CA Paris, Pôle 1 - ch. 2, 18 septembre 2025, n° 24/19048
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2025
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/19048 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKLNW
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 4 Octobre 2024 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 6] - RG n° 24/01123
APPELANTE
S.A.R.L. D.A.C.K. SPORT, RCS de [Localité 6] sous le n°531 631 638, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Valérie LÉGER de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1905
Ayant pour avocat plaidant Me Jérémy CATEAU, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE
S.A.S. SOCIETE EUROPEENNE DE LOCATION D'IMMEUBLES COMMERCIAUX ET INDUSTRIELS (SELICOMI), RCS de [Localité 7] sous le n°780 153 029, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Claire PERRET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0801
Ayant pour avocat plaidant Me Claire ZAFRA LARA, avocat au barreau de VALENCIENNES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2025, en audience publique, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, chargée du rapport, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 4 octobre 2023, la société Selicomi a consenti à la société Dack sport un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 8] (93), lot n°204, dans lesquels est exploité un établissement sportif.
Le 4 avril 2024 (à l'adresse du siège social) et le 9 avril 2024 (à l'adresse des locaux loués), la société Selicomi a fait délivrer à la société Dack sport un commandement de payer visant la clause résolutoire du contrat de bail pour un montant en principal de 14 527,94 euros.
Par exploit du 21 juin 2024, la société Selicomi a fait assigner la société Dack sport devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny, aux fins de voir :
Constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail ;
Ordonner l'expulsion de la société Dack sport, et la séquestration des meubles garnissant les locaux ;
Condamner la société Dack sport à lui payer à titre provisionnel :
une somme de 18.637,51 euros à valoir sur les loyers, charges, taxes et accessoires impayés, avec intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2024 ;
une indemnité d'occupation mensuelle égale au double du loyer, augmentée des charges, jusqu'à la libération effective des lieux,
Outre la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, dont le coût des deux commandements de payer.
La société Dack sport n'était pas comparante ni représentée.
Par ordonnance réputée contradictoire du 4 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a :
Constaté la résiliation du bail par l'effet d'une clause résolutoire le 10 mai 2024 ;
Ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l'expulsion de la société Dack sport ou de tous occupants de son chef hors des locaux sis [Adresse 2] à [Localité 8] (lot n°204) ;
Dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
Condamné la société Dack sport au paiement d'une indemnité d'occupation à compter de la résiliation du contrat et jusqu'à la libération effective des lieux, égale au montant du loyer, augmentée des charges et taxes afférentes qu'elle aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié ;
Condamné la société Dack sport à payer à la société Selicomi la somme provisionnelle de 18.637,51 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2024 sur 14.527,94 euros et à compter de l'assignation pour le surplus ;
Condamné la société Dack sport à supporter la charge des dépens qui comprendront notamment le coût des deux commandements de payer des 4 et 9 avril 2024 ;
Condamné la société Dack sport à payer à la société Selicomi la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
Rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.
Par déclaration du 8 novembre 2024, la société Dack sport a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 19 juin 2025, elle demande à la cour, au visa des articles L.145-41 du code de commerce et 1343-5 du code civil, de :
Réformer l'ordonnance du 4 octobre 2024 dans toutes ses dispositions,
Et,
Sur le fond et à titre principal,
Constater que le passif est soldé,
Accorder à la concluante des délais de règlements rétroactifs aux fins de régulariser les loyers et charges servant de cause au commandement de payer au visa de l'article 1343-5 du code civil,
Sur le fondement de l'article L 145-41 du code de commerce, suspendre les effets de la clause résolutoire,
Constater que la clause résolutoire n'a pas joué et que la société Selicomi n'est pas fondée à en solliciter son application,
En conséquence,
Constater que le contrat de bail commercial perdure entre les parties dans les conditions contractuelles normales,
Sur le fond et à titre subsidiaire (si le passif n'est pas entièrement soldé),
Accorder des délais de règlement rétroactifs aux fins de régulariser les loyers et charges servant de cause au commandement de payer, sur une durée de trois mois,
Sur le fondement de l'article L 145-41 du code de commerce, suspendre les effets de la clause résolutoire,
Constater que la clause résolutoire n'a pas joué et que la société Selicomi n'est pas fondée à en solliciter son application,
En conséquence,
Constater que le contrat de bail commercial perdure entre les parties dans les conditions contractuelles normales,
En tout état de cause,
Plus amplement, débouter la société Selicomi de ses autres demandes, fins et conclusions ;
Ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Dack sport soutient qu'elle a dû faire face au début de son exploitation à diverses problématiques conjoncturelles à l'origine de sa dette locative (retard dans les aménagements de ses locaux, hausse du coût de l'énergie, crise de la consommation à raison de l'inflation, ce qui a eu pour effet de limiter le nombre de ses adhérents), mais qu'elle a fait d'importants efforts de paiement et a désormais soldé le montant du commandement et repris le versement régulier de ses loyers. Considérant avoir soldé sa dette à la date de ses dernières conclusions (déposées et notifiées le 25 juin 2025 après la clôture), elle sollicite des délais de paiement rétroactifs et suspensifs des effets de la clause résolutoire qui sera réputée n'avoir pas joué. Subsidiairement, si la cour devait estimer à l'instar du bailleur que la dette n'est pas soldée, elle sollicite un délai de paiement de trois mois suspensif des effets de la clause résolutoire.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 20 juin 2025, la société Selicomi demande à la cour, au visa des articles L.145-41 du code de commerce, 9, 834, 835 du code de procédure civile, 1103, 1728, et 1343-5 du code civil, de :
A titre liminaire, déclarer irrecevables les conclusions notifiées par l'appelante le 19 juin 2025 et de rejeter la pièce n°6 annexée ;
confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Bobigny le 4 octobre 2024 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la société Dack sport au paiement d'une indemnité d'occupation à compter de la résiliation du contrat et jusqu'à la libération effective des lieux, égale au montant du loyer, augmentée des charges et taxes afférentes qu'elle aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié, et rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
En conséquence,
Débouter la société Dack sport de l'intégralité de ses demandes ;
Subsidiairement, dans l'hypothèse de l'octroi de délais de paiement, juger que la société Dack sport, outre le règlement de l'impayé, devra payer à son échéance le loyer courant et l'ensemble des accessoires de loyer incluant les charges, à peine de déchéance du terme et reprise de la procédure d'expulsion ;
Infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Bobigny le 4 octobre 2024 uniquement en ce qu'elle a condamné la société Dack sport au paiement d'une indemnité d'occupation à compter de la résiliation du contrat et jusqu'à la libération effective des lieux, égale au montant du loyer, augmentée des charges et taxes afférentes qu'elle aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié, et rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
Statuant à nouveau,
Fixer l'indemnité d'occupation provisionnelle due à compter du 10 mai 2024 au double du loyer en vigueur augmenté des charges, soit la somme mensuelle de 7.770,77 euros ;
Condamner la société Dack sport au paiement à la société Selicomi d'une indemnité d'occupation mensuelle provisionnelle à compter du 10 mai 2024 d'un montant de 7.770,77 euros et jusqu'à la parfaite libération des lieux ;
Y ajoutant et en tout état de cause,
Débouter la société Dack sport de l'intégralité de ses demandes ;
Condamner la société Dack sport au paiement à la société Selicomi de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Dack sport aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle soulève l'irrecevabilité des dernières conclusions de l'appelante en ce qu'elles sont postérieures à la clôture et n'ont pas été précédées d'une demande de révocation de la clôture. En tout état de cause elle conteste la régularisation de la dette locative, se prévalant d'un décompte arrêté au 17 juin 2025 faisant ressortir un solde débiteur de 7.258,09 euros. Elle indique que depuis l'origine du bail le preneur n'a jamais été à jour de ses loyers, que systématiquement les prélèvements sont rejetés et surtout le montant viré à des dates qui ne sont pas celles contractuellement convenues sont inférieurs aux montants appelés, qu'à la date du 17 juin 2025 la société Dack sport reste encore débitrice d'une somme de 7.258,09 euros. Elle ajoute que l'appelante ne justifie pas des difficultés financières qu'elle allègue, qu'elle n'est manifestement pas de bonne foi et en outre son activité cause des nuisances sonores au voisinage. L'intimée s'oppose dans ces conditions aux délais de paiement sollicités.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 juin 2025.
SUR CE, MOTIFS
Sur la recevabilité des dernières conclusions de l'appelante
Selon l'article 914-3 du code de procédure civile, « Après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture. (') ».
Au cas présent, sans avoir sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture, prononcée le 3 juin 2025, l'appelante a déposé et notifié des conclusions le 19 juin 2025 ainsi qu'une pièce n° 6 ayant pour finalité d'actualiser à la date du 9 juin 2025 les règlements dont elle se prévaut au soutien de sa demande de délais de paiement suspensifs des effets de la clause résolutoire.
Il s'agit de conclusions relatives aux loyers entrant dans le champ de l'article susvisé.
L'intimée y a répondu par conclusions du 20 juin 2025, dans lesquelles elle actualise elle-même la dette locative, produisant un décompte arrêté à la date du 17 juin 2025 (sa pièce n° 12).
Il en résulte que les dernières conclusions litigieuses de l'appelante ont été soumises à la contradiction de l'intimée, et qu'au moyen de ce dernier échange entre les parties la cour est mise en mesure d'actualiser le montant de la provision sollicitée par le bailleur au titre de la dette locative et d'apprécier en toute connaissance de cause la demande de délais de paiement formée par le preneur.
Il y a donc lieu, par application du texte précité, de recevoir aux débats les conclusions des parties des 19 et 20 juin 2025 ainsi que les pièces n°6 (de l'appelante) et 12 (de l'intimée).
Sur le fond du référé
Il doit être relevé à titre liminaire que la société locataire ne conteste pas que sa dette locative n'a pas été apurée dans le délai d'un mois suivant la délivrance (les 4 et 9 avril 2024) du commandement de payer visant la clause résolutoire du bail. Elle argue du règlement de sa dette après l'expiration de ce délai.
Selon les dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, allouer une provision au créancier.
L'article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Aux termes des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Il résulte du décompte de la dette locative actualisée au 17 juin 2025, produit par la société bailleresse, que la société Dack sport est encore débitrice d'une somme de 7.258,09 euros arrêtée au 10 juin 2025.
Le montant des virements dont se prévaut l'appelante sont tous enregistrés dans ce décompte, à l'exception de celui du 13 décembre 2024, d'un montant de 5.000 euros.
Cependant, la débitrice, à qui il revient de prouver qu'elle s'est libérée de sa dette, ne produit que des avis de virements, lesquels ne suffisent pas à démontrer que l'ordre de virement litigieux a reçu une exécution effective. Elle ne fournit aucun relevé de compte permettant d'en attester.
Il doit dès lors être considéré que ce virement ne s'est pas traduit par un paiement et que la société Dack sport, qui n'émet pas d'autres contestations sur le décompte actualisé, reste bien débitrice d'une somme de 7.258,09 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 10 juin 2025.
L'appelante n'a donc pas soldé sa dette comme elle le soutient, et si cette dette a substantiellement diminué depuis le jugement de première instance, la lecture du décompte actualisé fait ressortir que les prélèvements automatiques opérés par la bailleresse, pour le règlement du terme courant, font l'objet d'impayés.
En outre, la société Dack sport ne précise pas quelle est sa situation financière et elle ne produit aucune pièce comptable. Aussi, elle n'établit pas ses capacités de paiement.
Il ne peut dans ces conditions être fait droit à sa demande de délais de paiement suspensifs des effets de la clause résolutoire.
L'ordonnance entreprise, qui a fait une exacte appréciation des faits et des règles de droit applicables, sera confirmée en toutes ses dispositions ' sauf pour la cour à actualiser le montant de la provision' y compris en ce qu'elle a rejeté la demande de la bailleresse en paiement d'une indemnité d'occupation égale au double du montant du loyer conformément aux dispositions contractuelles, le premier juge ayant à bon droit retenu que ces dispositions s'analysent en une clause pénale dont le montant est susceptible d'être réduit par le juge du fond au regard de l'avantage excessif qu'il apparaît conférer au bailleur.
Le premier juge a également fait une juste appréciation de la charge des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante, la société appelante sera condamnée aux dépens de la présente instance.
L'équité et la situation économique des parties commandent de laisser à chacune la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Reçoit aux débats les conclusions de l'appelante du 19 juin 2025, celles de l'intimée du 20 juin 2025, la pièce n°6 de l'appelante et la pièce n°12 de l'intimée,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf à actualiser le montant de la provision due à l'intimée au titre de la dette locative,
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société Dack sport à payer à la société Selicomi la somme provisionnelle de 7.258,09 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 10 juin 2025, les intérêts au taux légal courant comme il est précisé par le premier juge,
Y ajoutant,
Déboute la société Dack sport de sa demande de délais de paiement suspensifs des effets de la clause résolutoire,
Condamne la société Dack sport aux dépens de la présente instance,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles exposés en appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2025
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/19048 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKLNW
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 4 Octobre 2024 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 6] - RG n° 24/01123
APPELANTE
S.A.R.L. D.A.C.K. SPORT, RCS de [Localité 6] sous le n°531 631 638, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Valérie LÉGER de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1905
Ayant pour avocat plaidant Me Jérémy CATEAU, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE
S.A.S. SOCIETE EUROPEENNE DE LOCATION D'IMMEUBLES COMMERCIAUX ET INDUSTRIELS (SELICOMI), RCS de [Localité 7] sous le n°780 153 029, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Claire PERRET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0801
Ayant pour avocat plaidant Me Claire ZAFRA LARA, avocat au barreau de VALENCIENNES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2025, en audience publique, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, chargée du rapport, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 4 octobre 2023, la société Selicomi a consenti à la société Dack sport un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 8] (93), lot n°204, dans lesquels est exploité un établissement sportif.
Le 4 avril 2024 (à l'adresse du siège social) et le 9 avril 2024 (à l'adresse des locaux loués), la société Selicomi a fait délivrer à la société Dack sport un commandement de payer visant la clause résolutoire du contrat de bail pour un montant en principal de 14 527,94 euros.
Par exploit du 21 juin 2024, la société Selicomi a fait assigner la société Dack sport devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny, aux fins de voir :
Constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail ;
Ordonner l'expulsion de la société Dack sport, et la séquestration des meubles garnissant les locaux ;
Condamner la société Dack sport à lui payer à titre provisionnel :
une somme de 18.637,51 euros à valoir sur les loyers, charges, taxes et accessoires impayés, avec intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2024 ;
une indemnité d'occupation mensuelle égale au double du loyer, augmentée des charges, jusqu'à la libération effective des lieux,
Outre la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, dont le coût des deux commandements de payer.
La société Dack sport n'était pas comparante ni représentée.
Par ordonnance réputée contradictoire du 4 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a :
Constaté la résiliation du bail par l'effet d'une clause résolutoire le 10 mai 2024 ;
Ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l'expulsion de la société Dack sport ou de tous occupants de son chef hors des locaux sis [Adresse 2] à [Localité 8] (lot n°204) ;
Dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
Condamné la société Dack sport au paiement d'une indemnité d'occupation à compter de la résiliation du contrat et jusqu'à la libération effective des lieux, égale au montant du loyer, augmentée des charges et taxes afférentes qu'elle aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié ;
Condamné la société Dack sport à payer à la société Selicomi la somme provisionnelle de 18.637,51 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2024 sur 14.527,94 euros et à compter de l'assignation pour le surplus ;
Condamné la société Dack sport à supporter la charge des dépens qui comprendront notamment le coût des deux commandements de payer des 4 et 9 avril 2024 ;
Condamné la société Dack sport à payer à la société Selicomi la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
Rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.
Par déclaration du 8 novembre 2024, la société Dack sport a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 19 juin 2025, elle demande à la cour, au visa des articles L.145-41 du code de commerce et 1343-5 du code civil, de :
Réformer l'ordonnance du 4 octobre 2024 dans toutes ses dispositions,
Et,
Sur le fond et à titre principal,
Constater que le passif est soldé,
Accorder à la concluante des délais de règlements rétroactifs aux fins de régulariser les loyers et charges servant de cause au commandement de payer au visa de l'article 1343-5 du code civil,
Sur le fondement de l'article L 145-41 du code de commerce, suspendre les effets de la clause résolutoire,
Constater que la clause résolutoire n'a pas joué et que la société Selicomi n'est pas fondée à en solliciter son application,
En conséquence,
Constater que le contrat de bail commercial perdure entre les parties dans les conditions contractuelles normales,
Sur le fond et à titre subsidiaire (si le passif n'est pas entièrement soldé),
Accorder des délais de règlement rétroactifs aux fins de régulariser les loyers et charges servant de cause au commandement de payer, sur une durée de trois mois,
Sur le fondement de l'article L 145-41 du code de commerce, suspendre les effets de la clause résolutoire,
Constater que la clause résolutoire n'a pas joué et que la société Selicomi n'est pas fondée à en solliciter son application,
En conséquence,
Constater que le contrat de bail commercial perdure entre les parties dans les conditions contractuelles normales,
En tout état de cause,
Plus amplement, débouter la société Selicomi de ses autres demandes, fins et conclusions ;
Ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Dack sport soutient qu'elle a dû faire face au début de son exploitation à diverses problématiques conjoncturelles à l'origine de sa dette locative (retard dans les aménagements de ses locaux, hausse du coût de l'énergie, crise de la consommation à raison de l'inflation, ce qui a eu pour effet de limiter le nombre de ses adhérents), mais qu'elle a fait d'importants efforts de paiement et a désormais soldé le montant du commandement et repris le versement régulier de ses loyers. Considérant avoir soldé sa dette à la date de ses dernières conclusions (déposées et notifiées le 25 juin 2025 après la clôture), elle sollicite des délais de paiement rétroactifs et suspensifs des effets de la clause résolutoire qui sera réputée n'avoir pas joué. Subsidiairement, si la cour devait estimer à l'instar du bailleur que la dette n'est pas soldée, elle sollicite un délai de paiement de trois mois suspensif des effets de la clause résolutoire.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 20 juin 2025, la société Selicomi demande à la cour, au visa des articles L.145-41 du code de commerce, 9, 834, 835 du code de procédure civile, 1103, 1728, et 1343-5 du code civil, de :
A titre liminaire, déclarer irrecevables les conclusions notifiées par l'appelante le 19 juin 2025 et de rejeter la pièce n°6 annexée ;
confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Bobigny le 4 octobre 2024 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la société Dack sport au paiement d'une indemnité d'occupation à compter de la résiliation du contrat et jusqu'à la libération effective des lieux, égale au montant du loyer, augmentée des charges et taxes afférentes qu'elle aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié, et rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
En conséquence,
Débouter la société Dack sport de l'intégralité de ses demandes ;
Subsidiairement, dans l'hypothèse de l'octroi de délais de paiement, juger que la société Dack sport, outre le règlement de l'impayé, devra payer à son échéance le loyer courant et l'ensemble des accessoires de loyer incluant les charges, à peine de déchéance du terme et reprise de la procédure d'expulsion ;
Infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Bobigny le 4 octobre 2024 uniquement en ce qu'elle a condamné la société Dack sport au paiement d'une indemnité d'occupation à compter de la résiliation du contrat et jusqu'à la libération effective des lieux, égale au montant du loyer, augmentée des charges et taxes afférentes qu'elle aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié, et rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
Statuant à nouveau,
Fixer l'indemnité d'occupation provisionnelle due à compter du 10 mai 2024 au double du loyer en vigueur augmenté des charges, soit la somme mensuelle de 7.770,77 euros ;
Condamner la société Dack sport au paiement à la société Selicomi d'une indemnité d'occupation mensuelle provisionnelle à compter du 10 mai 2024 d'un montant de 7.770,77 euros et jusqu'à la parfaite libération des lieux ;
Y ajoutant et en tout état de cause,
Débouter la société Dack sport de l'intégralité de ses demandes ;
Condamner la société Dack sport au paiement à la société Selicomi de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Dack sport aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle soulève l'irrecevabilité des dernières conclusions de l'appelante en ce qu'elles sont postérieures à la clôture et n'ont pas été précédées d'une demande de révocation de la clôture. En tout état de cause elle conteste la régularisation de la dette locative, se prévalant d'un décompte arrêté au 17 juin 2025 faisant ressortir un solde débiteur de 7.258,09 euros. Elle indique que depuis l'origine du bail le preneur n'a jamais été à jour de ses loyers, que systématiquement les prélèvements sont rejetés et surtout le montant viré à des dates qui ne sont pas celles contractuellement convenues sont inférieurs aux montants appelés, qu'à la date du 17 juin 2025 la société Dack sport reste encore débitrice d'une somme de 7.258,09 euros. Elle ajoute que l'appelante ne justifie pas des difficultés financières qu'elle allègue, qu'elle n'est manifestement pas de bonne foi et en outre son activité cause des nuisances sonores au voisinage. L'intimée s'oppose dans ces conditions aux délais de paiement sollicités.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 juin 2025.
SUR CE, MOTIFS
Sur la recevabilité des dernières conclusions de l'appelante
Selon l'article 914-3 du code de procédure civile, « Après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture. (') ».
Au cas présent, sans avoir sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture, prononcée le 3 juin 2025, l'appelante a déposé et notifié des conclusions le 19 juin 2025 ainsi qu'une pièce n° 6 ayant pour finalité d'actualiser à la date du 9 juin 2025 les règlements dont elle se prévaut au soutien de sa demande de délais de paiement suspensifs des effets de la clause résolutoire.
Il s'agit de conclusions relatives aux loyers entrant dans le champ de l'article susvisé.
L'intimée y a répondu par conclusions du 20 juin 2025, dans lesquelles elle actualise elle-même la dette locative, produisant un décompte arrêté à la date du 17 juin 2025 (sa pièce n° 12).
Il en résulte que les dernières conclusions litigieuses de l'appelante ont été soumises à la contradiction de l'intimée, et qu'au moyen de ce dernier échange entre les parties la cour est mise en mesure d'actualiser le montant de la provision sollicitée par le bailleur au titre de la dette locative et d'apprécier en toute connaissance de cause la demande de délais de paiement formée par le preneur.
Il y a donc lieu, par application du texte précité, de recevoir aux débats les conclusions des parties des 19 et 20 juin 2025 ainsi que les pièces n°6 (de l'appelante) et 12 (de l'intimée).
Sur le fond du référé
Il doit être relevé à titre liminaire que la société locataire ne conteste pas que sa dette locative n'a pas été apurée dans le délai d'un mois suivant la délivrance (les 4 et 9 avril 2024) du commandement de payer visant la clause résolutoire du bail. Elle argue du règlement de sa dette après l'expiration de ce délai.
Selon les dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, allouer une provision au créancier.
L'article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Aux termes des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Il résulte du décompte de la dette locative actualisée au 17 juin 2025, produit par la société bailleresse, que la société Dack sport est encore débitrice d'une somme de 7.258,09 euros arrêtée au 10 juin 2025.
Le montant des virements dont se prévaut l'appelante sont tous enregistrés dans ce décompte, à l'exception de celui du 13 décembre 2024, d'un montant de 5.000 euros.
Cependant, la débitrice, à qui il revient de prouver qu'elle s'est libérée de sa dette, ne produit que des avis de virements, lesquels ne suffisent pas à démontrer que l'ordre de virement litigieux a reçu une exécution effective. Elle ne fournit aucun relevé de compte permettant d'en attester.
Il doit dès lors être considéré que ce virement ne s'est pas traduit par un paiement et que la société Dack sport, qui n'émet pas d'autres contestations sur le décompte actualisé, reste bien débitrice d'une somme de 7.258,09 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 10 juin 2025.
L'appelante n'a donc pas soldé sa dette comme elle le soutient, et si cette dette a substantiellement diminué depuis le jugement de première instance, la lecture du décompte actualisé fait ressortir que les prélèvements automatiques opérés par la bailleresse, pour le règlement du terme courant, font l'objet d'impayés.
En outre, la société Dack sport ne précise pas quelle est sa situation financière et elle ne produit aucune pièce comptable. Aussi, elle n'établit pas ses capacités de paiement.
Il ne peut dans ces conditions être fait droit à sa demande de délais de paiement suspensifs des effets de la clause résolutoire.
L'ordonnance entreprise, qui a fait une exacte appréciation des faits et des règles de droit applicables, sera confirmée en toutes ses dispositions ' sauf pour la cour à actualiser le montant de la provision' y compris en ce qu'elle a rejeté la demande de la bailleresse en paiement d'une indemnité d'occupation égale au double du montant du loyer conformément aux dispositions contractuelles, le premier juge ayant à bon droit retenu que ces dispositions s'analysent en une clause pénale dont le montant est susceptible d'être réduit par le juge du fond au regard de l'avantage excessif qu'il apparaît conférer au bailleur.
Le premier juge a également fait une juste appréciation de la charge des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante, la société appelante sera condamnée aux dépens de la présente instance.
L'équité et la situation économique des parties commandent de laisser à chacune la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Reçoit aux débats les conclusions de l'appelante du 19 juin 2025, celles de l'intimée du 20 juin 2025, la pièce n°6 de l'appelante et la pièce n°12 de l'intimée,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf à actualiser le montant de la provision due à l'intimée au titre de la dette locative,
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société Dack sport à payer à la société Selicomi la somme provisionnelle de 7.258,09 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 10 juin 2025, les intérêts au taux légal courant comme il est précisé par le premier juge,
Y ajoutant,
Déboute la société Dack sport de sa demande de délais de paiement suspensifs des effets de la clause résolutoire,
Condamne la société Dack sport aux dépens de la présente instance,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles exposés en appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE