CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 18 septembre 2025, n° 22/14246
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2025
(n° 150/2025, 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 22/14246 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGH7E
Décision déférée à la Cour : jugement du 03 juin 2022 du Tribunal judiciaire de CRETEIL (3ème chambre)- RG n° 21/04860
APPELANTE
S.A.R.L. CAMORLHINE
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 11] sous le n° 513 216 887
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Yann GRE, avocat au barreau de Val-de-Marne, toque : PC 381
INTIMÉS
M. [I] [Z]
né le 02 février 1957 à [Localité 9] (92)
[Adresse 13]
[Localité 6]
Mme [P] [Z]
née le 27 septembre 1957 à [Localité 15] (59)
[Adresse 13]
[Localité 6]
S.C. 41 [Adresse 12]
Immatriculée au R.C.S. de sous le n° 413 909 334
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 14]
[Localité 7]
Représentés par Me Loren MAQUIN-JOFFRE de la SELARL A.K.P.R., avocat au barreau de Val-de-Marne
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 mai 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Stéphanie Dupont, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
- Mme Stéphanie Dupont, conseillère
- Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
- contradictoire ;
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la signature.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous signature privée du 6 juillet 2009, la société 41 Giraudineau a donné à bail à la société Camorlhine des locaux commerciaux situés [Adresse 1] à [Localité 16] (94), pour une durée de neuf ans à compter de la signature et contre paiement d'un loyer annuel de 18.000 euros HT/HC. La destination contractuelle des lieux est l'exercice d'une activité de « vente au détail d'articles habillement homme, femme ou enfant, d'accessoires, de bijoux, de chaussures, de maroquinerie-bagagerie, articles de librairie-papeterie, coiffeur et opticien-lunetier ».
Le contrat s'est tacitement prolongé à compter du 6 juillet 2018.
Par acte extrajudiciaire du 20 mai 2021, alors que des discussions entre les parties étaient en cours au sujet de la cession du droit au bail de la locataire, la société Camorlhine a sollicité le renouvellement du bail.
Par acte extrajudiciaire du 9 juin 2021, la société 41 Giraudineau a fait délivrer à sa locataire un commandement de payer la somme de 11.204,76 euros en principal.
Par actes des 28 et 29 juin 2021, la société Camorlhine a fait assigner la société 41 Giraudineau et deux de ses associés, M. [I] [Z] et Mme [P] [Z], devant le tribunal judiciaire de Créteil, afin de contester le refus de la bailleresse d'autoriser la cession de son droit au bail dans le cadre des dispositions de l'article L.145-51 du code de commerce.
Par acte extrajudiciaire du 5 août 2021, la société [Adresse 3] Giraudineau a refusé la demande de renouvellement du bail de la locataire et refusé en outre le paiement d'une indemnité d'éviction en invoquant un défaut de paiement des loyers.
La société Camorlhine a contesté le refus de la bailleresse de lui payer une indemnité d'éviction dans l'instance déjà introduite devant le tribunal judiciaire de Créteil.
Par jugement du 3 juin 2022, le tribunal judiciaire de Créteil a :
débouté la société Camorlhine de l'ensemble de ses demandes ;
ordonné en conséquence l'expulsion de la société Camorlhine, ou de tout occupant de son chef, des locaux loués et sis [Adresse 2] (94), à défaut de départ volontaire dans les deux mois suivant la signification de la présente décision, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
rappelé qu'en application de l'article L.433-1 du code des procédures civiles d'exécution, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis, aux frais de la personne expulsée, en un autre lieu que celle-ci désigne ; qu'a défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu par l'huissier de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire ;
condamné la société Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] une indemnité d'occupation mensuelle de 2.101,19 euros, à compter du 5 août 2021 et jusqu'à restitution volontaire des locaux ou expulsion effective ;
condamné la société Camorlhine au paiement des entiers dépens de l'instance ;
condamné la société Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] la somme de 2.000,00 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration du 26 juillet 2022, la société Camorlhine a interjeté appel du jugement en critiquant expressément tous les chefs du dispositif.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 avril 2025.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 29 avril 2025, la société Camorlhine demande à la cour de :
dire recevable le présent appel ;
réformer et infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
débouté la SARL Camorlhine de l'ensemble de ses demandes ;
ordonné en conséquence l'expulsion de la SARL Camorlhine, ou de tout occupant de son chef, des locaux loués et sis [Adresse 2] (94), à défaut de départ volontaire dans les deux mois suivant la signification de la présente décision, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
rappelé que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne ; qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu par l'huissier de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire ;
condamné la SARL Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] une indemnité d'occupation mensuelle de 2.101,19 euros, à compter du 5 août 2021 et jusqu'à restitution volontaire des locaux ou expulsion effective ;
condamné la SARL Camorlhine au paiement des entiers dépens de l'instance ;
condamné la SARL Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] la somme de 2.000,00 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Statuant à nouveau,
dire que le refus de renouvellement du bail commercial n'était pas justifié ;
dire que la demande d'expulsion n'était pas fondée ;
dire que la SCI bailleresse a engagé sa responsabilité ;
condamner la SCI bailleresse au paiement d'une indemnité d'éviction d'un montant de 80.000 euros ;
débouter les intimés de toutes leurs demandes et prétentions et, notamment de leur demande tendant à une fixation rétroactive de l'indemnité d'occupation à la somme de 3000 euros par mois ;
condamner in solidum les intimés au paiement d'une indemnité de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont attribution à Me Gré, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Camorlhine fait valoir :
- que les loyers ont été réglés mais que les quittances ne lui ont pas été remises ;
- qu'elle était à jour du paiement de l'indemnité d'occupation au moment de son départ des lieux, le 3 juillet 2023 ;
- qu'il n'y a pas lieu à ce que le montant de l'indemnité d'occupation soit porté rétroactivement à la somme de 3000 euros par mois.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 23 avril 2025, la société [Adresse 4], M. [I] [Z] et Mme [P] [Z] demandent à la cour de :
débouter la SARL Camorlhine de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
débouté la SARL Camorlhine de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
ordonné en conséquence l'expulsion de la SARL Camorlhine ou de tout occupant de son chef, des locaux loués et sis [Adresse 5] (94), à défaut de départ volontaire dans les deux mois suivant la signification de la présente décision, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
rappelé qu'en application de l'article L. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne ; qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu par l'huissier de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie règlementaire ;
condamné la SARL Camorlhine au paiement des entiers dépens de l'instance ;
condamné la SARL Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] la somme de 2.000 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire ;
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Camorlhine à payer à la société [Adresse 3] Giraudineau une indemnité d'occupation mensuelle de 2.101,19 €, à compter du 5 août 2021 et jusqu'à restitution volontaire ou expulsion effective,
Statuant à nouveau sur l'appel incident,
fixer l'indemnité d'occupation mensuelle à la somme de 3.000 € ;
condamner la SARL Camorlhine au versement de cette indemnité au profit de la société [Adresse 3] Giraudineau à compter du 5 août 2021 et jusqu'à libération complète des locaux et restitution des clés intervenue le 5 juillet 2023 ;
Reconventionnellement,
A titre principal, condamner la SARL Comorlhine à régler à la société 41 Giraudineau le solde des indemnités d'occupation sur la période allant du 1er avril 2023 au 5 juillet 2023, date de reprise effective des locaux, à hauteur de 4.983,97 euros ;
Subsidiairement, condamner la SARL Comolhine à régler à la société [Adresse 4] le solde des indemnités d'occupation sur la période allant du 1er avril 2023 au 5 juillet 2023, date de reprise effective des locaux, à hauteur de 2.142,47 euros ;
En tout état de cause,
condamner la SARL Camorlhine à payer à la société 41 Giraudineau la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la SARL Camorhline aux entiers dépens d'instance, lesquels devront inclure les frais des mesures d'exécution forcée du jugement déjà engagés, ainsi que ceux de l'arrêt à intervenir.
Les intimés font valoir :
- in limine litis, que toute prétention que la société Camorlhine pourrait formuler relativement à la cession de son droit au bail devra être déclarée irrecevable en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, faute pour l'appelante d'avoir formulé une telle prétention dans ses premières conclusions au fond ;
Sur le bien-fondé du refus de renouvellement du bail commercial sans indemnité d'éviction,
- qu'en application des articles L. 145-17-I-1° et L. 145-10 du code de commerce, le propriétaire bailleur qui reçoit une demande de renouvellement peut la refuser, dans le délai de trois mois, s'il justifie d'un motif grave et légitime ; que le défaut de paiement de plusieurs termes du loyer constitue un motif grave et légitime de non-renouvellement du bail ; que lorsque le refus de renouvellement du bail est motivé par l'inexécution d'une obligation contractuelle, le bailleur doit avoir mis en demeure le preneur d'avoir à régulariser sa situation sous un mois ;
- qu'à la date de la demande de renouvellement du bail, le compte de la société Camorlhine affichait un solde débiteur de 9.103,57 euros, terme du mois de mai 2021 inclus ; qu'il résulte d'un mail adressé par le conseil de la société Camorlhine le 20 avril 202, que cette dernière avait l'intention de 'bloquer le règlement des prochains loyers' ;
- que le commandement de payer délivré le 9 juin 2021 vaut mise en demeure au sens de l'article L.145-17 du code de commerce ; que la société Camorlhine a adressé un chèque de 5498,81 euros à l'huissier le 9 juin 2021, laissant impayés les termes des mois d'avril, mai et juin 2021 ;
- que les retards de paiement remontent à avril 2015 ;
- que le règlement du 31 août 2021est tardif ;
Sur les conséquences du refus de renouvellement du bail commercial,
- que le bail commercial a pris fin le 5 août 2021 par l'effet du refus de renouvellement pour motif grave et légitime ;
- que la société 41 Giraudineau a été contrainte de faire pratiquer une saisie attribution sur le compte bancaire de la société Camorlhine le 29 septembre 2022 ;
- que la société Camorlhine n'a pas quitté les lieux spontanément après le jugement de première instance, obligeant la société 41 Giraudineau à mettre en oeuvre une procédure d'expulsion ;
- que l'indemnité d'occupation fixée par le premier juge est inférieure au loyer que la société 41 Giraudineau aurait pu percevoir à compter du 6 juillet 2021 au regard du déplafonnement du loyer qu'elle aurait pu obtenir en raison d'un changement notable dans les facteurs locaux de commercialité ou de la révision du loyer ;
- que la société Camorlhine n'a pas réglé l'indemnité d'occupation des mois d'avril à juin 2023 ainsi que celle courant du 1er au 5 juillet 2023.
SUR CE,
Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Camorlhine en première instance
En première instance, la société Camorlhine reprochait à la société [Adresse 4], Mme [Z] et M. [Z] d'avoir refusé de manière injustifiée d'agréer la cession de son droit au bail, en violation des dispositions de l'article L.145-51 du code de commerce, et sollicitait leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le tribunal judiciaire de Créteil a débouté la société Camorlhine de sa demande de dommages et intérêts.
En sollicitant l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Camorlhine de l'ensemble de ses demandes, l'appelante demande l'infirmation de ce chef du dispositif.
Toutefois, l'appelante n'a formulé aucune prétention au dispositif de ses conclusions d'appel tendant à la condamnation des intimés à lui payer des dommages et intérêts.
Dans ces conditions, en application des dispositions des articles 562 et 954 du code de procédure civile, la cour ne peut que confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Camorlhine de sa demande de dommages et intérêts.
Sur le refus de la demande de renouvellement du bail et ses conséquences
Selon l'article L.145-10 du code de commerce, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l'expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa prolongation.
La demande en renouvellement doit être notifiée au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Dans les trois mois de la notification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.
En vertu de l'article L.145-14 du code de commerce, le bailleur peut toutjours refuser le renouvellement du bail mais doit alors, sauf exceptions prévues aux articles L145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
L'article L.145-17 précise que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit de l'inexécution d'une obligation, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du 1° du I de l'article L.145-17 du code de commerce.
En l'espèce, après réception de la demande de renouvellement du bail émanant de sa locataire, suivant acte extrajudiciaire du 20 mai 2021, la société 41 Giraudineau a fait notifier à la société Camorlhine, par acte extrajudiciaire du 9 juin 2021, un commandement de payer la somme en principal de 11.204,76 euros dans le délai d'un mois. Il ressort du décompte joint à ce commandement que la somme réclamée correspondait aux loyers et charges dus pour une partie du mois de janvier 2021 ainsi que pour les mois de février 2021 à juin 2021. Par ailleurs, il est observé que le commandement du 9 juin 2021 reproduit les termes de l'article L.145-17 du code de commerce.
Il est acquis que la société Camorlhine n'a pas régularisé les causes du commandement du 9 juin 2021dans le délai d'un mois, en ne procédant qu'au paiement partiel de la somme de 5.498,81 euros par chèque du 9 juin 2021.
Le moyen soulevé à hauteur d'appel par la société Camorlhine, tiré de l'absence de délivrance des quittances de loyers par la bailleresse, manque de pertinence dès lors que la société Camorlhine ne revendique pas d'autres paiements que ceux indiqués par la société 41 Giraudineau et qu'elle pouvait, le cas échéant, apporter la preuve de ses paiements par d'autres moyens que la production des quittances de loyers.
Dans ces conditions, la société 41 Giraudineau pouvait invoquer le défaut de paiement des loyers par la société Camorlhine à l'appui de son refus de renouvellement du bail.
S'il est acquis que la locataire a réglé sa dette locative le 31 août 2021, il n'en demeure pas moins qu'elle est restée plusieurs mois sans payer son loyer au cours de l'année 2021. En outre, ce défaut de paiement des loyers s'inscrivait dans une stratégie de la locataire visant à faire pression sur sa bailleresse pour obtenir l'autorisation de cette dernière dans le cadre de son projet de cession de son droit au bail. Ainsi, le 20 avril 2021, le conseil de la société Camorlhine écrivait à Mme [Z], gérante et associée de la société 41 Giraudineau, et à M. [Z], associé de la société 41 Giraudineau, par mail : 'Je suis sans nouvelle de votre part dans ce dossier. Le locataire m'a indiqué bloquer le règlement des prochains loyers dans ce contexte : la cession devient en effet urgente.'
Dans ces conditions, le défaut de paiement des loyers par la société Camorlhine pendant plusieurs mois au cours de l'année 2021, dans le but de faire pression sur la bailleresse pour obtenir l'autorisation de cette dernière de céder son droit au bail constitue un motif grave et légitime justifiant le refus de renouvellement du bail sans paiement d'une indemnité d'éviction.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Camorlhine de sa demande de paiement d'une indemnité d'éviction.
Par l'effet du refus de renouvellement du bail notifié par la société 41 Giraudineau à la société Camorlhine par acte extrajudiciaire du 5 août 2021, le bail a pris fin le 5 août 2021. Sans droit de la société Camorlhine au maintien dans les lieux, faute pour elle de pouvoir prétendre à une indemnité d'éviction, la société Camorlhine est devenue occupante sans droit ni titre des locaux.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné l'expulsion de la société Camorlhine des locaux selon les modalités qu'il a précisées.
Occupante sans droit ni titre des locaux, la société Camorlhine est débitrice d'une indemnité d'occupation de droit commun, destinée à rémunérer la jouissance des lieux par l'occupante et à réparer le préjudice subi par la bailleresse du fait de l'occupation de son bien.
Sans preuve d'un changement notable des facteurs locaux de commercialité, seulement allégué par la société 41 Giraudineau et sans offre de preuve du montant du loyer à la suite de la révision à laquelle la société 41 Giraudineau aurait pu procéder en cas de poursuite du bail, le tribunal a fait une exacte appréciation des faits de l'espèce en fixant le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Camorlhine à la somme de 2.101,19 euros par mois.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Camorlhine à payer à la société 41 Giraudineau une indemnité mensuelle d'occupation de 2.101,19 euros, à compter du 5 août 2021 et jusqu'à restitution volontaire des locaux ou expulsion effective.
Sur la demande de la société 41 Giraudineau tendant à la condamnation de la société Camorlhine à lui payer le solde des indemnités d'occupation sur la période allant du 1er avril 2023 au 5 juillet 2023
L' indemnité d'occupation est due jusqu'au 5 juillet 2023, date du procès-verbal d'expulsion établi par Maître [T] [E], commissaire de justice à [Localité 10], et de sa notification à la société Camorlhine, peu important que la société Camorlhine soutienne avoir remis les clés à un représentant des forces de l'ordre le 3 juillet 2023 dès lors que ce policier n'est pas un représentant de la bailleresse et que son intervention s'inscrivait dans le cadre de la procédure d'expulsion diligentée à la requête de la bailleresse. En outre, il n'est pas apporté la preuve de la remise des clés par la locataire à un représentant des forces de l'ordre le 3 juillet 2023.
Sans preuve de paiements de l'indemnité d'occupation due pour la période allant du 1er avril 2023 au 5 juillet 2023, la société Camorlhine se bornant à indiquer avoir quitté les locaux à jour du paiement de l'indemnité d'occupation sans en apporter la preuve, il convient de condamner la société Camorlhine à payer à la société 41 Giraudineau la somme de 2.142, 47 euros au titre des indemnités d'occupation dues pour la période allant du 1er avril 2023 au 5 juillet 2023, se décomposant comme suit :
- indemnité d'occupation du mois d'avril 2023 : 2.101,19 euros
- indemnité d'occupation du mois de mai 2023 : 2.101,19 euros
- indemnité d'occupation du mois de juin 2023 : 2.101,19 euros
- indemnité d'occupation du 1er au 5 juillet 2023 : 338,90 euros
- déduction du dépôt de garantie : - 4.500 euros.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Au vu de ce qui précède, il apparait que la société Camorlhine succombe en première instance et en appel.
Il convient en conséquence, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Camorlhine au paiement des dépens de première instance et de condamner la société Camorlhine au paiement des dépens de la procédure d'appel, sans qu'il soit besoin de préciser les frais inclus dans les dépens, les parties devant se référer aux dispositions de l'article 695 du code de procédure civile.
L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] la somme de 2.000 euros au titre des frais exposés par elle en première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] la somme de 4.000 euros au titre des frais exposés par elle en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 3 juin 2022 (RG n°21/4860) en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne la société Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] la somme de 2.142,47 euros au titre des indemnités d'occupation arrêtées au 5 juillet 2023, aprés déduction du dépôt de garantie,
Condamne la société Camorlhine à payer les dépens de la procédure d'appel, dont distraction au profit de Maître Yann Gré, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés par cette dernière en appel,
Le greffier, La présidente,
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2025
(n° 150/2025, 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 22/14246 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGH7E
Décision déférée à la Cour : jugement du 03 juin 2022 du Tribunal judiciaire de CRETEIL (3ème chambre)- RG n° 21/04860
APPELANTE
S.A.R.L. CAMORLHINE
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 11] sous le n° 513 216 887
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Yann GRE, avocat au barreau de Val-de-Marne, toque : PC 381
INTIMÉS
M. [I] [Z]
né le 02 février 1957 à [Localité 9] (92)
[Adresse 13]
[Localité 6]
Mme [P] [Z]
née le 27 septembre 1957 à [Localité 15] (59)
[Adresse 13]
[Localité 6]
S.C. 41 [Adresse 12]
Immatriculée au R.C.S. de sous le n° 413 909 334
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 14]
[Localité 7]
Représentés par Me Loren MAQUIN-JOFFRE de la SELARL A.K.P.R., avocat au barreau de Val-de-Marne
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 mai 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Stéphanie Dupont, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
- Mme Stéphanie Dupont, conseillère
- Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
- contradictoire ;
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la signature.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous signature privée du 6 juillet 2009, la société 41 Giraudineau a donné à bail à la société Camorlhine des locaux commerciaux situés [Adresse 1] à [Localité 16] (94), pour une durée de neuf ans à compter de la signature et contre paiement d'un loyer annuel de 18.000 euros HT/HC. La destination contractuelle des lieux est l'exercice d'une activité de « vente au détail d'articles habillement homme, femme ou enfant, d'accessoires, de bijoux, de chaussures, de maroquinerie-bagagerie, articles de librairie-papeterie, coiffeur et opticien-lunetier ».
Le contrat s'est tacitement prolongé à compter du 6 juillet 2018.
Par acte extrajudiciaire du 20 mai 2021, alors que des discussions entre les parties étaient en cours au sujet de la cession du droit au bail de la locataire, la société Camorlhine a sollicité le renouvellement du bail.
Par acte extrajudiciaire du 9 juin 2021, la société 41 Giraudineau a fait délivrer à sa locataire un commandement de payer la somme de 11.204,76 euros en principal.
Par actes des 28 et 29 juin 2021, la société Camorlhine a fait assigner la société 41 Giraudineau et deux de ses associés, M. [I] [Z] et Mme [P] [Z], devant le tribunal judiciaire de Créteil, afin de contester le refus de la bailleresse d'autoriser la cession de son droit au bail dans le cadre des dispositions de l'article L.145-51 du code de commerce.
Par acte extrajudiciaire du 5 août 2021, la société [Adresse 3] Giraudineau a refusé la demande de renouvellement du bail de la locataire et refusé en outre le paiement d'une indemnité d'éviction en invoquant un défaut de paiement des loyers.
La société Camorlhine a contesté le refus de la bailleresse de lui payer une indemnité d'éviction dans l'instance déjà introduite devant le tribunal judiciaire de Créteil.
Par jugement du 3 juin 2022, le tribunal judiciaire de Créteil a :
débouté la société Camorlhine de l'ensemble de ses demandes ;
ordonné en conséquence l'expulsion de la société Camorlhine, ou de tout occupant de son chef, des locaux loués et sis [Adresse 2] (94), à défaut de départ volontaire dans les deux mois suivant la signification de la présente décision, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
rappelé qu'en application de l'article L.433-1 du code des procédures civiles d'exécution, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis, aux frais de la personne expulsée, en un autre lieu que celle-ci désigne ; qu'a défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu par l'huissier de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire ;
condamné la société Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] une indemnité d'occupation mensuelle de 2.101,19 euros, à compter du 5 août 2021 et jusqu'à restitution volontaire des locaux ou expulsion effective ;
condamné la société Camorlhine au paiement des entiers dépens de l'instance ;
condamné la société Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] la somme de 2.000,00 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration du 26 juillet 2022, la société Camorlhine a interjeté appel du jugement en critiquant expressément tous les chefs du dispositif.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 avril 2025.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 29 avril 2025, la société Camorlhine demande à la cour de :
dire recevable le présent appel ;
réformer et infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
débouté la SARL Camorlhine de l'ensemble de ses demandes ;
ordonné en conséquence l'expulsion de la SARL Camorlhine, ou de tout occupant de son chef, des locaux loués et sis [Adresse 2] (94), à défaut de départ volontaire dans les deux mois suivant la signification de la présente décision, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
rappelé que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne ; qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu par l'huissier de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire ;
condamné la SARL Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] une indemnité d'occupation mensuelle de 2.101,19 euros, à compter du 5 août 2021 et jusqu'à restitution volontaire des locaux ou expulsion effective ;
condamné la SARL Camorlhine au paiement des entiers dépens de l'instance ;
condamné la SARL Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] la somme de 2.000,00 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Statuant à nouveau,
dire que le refus de renouvellement du bail commercial n'était pas justifié ;
dire que la demande d'expulsion n'était pas fondée ;
dire que la SCI bailleresse a engagé sa responsabilité ;
condamner la SCI bailleresse au paiement d'une indemnité d'éviction d'un montant de 80.000 euros ;
débouter les intimés de toutes leurs demandes et prétentions et, notamment de leur demande tendant à une fixation rétroactive de l'indemnité d'occupation à la somme de 3000 euros par mois ;
condamner in solidum les intimés au paiement d'une indemnité de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont attribution à Me Gré, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Camorlhine fait valoir :
- que les loyers ont été réglés mais que les quittances ne lui ont pas été remises ;
- qu'elle était à jour du paiement de l'indemnité d'occupation au moment de son départ des lieux, le 3 juillet 2023 ;
- qu'il n'y a pas lieu à ce que le montant de l'indemnité d'occupation soit porté rétroactivement à la somme de 3000 euros par mois.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 23 avril 2025, la société [Adresse 4], M. [I] [Z] et Mme [P] [Z] demandent à la cour de :
débouter la SARL Camorlhine de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
débouté la SARL Camorlhine de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
ordonné en conséquence l'expulsion de la SARL Camorlhine ou de tout occupant de son chef, des locaux loués et sis [Adresse 5] (94), à défaut de départ volontaire dans les deux mois suivant la signification de la présente décision, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
rappelé qu'en application de l'article L. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne ; qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu par l'huissier de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie règlementaire ;
condamné la SARL Camorlhine au paiement des entiers dépens de l'instance ;
condamné la SARL Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] la somme de 2.000 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire ;
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Camorlhine à payer à la société [Adresse 3] Giraudineau une indemnité d'occupation mensuelle de 2.101,19 €, à compter du 5 août 2021 et jusqu'à restitution volontaire ou expulsion effective,
Statuant à nouveau sur l'appel incident,
fixer l'indemnité d'occupation mensuelle à la somme de 3.000 € ;
condamner la SARL Camorlhine au versement de cette indemnité au profit de la société [Adresse 3] Giraudineau à compter du 5 août 2021 et jusqu'à libération complète des locaux et restitution des clés intervenue le 5 juillet 2023 ;
Reconventionnellement,
A titre principal, condamner la SARL Comorlhine à régler à la société 41 Giraudineau le solde des indemnités d'occupation sur la période allant du 1er avril 2023 au 5 juillet 2023, date de reprise effective des locaux, à hauteur de 4.983,97 euros ;
Subsidiairement, condamner la SARL Comolhine à régler à la société [Adresse 4] le solde des indemnités d'occupation sur la période allant du 1er avril 2023 au 5 juillet 2023, date de reprise effective des locaux, à hauteur de 2.142,47 euros ;
En tout état de cause,
condamner la SARL Camorlhine à payer à la société 41 Giraudineau la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la SARL Camorhline aux entiers dépens d'instance, lesquels devront inclure les frais des mesures d'exécution forcée du jugement déjà engagés, ainsi que ceux de l'arrêt à intervenir.
Les intimés font valoir :
- in limine litis, que toute prétention que la société Camorlhine pourrait formuler relativement à la cession de son droit au bail devra être déclarée irrecevable en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, faute pour l'appelante d'avoir formulé une telle prétention dans ses premières conclusions au fond ;
Sur le bien-fondé du refus de renouvellement du bail commercial sans indemnité d'éviction,
- qu'en application des articles L. 145-17-I-1° et L. 145-10 du code de commerce, le propriétaire bailleur qui reçoit une demande de renouvellement peut la refuser, dans le délai de trois mois, s'il justifie d'un motif grave et légitime ; que le défaut de paiement de plusieurs termes du loyer constitue un motif grave et légitime de non-renouvellement du bail ; que lorsque le refus de renouvellement du bail est motivé par l'inexécution d'une obligation contractuelle, le bailleur doit avoir mis en demeure le preneur d'avoir à régulariser sa situation sous un mois ;
- qu'à la date de la demande de renouvellement du bail, le compte de la société Camorlhine affichait un solde débiteur de 9.103,57 euros, terme du mois de mai 2021 inclus ; qu'il résulte d'un mail adressé par le conseil de la société Camorlhine le 20 avril 202, que cette dernière avait l'intention de 'bloquer le règlement des prochains loyers' ;
- que le commandement de payer délivré le 9 juin 2021 vaut mise en demeure au sens de l'article L.145-17 du code de commerce ; que la société Camorlhine a adressé un chèque de 5498,81 euros à l'huissier le 9 juin 2021, laissant impayés les termes des mois d'avril, mai et juin 2021 ;
- que les retards de paiement remontent à avril 2015 ;
- que le règlement du 31 août 2021est tardif ;
Sur les conséquences du refus de renouvellement du bail commercial,
- que le bail commercial a pris fin le 5 août 2021 par l'effet du refus de renouvellement pour motif grave et légitime ;
- que la société 41 Giraudineau a été contrainte de faire pratiquer une saisie attribution sur le compte bancaire de la société Camorlhine le 29 septembre 2022 ;
- que la société Camorlhine n'a pas quitté les lieux spontanément après le jugement de première instance, obligeant la société 41 Giraudineau à mettre en oeuvre une procédure d'expulsion ;
- que l'indemnité d'occupation fixée par le premier juge est inférieure au loyer que la société 41 Giraudineau aurait pu percevoir à compter du 6 juillet 2021 au regard du déplafonnement du loyer qu'elle aurait pu obtenir en raison d'un changement notable dans les facteurs locaux de commercialité ou de la révision du loyer ;
- que la société Camorlhine n'a pas réglé l'indemnité d'occupation des mois d'avril à juin 2023 ainsi que celle courant du 1er au 5 juillet 2023.
SUR CE,
Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Camorlhine en première instance
En première instance, la société Camorlhine reprochait à la société [Adresse 4], Mme [Z] et M. [Z] d'avoir refusé de manière injustifiée d'agréer la cession de son droit au bail, en violation des dispositions de l'article L.145-51 du code de commerce, et sollicitait leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le tribunal judiciaire de Créteil a débouté la société Camorlhine de sa demande de dommages et intérêts.
En sollicitant l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Camorlhine de l'ensemble de ses demandes, l'appelante demande l'infirmation de ce chef du dispositif.
Toutefois, l'appelante n'a formulé aucune prétention au dispositif de ses conclusions d'appel tendant à la condamnation des intimés à lui payer des dommages et intérêts.
Dans ces conditions, en application des dispositions des articles 562 et 954 du code de procédure civile, la cour ne peut que confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Camorlhine de sa demande de dommages et intérêts.
Sur le refus de la demande de renouvellement du bail et ses conséquences
Selon l'article L.145-10 du code de commerce, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l'expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa prolongation.
La demande en renouvellement doit être notifiée au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Dans les trois mois de la notification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.
En vertu de l'article L.145-14 du code de commerce, le bailleur peut toutjours refuser le renouvellement du bail mais doit alors, sauf exceptions prévues aux articles L145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
L'article L.145-17 précise que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit de l'inexécution d'une obligation, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du 1° du I de l'article L.145-17 du code de commerce.
En l'espèce, après réception de la demande de renouvellement du bail émanant de sa locataire, suivant acte extrajudiciaire du 20 mai 2021, la société 41 Giraudineau a fait notifier à la société Camorlhine, par acte extrajudiciaire du 9 juin 2021, un commandement de payer la somme en principal de 11.204,76 euros dans le délai d'un mois. Il ressort du décompte joint à ce commandement que la somme réclamée correspondait aux loyers et charges dus pour une partie du mois de janvier 2021 ainsi que pour les mois de février 2021 à juin 2021. Par ailleurs, il est observé que le commandement du 9 juin 2021 reproduit les termes de l'article L.145-17 du code de commerce.
Il est acquis que la société Camorlhine n'a pas régularisé les causes du commandement du 9 juin 2021dans le délai d'un mois, en ne procédant qu'au paiement partiel de la somme de 5.498,81 euros par chèque du 9 juin 2021.
Le moyen soulevé à hauteur d'appel par la société Camorlhine, tiré de l'absence de délivrance des quittances de loyers par la bailleresse, manque de pertinence dès lors que la société Camorlhine ne revendique pas d'autres paiements que ceux indiqués par la société 41 Giraudineau et qu'elle pouvait, le cas échéant, apporter la preuve de ses paiements par d'autres moyens que la production des quittances de loyers.
Dans ces conditions, la société 41 Giraudineau pouvait invoquer le défaut de paiement des loyers par la société Camorlhine à l'appui de son refus de renouvellement du bail.
S'il est acquis que la locataire a réglé sa dette locative le 31 août 2021, il n'en demeure pas moins qu'elle est restée plusieurs mois sans payer son loyer au cours de l'année 2021. En outre, ce défaut de paiement des loyers s'inscrivait dans une stratégie de la locataire visant à faire pression sur sa bailleresse pour obtenir l'autorisation de cette dernière dans le cadre de son projet de cession de son droit au bail. Ainsi, le 20 avril 2021, le conseil de la société Camorlhine écrivait à Mme [Z], gérante et associée de la société 41 Giraudineau, et à M. [Z], associé de la société 41 Giraudineau, par mail : 'Je suis sans nouvelle de votre part dans ce dossier. Le locataire m'a indiqué bloquer le règlement des prochains loyers dans ce contexte : la cession devient en effet urgente.'
Dans ces conditions, le défaut de paiement des loyers par la société Camorlhine pendant plusieurs mois au cours de l'année 2021, dans le but de faire pression sur la bailleresse pour obtenir l'autorisation de cette dernière de céder son droit au bail constitue un motif grave et légitime justifiant le refus de renouvellement du bail sans paiement d'une indemnité d'éviction.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Camorlhine de sa demande de paiement d'une indemnité d'éviction.
Par l'effet du refus de renouvellement du bail notifié par la société 41 Giraudineau à la société Camorlhine par acte extrajudiciaire du 5 août 2021, le bail a pris fin le 5 août 2021. Sans droit de la société Camorlhine au maintien dans les lieux, faute pour elle de pouvoir prétendre à une indemnité d'éviction, la société Camorlhine est devenue occupante sans droit ni titre des locaux.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné l'expulsion de la société Camorlhine des locaux selon les modalités qu'il a précisées.
Occupante sans droit ni titre des locaux, la société Camorlhine est débitrice d'une indemnité d'occupation de droit commun, destinée à rémunérer la jouissance des lieux par l'occupante et à réparer le préjudice subi par la bailleresse du fait de l'occupation de son bien.
Sans preuve d'un changement notable des facteurs locaux de commercialité, seulement allégué par la société 41 Giraudineau et sans offre de preuve du montant du loyer à la suite de la révision à laquelle la société 41 Giraudineau aurait pu procéder en cas de poursuite du bail, le tribunal a fait une exacte appréciation des faits de l'espèce en fixant le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Camorlhine à la somme de 2.101,19 euros par mois.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Camorlhine à payer à la société 41 Giraudineau une indemnité mensuelle d'occupation de 2.101,19 euros, à compter du 5 août 2021 et jusqu'à restitution volontaire des locaux ou expulsion effective.
Sur la demande de la société 41 Giraudineau tendant à la condamnation de la société Camorlhine à lui payer le solde des indemnités d'occupation sur la période allant du 1er avril 2023 au 5 juillet 2023
L' indemnité d'occupation est due jusqu'au 5 juillet 2023, date du procès-verbal d'expulsion établi par Maître [T] [E], commissaire de justice à [Localité 10], et de sa notification à la société Camorlhine, peu important que la société Camorlhine soutienne avoir remis les clés à un représentant des forces de l'ordre le 3 juillet 2023 dès lors que ce policier n'est pas un représentant de la bailleresse et que son intervention s'inscrivait dans le cadre de la procédure d'expulsion diligentée à la requête de la bailleresse. En outre, il n'est pas apporté la preuve de la remise des clés par la locataire à un représentant des forces de l'ordre le 3 juillet 2023.
Sans preuve de paiements de l'indemnité d'occupation due pour la période allant du 1er avril 2023 au 5 juillet 2023, la société Camorlhine se bornant à indiquer avoir quitté les locaux à jour du paiement de l'indemnité d'occupation sans en apporter la preuve, il convient de condamner la société Camorlhine à payer à la société 41 Giraudineau la somme de 2.142, 47 euros au titre des indemnités d'occupation dues pour la période allant du 1er avril 2023 au 5 juillet 2023, se décomposant comme suit :
- indemnité d'occupation du mois d'avril 2023 : 2.101,19 euros
- indemnité d'occupation du mois de mai 2023 : 2.101,19 euros
- indemnité d'occupation du mois de juin 2023 : 2.101,19 euros
- indemnité d'occupation du 1er au 5 juillet 2023 : 338,90 euros
- déduction du dépôt de garantie : - 4.500 euros.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Au vu de ce qui précède, il apparait que la société Camorlhine succombe en première instance et en appel.
Il convient en conséquence, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Camorlhine au paiement des dépens de première instance et de condamner la société Camorlhine au paiement des dépens de la procédure d'appel, sans qu'il soit besoin de préciser les frais inclus dans les dépens, les parties devant se référer aux dispositions de l'article 695 du code de procédure civile.
L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] la somme de 2.000 euros au titre des frais exposés par elle en première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] la somme de 4.000 euros au titre des frais exposés par elle en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 3 juin 2022 (RG n°21/4860) en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne la société Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] la somme de 2.142,47 euros au titre des indemnités d'occupation arrêtées au 5 juillet 2023, aprés déduction du dépôt de garantie,
Condamne la société Camorlhine à payer les dépens de la procédure d'appel, dont distraction au profit de Maître Yann Gré, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société Camorlhine à payer à la société [Adresse 4] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés par cette dernière en appel,
Le greffier, La présidente,