CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 18 septembre 2025, n° 22/14014
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2025
(n° 149/2025, 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 22/14014 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHPD
Décision déférée à la Cour : jugement du 22 juin 2022 du Tribunal judiciaire de BOBIGNY (chambre 5/section 3)- RG n° 22/00701
APPELANTE
S.A.R.L. B & M
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 8] sous le n° 752 923 961
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de Paris, toque : D2090
Assistée de Me Joseph SUISSA, avocat au barreau de Paris, toque : C1795
INTIMÉES
E.P.I.C. [Localité 9] HABITAT - Office Public De l'Habitat d'Est Ensemble
Immatriculé au R.C.S. de [Localité 8] sous le numéro 279 300 032,
Pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de Paris, toque : L0046
S.C.P. SCP D'ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES [T] [Y], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société B & M
Prise en la personne de Maitre [T] [Y]
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 8] sous le n° 347 464 752
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-Noël COURAUD de la SELAS DÉNOVO, avocat au barreau de Paris, toque : K0178
Assitée de Me Véronique ALBRECHT de la SELAS DÉNOVO, avocat au barreau de Paris, toque : K0178
INTERVENANTE VOLONTAIRE ET COMME TEL INTIME
Etablissement public à caractère commercial EST ENSEMBLE HABITAT
Venant aux droits de [Localité 9] HABITAT, Office Public de l'Habitat d'Est Ensemble, à la suite de la fusion absorption survenue le 1er janvier 2023 de [Localité 9] Habitat par l'Office Public de l'Habitat Est Ensemble Habitat
Immatriculé au RCS de [Localité 8], sous le n° 488 777 160
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de Paris, toque : L0046
Assistée de Me Célia MARQUE VIEIRA, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 mai 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Stéphanie Dupont, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
- Mme Stéphanie Dupont, conseillère
- Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
- contradictoire ;
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la signature.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 8 août 2012, l'établissement public à caractère industriel et commercial [Localité 9] Habitat (ci-après l'EPIC [Localité 9] Habitat), aux droits duquel vient désormais l'établissement public à caractère industriel et commercial Est Ensemble Habitat (ci-après l'EPIC Est Ensemble Habitat), a donné à bail commercial à la société B&M, pour y exercer l'activité de 'restauration traditionnelle', des locaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 10], pour une durée de 9 ans à compter du 1er août 2012, moyennant un loyer mensuel hors taxes variable, d'un montant de 1681,40 euros la première année.
Par acte sous seing privé du 18 septembre 2015, l'EPIC [Localité 9] Habitat a également mis à disposition de la société B&M, à titre précaire, un terrain destiné à constituer une aire de stationnement pour la clientèle de cette dernière.
Par jugement du 1er juin 2017, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société B&M.
Par arrêt du 28 novembre 2017, la cour d'appel de Paris, infirmant le tribunal de commerce de Bobigny, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société B&M.
Par jugement du 23 mai 2019, le tribunal de commerce de Bobigny a arrêté un plan de redressement de la société B&M et désigné la SCP [T] [Y] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par acte extrajudiciaire du 21 octobre 2019, l'EPIC Bondy Habitat a fait signifier à la société B&M ainsi qu'à la SCP [Y] ès qualité un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à payer la somme de 17.044,09 euros au titre des loyers et charges impayés.
Par jugement du 29 avril 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la résolution du plan de redressement de la société B&M et ordonné la liquidation judiciaire de cette dernière.
Par arrêt du 24 septembre 2020, la cour d'appel de Paris, infirmant le jugement du tribunal de commerce de Bobigny, a dit n'y avoir lieu à résolution du plan et à ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
Par ordonnance du 15 janvier 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a notamment :
constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant l'EPIC [Localité 9] Habitat à la société B&M à la date du 21 novembre 2019 à 24h00,
accordé rétroactivement des délais de paiement à la société B&M jusqu'au 6 février 2020, et suspendu les effets de la clause résolutoire pendant ces délais,
constaté le respect, par la société B&M, des délais rétroactifs de paiement accordés,
dit que la clause résolutoire n'a pas produit ses effets,
condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 15.776,69 euros au titre des loyers et charges impayés au 2 décembre 2020 ;
accordé à la société B&M des délais de paiement, et dit qu'elle devra se libérer de la provision ci-dessus allouée en 12 acomptes mensuels d'égal montant de 1.250 euros, sauf la dernière mensualité qui sera majorée du solde ;
dit que ces acomptes mensuels seront à verser en plus des loyers et charges courants, payés aux termes prévus par le contrat de bail ;
dit que le paiement du premier de ces acomptes devra intervenir avant le 5 du mois suivant celui de la signification de l'ordonnance et les suivants avant le 5 de chacun des mois suivants ;
dit qu'à défaut de règlement d'un seul acompte ou d'un seul des loyers courants à leur échéance, l'intégralité de la dette sera immédiatement exigible et les poursuites pour son recouvrement pourront reprendre aussitôt,
dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société B&M aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 21 octobre 2019.
Par acte du 10 janvier 2022, l'EPIC [Localité 9] Habitat a fait assigner la société B&M et la SCP [T] [Y], ès-qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société B&M, devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de voir prononcer la résiliation du bail et condamner la société B&M au paiement des loyers arriérés et charges.
Par jugement du 22 juin 2022, rendu en l'absence de comparution des défendeurs, le tribunal judiciaire de Bobigny a :
prononcé la résiliation judiciaire, à compter du présent jugement, du bail commercial conclu le 8 août 2012 entre l'EPIC [Localité 9] Habitat et la société B&M portant sur des locaux au sein de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 9] (93),
ordonné en conséquence à la société B&M de libérer lesdits locaux,
dit qu'à défaut de départ volontaire, la société B&M pourra être expulsée à la requête de l'EPIC [Localité 9] Habitat, ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier,
dit que les meubles et objets mobiliers de la société B&M trouvés dans les lieux lors de l'expulsion pourront être déposés par l'EPIC [Localité 9] Habitat dans tout garde-meuble de son choix, au frais et risques de la société B&M,
condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer au jour du présent jugement, à savoir la somme de 2.242,50 €, outre toutes les taxes et charges exigibles en vertu du bail résilié, à compter du présent jugement et jusqu'à la libération effective des lieux avec remise des clefs et remise à disposition des locaux,
débouté l'EPIC [Localité 9] Habitat de sa demande d'astreinte,
condamné la B&M à payer la somme de 15.160,09 € à titre d'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021, outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
débouté l'EPIC [Localité 9] Habitat de sa demande de voir juger que le dépôt de garantie restera acquis au bailleur ;
condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1.500 € à titre de de dommages et intérêts,
condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
débouté l'EPIC [Localité 9] Habitat du surplus de ses demandes,
condamné la société B&M aux dépens de l'instance, en ce compris le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 21 octobre 2019,
rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit en toutes ses dispositions.
Par déclaration du 22 juillet 2022, la société B&M a interjeté appel du jugement.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 avril 2025.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 17 avril 2023, la société B&M demande à la cour de :
confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 22 juin 2022 en ce qu'il a énoncé :
déboute l'EPIC [Localité 9] HABITAT de sa demande d'astreinte ;
déboute l'EPIC [Localité 9] HABITAT de sa demande de voir juger que le dépôt de garantie restera acquis au bailleur ;
déboute l'EPIC [Localité 9] HABITAT de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice d'image dont il ne démontre pas la réalité ;
déboute l'EPIC [Localité 9] HABITAT de sa demande du surplus de ses demandes ;
infirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Bobigny le 22 juin 2022 en ce qu'il a énoncé :
prononce la résiliation judiciaire, à compter du présent jugement, du bail commercial conclu le 8 août 2012 entre l'EPIC [Localité 9] Habitat et la société B&M portant sur des locaux au sein de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 9] (93),
ordonne en conséquence à la société B&M de libérer lesdits locaux,
dit qu'à défaut de départ volontaire, la société B&M pourra être expulsée à la requête de l'EPIC [Localité 9] Habitat, ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier,
dit que les meubles et objets mobiliers de la société B&M trouvés dans les lieux lors de l'expulsion pourront être déposés par l'EPIC [Localité 9] Habitat dans tout garde-meuble de son choix, au frais et risques de la société B&M,
condamne la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer au jour du présent jugement, à savoir la somme de 2.242,50 €, outre toutes les taxes et charges exigibles en vertu du bail résilié, à compter du présent jugement et jusqu'à la libération effective des lieux avec remise des clefs et remise à disposition des locaux,
condamne la B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 15.160,09 € à titre d'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021, outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
condamne la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts,
condamne la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamne la société B&M aux dépens de l'instance, en ce compris le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 21 octobre 2019,
rappelle que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit en toutes ses dispositions ;
Réformant et statuant de nouveau,
débouter l'office public de l'habitat Est Ensemble Habitat venant aux droits l'EPIC [Localité 9] Habitat de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
juger que la somme de 15.160,09 euros a été réglée par la Société B&M à l'EPIC [Localité 9] Habitat aux droits duquel vient l'office public de l'habitat Est Ensemble Habitat ;
En tout état de cause,
condamner l'office public de l'habitat Est Ensemble Habitat venant aux droits de l'EPIC [Localité 9] Habitat à payer à la société B&M la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner l'office public de l'habitat Est Ensemble Habitat venant aux droits de l'EPIC [Localité 9] Habitat aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société B&M fait valoir :
Sur la résiliation judiciaire du bail commercial et le paiement de l'arriéré locatif,
- que le 13 janvier 2022, elle avait réglé la somme de 10.477,50 euros à l'EPIC [Localité 9] Habitat, de sorte que sa dette n'était que de 4.682,59 euros au moment où le premier juge a statué, ce montant ayant été soldé en juillet 2022, après le jugement mais avant la signification du jugement querellé ;
- que l'arriéré de loyers ayant été apuré, la cour infirmera le jugement de première instance sur le fondement de l'article L.145-41 alinéa 2 du code de commerce qui dispose que 'la clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge' ;
- que les moyens de l'EPIC Est Ensemble Habitat relatifs à la gaine d'extraction sont sans objet dans la mesure où le commandement de payer sur lequel repose l'assignation ne vise pas ce prétendu manquement de la locataire à ses obligations contractuelles ; qu'ils devront en outre être écartés au motif qu'une procédure est actuellement en cours devant le tribunal judiciaire de Bobigny au sujet de cette gaine ;
Sur la demande de dommages et intérêts,
- que l'EPIC [Localité 9] Habitat ne démontre pas « la réalité d'un préjudice d'image ou de tracasseries » ;
- que le retard de paiement, limité à la somme de 4.682,59 euros, ne saurait affecter la trésorerie d'un établissement public gérant plus de 5.323 logements, une centaine de locaux commerciaux et employant 108 salariés ; qu'aucun préjudice financier n'est établi.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 2 février 2023, la SCP d'administrateurs judiciaires [T] [Y] demande à la cour de :
la déclarer, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société B & M, recevable et fondée en ses demandes.
En conséquence,
infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny en date du 22 juin 2022 en ce qu'il a :
prononcé la résiliation judiciaire, à compter du jugement, du bail commercial conclu le 8 août 2012 entre l'EPIC [Localité 9] Habitat et la société B &M portant sur des locaux au sein de l'ensemble situé [Adresse 1] à [Localité 9] (93) ;
ordonné en conséquence à la société B & M de libérer lesdits locaux ;
dit qu'à défaut de départ volontaire, la société B & M pourra être expulsée à la requête de l'EPIC [Localité 9] Habitat ;
condamné la société B & M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat une indemnité mensuelle d'occupation égale à un montant du loyer au jour du jugement, à savoir la somme de 2 240,50 euros au titre des taxes et charges exigibles en vertu du bail jusqu'à la libération effective des lieux ;
condamné la société B & M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 15 160,09 euros à titre de l'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021, outre intérêts;
condamné la société B & M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 1 200 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
confirmer le jugement rendu par le tribunal Judiciaire de Bobigny en date du 22 juin 2022 en ce qu'il a :
débouté l'EPIC [Localité 9] Habitat de sa demande d'astreinte ;
débouté l'EPIC [Localité 9] Habitat de sa demande de voir juger que le dépôt de garantie restera acquis au bailleur ;
débouté l'EPIC [Localité 9] Habitat de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice d'image, ainsi que du surplus de ses demandes ;
Statuant à nouveau,
débouter l'EPIC [Localité 9] Habitat office public de l'habitat d'Est Ensemble de l'intégralité de ses demandes ;
débouter l'EPIC [Localité 9] Habitat office public de l'habitat d'Est Ensemble à payer à la SCP [T] [Y] ès qualité la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
le condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Jean Noël Couraud, Selas Denovo, avocat aux offres de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La SCP d'administrateurs judiciaires [T] [Y] fait valoir :
Sur la demande de résiliation judiciaire,
- que la société B&M a réglé l'intégralité de l'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021, 10.470,50 euros 3 jours après la délivrance de l'assignation et le solde après le jugement dont appel ;
Sur les autres demandes formées par l'EPIC [Localité 9] Habitat,
- que l'EPIC [Localité 9] Habitat ne justifie ni d'un préjudice d'image ni d'un préjudice financier.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiés le 27 avril 2023, l'EPIC Est Ensemble Habitat demande à la cour de :
recevoir l'EPIC Est Ensemble Habitat, venant aux droits de [Localité 9] Habitat office Public de l'Habitat Est Eensemble, en son intervention volontaire ;
débouter la société B&M de l'intégralité de ses demandes fin et conclusions ;
débouter la SCP d'Administrateurs Judiciaire [T] [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
confirmer le jugement du tribunal Judiciaire de Bobigny 22 juin 2022 en ce qu'il a :
prononcé la résiliation judiciaire, à compter du jugement, du bail commercial conclu le 8 août 2012 entre l'EPIC [Localité 9] Habitat et la société B&M portant sur les locaux au sein de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 9] (93) ;
ordonné en conséquence à la société B&M de libérer lesdits locaux ;
dit qu'à défaut de départ volontaire, la société B&M pourrait être expulsée à la requête de l'EPIC [Localité 9] Habitat, ainsi que de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;
dit que les meubles et objets mobiliers de la société B&M trouvés dans les lieux lors de l'expulsion pourront être déposés par l'EPIC [Localité 9] Habitat dans tout garde-meuble de son choix, aux frais et risques de la société B&M ;
condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer au jour du présent jugement, à savoir la somme de 2.242,50 € outre toutes les taxes et charges exigibles en vertu du bail résilié, à compter du jugement et jusqu'à la libération effective des lieux avec remise des clés et remise à disposition des locaux ;
condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 15.160,09 € à titre d'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement ;
condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société B&M aux dépens de l'instance devant le tribunal Judiciaire de Bobigny en ce compris le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 21 octobre 2019 ;
rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit en toutes ses dispositions ;
recevoir Est Ensemble Habitat en son appel incident ;
reformer le jugement du tribunal Judiciaire de Bobigny du 22 juin 2022 en ce qu'il a débouté l'EPIC [Localité 9] Habitat de ses demandes au titre des dommages et intérêts pour préjudice résultant des troubles de voisinage et préjudice d'image également du quantum des dommages et intérêts alloués au titre du préjudice financier résultant du retard pris dans le montant des loyers ;
Et statuant à nouveau :
condamner la société B&M à payer à l'EPIC Est Ensemble Habitat :
la somme de 5.000 € au titre de dommages-intérêts pour préjudice résultant du retard pris dans le règlement des loyers ;
la somme de 15.000 € au titre de dommages-intérêts pour préjudice résultant des troubles de voisinage ;
la somme de 10.000 € au titre de préjudice d'image ;
En tout état de cause :
condamner la société B&M à payer à l'EPIC Est Ensemble Habitat la somme de 5.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société B&M aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'EPIC Est Ensemble Habitat fait valoir :
Sur la résiliation judiciaire du bail, sur le fondement de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et de l'article 1728 du code civil,
- qu à la date du jugement querellé, la société B&M n'avait pas respecté l'échéancier accordé par l'ordonnance du 15 janvier 2021 signifiée le 10 juin 2021, n'avait pas procédé au règlement des loyers des mois d'avril 2021, juin 2021 et août 2021, avait payé avec retard les loyers d'avril 2022 à juin 2022 et n'avait pas réglé les échéances de son plan de redressement ; qu'au 30 juin 2022, la dette de la société B&M était encore de 13.651,79 euros ;
- que la société B&M n'a pas réglé son loyer du mois d'octobre 2022 ;
- qu'en outre la société B&M a violé l'article 6 d) du bail qui stipule que 'le preneur devra se conformer à la réglementation en vigueur et ne rien faire qui puisse troubler la tranquillité ou apporter un trouble de jouissance aux autres occupants, ni par lui, ni par son personnel' ; que l'EPIC [Localité 9] Habitat a été alerté par la société BBC, locataire du local voisin de celui loué à la société B&M, que la société B&M avait sectionné la gaine d'extraction du local occupé par la société BBC ;
- que l'EPIC [Localité 9] Habitat a également été destinataire d'une pétition des voisins de la société B&M qui fait état de troubles de voisinage ;
- que la société B&M viole l'article 6h) du bail qui stipule que 'le preneur devra également tenir constamment ouvert et exploité le local commercial aux fermetures d'usage ou réglementaire' en exploitant les locaux, depuis le mois de juin 2021, uniquement sur privatisation, ce qui, au surplus, ne respecte pas la clause contractuelle de destination des lieux ;
Sur ses préjudices,
- qu'elle subit un préjudice financier à raison du retard dans le règlement des loyers ;
- qu'elle subit un préjudice au titre des troubles de voisinage ;
- qu'elle subit un préjudice d'image pour avoir été attrait par la société BBC dans une procédure judiciaire.
SUR CE,
Sur la résiliation du bail
A titre liminaire, il est observé qu'à hauteur d'appel comme en première instance, le bailleur demande le prononcé de la résiliation judiciaire du bail et non le constat de l'acquisition de la clause résolutoire du bail.
L'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'espèce s'agissant d'un contrat de bail antérieur au 1er octobre 2016, dispose :
' La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelles l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.'
Il en résulte que les parties peuvent demander la résolution du contrat au juge qui apprécie alors si l'inexécution du contrat est suffisamment grave pour prononcer la résolution sollicitée.
En vertu de l'article 1728 du code civil, le preneur à l'obligation d'user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail.
Par ailleurs, le bail stipule en son article 6 d) que 'le preneur devra se conformer à la réglementation en vigueur et ne rien faire qui puisse troubler la tranquillité ou apporter un trouble de jouissance aux autres occupants, ni par lui, ni par son personnel.'
En l'espèce, il est acquis que la société B&M a sectionné une gaine qui passait dans son local, en provenance du local voisin loué à la société BB&C, et qui servait à l'extraction des fumées dudit local voisin, étant précisé que la société BB&C avait loué les lieux pour y exercer l'activité de 'sandwicherie, traiteur, rôtisserie, vente sur place, à emporter et service livraison'.
Selon la société BB&C, la gaine a été sectionnée en juillet 2020.
Par acte du 15 juin 2021, l'EPIC [Localité 9] Habitat a fait sommation à la société B&M 'de rétablir la gaine d'extraction en provenance du local de la société BBC dans un délai d'un mois'.
L'EPIC Est Ensemble Habitat apporte la preuve, par la production d'un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 3 septembre 2021, que la société B&M n'avait pas rétabli la gaine sectionnée à cette date.
En outre, la société BB&C a fait assigner l'EPIC Bondy Habitat et la société B&M devant le tribunal judiciaire de Bobigny par acte du 16 juin 2022. Il ressort de cette assignation qu'à cette date, la gaine n'avait toujours pas été rétablie.
En sectionnant la gaine qui servait à l'extraction des fumées du local voisin et en ne rétablissant pas cette gaine pendant plusieurs mois, en dépit d'une sommation de le faire délivrée par son bailleur, la société B&M n'a pas usé des lieux loués de façon raisonnable et a agi de façon à troubler la tranquillité de la société BB&C, autre occupant de l'immeuble, manquant ainsi aux dispositions de l'article 1728 du code civil et à l'article 6 d) du bail. Cette inexécution du contrat est suffisament grave pour que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de bail aux torts de la société B&M.
Le moyen soulevé par la société B&M, tiré du défaut de mention de ce manquement dans le commandement de payer, est inopérant dès lors que le bailleur ne sollicite pas le constat de l'acquisition de la clause résolutoire mais le prononcé de la résiliation judiciaire du bail. Par ailleurs, le fait que la société BB&C ait attrait l'EPIC [Localité 9] Habitat, aux droits duquel vient désormais l'EPIC Est Ensemble Habitat, et la société B&M devant le tribunal judiciaire de Bobigny afin de faire valoir ses droits à la suite du sectionnement de la gaine d'extraction des fumées de son local, n'empêche pas le bailleur d'invoquer ce manquement dans le litige qui l'oppose à sa locataire concernant la résiliation du bail qui les lie.
En conséquence, étant précisé que le sectionnement de la gaine servant à l'extraction des fumées du local voisin et l'absence de rétablissement de la gaine par la société B&M étaient déjà réalisés au moment du jugement de première instance, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du bail commercial conclu le 8 août 2012 entre l'EPIC [Localité 9] Habitat et la société B&M à compter du jugement de première instance et ordonné l'expulsion de la société B&M des lieux loués.
Sans contestation du montant de l'indemnité d'occupation fixé par le premier juge, il convient également de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer au jour du jugement, à savoir la somme de 2.242,50 euros, outre toutes les taxes et charges exigibles en vertu du bail résilié, à compter du jugement et jusqu'à la libération effective des lieux.
Sur la demande de paiement au titre de l'arriéré locatif
Le premier juge a condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 15.160,09 euros à titre d'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021.
Il ressort du décompte produit aux débats par l'EPIC Est Ensemble Habitat, arrêté au 25 novembre 2022, que cette somme a d'ores et déjà été payée par la locataire.
Le cour n'est pas saisi d'une autre demande de paiement au titre de l'arriéré locatif.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 15.160,09 euros à titre d'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021 et statuant à nouveau de rejeter cette demande.
Sur les demandes de dommages et intérêts
Il est acquis qu'il est arrivé à la société B&M de payer son loyer avec retard. Toutefois, l'EPIC Est Ensemble Habitat n'apporte pas la preuve du préjudice financier qu'elle dit avoir subi en conséquence de ces retards. Elle se borne à procéder par voie d'affirmation.
L'EPIC Est Ensemble Habitat n'apporte pas la preuve des troubles du voisinage qu'elle impute à la société B&M. En effet, elle ne produit, pour établir ceux-ci, qu'une seule pétition non datée, sans justificatif de l'identité et de l'adresse des pétitionnaires. En outre,elle n'apporte pas la preuve du préjudice que ces troubles lui auraient causé.
Le fait pour l'EPIC Est Ensemble Habitat d'avoir été attrait devant une juridication judiciaire par un de ses locataires, sans preuve qu'une publicité ait été donnée à l'affaire, ne suffit pas à établir l'existence d'un préjudice d'image.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts et, statuant à nouveau, de débouter l'EPIC Est Ensemble Habitat de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La société B&M succombe en première instance et en appel.
Il convient en conséquence, en application de l'article 696 du code de procédure civile, de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société B&M aux dépens de première instance, sauf à préciser que le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 21 octobre 2019 n'est pas compris dans les dépens de l'instance. En effet, ce commandement n'a pas été délivré pour les besoins de la présente affaire et la société B&M a déjà été condamnée au paiement de ce commandement par ordonnance du 15 janvier 2021 du juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny.
Il convient également de condamner la société B&M au paiement des dépens de la procédure d'appel.
Par ailleurs, l'équité commande de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner la société B&M à payer l'EPIC Est Ensemble Habitat la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par lui en appel et de débouter la SCP d'administrateurs judiciaires [T] [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 22 juin 2022 en ce qu'il a :
- condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 15.160,09 euros
à titre d'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021, outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
- condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts,
- dit que les dépens de première instance comprenait le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 21 octobre 2019,
Confirme ledit jugement en ses autres dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau,
Déboute l'EPIC Est Ensemble Habitat de sa demande de condamnation de la société B&M à lui payer la somme de de 15.160,09 euros à titre d'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021,
Déboute l'EPIC Est Ensemble Habitat de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts,
Dit que les dépens de première instance ne comprennent pas le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 21 octobre 2019,
Y ajoutant,
Condamne la société B&M aux dépens de la procédure d'appel, dont distraction au profit de Maître Caroline Hatet-Sauval, de Maître Jean-Noël Couraud de la Selas Denovo et de Maître Nathalie Lesenechal conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société B&M à payer à l'EPIC Est Ensemble Habitat la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par ce dernier en appel,
Déboute la SCP d'administrateurs judiciaire [T] [Y] et la société B&M de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2025
(n° 149/2025, 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 22/14014 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHPD
Décision déférée à la Cour : jugement du 22 juin 2022 du Tribunal judiciaire de BOBIGNY (chambre 5/section 3)- RG n° 22/00701
APPELANTE
S.A.R.L. B & M
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 8] sous le n° 752 923 961
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de Paris, toque : D2090
Assistée de Me Joseph SUISSA, avocat au barreau de Paris, toque : C1795
INTIMÉES
E.P.I.C. [Localité 9] HABITAT - Office Public De l'Habitat d'Est Ensemble
Immatriculé au R.C.S. de [Localité 8] sous le numéro 279 300 032,
Pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de Paris, toque : L0046
S.C.P. SCP D'ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES [T] [Y], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société B & M
Prise en la personne de Maitre [T] [Y]
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 8] sous le n° 347 464 752
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-Noël COURAUD de la SELAS DÉNOVO, avocat au barreau de Paris, toque : K0178
Assitée de Me Véronique ALBRECHT de la SELAS DÉNOVO, avocat au barreau de Paris, toque : K0178
INTERVENANTE VOLONTAIRE ET COMME TEL INTIME
Etablissement public à caractère commercial EST ENSEMBLE HABITAT
Venant aux droits de [Localité 9] HABITAT, Office Public de l'Habitat d'Est Ensemble, à la suite de la fusion absorption survenue le 1er janvier 2023 de [Localité 9] Habitat par l'Office Public de l'Habitat Est Ensemble Habitat
Immatriculé au RCS de [Localité 8], sous le n° 488 777 160
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de Paris, toque : L0046
Assistée de Me Célia MARQUE VIEIRA, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 mai 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Stéphanie Dupont, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
- Mme Stéphanie Dupont, conseillère
- Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
- contradictoire ;
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la signature.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 8 août 2012, l'établissement public à caractère industriel et commercial [Localité 9] Habitat (ci-après l'EPIC [Localité 9] Habitat), aux droits duquel vient désormais l'établissement public à caractère industriel et commercial Est Ensemble Habitat (ci-après l'EPIC Est Ensemble Habitat), a donné à bail commercial à la société B&M, pour y exercer l'activité de 'restauration traditionnelle', des locaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 10], pour une durée de 9 ans à compter du 1er août 2012, moyennant un loyer mensuel hors taxes variable, d'un montant de 1681,40 euros la première année.
Par acte sous seing privé du 18 septembre 2015, l'EPIC [Localité 9] Habitat a également mis à disposition de la société B&M, à titre précaire, un terrain destiné à constituer une aire de stationnement pour la clientèle de cette dernière.
Par jugement du 1er juin 2017, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société B&M.
Par arrêt du 28 novembre 2017, la cour d'appel de Paris, infirmant le tribunal de commerce de Bobigny, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société B&M.
Par jugement du 23 mai 2019, le tribunal de commerce de Bobigny a arrêté un plan de redressement de la société B&M et désigné la SCP [T] [Y] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par acte extrajudiciaire du 21 octobre 2019, l'EPIC Bondy Habitat a fait signifier à la société B&M ainsi qu'à la SCP [Y] ès qualité un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à payer la somme de 17.044,09 euros au titre des loyers et charges impayés.
Par jugement du 29 avril 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la résolution du plan de redressement de la société B&M et ordonné la liquidation judiciaire de cette dernière.
Par arrêt du 24 septembre 2020, la cour d'appel de Paris, infirmant le jugement du tribunal de commerce de Bobigny, a dit n'y avoir lieu à résolution du plan et à ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
Par ordonnance du 15 janvier 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a notamment :
constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant l'EPIC [Localité 9] Habitat à la société B&M à la date du 21 novembre 2019 à 24h00,
accordé rétroactivement des délais de paiement à la société B&M jusqu'au 6 février 2020, et suspendu les effets de la clause résolutoire pendant ces délais,
constaté le respect, par la société B&M, des délais rétroactifs de paiement accordés,
dit que la clause résolutoire n'a pas produit ses effets,
condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 15.776,69 euros au titre des loyers et charges impayés au 2 décembre 2020 ;
accordé à la société B&M des délais de paiement, et dit qu'elle devra se libérer de la provision ci-dessus allouée en 12 acomptes mensuels d'égal montant de 1.250 euros, sauf la dernière mensualité qui sera majorée du solde ;
dit que ces acomptes mensuels seront à verser en plus des loyers et charges courants, payés aux termes prévus par le contrat de bail ;
dit que le paiement du premier de ces acomptes devra intervenir avant le 5 du mois suivant celui de la signification de l'ordonnance et les suivants avant le 5 de chacun des mois suivants ;
dit qu'à défaut de règlement d'un seul acompte ou d'un seul des loyers courants à leur échéance, l'intégralité de la dette sera immédiatement exigible et les poursuites pour son recouvrement pourront reprendre aussitôt,
dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société B&M aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 21 octobre 2019.
Par acte du 10 janvier 2022, l'EPIC [Localité 9] Habitat a fait assigner la société B&M et la SCP [T] [Y], ès-qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société B&M, devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de voir prononcer la résiliation du bail et condamner la société B&M au paiement des loyers arriérés et charges.
Par jugement du 22 juin 2022, rendu en l'absence de comparution des défendeurs, le tribunal judiciaire de Bobigny a :
prononcé la résiliation judiciaire, à compter du présent jugement, du bail commercial conclu le 8 août 2012 entre l'EPIC [Localité 9] Habitat et la société B&M portant sur des locaux au sein de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 9] (93),
ordonné en conséquence à la société B&M de libérer lesdits locaux,
dit qu'à défaut de départ volontaire, la société B&M pourra être expulsée à la requête de l'EPIC [Localité 9] Habitat, ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier,
dit que les meubles et objets mobiliers de la société B&M trouvés dans les lieux lors de l'expulsion pourront être déposés par l'EPIC [Localité 9] Habitat dans tout garde-meuble de son choix, au frais et risques de la société B&M,
condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer au jour du présent jugement, à savoir la somme de 2.242,50 €, outre toutes les taxes et charges exigibles en vertu du bail résilié, à compter du présent jugement et jusqu'à la libération effective des lieux avec remise des clefs et remise à disposition des locaux,
débouté l'EPIC [Localité 9] Habitat de sa demande d'astreinte,
condamné la B&M à payer la somme de 15.160,09 € à titre d'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021, outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
débouté l'EPIC [Localité 9] Habitat de sa demande de voir juger que le dépôt de garantie restera acquis au bailleur ;
condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1.500 € à titre de de dommages et intérêts,
condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
débouté l'EPIC [Localité 9] Habitat du surplus de ses demandes,
condamné la société B&M aux dépens de l'instance, en ce compris le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 21 octobre 2019,
rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit en toutes ses dispositions.
Par déclaration du 22 juillet 2022, la société B&M a interjeté appel du jugement.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 avril 2025.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 17 avril 2023, la société B&M demande à la cour de :
confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 22 juin 2022 en ce qu'il a énoncé :
déboute l'EPIC [Localité 9] HABITAT de sa demande d'astreinte ;
déboute l'EPIC [Localité 9] HABITAT de sa demande de voir juger que le dépôt de garantie restera acquis au bailleur ;
déboute l'EPIC [Localité 9] HABITAT de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice d'image dont il ne démontre pas la réalité ;
déboute l'EPIC [Localité 9] HABITAT de sa demande du surplus de ses demandes ;
infirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Bobigny le 22 juin 2022 en ce qu'il a énoncé :
prononce la résiliation judiciaire, à compter du présent jugement, du bail commercial conclu le 8 août 2012 entre l'EPIC [Localité 9] Habitat et la société B&M portant sur des locaux au sein de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 9] (93),
ordonne en conséquence à la société B&M de libérer lesdits locaux,
dit qu'à défaut de départ volontaire, la société B&M pourra être expulsée à la requête de l'EPIC [Localité 9] Habitat, ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier,
dit que les meubles et objets mobiliers de la société B&M trouvés dans les lieux lors de l'expulsion pourront être déposés par l'EPIC [Localité 9] Habitat dans tout garde-meuble de son choix, au frais et risques de la société B&M,
condamne la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer au jour du présent jugement, à savoir la somme de 2.242,50 €, outre toutes les taxes et charges exigibles en vertu du bail résilié, à compter du présent jugement et jusqu'à la libération effective des lieux avec remise des clefs et remise à disposition des locaux,
condamne la B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 15.160,09 € à titre d'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021, outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
condamne la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts,
condamne la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamne la société B&M aux dépens de l'instance, en ce compris le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 21 octobre 2019,
rappelle que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit en toutes ses dispositions ;
Réformant et statuant de nouveau,
débouter l'office public de l'habitat Est Ensemble Habitat venant aux droits l'EPIC [Localité 9] Habitat de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
juger que la somme de 15.160,09 euros a été réglée par la Société B&M à l'EPIC [Localité 9] Habitat aux droits duquel vient l'office public de l'habitat Est Ensemble Habitat ;
En tout état de cause,
condamner l'office public de l'habitat Est Ensemble Habitat venant aux droits de l'EPIC [Localité 9] Habitat à payer à la société B&M la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner l'office public de l'habitat Est Ensemble Habitat venant aux droits de l'EPIC [Localité 9] Habitat aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société B&M fait valoir :
Sur la résiliation judiciaire du bail commercial et le paiement de l'arriéré locatif,
- que le 13 janvier 2022, elle avait réglé la somme de 10.477,50 euros à l'EPIC [Localité 9] Habitat, de sorte que sa dette n'était que de 4.682,59 euros au moment où le premier juge a statué, ce montant ayant été soldé en juillet 2022, après le jugement mais avant la signification du jugement querellé ;
- que l'arriéré de loyers ayant été apuré, la cour infirmera le jugement de première instance sur le fondement de l'article L.145-41 alinéa 2 du code de commerce qui dispose que 'la clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge' ;
- que les moyens de l'EPIC Est Ensemble Habitat relatifs à la gaine d'extraction sont sans objet dans la mesure où le commandement de payer sur lequel repose l'assignation ne vise pas ce prétendu manquement de la locataire à ses obligations contractuelles ; qu'ils devront en outre être écartés au motif qu'une procédure est actuellement en cours devant le tribunal judiciaire de Bobigny au sujet de cette gaine ;
Sur la demande de dommages et intérêts,
- que l'EPIC [Localité 9] Habitat ne démontre pas « la réalité d'un préjudice d'image ou de tracasseries » ;
- que le retard de paiement, limité à la somme de 4.682,59 euros, ne saurait affecter la trésorerie d'un établissement public gérant plus de 5.323 logements, une centaine de locaux commerciaux et employant 108 salariés ; qu'aucun préjudice financier n'est établi.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 2 février 2023, la SCP d'administrateurs judiciaires [T] [Y] demande à la cour de :
la déclarer, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société B & M, recevable et fondée en ses demandes.
En conséquence,
infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny en date du 22 juin 2022 en ce qu'il a :
prononcé la résiliation judiciaire, à compter du jugement, du bail commercial conclu le 8 août 2012 entre l'EPIC [Localité 9] Habitat et la société B &M portant sur des locaux au sein de l'ensemble situé [Adresse 1] à [Localité 9] (93) ;
ordonné en conséquence à la société B & M de libérer lesdits locaux ;
dit qu'à défaut de départ volontaire, la société B & M pourra être expulsée à la requête de l'EPIC [Localité 9] Habitat ;
condamné la société B & M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat une indemnité mensuelle d'occupation égale à un montant du loyer au jour du jugement, à savoir la somme de 2 240,50 euros au titre des taxes et charges exigibles en vertu du bail jusqu'à la libération effective des lieux ;
condamné la société B & M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 15 160,09 euros à titre de l'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021, outre intérêts;
condamné la société B & M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 1 200 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
confirmer le jugement rendu par le tribunal Judiciaire de Bobigny en date du 22 juin 2022 en ce qu'il a :
débouté l'EPIC [Localité 9] Habitat de sa demande d'astreinte ;
débouté l'EPIC [Localité 9] Habitat de sa demande de voir juger que le dépôt de garantie restera acquis au bailleur ;
débouté l'EPIC [Localité 9] Habitat de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice d'image, ainsi que du surplus de ses demandes ;
Statuant à nouveau,
débouter l'EPIC [Localité 9] Habitat office public de l'habitat d'Est Ensemble de l'intégralité de ses demandes ;
débouter l'EPIC [Localité 9] Habitat office public de l'habitat d'Est Ensemble à payer à la SCP [T] [Y] ès qualité la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
le condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Jean Noël Couraud, Selas Denovo, avocat aux offres de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La SCP d'administrateurs judiciaires [T] [Y] fait valoir :
Sur la demande de résiliation judiciaire,
- que la société B&M a réglé l'intégralité de l'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021, 10.470,50 euros 3 jours après la délivrance de l'assignation et le solde après le jugement dont appel ;
Sur les autres demandes formées par l'EPIC [Localité 9] Habitat,
- que l'EPIC [Localité 9] Habitat ne justifie ni d'un préjudice d'image ni d'un préjudice financier.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiés le 27 avril 2023, l'EPIC Est Ensemble Habitat demande à la cour de :
recevoir l'EPIC Est Ensemble Habitat, venant aux droits de [Localité 9] Habitat office Public de l'Habitat Est Eensemble, en son intervention volontaire ;
débouter la société B&M de l'intégralité de ses demandes fin et conclusions ;
débouter la SCP d'Administrateurs Judiciaire [T] [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
confirmer le jugement du tribunal Judiciaire de Bobigny 22 juin 2022 en ce qu'il a :
prononcé la résiliation judiciaire, à compter du jugement, du bail commercial conclu le 8 août 2012 entre l'EPIC [Localité 9] Habitat et la société B&M portant sur les locaux au sein de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 9] (93) ;
ordonné en conséquence à la société B&M de libérer lesdits locaux ;
dit qu'à défaut de départ volontaire, la société B&M pourrait être expulsée à la requête de l'EPIC [Localité 9] Habitat, ainsi que de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;
dit que les meubles et objets mobiliers de la société B&M trouvés dans les lieux lors de l'expulsion pourront être déposés par l'EPIC [Localité 9] Habitat dans tout garde-meuble de son choix, aux frais et risques de la société B&M ;
condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer au jour du présent jugement, à savoir la somme de 2.242,50 € outre toutes les taxes et charges exigibles en vertu du bail résilié, à compter du jugement et jusqu'à la libération effective des lieux avec remise des clés et remise à disposition des locaux ;
condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 15.160,09 € à titre d'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement ;
condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société B&M aux dépens de l'instance devant le tribunal Judiciaire de Bobigny en ce compris le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 21 octobre 2019 ;
rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit en toutes ses dispositions ;
recevoir Est Ensemble Habitat en son appel incident ;
reformer le jugement du tribunal Judiciaire de Bobigny du 22 juin 2022 en ce qu'il a débouté l'EPIC [Localité 9] Habitat de ses demandes au titre des dommages et intérêts pour préjudice résultant des troubles de voisinage et préjudice d'image également du quantum des dommages et intérêts alloués au titre du préjudice financier résultant du retard pris dans le montant des loyers ;
Et statuant à nouveau :
condamner la société B&M à payer à l'EPIC Est Ensemble Habitat :
la somme de 5.000 € au titre de dommages-intérêts pour préjudice résultant du retard pris dans le règlement des loyers ;
la somme de 15.000 € au titre de dommages-intérêts pour préjudice résultant des troubles de voisinage ;
la somme de 10.000 € au titre de préjudice d'image ;
En tout état de cause :
condamner la société B&M à payer à l'EPIC Est Ensemble Habitat la somme de 5.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société B&M aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'EPIC Est Ensemble Habitat fait valoir :
Sur la résiliation judiciaire du bail, sur le fondement de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et de l'article 1728 du code civil,
- qu à la date du jugement querellé, la société B&M n'avait pas respecté l'échéancier accordé par l'ordonnance du 15 janvier 2021 signifiée le 10 juin 2021, n'avait pas procédé au règlement des loyers des mois d'avril 2021, juin 2021 et août 2021, avait payé avec retard les loyers d'avril 2022 à juin 2022 et n'avait pas réglé les échéances de son plan de redressement ; qu'au 30 juin 2022, la dette de la société B&M était encore de 13.651,79 euros ;
- que la société B&M n'a pas réglé son loyer du mois d'octobre 2022 ;
- qu'en outre la société B&M a violé l'article 6 d) du bail qui stipule que 'le preneur devra se conformer à la réglementation en vigueur et ne rien faire qui puisse troubler la tranquillité ou apporter un trouble de jouissance aux autres occupants, ni par lui, ni par son personnel' ; que l'EPIC [Localité 9] Habitat a été alerté par la société BBC, locataire du local voisin de celui loué à la société B&M, que la société B&M avait sectionné la gaine d'extraction du local occupé par la société BBC ;
- que l'EPIC [Localité 9] Habitat a également été destinataire d'une pétition des voisins de la société B&M qui fait état de troubles de voisinage ;
- que la société B&M viole l'article 6h) du bail qui stipule que 'le preneur devra également tenir constamment ouvert et exploité le local commercial aux fermetures d'usage ou réglementaire' en exploitant les locaux, depuis le mois de juin 2021, uniquement sur privatisation, ce qui, au surplus, ne respecte pas la clause contractuelle de destination des lieux ;
Sur ses préjudices,
- qu'elle subit un préjudice financier à raison du retard dans le règlement des loyers ;
- qu'elle subit un préjudice au titre des troubles de voisinage ;
- qu'elle subit un préjudice d'image pour avoir été attrait par la société BBC dans une procédure judiciaire.
SUR CE,
Sur la résiliation du bail
A titre liminaire, il est observé qu'à hauteur d'appel comme en première instance, le bailleur demande le prononcé de la résiliation judiciaire du bail et non le constat de l'acquisition de la clause résolutoire du bail.
L'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'espèce s'agissant d'un contrat de bail antérieur au 1er octobre 2016, dispose :
' La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelles l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.'
Il en résulte que les parties peuvent demander la résolution du contrat au juge qui apprécie alors si l'inexécution du contrat est suffisamment grave pour prononcer la résolution sollicitée.
En vertu de l'article 1728 du code civil, le preneur à l'obligation d'user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail.
Par ailleurs, le bail stipule en son article 6 d) que 'le preneur devra se conformer à la réglementation en vigueur et ne rien faire qui puisse troubler la tranquillité ou apporter un trouble de jouissance aux autres occupants, ni par lui, ni par son personnel.'
En l'espèce, il est acquis que la société B&M a sectionné une gaine qui passait dans son local, en provenance du local voisin loué à la société BB&C, et qui servait à l'extraction des fumées dudit local voisin, étant précisé que la société BB&C avait loué les lieux pour y exercer l'activité de 'sandwicherie, traiteur, rôtisserie, vente sur place, à emporter et service livraison'.
Selon la société BB&C, la gaine a été sectionnée en juillet 2020.
Par acte du 15 juin 2021, l'EPIC [Localité 9] Habitat a fait sommation à la société B&M 'de rétablir la gaine d'extraction en provenance du local de la société BBC dans un délai d'un mois'.
L'EPIC Est Ensemble Habitat apporte la preuve, par la production d'un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 3 septembre 2021, que la société B&M n'avait pas rétabli la gaine sectionnée à cette date.
En outre, la société BB&C a fait assigner l'EPIC Bondy Habitat et la société B&M devant le tribunal judiciaire de Bobigny par acte du 16 juin 2022. Il ressort de cette assignation qu'à cette date, la gaine n'avait toujours pas été rétablie.
En sectionnant la gaine qui servait à l'extraction des fumées du local voisin et en ne rétablissant pas cette gaine pendant plusieurs mois, en dépit d'une sommation de le faire délivrée par son bailleur, la société B&M n'a pas usé des lieux loués de façon raisonnable et a agi de façon à troubler la tranquillité de la société BB&C, autre occupant de l'immeuble, manquant ainsi aux dispositions de l'article 1728 du code civil et à l'article 6 d) du bail. Cette inexécution du contrat est suffisament grave pour que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de bail aux torts de la société B&M.
Le moyen soulevé par la société B&M, tiré du défaut de mention de ce manquement dans le commandement de payer, est inopérant dès lors que le bailleur ne sollicite pas le constat de l'acquisition de la clause résolutoire mais le prononcé de la résiliation judiciaire du bail. Par ailleurs, le fait que la société BB&C ait attrait l'EPIC [Localité 9] Habitat, aux droits duquel vient désormais l'EPIC Est Ensemble Habitat, et la société B&M devant le tribunal judiciaire de Bobigny afin de faire valoir ses droits à la suite du sectionnement de la gaine d'extraction des fumées de son local, n'empêche pas le bailleur d'invoquer ce manquement dans le litige qui l'oppose à sa locataire concernant la résiliation du bail qui les lie.
En conséquence, étant précisé que le sectionnement de la gaine servant à l'extraction des fumées du local voisin et l'absence de rétablissement de la gaine par la société B&M étaient déjà réalisés au moment du jugement de première instance, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du bail commercial conclu le 8 août 2012 entre l'EPIC [Localité 9] Habitat et la société B&M à compter du jugement de première instance et ordonné l'expulsion de la société B&M des lieux loués.
Sans contestation du montant de l'indemnité d'occupation fixé par le premier juge, il convient également de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer au jour du jugement, à savoir la somme de 2.242,50 euros, outre toutes les taxes et charges exigibles en vertu du bail résilié, à compter du jugement et jusqu'à la libération effective des lieux.
Sur la demande de paiement au titre de l'arriéré locatif
Le premier juge a condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 15.160,09 euros à titre d'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021.
Il ressort du décompte produit aux débats par l'EPIC Est Ensemble Habitat, arrêté au 25 novembre 2022, que cette somme a d'ores et déjà été payée par la locataire.
Le cour n'est pas saisi d'une autre demande de paiement au titre de l'arriéré locatif.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 15.160,09 euros à titre d'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021 et statuant à nouveau de rejeter cette demande.
Sur les demandes de dommages et intérêts
Il est acquis qu'il est arrivé à la société B&M de payer son loyer avec retard. Toutefois, l'EPIC Est Ensemble Habitat n'apporte pas la preuve du préjudice financier qu'elle dit avoir subi en conséquence de ces retards. Elle se borne à procéder par voie d'affirmation.
L'EPIC Est Ensemble Habitat n'apporte pas la preuve des troubles du voisinage qu'elle impute à la société B&M. En effet, elle ne produit, pour établir ceux-ci, qu'une seule pétition non datée, sans justificatif de l'identité et de l'adresse des pétitionnaires. En outre,elle n'apporte pas la preuve du préjudice que ces troubles lui auraient causé.
Le fait pour l'EPIC Est Ensemble Habitat d'avoir été attrait devant une juridication judiciaire par un de ses locataires, sans preuve qu'une publicité ait été donnée à l'affaire, ne suffit pas à établir l'existence d'un préjudice d'image.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts et, statuant à nouveau, de débouter l'EPIC Est Ensemble Habitat de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La société B&M succombe en première instance et en appel.
Il convient en conséquence, en application de l'article 696 du code de procédure civile, de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société B&M aux dépens de première instance, sauf à préciser que le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 21 octobre 2019 n'est pas compris dans les dépens de l'instance. En effet, ce commandement n'a pas été délivré pour les besoins de la présente affaire et la société B&M a déjà été condamnée au paiement de ce commandement par ordonnance du 15 janvier 2021 du juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny.
Il convient également de condamner la société B&M au paiement des dépens de la procédure d'appel.
Par ailleurs, l'équité commande de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner la société B&M à payer l'EPIC Est Ensemble Habitat la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par lui en appel et de débouter la SCP d'administrateurs judiciaires [T] [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 22 juin 2022 en ce qu'il a :
- condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 15.160,09 euros
à titre d'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021, outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
- condamné la société B&M à payer à l'EPIC [Localité 9] Habitat la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts,
- dit que les dépens de première instance comprenait le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 21 octobre 2019,
Confirme ledit jugement en ses autres dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau,
Déboute l'EPIC Est Ensemble Habitat de sa demande de condamnation de la société B&M à lui payer la somme de de 15.160,09 euros à titre d'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2021,
Déboute l'EPIC Est Ensemble Habitat de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts,
Dit que les dépens de première instance ne comprennent pas le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 21 octobre 2019,
Y ajoutant,
Condamne la société B&M aux dépens de la procédure d'appel, dont distraction au profit de Maître Caroline Hatet-Sauval, de Maître Jean-Noël Couraud de la Selas Denovo et de Maître Nathalie Lesenechal conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société B&M à payer à l'EPIC Est Ensemble Habitat la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par ce dernier en appel,
Déboute la SCP d'administrateurs judiciaire [T] [Y] et la société B&M de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente,