exploitation avec les chiffres suivants : CA HT mini 1784/moyen 1 903/maxi 2022. Ces données sont reprises dans le courriel échangé entre l'expert-comptable et Monsieur [F] le 16 avril 2013 (pièce 5.1.e du franchisé).
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'étude prévisionnelle a été effectuée à la demande de Monsieur [F], avec les données qu'il a communiquées et que seules les données prévisionnelles de la première année d'exploitation proviennent d'informations recueillies dans une étude de marché effectuée à la demande du franchiseur.
Il n'est fait référence aux chiffres d'affaires des autres sociétés franchisées ni dans l'étude de marché, ni dans l'étude prévisionnelle, ni dans le document d'information précontractuelle du 16 mars 2012 ' non signé par le franchisé mais celui-ci ne le discute pas ' qui mentionne uniquement 4 autres établissements King Memphis.
Une étude prévisionnelle établie par un expert-comptable mandaté par Monsieur [F] ne peut servir de support à une nullité du contrat de franchise pour dol ou erreur sur la rentabilité.
Com., 24 juin 2020, pourvoi n° 18-15.249
Il convient cependant de rechercher si le franchiseur a satisfait à son obligation de loyauté au sens de l'article L.330-3 du code de commerce.
Les éléments d'information communiqués par la société MC2 et repris par l'expert-comptable ne sont ni irréalistes ni erronés puisque le franchisé a réalisé un chiffre d'affaires sur 13 mois (l'ouverture a eu lieu le 4 décembre 2013) de 1 818 517 euros, soit sur 12 mois de 1 678 631 euros, ce qui est inférieur d'environ 13% de la somme retenue par l'étude prévisionnelle, laquelle n'a pas de valeur contractuelle et peut comporter une marge d'erreur comme toute projection.
En ce qui concerne la seconde année, la société MC2 n'a donné aucun avis et c'est le franchisé (ainsi que son autre associé) qui a communiqué les données nécessaires à l'élaboration du prévisionnel. Il a, pour ce faire, pris en compte l'ouverture d'un ensemble commercial Leclerc citée dans l'étude MC2 comme devant avoir lieu en 2015, ce qui fut le cas (en avril). L'étude préconise un large relais par le restaurant de sa présence à l'aide d'une signalétique adaptée aux abords des axes routiers et au sein de la partie sud, là où s'installera Leclerc et nord ouest de la ZAC, ce qui introduit déjà un aléa.
Le franchisé estime que les données prévisionnelles de cette seconde année sont erronées et irréalistes car elles reposent sur une moyenne des chiffres d'affaires des 4 établissements King Memphis alors que seuls deux d'entre eux sont comparables au King Memphis de [Localité 8], les deux autres ([Localité 12] et [Localité 15] bénéficiant de zones de chalandises bien plus importantes.
Il s'agit en l'occurrence des King Memphis de [Localité 7] ( 1 243 600 euros de chiffre d'affaires en 2014) et de [Localité 10] (1 314 100 euros en 2013, inconnu en 2014).
Le chiffre d'affaires de l'appelante a été supérieur au King Memphis de [Localité 7] en 2014 et proche de celui de [Localité 12] (1 822 400 euros) de sorte que la démonstration du franchisé sur la différence des zones de chalandise n'est pas convaincante.
Il en est de même si l'on prend les chiffres de la première année d' exploitation des établissements de [Localité 10] et de [Localité 7] telle que mentionnée dans le tableau comparatif :
- 128 044 euros en 2010 et 1 282 327 euros en 2011 pour [Localité 7],
- 1 155 255 euros en 2010 pour [Localité 10].
S'il est vrai qu'en 2015, l'appelante a réalisé un chiffre d'affaires de 947 622 euros au lieu de la prévision de 1 960 000 euros, son résultat d'exploitation est positif à hauteur de 10 500 euros alors qu'il était négatif l'année précédente (-39 212 euros).
L'étude du compte de résultat détaillé montre que l'établissement a changé sa politique de gestion puisque la ligne de salaires et traitements s'élève à 242 224 euros en 2015 contre 520 831 euros en 2014 et la ligne de charges sociales se réduit corrélativement à 76 518 euros en 2015 contre 172 845 euros en 2014. C'est donc bien, comme l'indique le franchiseur dans certains de ses courriels ' tout en le déplorant - que l'appelante a cessé de proposer un service continu en 2015, ce qui entraîne mécaniquement une baisse du chiffre d'affaires par rapport à 2014. Ce changement a été bénéfique pour la société en ce qu'elle lui a permis de dégager un résultat d'exploitation positif mais elle ne peut faire grief au franchiseur de lui avoir communiqué des données erronées et irréalistes concernant le chiffre d'affaires prévisionnel basé sur un service continu faisant partie du concept King Memphis.
Par conséquent, la preuve n'est pas rapportée de ce que l'étude prévisionnelle a été effectuée en prenant en compte des données erronées et irréalistes du franchiseur qui aurait ainsi vicié le consentement du franchisé ou manqué à son obligation d'assistance.
Sur la responsabilité délictuelle du franchiseur :
La société Sert [F] [Localité 8] reprend une argumentation similaire, à savoir que par son absence de réaction et son silence, le franchiseur a validé les comptes prévisionnels établis par le franchisé avec l'assistance du franchiseur, alors même que ces comptes prévisionnels étaient irréalistes et exagérément optimistes.
En raison de l'absence de divergence importante entre l'activité réelle et l'activité prévisionnelle en 2014, la société Sert [F] [Localité 8] n'apporte pas la preuve qui lui incombe de comptes prévisionnels irréalistes ou exagérément optimistes cette année-là. Et elle n'établit pas qu'en 2015, la chute du chiffre d'affaires soit due à une mauvaise appréciation des études effectuées, alors même qu'elle a changé sa politique commerciale, ce qui lui a permis de dégager un résultat d'exploitation bénéficiaire en 2015 mais a eu un impact sur le chiffre d'affaires.
Sur la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Sert [F] [Localité 8] :
La société Sert [F] [Localité 8] ne forme aucune prétention sur la disposition du jugement relative au prononcé de la résiliation du contrat de franchise Memphis du 3 juin 2013 aux torts exclusifs de la société Sert [F] [Localité 8] avec effet au 15 mai 2022, tandis que la société King Memphis en demande la confirmation. Il sera fait droit à sa prétention.
Sur la restitution des remises de fin d'année (RFA) :
Le jugement déféré a fait une exacte application de l'article 2 de l'avenant au contrat de franchise du 9 décembre 2014 qui stipule un versement de RFA à condition que le franchisé ait respecté ses obligations contractuelles. Il a donc condamné la société King Memphis à payer les RFA relatifs aux exercices 2019 à 2021 antérieurs à la résiliation du contrat et cette disposition sera confirmée.
La société Sert [F] [Localité 8] demande à se voir payer les RFA dus sur l'année 2022 pour un montant de 6 000 euros et prétend justifier sa demande par une attestation de l'expert-comptable (sa pièce 68). Or cette attestation s'arrête aux RFA de l'année 2021, de sorte que la demande n'est pas fondée et que la société Sert [F] Chartes en sera déboutée.
Sur les préjudices allégués par le franchiseur :
Selon l'article 32-1 du code de procédure civile, « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »
Il est manifeste que la société Sert [F] [Localité 8] a apprécié inexactement une partie de ses droits mais cela n'est pas constitutif d'une faute dégénérant en abus. En effet, elle obtient satisfaction en ce qui concerne le RFA de sorte que son dossier n'est pas « vide » comme le soutient l'appelant incident.
Le franchiseur fait valoir un préjudice financier résultant de la rupture anticipée du contrat de franchise au 15 mai 2022 alors qu'il devait bénéficier de redevances jusqu'au 5 juin 2022, terme du contrat. Il est demandé la confirmation du jugement déféré qui a calculé le montant de la redevance due conformément aux stipulations contractuelles et il y sera fait droit.
Le franchiseur fait état d'un préjudice commercial résultant de la fermeture anticipée du restaurant en ce qu'elle porte atteinte à sa notoriété. Il produit une unique pièce 46 consistant en une demande d'une cliente de prendre en compte ses bons d'achat expirant début juin et ne pouvant être utilisés compte tenu de cette fermeture. Elle précise dans son message du 27 mai 2022 qu'elle ne peut se rendre dans un autre restaurant King Memphis parce que ces établissements sont éloignés.
Cette attestation ne suffit pas à démontrer une atteinte à la notoriété et c'est à juste titre que le jugement déféré déboute le franchiseur de sa demande, compte tenu de la fermeture proche du terme du contrat.
Le franchiseur soutient que la société Sert [F] [Localité 8] a utilisé ses concepts dans sa nouvelle activité Unyk Brasserie.
Mais comme le relève le jugement déféré, les menus proposés par Unyk Brasserie et King Memphis sont tous deux inspirés des Etats-Unis et ils ne sont que des déclinaisons d'idées qui ne sont pas spécifiques à la franchise King Memphis. Les codes visuels ne peuvent qu'être similaires, s'agissant de plats (dont des burger) d'inspiration américaine et les cartes à fond noir, ainsi que l'utilisation de vaisselle noire sont légion dans le domaine de la restauration.
Par conséquent, la société King Memphis sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 10 000 euros et d'astreinte.
Sur les frais de l'instance :
Le jugement déféré a fait preuve d'équité en ce qu'il a condamné la société Sert [F] [Localité 8] à payer à la société King Memphis la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et cette disposition sera confirmée.
En cause d'appel, il est équitable de condamner la société Sert [F] [Localité 8] à payer une somme de 4 000 euros à la société King Memphis.
La société Sert [F] [Localité 8] , qui succombe dans la plupart de ses demandes, devra supporter les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Déclare les conclusions de la société Sert [F] [Localité 8] irrecevables en ce qui concerne les réponses à l'appel incident de la société King Memphis sur le rejet de ses demandes reconventionnelles par le jugement déféré, soit des demandes :
de dommages et intérêts pour procédure abusive à hauteur de 20.000 euros
de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial lié à la disparition de l'enseigne localement pour la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice liée à la reprise des spécificités du concept pour la somme de 10.000 euros ettoutes ses demandes afférentes à la clause de non-concurrence post-contractuelle, qui sera jugée nulle à défaut inopposable, et de toutes ses autres demandes relatives à l'activité de la société Sert [F] après l'expiration du contrat de franchise.
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions déférées à la cour, sauf en ce qu'il a :
- prononcé la résiliation du contrat de franchise Memphis du 3 juin 2013 aux torts exclusifs de la société Sert [F] [Localité 8] avec effet au 15 mai 2022
- Condamné la société King Memphis à verser à la société Sert [F] [Localité 8] la somme de 38213.73 euros TTC au titre des RFA non reversées pour les exercices 2019 à 2021
- Condamné la société Sert [F] [Localité 8] à payer à la société King Memphis la somme de 2 552,34 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice financier, du fait de la fin prématurée du contrat,
- Débouté la société King Memphis de sa demande à l'encontre de la société Sert [F] [Localité 8], de la somme de 50000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial lié à la disparition de l'enseigne localement,
- Débouté la société King Memphis de sa demande à l'encontre de la société Sert [F] [Localité 8], de la somme de 10000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la reprise des spécificités du concept Memphis,
- Condamné la société Sert [F] [Localité 8] au paiement de la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens.
Et statuant à nouveau du chef des dispositions déférées et infirmées,
Déclare la demande en nullité du contrat de franchise et la demande en responsabilité pour violation d'une obligation d'information précontractuelle recevables,
Dit que la preuve d'une exécution volontaire du contrat au sens de l'article 1338 du code civil n'est pas rapportée,
Déboute la société Sert [F] [Localité 8] de ses demandes en nullité du contrat de franchise et en responsabilité pour violation de l'obligation d'information précontractuelle,
Y ajoutant,
Déboute la société King Memphis de ses demandes consistant à voir ordonner à la société Sert [F] [Localité 8] de cesser l'usage des spécificités du concept Memphis, sur tous supports et en tous lieux, ce, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du jour du prononcé du « jugement » à intervenir et à voir la cour se réserver la liquidation de l'astreinte,
Condamne la société Sert [F] [Localité 8] à payer la somme de 4 000 euros à la société King Memphis sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Sert [F] [Localité 8] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.