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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 8, 19 septembre 2025, n° 24/20521

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/20521

19 septembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 8

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2025

(n° , 3 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/20521 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKPZ3

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Septembre 2024 -Président du TJ de [Localité 7] - RG n° 23/00207

APPELANTE

S.A.R.L. B. HOME, RCS de [Localité 7] sous le n°502 418 254, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant Me Richard ARBIB, avocat au barreau du VAL DE MARNE

INTIMÉE

S.C.I. GESBAC, RCS de [Localité 8] sous le n°397 939 257, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Michael HADDAD de la SELARL HADDAD & LAGACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2092

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 804 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Juin 2025 en audience publique, devant Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire chargé du rapport, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI, Président de chambre et par Catherine CHARLES, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par acte du 14 novembre 1994, la SCI Vincennes Revert a consenti à M. et Mme [C], pour une duré de neuf ans, un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 2], à Vincennes (Val-de-Marne), pour l'exercice d'une activité de restauration. Le bail a été renouvelé le 31 juillet 2003, moyennant un loyer annuel de 26.115 euros hors charges et hors taxes, payable par trimestre échu.

Le 14 avril 2005 la SCI Gesbac a acquis les lieux loués.

Le 3 novembre 2008, la SARL B home a acquis le fonds de commerce.

Par arrêt définitif rendu par la cour d'appel de Paris le 10 avril 2019, le loyer de renouvellement au 1er octobre 2011 a été fixé rétroactivement à la somme de 36.500 euros hors taxes et hors charges, soit 9.125 euros par trimestre.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 25 juillet 2019, la SCI Gesbac a notifié à la société B home la révision triennale de son loyer applicable au 1er août 2019 à hauteur de 39.700,79 euros, proposition acceptée par la société B home.

Selon acte du 23 décembre 2021, la SCI Gesbac a fait délivrer à la société B home un commandement, visant la clause résolutoire, de lui payer la somme de 52.278,47 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 16 décembre 2021, puis, par acte du 11 janvier 2023, l'a fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de constat de l'acquisition de la clause résolutoire, expulsion et condamnation au paiement, à titre provisionnel, d'une indemnité d'occupation et de l'arriéré locatif à hauteur de 78.339,62 euros arrêté au 3ème trimestre 2022.

Par ordonnance contradictoire rendue le 27 septembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a :

- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail étaient réunies à la date du 24 janvier 2022 ;

- condamné la société B home à payer à la société Gesbac la somme provisionnelle de 74.507,28 euros au titre de l'arriéré locatif au 31 mai 2024, avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2021 sur 52.278,47 euros et à compter du 11 janvier 2023 pour le surplus ;

- autorisé la société B home à se libérer du paiement de cette somme en 23 mensualités de 3.104,50 euros, la 24ème mensualité équivalant au solde de la dette, payables le 5 de chaque mois, en plus du loyer courant et pour la première fois le 5 du mois suivant la signification de la présente décision ;

- ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces délais ;

- dit que les loyers et charges courants devront être payés dans les conditions fixées par le bail commercial ;

- dit que, faute pour la société B home de payer à bonne date, en sus du loyer, charges et accessoires courants, une seule des mensualités, et huit jours après l'envoi d'une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception :

° le tout deviendra immédiatement exigible ;

° la clause résolutoire sera acquise ;

° il sera procédé à l'expulsion immédiate de la société B home et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance si nécessaire de la force publique des lieux loués [Adresse 2], à [Localité 9] ;

° en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution sur ce point ;

° une indemnité provisionnelle égale au montant du loyer contractuel augmenté des charges sera mise à sa charge, en cas de maintien dans les lieux, jusqu'à libération effective des lieux par remise des clés ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle formée par la société B home et sur le surplus des demandes en principal de la société Gesbac ;

- condamné la société B home aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement, et au paiement de la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 3 décembre 2024, la société B home a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 4 juin 2025, elle demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

- dire que la créance de 84.719,61 euros dont se prévaut la société Gesbac est sérieusement contestable ;

- ordonner à la société Gesbac de justifier du montant réel de sa créance et de produire les extraits de ses grands livres pour les années 2016 à 2024 et les avoirs sur les loyers appelés avant avril 2019 ;

à titre subsidiaire,

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire et lui a octroyé des délais de paiement sur 24 mois ;

à titre reconventionnel,

- condamner la société Gesbac à lui payer la somme provisionnelle de 12.710 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice de jouissance ;

en tout état de cause,

- la débouter de l'intégralité de ses demandes ;

- la condamner à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 10 juin 2025, la société Gesbac demande à la cour de :

- débouter la société B home de toutes ses demandes ;

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

- fixé la somme provisionnelle au titre de l'arriéré locatif au 31 mai 2024 à la somme de 74.507,28 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2021 sur 52.278,47euros et à compter du 11 janvier 2023 le surplus ;

- autorisé la SARL B home à se libérer du paiement de cette somme en 23 mensualités de 3.104,50 euros, la 24ème mensualité équivalant au solde de la dette, payables le 5 de chaque mois, en plus du loyer courant et pour la première fois le 5 du mois suivant la signification de la décision ;

- ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces délais ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus de ses demandes en principal ;

statuant à nouveau,

- débouter la société B home de toute ses demandes ;

- prononcer la résiliation du bail commercial de la société B home par acquisition de la clause résolutoire à la date du 24 janvier 2022 ;

- ordonner l'expulsion immédiate de la société B home et de tous occupants de son chef des locaux donnés à bail sis [Adresse 3], avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin est ;

- dire que le sort des objets mobiliers restant dans les lieux sera soumis aux dispositions de l'article R.433-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

- fixer l'indemnité d'occupation trimestrielle due par la société B home au bénéfice de la société Gesbac au montant du dernier loyer trimestriel HT, soit 9.925,20 euros HT, augmenté de la provision sur charges et de la TVA applicable et ce jusqu'à parfaite libération des lieux par remise des clefs, soit la somme de 14.538,24 euros TTC ;

- condammner la société B home à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 68.077,07 euros au titre de l'arriéré des loyers/indemnités d'occupation, provisions sur charges, charges et sommes accessoires demeurés impayés au 1er trimestre 2025 inclus, déduction faite de la somme de 6.000 euros due par le bailleur au titre des frais irrépétibles lors de précédentes instances, avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2021 (date du commandement de payer) sur 51.800,73 euros et à compter du 11 janvier 2023 (date de l'assignation en référé) pour le surplus ;

- rejeter la demande de délai de la société B home, comme sa demande reconventionnelle et toutes demandes plus amples ou contraires,

- condamner la société B home à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2025.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

L'article 834 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Selon l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'article L.145-41 du code de commerce dispose : "Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai."

La clause "Loyer" figurant au renouvellement de bail de la société B home prévoit la clause résolutoire suivante : "A défaut de paiement d'un seul terme de loyer et charge à leur échéance, ou en cas d'inexécution d'une seule des clauses et conditions du bail, et un mois après un commandement de payer ou d'exécuter resté infructueux, le présent bail sera résilié de plein droit si bon semble an bailleur, sans qu'i1 soit besoin de faire prononcer cette résiliation en justice et au cas où le preneur refuserait de quitter Ics lieux loués, il suffira pour l'y contraindre d'une simple ordonnance dc référé rendu par le président du tribunal civil de la Seine, exécutoire par provision, nonobstant appel, et les loyers ou garanties que le bailleur aurait touchés par avance, lui seront acquis dc plein droit à titre d'indemnité, sans préjudice des loyers courants, des réparations locatives et d'entretien et de tous dommages et intérêts qu'i1 serait en droit de réclamer."

La société B home soutient que la somme réclamée par le commandement de payer délivré le 23 décembre 2021 est sérieusement contestable en ce que le décompte joint à cet acte se fonde sur des créances prescrites, s'agissant de celles réclamées au titre de la période antérieure au 1er trimestre 2016 ; elle indique que c'est à tort que la bailleresse retient comme point de départ du délai de la prescription des loyers la date du 10 avril 2019, date de l'arrêt qui a fixé le montant du loyer révisé, alors que cet arrêt ne portait pas sur une demande de paiement des loyers et ne pouvait avoir un effet sur la prescription des loyers réclamés antérieurs au 1er trimestre 2016. Elle invoque en outre l'existence de contestations sérieuses sur les charges réclamées en ce que :

- les régularisations de charges ont été tardives - celles concernant les années 2018 à 2023 n'ont été établies qu'en avril 2023 - de sorte qu'elle n'a pu récupérer la TVA sur les sommes versées au titre des charges locatives ;

- leur montant est contestable : ainsi, sur un relevé de bornage d'un montant de 4.386,02 euros inclus dans la régularisation de charges au titre de la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2016 ; sur taxe foncière, la bailleresse ne justifie pas de la quote-part de 41 % de taxe foncière qui lui est imputée ; sur la consommation d'eau au titre de l'exercice 2018, alors qu'elle bénéficie de son propre raccordement au réseau d'eau ; sur des travaux relatifs à une porte d'accès au bâtiment dont elle indique qu'ils ne relèvent pas des charges récupérables.

La société Gesbac fait valoir que la dette locative de la société B home est fondée au titre du commandement et la clause résolutoire délivrée le 23 décembre 2021 est acquise depuis le 24 janvier 2022. Elle oppose que les contestations soulevées sur la validité du commandement de payer ne sont pas sérieuses en ce que :

- sur la somme réclamée, elle a, en 2021, sur la base du montant du loyer fixé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 avril 2019, recalculé l'arriéré locatif de la société B home de manière rétroactive au 1er octobre 2011 ;

- sur la prescription, celle-ci ne peut courir qu'à compter du jour où elle a pu avoir connaissance des faits permettant d'exercer l'action, soit en l'espèce à compter de l'arrêt d'appel rendu le 12 avril 2019 qui a fixé le montant du loyer révisé à compter du 1er octobre 2011 ;

- sur la régularisation des charges, elle a communiqué les relevés de charges et les comptes de régularisation de charges du 1er avril 2017 au 31 mars 2023.

Il est constant que, par acte du 23 décembre 2021, la société Gesbac a fait délivrer à la société B home un commandement, visant la clause résolutoire, de lui payer la somme de 52.278,47 euros, au titre de l'arriéré locatif pour la période comprise entre le 1er janvier 2011 et le 15 décembre 2021, le décompte locatif joint à l'acte prenant en compte d'une part, pour la période antérieure au 1er octobre 2011, un loyer trimestriel de 8.701 euros HT et à partir du 1er octobre 2011, un loyer trimestriel de 9.125 euros HT tel que fixé rétroactivement par arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 avril 2019, d'autre part, une provision trimestrielle sur charges de 2.190 euros HT. Le solde réclamé correspond pour l'essentiel au supplément de loyer fixé rétroactivement à compter du 1er octobre 2011 par arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 avril 2019.

Sur la prescription

En application de l'article 2224 du code civil, le délai de prescription court du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Le loyer dû à compter du 1er octobre 2011 ayant été fixé par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 avril 2019, le montant de la dette locative - dont la connaissance conditionnait la délivrance d'une mise en demeure de réglement et l'introduction d'une instance en paiement - n'a définitivement été connu qu'à la date du 17 septembre 2020, date de l'arrêt de la Cour de cassation, de sorte qu'à la date de la délivrance du commandement de payer, aucune prescription n'était acquise au titre des sommes dues à compter du 1er octobre 2011. En revanche, ainsi que l'a retenu le premier juge, les sommes réclamées au titre de la période antérieure au 1er octobre 2011 sont susceptibles d'être prescrites.

La validité du commandement de payer ne se heurte dès lors à aucune contestation sérieuse au titre des loyers réclamés pour la période postérieure au 1er octobre 2011 et pour le montant fixé par l'arrêt du 10 avril 2019, soit 9.125 euros HT par mois à compter du 1er octobre 2011.

Sur les charges

Sur la régularisation

L'article L.145-40-2 du code de commerce dispose : "Tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire.". L'article R.145-36 du même code précise que "l'état récapitulatif annuel mentionné au premier alinéa de l'article L. 145-40-2, qui inclut la liquidation et la régularisation des comptes de charges, est communiqué au locataire au plus tard le 30 septembre de l'année suivant celle au titre de laquelle il est établi ou, pour les immeubles en copropriété, dans le délai de trois mois à compter de la reddition des charges de copropriété sur l'exercice annuel. Le bailleur communique au locataire, à sa demande, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci".

Il résulte des pièces produites qu'ont été adressés à la locataire les états annuels récapitulatifs de charges au titre des comptes de régularisation du 1er avril 2015 au 31 mars 2024 (pièce B home n°15 et pièces Gesbac n°13 à 22, 26, 43). Il n'est cependant fait état d'aucune notification des décomptes de régularisation des charges locatives pour la période antérieure au 1er avril 2015, de sorte qu'existe une contestation sérieuse sur les provisions sur charges relatives à la période comprise entre les 1er octobre 2011 (appel de provision du 1er janvier 2012) et 31 mars 2015.

Sur les postes de charges contestés

Sur le relevé de bornage d'un montant de 4.386,02 euros inclus dans la régularisation de charges au titre de la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2016, il ressort du décompte produit par la société Gesbac arrêté au 1er juin 2025 (pièce n°47) que la somme de 4.386,02 euros HT a été déduite des sommes dues par la locataire. La contestation de la société B home est donc sans objet.

Sur la taxe foncière, l'article "Charges, clauses et conditions" du bail prévoit que le preneur devra acquitter les contributions personnelles et mobilières.

La société Gesbac justifie qu'elle possède 7069/10.000èmes de la copropriété et que la société B home représente 40,67 % (2875/7069 x 100) de ses millièmes, de sorte que la part de la société B home s'établit à 41 % de la taxe foncière facturée à la société Gesbac.

Sur la consommation d'eau au titre de l'exercice 2018, si le relevé des charges et produits du 1er avril 2017 au 31 mars 2018 fait apparaître une consommation d'eau pour 2.507,22 euros sous la rubrique "Eau froide" (pièce Gesbac n°14), il convient d'observer d'une part, que cette somme est compensée en fin de tableau par l'annulation de la somme de 2.897,31 euros sous le poste "Répartition d'eau", d'autre part, que la notification à la société B home du montant de ses charges locatives ne comprend aucun montant au titre de consommations d'eau.

Sur la fourniture et la pose d'une porte dans un sas, il ressort de la régularisation des charges du 1er avril 2018 au 31 mars 2019 que la société Gesbac réclame à la société B home le paiement de la somme de 2.032,41 euros sous la rubrique "Porte accès bâtiment" (pièce Gesbac n°15), correspondant à l'appel de travaux émis par le syndic de copropriété le 10 juillet 2018 (pièce Gesbac n°57), travaux dont la réalité est reconnue par la locataire.

L'article 606 du code civil dispose : "Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.Toutes les autres réparations sont d'entretien."

La société Gesbac se prévaut, pour soutenir que cette dépense doit être supportée par la locataire, de l'article "Charges, clauses et conditions" du bail qui prévoit que "seules les grosses réparations de l'article 606 du code civil restent à la charge du bailleur, et pour partie seulement, à savoir la réfection des couvertures du bâtiment central, toutes les autres prévues par l'article 606 tant pour les murs, clôture ou pour les bâtiments annexés, y compris même la reconstruction de ces murs et locaux restent à la charge du preneur". Le contrat de bail mettant à la charge de la locataire toutes les réparations autres que la réfection des couvertures du bâtiment central, la pose d'une porte ne relève pas à l'évidence des réparations incombant à la bailleresse.

Les contestations soulevées à ces titres ne présentent dès lors pas de caractère sérieux.

Le commandement de payer demeurant valable pour la partie non contestable de la dette, en l'espèce au titre des loyers réclamés pour la période postérieure au 1er octobre 2011 et des provisions pour charges locatives à compter du 1er avril 2015, la demande de la société Gesbac tendant à l'acquisition de la clause résolutoire ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Il convient dès lors, de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a constaté que les conditions de l'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 24 janvier 2022.

Sur la demande de provision

La société Gesbac sollicite la condamnation de la société B home au paiement, à titre provisionnel, de la somme de 68.077,07 euros au titre de l'arriéré des loyers et indemnités d'occupation, provisions sur charges, charges et sommes accessoires arrêtés au 1er trimestre 2025 inclus et de la TVA au taux de 19,6 % jusqu'au 31 décembre 2013 et de 20 % depuis le 1er janvier 2014. Elle fait valoir que les décomptes du bailleur ont fait l'objet de plusieurs modifications en raison d'une part, des décisions de justice rendues dans le litige opposant les parties sur le montant du loyer de renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2011 (9.125 euros HT par trimestre), d'autre part, de l'accord amiable intervenu entre les parties en octobre 2022 quant au montant du loyer révisé sollicité rétroactivement au 1er août 2019, porté à 9.925 euros HT par trimestre.

La société B home indique que les décomptes produits par la bailleresse se contredisent et conteste la valeur probante des relevés versés aux débats.

Il ressort du décompte produit par la société Gesbac arrêté au 1er juin 2025 que le solde de loyers/indemnité d'occupation et provisions pour charges dû par la société B home s'élève à la somme de 68.077,07 euros au titre de la période comprise entre les 1er janvier 2012 et 1er juin 2025 (pièce n°47).

Les contestations opposées par la société B home ne présentant pas de caractère sérieux ainsi que la cour l'a retenu plus haut, le montant non contestable de la dette correspond aux loyers dus entre le 1er janvier 2012 et le 1er juin 2025 et aux provisions pour charges locatives et régularisations de charges du 1er avril 2015 au 1er juin 2025. Au vu des éléments du décompte produit, le solde dû à titre provisionnel par la société B home s'établit à la somme de 33.991,91 euros [68.077,07 (solde au 1er juin 25) - 34.085,16 (provisions pour charges du 01.01.12 au 01.01.15)]. La cour condamnera la société B home au paiement d'une provision à hauteur de cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.

Sur la demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire

La société B home sollicite la confirmation de la décision déférée sur l'octroi de délais de paiement de 24 mois en indiquant qu'elle règle l'ensemble de ses charges courantes et respecte depuis le 8 novembre 2024 l'échéancier de remboursement de la dette locative tel que fixé par l'ordonnance du 27 septembre 2024.

La société Gesbac conclut au rejet de cette demande en faisant valoir que les mensualités comme les loyers et provisions sur charges courants ne sont pas réglés à la bonne date, voire non réglés, et que la société B home ne produit aucune pièce permettant d'apprécier sa situation financière.

Il résulte de l'article L. 145-41 du code de commerce précité que le juge peut accorder des délais de paiement et suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire.

Il ressort du décompte produit par la société Gesbac arrêté au 1er juin 2025 que la société B home respecte depuis le 8 novembre 2024 l'échéancier d'apurement de la dette locative tel que fixé par le premier juge, en assurant le réglement du loyer courant. La locataire justifie en outre de ses comptes annuels dont les éléments sont compatibles avec la poursuite du remboursement de la dette, les comptes faisant état d'un chiffre d'affaires net de plus de 800.000 euros en 2023 et 2024 et d'un résultat d'exploitation de 113.875 euros en 2023 et de 28.630 euros en 2024.

En considération des efforts réalisés par la locataire et de sa situation financière, il convient de lui permettre d'apurer la dette locative en poursuivant le paiement des loyers courants, et de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a fait droit sur le principe à la demande de délais, demande à laquelle la bailleresse avait d'ailleurs acquiescé en première instance.

La locataire sera autorisée à s'acquitter de la dette due au titre de l'arriéré locatif de 33.991,91 euros en 17 mensualités, l'ordonnance entreprise étant réformée sur ce point. Les effets de la clause résolutoire seront suspendus pendant le cours de ces délai et cette clause sera réputée ne pas avoir joué si les délais accordés sont respectés.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de la société B home

La société B home sollicite la condamnation de la société Gesbac à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en 2020 par suite d'un dégât des eaux ayant affecté notamment les sous-sols, les locaux de stockage et les vestiaires des salariés. Elle invoque d'une part, le manquement de la société Gesbac à son obligation de délivrance de la chose louée en raison de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'exploiter son fonds de commerce, d'autre part, en considérant que l'origine concernerait des parties communes de l'immeuble, l'omission de la bailleresse de rechercher la responsabilité du syndic qui n'a pas fait procéder dans les délais les plus brefs aux réparations nécessaires.

La société Gesbac fait valoir que la demande de ce chef de la société B home se heurte à des contestations sérieuses tant sur le principe de sa responsabilité - les désordres constatés provenant de défaillances des parties communes de l'immeuble et ne pouvant lui être imputées - que sur le montant de la provision de dommages et intérêts sollicitée dont la locataire ne justifie pas.

En application de l'article 1728 du code civil, le locataire est tenu au paiement des loyers et charges aux termes prévus au bail, sans pouvoir invoquer l'exception d'inexécution pour y échapper, sauf à justifier que les locaux loués sont devenus impropres à l'usage auquel ils étaient destinés.

Il ressort des constats dressés par le commissaire de justice les 11 juillet 2023 et 24 janvier 2025 que, dans la salle servant de vestiaires aux employés, le sol est recouvert d'une boue noirâtre, le sol et un mur de la buanderie présentent des traces d'humidité, les machines à laver et sèche-linge étant installées sur une palette, le plafond du couloir d'accès à la cuisine est humide. La société B home fait en outre état de ce que la cave à vin présente un taux d'humidité important et de ce que le bureau subit des infiltrations d'eau.

Il résulte cependant de ces éléments que, si les désagréments occasionnés par ces désordres ne peuvent être ignorés, les problèmes d'humidité n'affectent que des locaux annexes au restaurant, dont certains continuent au demeurant à être utilisés - ainsi la buanderie où fonctionnent les machines à laver et sèche-linge - que la locataire n'invoque à aucun moment un arrêt d'exploitation de l'établissement et que l'impossibilité d'user des lieux loués conformément à la destination prévue au bail n'est pas établie.

Sur le grief selon lequel la bailleresse n'aurait pas pris les dispositions permettant la réparation des parties communes, aucune faute imputable à la société Gesbac n'est démontrée dès lors que la société B home ne conteste pas que l'origine des désordres relèvent des parties communes, étant observé qu'il résulte des pièces versées aux débats que la copropriété a pris un certain nombre de mesures pour faire cesser les infiltrations d'eau en commandant des interventions notamment sur la toiture, les gouttières, le collecteur des eaux usées et eaux pluviales (pièces Gesbac n°29 à 39 et 46).

L'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle formée par la société B home.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sort des dépens de première instance et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ont été exactement appréciés par le premier juge.

Au regard des circonstances de la cause, la société B home supportera les dépens d'appel.

L'équité commande de la condamner à payer à la société Gesbac la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise sauf sur le montant de la condamnation provisionnelle et sur l'échéancier d'apurement de l'arriéré locatif ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et vu l'évolution du litige ;

Condamne la société B home à payer à la société Gesbac, à titre provisionnel, la somme de 33.991,91 euros, au titre de l'arriéré locatif arrêté au 1er juin 2025, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;

Dit que la société B home sera autorisée à s'acquitter de la dette due au titre de cet arriéré locatif, qui s'élève à la somme de 33.991,91 euros, en 17 mensualités, les 16 premières d'un montant de 2.000 euros chacune et la 17ème soldant la dette, le premier versement devant intervenir avant le 15 du mois suivant le mois de la signification du présent arrêt et les versements suivants avant le 15 de chaque mois ;

Dit que les effets de la clause résolutoire insérée dans le bail sont suspendus pendant le cours de ces délais, laquelle sera réputée n'avoir jamais joué si la société B home se libère de sa dette dans ce délai et si les loyers courants augmentés des charges et accessoires sont payés pendant le cours de ce délai dans les conditions contractuelles ;

Dit que, faute pour la société B home de payer à bonne date, en sus du loyer, charges et accessoires courants, une seule des mensualités, et huit jours après l'envoi d'une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception :

° le tout deviendra immédiatement exigible ;

° la clause résolutoire sera acquise ;

° il sera procédé à l'expulsion immédiate de la société B home et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance si nécessaire de la force publique des lieux loués [Adresse 2], à [Localité 9] ;

° en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution sur ce point ;

° une indemnité provisionnelle égale au montant du loyer contractuel augmenté des charges sera mise à sa charge, en cas de maintien dans les lieux, jusqu'à libération effective des lieux par remise des clés ;

Condamne la société B home aux dépens d'appel et à payer à la société Gesbac la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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