CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 18 septembre 2025, n° 24/10720
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 18 SEPTEMBRE 2025
N° 2025/483
Rôle N° RG 24/10720 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNTOP
S.A.R.L. CARNIVAR
C/
S.N.C. LIDL
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN
Me Nadia KEBAILI de la SELAS NADEM
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 10 Juillet 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/03783.
APPELANTE
S.A.R.L. CARNIVAR
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 2]
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Roger DENOULET, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.N.C. LIDL
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 1]
représentée par Me Nadia KEBAILI de la SELAS NADEM, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 juin 2025 en audience publique devant la cour composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Séverine MOGILKA, Conseillère rapporteure
M. Laurent DESGOUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2025,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant acte authentique en date du 25 septembre 2014, la société en nom collectif (SNC) Lidl a donné à bail commercial à la société à responsabilité limitée (SARL) Carnivar un local sis [Adresse 3], moyennant un loyer annuel de 74 120 euros hors taxe, payable trimestriellement par terme de 18 530 euros, outre les provisions pour charges d'un montant de 1 680 euros.
Par acte de commissaire de justice en date du 17 janvier 2024, la société Lidl a fait délivrer à la société Carnivar un commandement de payer la somme de 5 297,16 euros en principal, visant la clause résolutoire contenue au contrat de bail.
Par acte de commissaire de justice en date du 16 mai 2024, la société Lidl a fait assigner la société Carnivar, devant le président du tribunal judiciaire de Draguignan, statuant en référé, aux fins d'obtenir la résiliation du bail, l'expulsion de l'occupante sous astreinte, la fixation d'une indemnité provisionnelle d'occupation, outre la condamnation de la société au paiement d'une provision sur les décomptes de charges impayés avec intérêts de retard et d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 10 juillet 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de bail à la date du 18 février 2024 ;
- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société Carnivar et de tout occupant et objet de son chef des lieux loués avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier et sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance pour une durée de 60 jours passée laquelle il pourrait être de nouveau fait droit ;
- condamné la société Carnivar à payer à la société Lidl :
- une indemnité d'occupation provisionnelle d'un montant de 9 265 euros par mois, à compter du 18 février 2024 jusqu'à la libération complète des lieux, outre les charges ;
- une provision de 5 297,16 euros, à titre de provision à valoir sur les charges impayées pour les périodes du 1er mars 2020 au 28 février 2021 et du 1er mars 2022 au 28 février 2023, outre intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2024 ;
- dit que les intérêts se capitaliseraient dans les conditions de 1'article 1343-2 du code civil ;
- condamné la société Carnivar à payer à la société Lidl la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens, frais de commandement inclus.
Ce magistrat a, notamment, considéré que la société Carnivar n'ayant pas réglé les causes du commandement dans le délai d'un mois, le contrat de bail était résilié et que la société était redevable de provisions au titre de l'indemnité d'occupation ainsi que de la dette locative.
Par déclaration transmise le 28 août 2024, la société Carnivar a interjeté appel de la décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dument reprises.
Par conclusions transmises le 28 mai 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Carnivar conclut à l'infirmation de l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- juger qu'elle est recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;
- juger qu'elle n'est redevable d'aucun arriéré locatif et qu'elle est à jour du paiement de ses loyers et charges ;
- constater que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail ne sont pas réunies ;
- lui accorder, le cas échéant, rétroactivement les délais de paiement les plus larges possibles ;
- suspendre, à défaut, les effets de la clause résolutoire ;
- débouter la société Lidl de l'ensemble de ses demandes, d'expulsion, de condamnations financières et d'application de la clause pénale et d'une indemnité d'occupation majorée ;
- débouter la société Lidl de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société Lidl au paiement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société Carnivar expose, notamment, que :
- le commandement de payer vise un montant de charges dues erroné ;
- elle était redevable de la somme de 4 716,96 euros au titre des charges 2021-2022 et 2022-2023, somme qu'elle a réglé le 22 mai 2024, antérieurement à l'audience devant le juge des référés ;
- elle était ainsi à jour des loyers et charges au jour de l'audience de référé ;
- depuis, elle a réglé tous ses loyers, charges, taxes et régularisation de charges pour les années 2024 et 2025 ;
- la majoration du loyer de 50 % à titre d'indemnité d'occupation prévue par le contrat s'analyse en une clause pénale qu'il n'y a pas lieu d'appliquer.
Par conclusions transmises le 23 mai 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Lidl conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée, au débouté de la société Carnivar, outre la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
A l'appui de ses demandes, la société Lidl fait, notamment, valoir que :
- la société Carnivar n'a pas réglé les causes du commandement de payer dans le délai d'un mois de telle sorte que la clause résolutoire est acquise ;
- elle n'a pas commis d'erreur dans le commandement de payer ;
- la société Carnivar a procédé à un paiement postérieurement au délai d'un mois à compter de la délivrance du commandement, auprès du commissaire de justice ;
- la société appelante est toujours redevable de charges antérieures à l'acquisition de la clause résolutoire.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 3 juin 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
- Sur le constat de l'acquisition de la clause résolutoire et la demande de délais de paiement rétroactifs :
L'article L. 145-41 alinéa 1 du code de commerce prévoit que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
L'alinéa 2 de cet article dispose que les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil, peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation des effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant l'autorité de chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Il en résulte qu'en matière de baux commerciaux, tant qu'aucune décision constatant la résolution du bail n'est passée en force de chose jugée, le juge saisi d'une demande de suspension des effets de la clause résolutoire peut accorder au locataire, à jour du paiement de ses loyers, des délais de façon rétroactive.
En l'espèce, le bail liant la société Carnivar à la société Lidl comporte une clause résolutoire aux termes de laquelle 'en cas de non-exécution par le preneur de l'un quelconque de ses engagements (') ou en cas de non-paiement à son échéance de l'un quelconque des termes du loyer convenu ou des charges et impôts récupérables par le bailleur, le présent bail sera résilié de plein droit un mois après une sommation d'exécuter ou un commandement de payer délivré par acte extra-judiciaire au preneur de régulariser sa situation et contenant déclaration par le bailleur d'user du bénéfice de la présente clause'.
Par acte de commissaire de justice en date du 17 janvier 2024, la société Lidl a fait délivrer à la société Carnivar un commandement d'avoir à payer une somme de 5 297,16 euros au titre des charges locatives (3 371,64 euros au titre des charges dues entre les 1er mars 2020 et 28 février 2021 et 1 925,52 euros au titre des charges dues entre les 1er mars 2022 et 28 février 2023), commandement visant la clause résolutoire contenue au contrat de bail.
Or, à l'issue du délai d'un mois à compter de la signification du commandement, la société Carnivar n'a pas réglé les causes du commandement. Elle ne conteste pas cette absence de régularisation de la dette locative dans le délai.
Les conditions d'application de la clause résolutoire étaient donc réunies au 18 février 2024.
Toutefois, il doit être relevé que le commandement de payer en date du 17 janvier 2024 inclut les charges dues entre les 1er mars 2020 et 28 février 2021 qui figuraient déjà dans le décompte du commandement de payer délivré le 20 avril 2022 et que ce premier commandement a été régularisé par un paiement en date du 25 mai 2022.
Aussi, le commandement de payer du 17 janvier 2024, invoqué par la société Lidl pour justifier la résiliation du contrat de bail, n'est justifié qu'à hauteur de 1 925,52 euros correspondant aux charges dues entre les 1er mars 2022 et 28 février 2023.
Or, la société Carnivar a effectué un paiement de 4 716,96 euros, le 22 mai 2024, auprès de l'étude de commissaire de justice ayant délivré le commandement de payer, ce qui solde la dette locative visé dans cet acte.
Par ailleurs, suivant le courriel du service comptabilité de la société Lidl du 20 mai 2025, la société Carnivar règle le loyer courant. Ce service fait état uniquement d'une dette de 3 349 euros qui apparaît manifestement être due au titre des charges locatives.
Toutefois, la société Lidl ne produit aucun décompte de la dette invoquée afin, notamment, de connaître la période d'impayé, ce qui est indispensable eu égard au fait que le commandement de payer du 17 janvier 2024 n'est que partiellement justifié, que la société Carnivar a réglé une somme supérieure à ce qui est dû au titre de ce commandement et qu'elle justifie aussi avoir réglé les charges dues entre les 1er mars 2023 et 28 février 2025.
Ainsi, il n'apparaît nullement avec l'évidence requise en référé que la société Carnivar est débitrice d'une quelconque somme envers la société Lidl.
Eu égard à de tels éléments, il convient de constater l'acquisition de la clause résolutoire au 18 février 2024 et d'accorder à la société Carnivar des délais de paiement rétroactifs à compter du 17 janvier 2024, d'une durée de cinq mois et de constater que, dans ce délai, les causes du commandement de payer délivré le 17 janvier 2024 ainsi que les loyers courants et les charges non sérieusement contestables ont été intégralement acquittés en sorte que la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais joué.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail commercial et infirmée en ce qu'elle a :
- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société Carnivar et de tout occupant et objet de son chef des lieux loués avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier et sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance pour une durée de 60 jours passée laquelle il pourrait être de nouveau fait droit ;
- condamné la société Carnivar à payer à la société Lidl :
- une indemnité d'occupation provisionnelle d'un montant de 9 265 euros par mois, à compter du 18 février 2024 jusqu'à la libération complète des lieux, outre les charges ;
- une provision de 5 297,16 euros, à titre de provision à valoir sur les charges impayées pour les périodes du 1er mars 2020 au 28 février 2021 et du 1er mars 2022 au 28 février 2023, outre intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2024 ;
- dit que les intérêts se capitaliseraient dans les conditions de 1'article 1343-2 du code civil ;
- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la société Carnivar aux dépens et à payer à la société Lidl la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Chacune des parties succombant partiellement au litige, il n'y a lieu de faire application des dispositions de ce texte en cause d'appel.
La société Carnivar supportera, en outre, les dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de bail à la date du 18 février 2024 ;
- condamné la société Carnivar à payer à la société Lidl la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens, frais de commandement inclus.
Infirme l'ordonnance déférée pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Accorde à la société Carnivar un délai de paiement rétroactif de 5 mois suivant le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 17 janvier 2024 ;
Constate que la société Carnivar s'est intégralement acquittée de la quote part des sommes visées dans le commandement de payer dont elle était redevable ;
Ordonne la suspension des effets de la clause résolutoire présente dans le contrat de bail commercial du 25 septembre 2014, laquelle est réputée n'avoir pas joué ;
Constate que les causes du commandement sont réglées ;
Dit que effets de la clause résolutoire sont rétroactivement suspendus ;
Déboute en conséquence la société Lidl de sa demande de résiliation du bail ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne la société Carnivar aux dépens d'appel.
La greffière Le président
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 18 SEPTEMBRE 2025
N° 2025/483
Rôle N° RG 24/10720 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNTOP
S.A.R.L. CARNIVAR
C/
S.N.C. LIDL
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN
Me Nadia KEBAILI de la SELAS NADEM
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 10 Juillet 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/03783.
APPELANTE
S.A.R.L. CARNIVAR
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 2]
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Roger DENOULET, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.N.C. LIDL
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 1]
représentée par Me Nadia KEBAILI de la SELAS NADEM, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 juin 2025 en audience publique devant la cour composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Séverine MOGILKA, Conseillère rapporteure
M. Laurent DESGOUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2025,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant acte authentique en date du 25 septembre 2014, la société en nom collectif (SNC) Lidl a donné à bail commercial à la société à responsabilité limitée (SARL) Carnivar un local sis [Adresse 3], moyennant un loyer annuel de 74 120 euros hors taxe, payable trimestriellement par terme de 18 530 euros, outre les provisions pour charges d'un montant de 1 680 euros.
Par acte de commissaire de justice en date du 17 janvier 2024, la société Lidl a fait délivrer à la société Carnivar un commandement de payer la somme de 5 297,16 euros en principal, visant la clause résolutoire contenue au contrat de bail.
Par acte de commissaire de justice en date du 16 mai 2024, la société Lidl a fait assigner la société Carnivar, devant le président du tribunal judiciaire de Draguignan, statuant en référé, aux fins d'obtenir la résiliation du bail, l'expulsion de l'occupante sous astreinte, la fixation d'une indemnité provisionnelle d'occupation, outre la condamnation de la société au paiement d'une provision sur les décomptes de charges impayés avec intérêts de retard et d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 10 juillet 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de bail à la date du 18 février 2024 ;
- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société Carnivar et de tout occupant et objet de son chef des lieux loués avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier et sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance pour une durée de 60 jours passée laquelle il pourrait être de nouveau fait droit ;
- condamné la société Carnivar à payer à la société Lidl :
- une indemnité d'occupation provisionnelle d'un montant de 9 265 euros par mois, à compter du 18 février 2024 jusqu'à la libération complète des lieux, outre les charges ;
- une provision de 5 297,16 euros, à titre de provision à valoir sur les charges impayées pour les périodes du 1er mars 2020 au 28 février 2021 et du 1er mars 2022 au 28 février 2023, outre intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2024 ;
- dit que les intérêts se capitaliseraient dans les conditions de 1'article 1343-2 du code civil ;
- condamné la société Carnivar à payer à la société Lidl la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens, frais de commandement inclus.
Ce magistrat a, notamment, considéré que la société Carnivar n'ayant pas réglé les causes du commandement dans le délai d'un mois, le contrat de bail était résilié et que la société était redevable de provisions au titre de l'indemnité d'occupation ainsi que de la dette locative.
Par déclaration transmise le 28 août 2024, la société Carnivar a interjeté appel de la décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dument reprises.
Par conclusions transmises le 28 mai 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Carnivar conclut à l'infirmation de l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- juger qu'elle est recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;
- juger qu'elle n'est redevable d'aucun arriéré locatif et qu'elle est à jour du paiement de ses loyers et charges ;
- constater que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail ne sont pas réunies ;
- lui accorder, le cas échéant, rétroactivement les délais de paiement les plus larges possibles ;
- suspendre, à défaut, les effets de la clause résolutoire ;
- débouter la société Lidl de l'ensemble de ses demandes, d'expulsion, de condamnations financières et d'application de la clause pénale et d'une indemnité d'occupation majorée ;
- débouter la société Lidl de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société Lidl au paiement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société Carnivar expose, notamment, que :
- le commandement de payer vise un montant de charges dues erroné ;
- elle était redevable de la somme de 4 716,96 euros au titre des charges 2021-2022 et 2022-2023, somme qu'elle a réglé le 22 mai 2024, antérieurement à l'audience devant le juge des référés ;
- elle était ainsi à jour des loyers et charges au jour de l'audience de référé ;
- depuis, elle a réglé tous ses loyers, charges, taxes et régularisation de charges pour les années 2024 et 2025 ;
- la majoration du loyer de 50 % à titre d'indemnité d'occupation prévue par le contrat s'analyse en une clause pénale qu'il n'y a pas lieu d'appliquer.
Par conclusions transmises le 23 mai 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Lidl conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée, au débouté de la société Carnivar, outre la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
A l'appui de ses demandes, la société Lidl fait, notamment, valoir que :
- la société Carnivar n'a pas réglé les causes du commandement de payer dans le délai d'un mois de telle sorte que la clause résolutoire est acquise ;
- elle n'a pas commis d'erreur dans le commandement de payer ;
- la société Carnivar a procédé à un paiement postérieurement au délai d'un mois à compter de la délivrance du commandement, auprès du commissaire de justice ;
- la société appelante est toujours redevable de charges antérieures à l'acquisition de la clause résolutoire.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 3 juin 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
- Sur le constat de l'acquisition de la clause résolutoire et la demande de délais de paiement rétroactifs :
L'article L. 145-41 alinéa 1 du code de commerce prévoit que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
L'alinéa 2 de cet article dispose que les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil, peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation des effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant l'autorité de chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Il en résulte qu'en matière de baux commerciaux, tant qu'aucune décision constatant la résolution du bail n'est passée en force de chose jugée, le juge saisi d'une demande de suspension des effets de la clause résolutoire peut accorder au locataire, à jour du paiement de ses loyers, des délais de façon rétroactive.
En l'espèce, le bail liant la société Carnivar à la société Lidl comporte une clause résolutoire aux termes de laquelle 'en cas de non-exécution par le preneur de l'un quelconque de ses engagements (') ou en cas de non-paiement à son échéance de l'un quelconque des termes du loyer convenu ou des charges et impôts récupérables par le bailleur, le présent bail sera résilié de plein droit un mois après une sommation d'exécuter ou un commandement de payer délivré par acte extra-judiciaire au preneur de régulariser sa situation et contenant déclaration par le bailleur d'user du bénéfice de la présente clause'.
Par acte de commissaire de justice en date du 17 janvier 2024, la société Lidl a fait délivrer à la société Carnivar un commandement d'avoir à payer une somme de 5 297,16 euros au titre des charges locatives (3 371,64 euros au titre des charges dues entre les 1er mars 2020 et 28 février 2021 et 1 925,52 euros au titre des charges dues entre les 1er mars 2022 et 28 février 2023), commandement visant la clause résolutoire contenue au contrat de bail.
Or, à l'issue du délai d'un mois à compter de la signification du commandement, la société Carnivar n'a pas réglé les causes du commandement. Elle ne conteste pas cette absence de régularisation de la dette locative dans le délai.
Les conditions d'application de la clause résolutoire étaient donc réunies au 18 février 2024.
Toutefois, il doit être relevé que le commandement de payer en date du 17 janvier 2024 inclut les charges dues entre les 1er mars 2020 et 28 février 2021 qui figuraient déjà dans le décompte du commandement de payer délivré le 20 avril 2022 et que ce premier commandement a été régularisé par un paiement en date du 25 mai 2022.
Aussi, le commandement de payer du 17 janvier 2024, invoqué par la société Lidl pour justifier la résiliation du contrat de bail, n'est justifié qu'à hauteur de 1 925,52 euros correspondant aux charges dues entre les 1er mars 2022 et 28 février 2023.
Or, la société Carnivar a effectué un paiement de 4 716,96 euros, le 22 mai 2024, auprès de l'étude de commissaire de justice ayant délivré le commandement de payer, ce qui solde la dette locative visé dans cet acte.
Par ailleurs, suivant le courriel du service comptabilité de la société Lidl du 20 mai 2025, la société Carnivar règle le loyer courant. Ce service fait état uniquement d'une dette de 3 349 euros qui apparaît manifestement être due au titre des charges locatives.
Toutefois, la société Lidl ne produit aucun décompte de la dette invoquée afin, notamment, de connaître la période d'impayé, ce qui est indispensable eu égard au fait que le commandement de payer du 17 janvier 2024 n'est que partiellement justifié, que la société Carnivar a réglé une somme supérieure à ce qui est dû au titre de ce commandement et qu'elle justifie aussi avoir réglé les charges dues entre les 1er mars 2023 et 28 février 2025.
Ainsi, il n'apparaît nullement avec l'évidence requise en référé que la société Carnivar est débitrice d'une quelconque somme envers la société Lidl.
Eu égard à de tels éléments, il convient de constater l'acquisition de la clause résolutoire au 18 février 2024 et d'accorder à la société Carnivar des délais de paiement rétroactifs à compter du 17 janvier 2024, d'une durée de cinq mois et de constater que, dans ce délai, les causes du commandement de payer délivré le 17 janvier 2024 ainsi que les loyers courants et les charges non sérieusement contestables ont été intégralement acquittés en sorte que la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais joué.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail commercial et infirmée en ce qu'elle a :
- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société Carnivar et de tout occupant et objet de son chef des lieux loués avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier et sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance pour une durée de 60 jours passée laquelle il pourrait être de nouveau fait droit ;
- condamné la société Carnivar à payer à la société Lidl :
- une indemnité d'occupation provisionnelle d'un montant de 9 265 euros par mois, à compter du 18 février 2024 jusqu'à la libération complète des lieux, outre les charges ;
- une provision de 5 297,16 euros, à titre de provision à valoir sur les charges impayées pour les périodes du 1er mars 2020 au 28 février 2021 et du 1er mars 2022 au 28 février 2023, outre intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2024 ;
- dit que les intérêts se capitaliseraient dans les conditions de 1'article 1343-2 du code civil ;
- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la société Carnivar aux dépens et à payer à la société Lidl la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Chacune des parties succombant partiellement au litige, il n'y a lieu de faire application des dispositions de ce texte en cause d'appel.
La société Carnivar supportera, en outre, les dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de bail à la date du 18 février 2024 ;
- condamné la société Carnivar à payer à la société Lidl la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens, frais de commandement inclus.
Infirme l'ordonnance déférée pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Accorde à la société Carnivar un délai de paiement rétroactif de 5 mois suivant le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 17 janvier 2024 ;
Constate que la société Carnivar s'est intégralement acquittée de la quote part des sommes visées dans le commandement de payer dont elle était redevable ;
Ordonne la suspension des effets de la clause résolutoire présente dans le contrat de bail commercial du 25 septembre 2014, laquelle est réputée n'avoir pas joué ;
Constate que les causes du commandement sont réglées ;
Dit que effets de la clause résolutoire sont rétroactivement suspendus ;
Déboute en conséquence la société Lidl de sa demande de résiliation du bail ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne la société Carnivar aux dépens d'appel.
La greffière Le président