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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 18 septembre 2025, n° 22/13907

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/13907

17 septembre 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2025

(n° 148/2025, 32 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/13907 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHFL

Décision déférée à la Cour : jugement du 03 juin 2022 du Tribunal de CRETEIL (3ème chambre)- RG n° 21/00023

APPELANTE

S.A.R.L. GRAND GARAGE DU LAVOIR

Immatriculée au R.C.S. de [Localité 10] sous le n° 417 542 214

Agissant poursuites et diligences de son gérant domicilé en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de Paris, toque : B0515

Assistée de Me Rémy CONSEIL de la SELARL BARBIER ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, Toque : C987, substitué à l'audience par Me Etienne ROUSSEAU du même cabinet

INTIMÉES

Mme [X] [M] [F] épouse [N]

née le 02 juin 1941 à [Localité 11]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de Paris, toque : K0065

Assistée de Me Christophe DENIZOT du cabinet NICOLAS & DENIZOT associés, AARI, avocat au barreau de Paris, toque : B119

S.A. LES NOUVEAUX CONSTRUCTEURS (sigle LNC)

Immatriculée au R.C.S. de [Localité 12] sous le n° 325 356 079

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de Paris, toque : J151

Assistée de Me Béatrice DELEUZE, avocat au barreau de Paris, toque : D1897

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et Mme Stéphanie Dupont, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

- Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre

- Mme Stéphanie Dupont, conseillère

- Mme Hélène Bussière, conseillère

Un rapport a été présenté à l'audience par Mme Stéphanie Dupont, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua

ARRÊT :

- contradictoire ;

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la signature.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous signature privée du 29 octobre 1991, M. [K] [N] et Mme [X] [N] ont donné à bail à M. et Mme [C] des locaux commerciaux situés [Adresse 2] [Localité 13] (94), pour une durée de neuf ans à compter du ler octobre 1991.

Par acte authentique du 11 février 1998, la société Grand garage du Lavoir a acquis le fonds de commerce de garagiste exploité dans les lieux.

Par acte authenique du 23 octobre 2020, les époux [N] et la société Grand garage du Lavoir ont renouvelé leur bail.

Par acte authentique du 28 septembre 2009, les époux [N] et la société Grand garage du Lavoir ont renouvelé leur bail pour une durée de neuf ans à compter du ler octobre 2009, contre paiement d'un loyer annuel de 30.964,00 euros. La destination contractuelle des lieux est l'exercice d'une activité de « mécanicien, garage, commerce et réparation de voitures automobiles, machines agricoles, mécanique générale à l'exclusion de tous autres ».

Par exploit d'huissier signifié le 11 septembre 2018, Mme [X] [N] a fait commandement à sa locataire d'avoir à effectuer des travaux de ravalement de l'immeuble dans un délai d'un mois. Ce commandement visait la clause résolutoire du contrat de bail.

Par exploit d'huissier signifié le 24 septembre 2018, la société Grand garage du Lavoir a sollicité le renouvellement du bail, ce que la bailleresse a refusé, sans offre de paiement d' une indemnité d'éviction, par exploit d'huissier signifié le 20 décembre 2018.

Par exploit d'huissier signifié le 12 juillet 2019, Mme [X] [N] a maintenu son refus de renouvellement mais a proposé le paiement d'une indemnité d'éviction.

Par ordonnance du 7 novembre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil a désigné M. [O] [G] en qualité d'expert judiciaire, aux fins d'évaluation du montant de l'indemnité d'éviction due au preneur. Celui-ci a déposé son rapport définitif le 31 juillet 2020.

Par exploits d'huissier signifiés le 14 décembre 2020, la société Grand garage du Lavoir a fait assigner Mme [X] [N] et la société Les Nouveaux Constructeurs devant le tribunal judiciaire de Créteil.

Par jugement du 3 juin 2022, le tribunal judiciaire de Créteil a :

- déclaré irrecevables les demandes formées par la société Grand garage du Lavoir à l'encontre de la société Les Nouveaux Constructeurs, et mis ainsi cette dernière hors de cause ;

- condamné Mme [X] [N] à payer à la société Grand garage du Lavoir une indemnité d'éviction d'un montant total de 213.009,91 euros, se décomposant comme suit :

- 170.000,00 euros au titre de la perte du fonds de commerce ;

- 17.000,00 euros au titre des frais de remploi ;

- 18.160,00 euros au titre d'un trouble commercial ;

- 3.500,00 euros au titre de frais divers ;

- 4.349,91 euros au titre d'un double loyer ;

- condamné Mme [X] [N] à payer à la société Grand garage du Lavoir les sommes dues au titre des frais de licenciement, de déménagement et de réinstallation, après restitution des locaux et sur production de justificatifs ;

- condamné la société Grand garage du Lavoir à payer à Mme [X] [N] la somme de 52.198,95 par an à titre d'indemnité d'occupation, à compter du 1er octobre 2018, et précisé que cette indemnité d'occupation sera due jusqu'à son départ effectif des lieux laissés libres de tous occupants et de tous biens suivi de la restitution effective des clefs, qui devra s'effectuer dans le délai imparti par l'article L. 145-29 du code de commerce ;

- rappelé que la société Grand garage du Lavoir devra avoir quitté les lieux au plus tard à l'issue du troisième mois suivant le paiement de l'indemnité d'éviction ;

- déclaré irrecevable la demande en restitution de la société Grand garage du Lavoir portant sur les sommes versées au titre de la TEOM due pour l'année 2016;

- débouté la société Grand garage du Lavoir de ses demande en restitution au titre d'un trop-versé de loyer et de taxes d'enlèvement des ordures ménagères ;

- déclaré recevable la demande en remboursement de surprimes d'assurance formée par Mme [X] [N] pour l'année 2016 ;

- condamné la société Grand garage du Lavoir à payer à Mme [X] [N] la somme de 4.075,06 euros, au titre de surprimes d'assurance pour les années 2016 à 2021 incluses ;

- débouté la société Les Nouveaux Constructeurs de sa demande en paiement d'une amende civile ;

- ordonné la compensation entre les créances que les parties détiennent l'une envers l'autre, à la date du jugement ;

- dit que les parties procéderont au paiement des sommes susmentionnées sur un compte ouvert auprès du séquestre juridique de l'ordre des avocats au barreau de Paris, désigné en qualité de séquestre et chargé de verser l'indemnité d'éviction diminuée de l'indemnité d'occupation contre la remise des clés du local vide ;

- condamné Mme [X] [N] au paiement des entiers dépens de l'instance, qui comprendront les frais d'expertise, les frais de l'assignation, les frais du timbre BRA et les frais de signification du jugement à intervenir ;

- condamné Mme [X] [N] à payer à la société Grand garage du Lavoir la somme de 3.500,00 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamné la société Grand garage du Lavoir à payer à la société Les Nouveaux Constructeurs la somme de 2.000,00 euros au titre des frais irrépétibles ;

- rappelé que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Par déclaration du 20 juillet 2022, la société Grand garage du Lavoir a interjeté appel du jugement en critiquant tous les chefs du jugement à l'exception de celui qui a condamné Mme [X] [N] à lui payer les frais de licenciement, de déménagement et de réinstallation, après restitution des locaux, sur justificatifs, de celui qui a débouté la société Les Nouveaux Constructeurs de sa demande en paiement d'une amende civile, de celui qui a ordonné la compensation des créances entre les parties et de ceux qui ont condamné [X] [N] au paiement des dépens et de la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mai 2025.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 20 mars 2025, la société Grand garage du Lavoir demande à la cour de :

- recevoir et dire bien fondée en son appel la société Grand garage du Lavoir ;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré irrecevables les demandes formées par la société Grand garage du Lavoir à l'encontre de la société Les Nouveaux Constructeurs, et mis ainsi cette dernière hors de cause ;

- limité la condamnation de Mme [X] [N] à payer à la société Grand garage du Lavoir une indemnité d'éviction d'un montant total de 213.009,91 euros, se décomposant comme suit :

170.000,00 euros au titre de la perte du fonds de commerce ;

17.000,00 euros au titre des frais de remploi ;

18.160,00 euros au titre d'un trouble commercial ;

3.500,00 euros au titre de frais divers ;

4.349,91 euros au titre d'un double loyer ;

- condamné la société Grand garage du Lavoir à payer à Mme [X] [N] la somme de 52.198,95 € par an à titre d'indemnité d'occupation à compter du 1er octobre 2018, et précisé que cette indemnité d'occupation sera due jusqu'à son départ effectif des lieux laissés libres de tous occupants et de tous biens, suivi de la restitution effective des clefs, qui devra s'effectuer dans le délai imparti par l'article L.145-29 du code de commerce ;

- rappelé que la société Grand garage du Lavoir devra avoir quitté les lieux au plus tard à l'issue du troisième mois suivant le paiement de l'indemnité d'éviction ;

- déclaré irrecevable la demande en restitution de la société Grand Garage du Lavoir portant sur les sommes versées au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères due pour l'année 2016 ;

- débouté la société Grand garage du Lavoir de ses demande en restitution au titre d'un trop-versé de loyer et de taxes d'enlèvement des ordures ménagères ;

- déclaré recevable la demande en remboursement de surprimes d'assurance formée par Mme [X] [N] pour l'année 2016 ;

- condamné la société Grand garage du Lavoir à payer à Mme [X] [N] la somme de 4.075,06 €, au titre de surprimes d'assurance pour les années 2016 à 2021 incluses ;

- dit que les parties procéderont au paiement des sommes susmentionnées sur un compte ouvert auprès du séquestre juridique de l'ordre des avocats au barreau de Paris, désigné en qualité de séquestre et chargé de verser l'indemnité d'éviction diminuée de l'indemnité d'occupation contre la remise des clés du local vide ;

- condamné la société Grand garage du Lavoir à payer à la société Les Nouveaux Constructeurs la somme de 2.000,00 euros au titre des frais irrépétibles ;

Et statuant à nouveau :

- fixer à la somme de 580.486,52 € l'indemnité d'éviction revenant à la société Grand garage du Lavoir, sauf à parfaire ou à compléter, se décomposant comme suit :

- 422.149 € au titre de la perte du fonds de commerce ;

- 42.214 € au titre des frais de remploi ;

- 59.448 € au titre du trouble commercial ;

- 51.675,52 € au titre des frais de licenciement ;

- 5.000 € au titre des frais divers ;

- condamner Mme [X] [N] à payer à la société Grand garage du Lavoir une indemnité d'éviction d'un montant de 580.486,52 €, sauf à parfaire ou à compléter.

- subsidiairement, si par extraordinaire l'indemnité d'éviction était calculée en tenant compte du loyer déplafonné en cas de renouvellement, juger qu'il faudrait tenir compte de la règle du « plafonnement du déplafonnement », c'est-à-dire, de l'application des paliers d'augmentation de loyer de 10 % par an ;

- dans cette hypothèse subsidiaire, fixer à la somme de 557.268,52 € l'indemnité d'éviction revenant à la société Grand garage du Lavoir, sauf à parfaire ou à compléter, se décomposant comme suit :

- 401.041 € au titre de la perte du fonds de commerce ;

- 40.104 € au titre des frais de remploi ;

- 59.448 € au titre du trouble commercial ;

- 51.675,52 € au titre des frais de licenciement ;

- 5.000 € au titre des frais divers ;

- toujours dans cette hypothèse, condamner Mme [X] [N] à payer à la société Grand garage du Lavoir une indemnité d'éviction d'un montant de 557.268,52 €, sauf à parfaire ou à compléter ;

- dans toutes les hypothèses, condamner [H] [X] [N] à payer à la société Grand Garage du Lavoir les sommes dues au titre des frais de réinstallation sur production de justificatifs ;

- fixer l'indemnité d'occupation due par la société Grand garage du Lavoir à compter du 1er octobre 2018 jusqu'à la restitution des locaux, soit jusqu'au 4 janvier 2023, à la somme de 37.694 € par an en principal ;

- réputer non écrite la clause d'indexation du bail du 28 septembre 2009 ;

- condamner Mme [X] [N] à rembourser à la société Grand garage du Lavoir 9.035,56 € TTC de trop versés de loyer indexé, compte arrêté au 30 septembre 2018 ;

- condamner Mme [X] [N] à rembourser à la société Grand garage du Lavoir 4.421 € au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères des années 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020 ;

- juger irrecevables les demandes suivantes de Mme [N] qui n'ont pas été faites aux termes de ses premières conclusions d'intimée du 11 janvier 2023 :

- condamner la société Grand garage du Lavoir au paiement de la somme de 734,33 € au titre de la surprime d'assurances pour 2022 ;

- condamner la société Grand garage du Lavoir au paiement de la somme de 170.571,11 € au titre des frais de remise en état des locaux loués ;

- condamner la société Grand garage du Lavoir au paiement de la somme de 6.097 € au titre de la taxe foncière 2022 ;

- condamner la société Grand garage du Lavoir au paiement de la somme de 1.117 € au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères de 2022 ;

- condamner la société Grand garage du Lavoir au paiement de la somme de 368,45 € au titre de l'indemnité d'occupation due pour la période du 1er au 4 janvier 2023 ;

- débouter Mme [X] [N] de ses demandes de paiement au titre de la surprime d'assurance pour 2022, des frais de remise en état des locaux loués, de la taxe foncière 2022, de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères 2022 et de l'indemnité d'occupation due pour la période du 1er au 4 avril 2023 ;

- débouter Mme [X] [N] et la société Les Nouveaux Constructeurs de l'intégralité de leur demandes, fins et conclusions ;

- à titre subsidiaire, concernant le remboursement de la surprime d'assurance en raison de l'activité de la société Grand garage du Lavoir, juger que Mme [X] [N] est prescrite à demander le remboursement de la prime d'assurance de l'année 2016 ;

- condamner la société Les Nouveaux Constructeurs à verser à la société Grand Garage du Lavoir 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour confirmer pour le surplus le jugement entrepris ;

y ajoutant :

- débouter Mme [N] et la société Les Nouveaux Constructeurs de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner Mme [N] à verser à la société Grand garage du Lavoir 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel ;

- condamner la société Les Nouveaux Constructeurs à verser à la société Grand garage du Lavoir 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel ;

- condamner in solidum Mme [X] [N] et la société Les Nouveaux Constructeurs aux entiers dépens d'appel ;

sur les appels incidents de Mme [X] [N] et de la société Les Nouveaux Constructeurs :

- les dire mal fondés :

- débouter Mme [X] [N] et la société Les Nouveaux Constructeurs de l'intégralité de leur demandes, fins et conclusions :

- les condamner aux frais.

La société Grand garage du Lavoir fait valoir :

Sur la mise en cause de la société Les nouveaux constructeurs,

- qu'elle a légitimement penser que la société Les Nouveaux Constructeurs était ou allait être le nouveau propriétaire des locaux, cette dernière s'étant présentée pendant deux ans comme la future propriétaire ; que dans ce contexte d'incertitude sur l'identité du propriétaire, l'assignation de la société Les Nouveaux Constructeurs était une mesure de prudence, exempte de toute intention de nuire, qui ne doit conduire ni à une condamnation pour procédure abusive ni à une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur le rapport d'expertise,

- que l'expert judiciaire a pris des libertés avec la règle de droit et les usages en adoptant des positions inédites, toutes défavorables à la locataire :

- calcul de la valeur du fonds de commerce en tenant compte du loyer déplafonné qui aurait été dû en cas de renouvellement ;

- prise en compte comme motif de déplafonnement des modifications apportées par la loi Pinel alors qu'il ne peut pas porter d'appréciations d'ordre juridique ;

- application de l'abattement de précarité sur une partie seulement des locaux et non sur la totalité ;

Sur l'évaluation de l'indemnité principale d'éviction,

- que le congé avec refus de renouvellement ayant entraîné la perte du fonds de commerce de la société Grand garage du Lavoir, compte-tenu de l'ancrage local de la clientèle et de l'absence de locaux de remplacement à proximité, l'indemnité principale d'éviction doit être fixée au montant le plus élévé entre la valeur du fonds de commerce et celle du droit au bail ;

Sur la valeur du fonds de commerce

- que la question du plafonnement/déplafonnement du loyer est indifférente dans l'estimation du fonds de commerce, lequel doit être évalué sur la base des résultats comptables de la locataire avant éviction et non sur les projections faites par l'expert ;

- que la jurisprudence interdit de retraiter la valeur du fonds de commerce en fonction du loyer qu'aurait versé le locataire évincé dans le cas d'un renouvellement ; qu'en l'espèce, l'expert n'a pas évalué le fonds de commerce tel qu'il était mais tel qu'il aurait été en cas de renouvellement du bail ;

- que le tribunal a mélangé évaluation du fonds de commerce et évaluation du droit au bail;

- que le coefficient de 4,5 retenu par l'expert dans son évaluation du fonds de commerce à partir de l'EBE est trop faible et contraire aux usages ; que pour ce type de commerce, l'usage est de faire application d'un coefficient entre 6 et 7 ; qu'en l'espèce, compte tenu des bons résultats de la locataire, il doit être retenu un coefficient de 7 ;

- que le taux de 46% retenu par l'expert dans l'évaluation du fonds de commerce à partir du chiffre d'affaires est faible ; qu'au regard des bons chiffres et de la bonne rentabilité du fonds, il doit être retenu le haut de la fourchette, soit 60 % ; qu'en outre, l'évaluation du fonds doit se faire à partir du chiffre d'affaires TTC et non à partir du chiffre d'affaires HT;

- que les deux méthodes d'évaluation du fonds de commerce conduisent à des résultats proches de sorte qu'il n'est pas pertinent d'en faire la moyenne pour fixer la valeur du fonds de commerce, qu'il doit être retenu le résultat le plus élevé ;

Sur la valeur du droit au bail,

- que l'expert a estimé le droit au bail à 147.000 € ;

Sur la question du plafonnement/déplafonnement ;

- que si la cour jugeait qu'il fallait tenir compte du déplafonnement du loyer pour estimer la valeur du fonds de commerce, seul l'EBE pourrait être retraité, par application d'un abattement, et non le chiffre d'affaires ;

- qu'il n'existe pas de motifs de déplafonnement du loyer en l'espèce ;

- que c'est à tort que l'expert a considéré que l'interdiction de transférer au locataire la charge des grosses réparations de l'article 606 du code civil, désormais prévue par l'article R.145-35 du code de commerce à la suite de l'entrée en vigueur de la Loi Pinel, était un motif de déplafonnement du loyer dès lors que, si le bail échu mettait à la charge de la société Grand garage du Lavoir ces travaux, il doit être relevé que la locataire conserve les travaux de remise aux normes qui constituent la quasi-intégralité des travaux et que les locaux ne necessitent pas de grosses réparations de sorte que l'entrée en vigueur de la loi Pinel n'a pas de conséquences notables sur les obligations des parties ;

- que le rapport d'expertise a retenu une modification des facteurs locaux de commercialité compte tenu de la construction de nouveaux logements sur la commune d'[Localité 13] ; que toutefois, l'évolution des facteurs locaux de commercialité est habituellement étudiée dans un rayon de 400 mètres et qu'il n'y pas de modification des facteurs locaux de commercialité dans ce rayon autour des locaux expertisés ; que les nouvelles constructions indiquées par l'expert se situent dans un rayon d'1 km autour des locaux exploités par la société Grand garage du Lavoir, la majorité à la limite de ce rayon et à l'est d'[Localité 13] dans une zone où existent cinq garages concurrents ;

- que si le loyer du bail en renouvellement avait été déplafonné, la locataire aurait bénéficié du 'plafonnement du déplafonnement' prévu par l'article L. 145-34 du code civil, de sorte que le loyer aurait augmenté par palier de 10% par an ; que l'expert a déprécié le fonds de commerce de 87.000 euros à raison du déplafonnement du loyer alors que le loyer n'aurait augmenté que de 20.922,52 euros ;

Sur les indemnités accessoires,

- que les frais de remploi correspondent, comme l'a retenu l'expert, à 10 % de l'indemnité d'éviction principale ;

- que l'expert a évalué le trouble commercial en tenant compte de l'EBE alors qu'il doit être calculé en tenant compte à la fois de l'EBE et de la masse salariale ;

- que les frais divers doivent être évalués à 5000 euros pour tenir compte des frais de mailing à la clientèle pour l'informer du changement d'adresse ;

- que les frais de licenciement se sont élevés à 51.675,52 euros ; que contrairement à ce que soutient Mme [X] [N] les indemnités de congés payés, les indemnités de préavis et la contribution au financement de l'allocation de sécurisation professionnelle sont compris dans les frais de licenciement que le bailleur doit rembourser au locataire évincé ; que la société Grand garage du Lavoir a eu besoin de recruter deux salariés pendant la procédure d'éviction sans que Mme [X] [N] puisse le lui reprocher ;

- que la société Grand garage du Lavoir n'a pas exposé de frais de déménagement de sorte que ce poste est sans objet ;

- que l'expert a omis de prendre en considération les frais de réinstallation alors que la société Grand garage du Lavoir va devoir exposer des frais pour aménager de nouveaux locaux ; que ces frais seront dus sur justificatifs ;

- que le poste du double loyer n'a plus d'objet ;

Sur l'indemnité d'occupation,

- qu'elle est débitrice, sur le fondement de l'article L. 145-28 du code de commerce, d'une indemnité d'occupation du 1er octobre 2018, date de prise d'effet du congé, au 4 janvier 2023, date de restitution des locaux ;

- que l'expert a commis une erreur sur la surface, tenant compte de 44,20 m² de surface réelle en trop correspondant à la chaufferie et à la cave qu'il est d'usage de ne pas valoriser;

- que le prix de la partie commerciale retenu par l'expert est trop élevé au regard des références citées par l'expert judiciaire et par l'expert amiable ;

- que l'abattement de précarité doit être fixé à 20% pour tenir compte du refus initial et abusif de Mme [X] [N] d'offrir le paiement d'une indemnité d'éviction, de la proposition, par la suite, par Mme [X] [N] d'une indemnité d'éviction ridiculeusement faible (19.160 euros), de la durée de la précarité de la situation de la société Grand garage du Lavoir (du 24 septembre 2018 au 4 janvier 2023), du ravalement inutile imposé par Mme [X] [N] à la locataire en fin de bail alors que l'immeuble devait être vendu à un promoteur immobilier ;

- qu'en outre, l'abattement de précarité doit être appliqué sur la totalité des locaux et non sur la seule partie commerciale ; que la partie habitation est elle aussi impactée par le congé avec refus de renouvellement ; que l'augmentation du chiffre d'affaires de la société Grand garage du Lavoir ne fait pas disparaitre la situation de précarité dans laquelle elle se trouve ;

- que l'expert a omis d'appliquer un abattement pour le transfert de la charge de la taxe foncière à la locataire, ce qui constitue une charge exorbitante pour la locataire justifiant une diminution de la valeur locative en application de l'article R.145-8 du code de commerce ; que le montant de la taxe foncière était de 3.992 euros en 2018 ;

- que le bail met à la charge de la locataire les travaux de mises aux normes qui incombent normalement à la bailleresse en vertu de son obligation de délivrance de la chose louée ; que ce transfert de charge constitue également une charge exorbitante qui doit conduire à un abattement du montant de l'indemnité d'occupation de 10 % ;

- que contrairement à ce que soutient la société Les Nouveaux constructeurs la Loi Pinel n'a pas mis fin aux abattements au titre des charges exorbitantes ;

Sur la clause d'indexation et le trop versé de loyer,

- que la clause d'indexation stipulée au bail contrevient aux dispositions de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier en ce qu'elle crée une distorsion illégale entre la période de variation de l'indice et la période entre deux révisions, la période de variation de l'indice étant supérieure à la période entre deux révisions ; que la formule de calcul de l'indexation entraîne une distorsion continue à compter de la deuxième indexation ;

- qu'en outre, la clause d'indexation prévoit une indexation des loyers impayés pendant la précédente période triennale, uniquement en cas de hausse du loyer, ce qui est doublement prohibée en ce que ça crée une distorsion supplémentaire entre la période de variation de l'indice et la période entre deux révisions et en ce que l'indexation ne peut pas être limitée à la seule hausse du loyer ;

- que la clause d'indexation doit être réputée non écrite dans son intégralité, faute pour les stipulations prohibées d'être dissociables du reste de la clause ; que le juge n'a pas le pouvoir de réécrire la clause ; qu'il est indifférent que la stipulation prohibée ait ou non produit des effets ;

- que contrairement à ce que soutient la bailleresse et à ce qu'a jugé le tribunal, l'indexation des arriérés de loyer ne constitue pas une clause pénale ; que cette stipulation est comprise dans la clause d'indexation et modifie le cours de l'ensemble de l'indexation; qu'il n'est pas possible de reformater la rédaction du bail pour supprimer une partie de la clause d'indexation et la remplacer par une clause pénale ;

- qu'en tenant compte de la prescription quinquennale, le trop versé de loyer indexé s'élève à la somme de 7.529,64 euros HT pour la période du mois de décembre 2015 au mois de septembre 2018 inclus, soit 9.035,56 euros TTC ;

Sur le remboursement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (ci-après la TEOM),

- que la demande de Mme [X] [N] tendant à ce que la société Grand garage du Lavoir lui rembouse la TEOM de l'année 2022 est irrecevable en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, faute pour Mme [X] [N] d'avoir formulé cette demande dès ses premières conclusions ; qu'au surplus, cette demande doit être rejetée dès lors que Mme [X] [N] ne communique aucune pièce pour démontrer le montant de la TEOM 2022 ;

- que le jugement a, à tort, déclaré prescrite sa demande de remboursement de la TEOM 2016 ; qu'elle a formulé sa demande de remboursement de la TEOM 2016 par conclusions signifiées le 16 juin 2021 ce qui exclut la prescription de cette demande ;

- que le bail ne met pas à la charge de la locataire la TEOM ; que la clause du bail qui met à la charge de la locataire 'toutes les charges de ville et de police' ne permet pas de refacturer la TEOM à la locataire ; que la TEOM n'est pas une nouvelle taxe dont la locataire aurait accepté la charge ;

Sur les surprimes d'assurance,

- que la demande de Mme [X] [N] tendant à la condamnation de la locataire à lui rembourser la surprime d'assurance de l'année 2016 est prescrite, en application de l'article 2224 du code civil, pour avoir été formulée le 22 septembre 2021 alors qu'elle était due avant le 22 septembre 2016 ;

- que la demande de Mme [X] [N] tendant à la condamnation de la locataire à lui rembourser la surprime d'assurance de l'année 2022 est irrecevable en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, faute pour Mme [X] [N] d'avoir formulé cette demande dès ses premières conclusions ;

- que les pièces produites aux débats par Mme [X] [N] n'établissent pas qu'elle paye une surprime d'assurance à raison de l'activité de la locataire ;

Sur les frais de remise en état,

- que la demande de Mme [X] [N] tendant à la condamnation de la société Grand garage du Lavoir à lui payer des frais de remise en état est irrecevable en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, faute pour Mme [X] [N] d'avoir formulé cette demande dès ses premières conclusions ;

- que les locaux ont été restitués le 3 janvier 2023 par la société Grand garage du Lavoir et vendus par Mme [X] [N] le 31 août 2023 ; qu'entre ces deux dates, Mme [X] [N] n'a pas réalisé de travaux de remise en état et qu'il n'est pas apporté la preuve d'une dépréciation du prix de vente de sorte que Mme [X] [N] n'a subi aucun préjudice ;

- qu'en outre les travaux de remise en état réclamés par Mme [X] [N] n'incombent pas au preneur en vertu du bail ;

Sur la taxe foncière 2022,

- que la demande de Mme [X] [N] tendant à la condamnation de la société Grand garage du Lavoir à lui payer la taxe foncière de l'année 2022 est irrecevable en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, faute pour Mme [X] [N] d'avoir formulé cette demande dès ses premières conclusions ;

- qu'en outre, Mme [X] [N] ne communique aucune pièce pour justifier le montant de la taxe foncière 2022 ;

Sur l'indemnité d'occupation due pour la période du 1er janvier au 4 janvier 2023,

- que la demande de Mme [X] [N] tendant à la condamnation de la société Grand garage du Lavoir à lui payer l'indemnité d'occupation due pour la période du 1er janvier au 4 janvier 2023 est irrecevable en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, faute pour Mme [X] [N] d'avoir formulé cette demande dès ses premières conclusions ;

- qu'au surplus, la société Grand garage du Lavoir a déjà réglé cette indemnité ;

Sur la désignation d'un séquestre,

- que la désignation d'un séquestre ne se justifie plus dès lors que la bailleresse ne peut plus exercer son droit de repentir et que la locataire a restitué les locaux.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 28 février 2025, Mme [X] [N] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 3 juin 2022 en ce qu'il a :

- débouté la société Grand garage du Lavoir de ses demandes en restitution au titre d'un trop-versé de loyer et de taxes d'enlèvement des ordures ménagères ;

- déclaré recevable la demande en remboursement de surprimes d'assurance formée par Mme [X] [N] pour l'année 2016 ;

- condamné la société société Grand garage du Lavoir à payer à Mme [N] la somme de 4.075,06 euros, au titre de surprimes d'assurance pour les années 2016 à 2021 incluses ;

- déclaré irrecevable la demande en restitution de la société Grand garage du Lavoir portant sur les sommes versées au titre de la TEOM due pour l'année 2016 ;

- infirmer pour le surplus le jugement du 3 juin 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Créteil et statuant à nouveau :

sur l'indemnité d'éviction

à titre principal :

- fixer l'indemnité d'éviction à laquelle la société Grand garage du Lavoir peut prétendre du fait de son éviction des locaux situés [Adresse 1] sur le fondement de l'article L. 145-14 du code de commerce à la somme de 41.005,76 euros, le locataire étant en mesure de se réinstaller ;

à titre subsidiaire :

- fixer l'indemnité d'éviction à laquelle la société Grand garage du Lavoir peut prétendre du fait de son éviction des locaux situés [Adresse 1] sur le fondement de l'article L. 145-14 du code de commerce à la somme de 228.005,76 euros, le locataire perdant son fonds de commerce ;

sur l'indemnité d'occupation

- condamner la société Grand garage du Lavoir à payer à Mme [X] [N] la somme de 58.536 euros par an hors taxes et hors charges à titre d'indemnité d'occupation, à compter du 1er octobre 2018, et préciser que cette indemnité d'occupation sera due jusqu'à son départ effectif des lieux laissés libres de tous occupants et de tous biens, suivi de la restitution effective des clefs, qui devra s'effectuer dans le délai imparti par l'article L. 145-29 du code de commerce ;

sur les autres condamnations

- condamner la société Grand garage du Lavoir au paiement de la somme de 734,33 euros au titre de la surprime d'assurances pour 2022 ;

- condamner la société Grand garage du Lavoir au paiement de la somme de 170.571,11 euros au titre des frais de remise en état des locaux loués ;

- condamner la société Grand garage du Lavoir au paiement de la somme de 6.097 euros au titre de la taxe foncière 2022 ;

- condamner la société Grand garage du Lavoir au paiement de la somme de 1.117 euros au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères de 2022 ;

- condamner la société Grand garage du Lavoir au paiement de la somme de 368,45 euros au titre de l'indemnité d'occupation due pour la période du 1er au 4 janvier 2023 ;

en toute hypothèse :

- recevoir Mme [X] [N] en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- débouter la société Grand garage du Lavoir de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- ordonner la compensation entre les créances que les parties détiennent l'une envers l'autre ;

- condamner la société Grand garage du Lavoir au paiement des entiers dépens de l'instance, qui comprendront les frais d'expertise, les frais d'huissier à intervenir pour la signification de l'arrêt à intervenir ;

- condamner la société Grand garage du Lavoir au paiement d'une somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles supportés tant en première instance qu'en appel.

Mme [X] [N] fait valoir :

Sur la recevabilité de ses demandes,

- que les demandes que la société Grand garage du Lavoir considère irrecevables ont été formulées dans ses premières conclusions du 11 janvier 2023 au titre de sa demande de compensation entre les créances que les parties détiennent l'une envers l'autre ainsi qu'au titre de sa demande de désignation d'un séquestre chargé de verser l'indemnité d'éviction diminuée de l'indemnité d'occupation, du paiement des loyers, charges, accessoires et réparations locatives dus par la locataire ; que les demandes prétendument nouvelles formulées par Mme [X] [N] dans ses conclusions signifiées le 3 juin 2024 se rapportent aux loyers, charges et accessoires ainsi qu'à l'indemnité d'occupation et aux frais de remise en état des locaux ;

- que la demande relative à l'indemnité d'occupation due pour la période du 1er au 4 janvier 2023 et la demande relative à la surprime d'assurance pour 2022 avaient été explicitement formulées dans ses premières conclusions du 11 janvier 2023 ;

- qu'en application de l'alinéa 2 de l'article 910-4 du code de procédure civile, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait restent recevables ;

- qu'en vertu de l'article R.145-36 du code de commerce, le bailleur peut régulariser les charges dues par son locataire jusqu'au 30 septembre de l'année suivant celle au titre de laquelle la régularisation est établie ; que la reddition des charges est un fait nouveau au sens de l'article 910-4 du code de procédure civile ;

- que compte-tenu du très bref délai entre la date de restitution des locaux et la date d'expiration de son délai pour conclure, Mme [X] [N] n'a pas pu faire établir les devis nécessaires à l'appréciation du montant des frais de remise en état avant le dépôt et la notification de ses premières conclusions ; que les devis réalisés en mai 2023 constituent l'intervention d'un tiers et/ou la survenance d'un fait nouveau au sens de l'article 910-4 du code de procédure civile ;

Sur l'indemnité principale d'éviction,

- que l'indemnité d'éviction doit être fixée à la valeur du droit au bail dès lors que l'activité de la société Grand garage du Lavoir n'est pas dépendante d'une clientèle de passage de sorte que la locataire peut déménager sans perdre sa clientèle et son fonds de commerce;

- que la valeur du droit au bail dépend de la question du déplafonnement du loyer ; que l'expert conclut à l'existence de deux motifs de déplafonnement du loyer : la modification notable des obligations des parties et la modification notable des facteurs locaux de commercialité ; qu'en conséquence, la valeur du droit au bail est nulle ;

- que dans l'hypothèse où la cour fixerait l'indemnité d'éviction à la valeur de remplacement du fonds de commerce, en cas de perte de celui-ci, il doit être relevé que contrairement à ce que soutient la société Grand garage du Lavoir, l'évolution du loyer a un impact sur la valeur du fonds de commerce de sorte qu'il doit étre tenu compte du déplafonnement du loyer pour apprécier la valeur du fonds de commerce quelle que soit la méthode d'évaluation utilisée ;

- que dans le cadre de l'approche par le chiffre d'affaires, il doit être tenu compte du chiffre d'affaires HT ; que l'expert n'a pas retraité le chiffre d'affaires au regard du déplafonnement du loyer mais a retenu un coefficient dans la fourchette basse des usages de la profession ;

Sur les indemnités accessoires,

- que les frais de remploi ne sont pas dus en cas d'indemnité de déplacement du fonds ; que le montant de 17.000 euros, en cas de remplacement du fonds n'est pas contesté ;

- que le trouble commercial correspond à 3 mois d'EBE soit 18.160 euros ;

- que l'expert retient à raison des frais divers à hauteur de 1000 euros ;

- que les frais de licenciement se limitent à 21.845,76 euros aux motifs que :

- les licenciements de M. [U] [A] et de Mme [S] ne sont pas la conséquence de l'éviction étant précisé que le premier a été embauché le 28 février 2022, quelques jours avant la clôture de la procédure de première instance, et que la deuxième est associée de la société, co-gérante non-salariée du 26 août 2002 au 31 mars 2020 avant d'être embauchée en qualité de salariée ;

- seules les indemnités légales de licenciement sont comprises dans les frais de licenciement dus par le bailleur au titre de l'indemnité d'éviction, à l'exclusion des autres postes réclamés par la société Grand garage du Lavoir ;

- que le tribunal a retenu des frais de double loyer qui n'ont pas lieu d'être dans l'hypothèse d'une perte du fonds de commerce ;

- qu'en l'absence de réinstallation de la société Grand garage du Lavoir depuis plus de deux ans, il n'y a pas lieu de lui octroyer une indemnité au titre des frais de réinstallation;

Sur l'indemnité d'occupation,

- qu'elle ne conteste pas le montant de l'indemnité d'occupation fixé par le premier juge selon l'avis de l'expert ;

- que la surface de la partie située sous l'habitation est bien de 133 m² comme retenu par l'expert ; que l'expert avait répondu à cette observation formulée par la locataire dans le cadre de l'expertise ;

- que les références fournies par l'expert amiable ne se situent pas sur la commune d'[Localité 13]; que la valeur moyenne du prix au m² des références fournies par l'expert amiable ne justifient pas de fixer la valeur locative au prix unitaire de 50-55 euros proposé par la société Grand garage du Lavoir ; que les prix unitaires que l'expert judiciaire a retenu sont situés dans les fourchettes basses des références qu'il a fournies ;

- qu'il est usuel de retenir un abattement de précarité de 10% ; que l'abattement de 15 % retenu par le premier juge et l'abattement de 20 % sollicité par la locataire sont injustifiés; que le chiffre d'affaires du preneur a augmenté en 2019 après le refus de renouvellement du bail ; que le taux de l'abattement de précarité n'est pas fonction de la durée de la procédure ; que la société Grand garage du Lavoir est resté maîtresse de son calendrier ce qui est de nature à diminuer l'incertitude liée à la précarité de l'occupation ;

- que l'expert a déjà pris en considération les sujétions contractuelles de la locataire pour diminuer les prix unitaires ; qu'il n'y a donc pas lieu de procéder en plus à des abattements;

- qu'en outre, le bail ne transfère pas à la locataire la charge des travaux de mise aux normes ; qu'à titre subsidiaire, il ne saurait être procédé à un abattement supérieur à 3% de la valeur locative ;

- que le bail ne transfère pas non plus la charge de la vétusté à la locataire ;

- que les références fournies par l'expert comporte toutes le transfert de la taxe foncière à la charge du preneur de sorte qu'il n'y a pas lieu de déduire la taxe foncière de la valeur locative ;

Sur la demande du preneur au titre de la clause d'indexation,

- que la distorsion invoquée par la société Grand garage du Lavoir n'existe qu'à l'occasion de la 2ème indexation ; que cette distorsion est due non pas à la rédaction de la clause querellée mais à la périodicité de la publication des indices par l'INSEE ; que la clause d'indexation ne doit pas être réputée non écrite dans son entier puisque la première indexation à l'issue de la première période triennale ne souffrait d'aucune irrégularité ; qu'il convient seulement de rectifier les indexations indues appliquées sur le fondement de cette clause ;

- que la clause d'indexation applicable en cas de retard de paiement des loyers s'analyse en réalité en une clause pénale et que cette clause n'a jamais été mise en oeuvre par les parties ; que cette partie de la clause d'indexation est détachable du reste de la clause ;

- que lors de la deuxième indexation au 1er octobre 2015, la bailleresse a utilisé l'indice du 1er trimestre 2015 et non l'indice du 2ème trimestre 2015 comme prévu au bail, pour indexer le loyer de sorte que le loyer a été indexé sans qu'une distorsion intervienne entre la période de variation de l'indice et la période entre deux révisions ; que dans ces conditions, il n'existe pas de trop versé de loyers indexés ;

Sur la TEOM,

- que la société Grand garage du Lavoir n'a formé sa demande au titre du remboursement de la TEOM de l'année 2016 que par conclusions du 15 décembre 2021, qu'elle est donc prescrite en cette demande ;

- que la clause du bail a mis à la charge de la locataire la TEOM comme l'a retenu le premier juge, étant rappelé que la TEOM n'existait pas sur la commune d'[Localité 13] au moment de la conclusion du bail ;

Sur le remboursement des surprimes d'assurance supportées par le bailleur,

- que le bail impose au locataire de rembourser aux bailleurs 'toutes surprimes qui pourraient leur être réclamés par les compagnies d'assurance contre l'incendie ou autres, par suite du commerce exploité dans les lieux loués' ; qu'en l'espèce, la bailleresse a supporté des surprimes d'assurance dues à la présence dans les locaux de cabines de peinture, d'un montant totale de 4.075,06 € entre 2016 et 2021 ;

- que le point de départ de la prescription de la demande de remboursement de la surprime de l'année 2016 est le 31 décembre 2016 ; qu'il revient à la société Grand garage du Lavoir de démontrer que la surprime a été réglée à une date antérieure par Mme [X] [N] ;

Sur la remise en état des locaux,

- que les lieux ont été restitués le 4 janvier 2023 ; que l'état des lieux de sortie dressé le 4 janvier 2023 par commissaire de justice établit l'existence de nombreux désordres ; qu'il revient au preneur de supporter le coût de la remise en état des locaux, le bail lui faisant obligation d'entretenir les locaux en bon état de réparation, grosses ou d'habitation, quelles qu'elles soient, même celles décrites sous les articles 605 et 606 du code de commerce, et de les rendre en fin de bail en bon état ;

- que les remises en état et réparations se chiffrent à 243.673,02 € TTC ; qu'il convient néanmoins d'appliquer un abattement de 30% car le preneur n'est pas tenu d'une remise à neuf ;

- que l'indemnisation du bailleur n'est pas subordonnée à l'accomplissement effectif des travaux de remise en état ;

- que la bailleresse rapporte la preuve d'un préjudice puisque l'indemnité d'occupation due à compter du 1er octobre 2018 a été fixée à un certain montant compte tenu de l'état des locaux à cette date ;

- que les réparations ne résultent pas de la vétusté comme le soutient la société Grand garage du Lavoir mais d'un défaut d'entretien ; que les lieux sont dans un état déplorable pour avoir été laissés à l'abandon par le preneur pendant les 25 ans de son occupation .

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 12 octobre 2023, la société Les Nouveaux Constructeurs demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 3 juin 2022 en ce qu'il a :

- déclaré irrecevables les demandes formulées par la société Grand garage du Lavoir à l'encontre de la société Les Nouveaux Constructeurs ;

- mis la société Les Nouveaux Constructeurs hors de cause ;

- débouté la société Grand garage du Lavoir de ses demandes en restitution au titre d'un trop-versé de loyer ;

- condamné la société Grand garage du Lavoir à verser à la société Les Nouveaux Constructeurs la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Réformant partiellement et statuant à nouveau :

A titre principal, si la cour devait considérer que les demandes de la société Grand garage du Lavoir à l'encontre de la société Les Nouveaux Constructeurs sont recevables,

- juger que les prétentions de la société Grand garage du Lavoir sont mal fondées vis à-vis de la société Les Nouveaux Constructeurs ;

- débouter en conséquence la société Grand garage du Lavoir de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de la société Les Nouveaux Constructeurs ;

A titre subsidiaire,

- juger qu'une partie des demandes formulées par la société Grand garage du Lavoir ne sont fondées ni dans leur principe, ni dans leur montant ;

- s'agissant de l'indemnité d'éviction :

- juger principalement que le montant de l'indemnité d'éviction sera égal au seul montant des indemnités accessoires en cas de transfert du fonds de commerce de la société Grand garage du Lavoir, soit la somme de 18.160 euros ;

- juger subsidiairement que le montant de l'indemnité d'éviction sera égal au montant retenu par l'expert judiciaire, soit la somme globale de 205.160 euros ;

En tout état de cause,

- débouter la société Grand garage du Lavoir de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner Mme [N] à garantir et relever indemne la société Les Nouveaux Constructeurs de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre ;

- juger qu'aucune condamnation in solidum ne pourra être prononcée à l'encontre de la société Les Nouveaux Constructeurs ;

- condamner la société Grand garage du Lavoir à payer à la société Les Nouveaux Constructeurs la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Grand garage du Lavoir aux dépens de la présente procédure, en ce compris les frais d'huissier pour signification de l'arrêt à intervenir, ainsi que ceux de première instance.

Il convient, en application de l'article 455 du code de procédure civile, de se référer aux conclusions des parties, pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens.

SUR CE,

1- Sur la mise hors de cause de la société Les Nouveaux Constructeurs,

La société Grand garage du Lavoir demande la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par elle à l'encontre de la société Les Nouveaux Constructeurs et mis hors de cause cette dernière.

Elle ne forme néanmoins, à hauteur d'appel, aucune demande contre la société Les Nouveaux Constructeurs à l'exception d'une demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'une demande au titre des dépens.

C'est par des motifs exacts, qui n'ont pas perdu leur pertinence à hauteur d'appel et que la cour adopte, que le premier juge a déclaré irrecevables les demandes formées par la société Grand garage du Lavoir à l'encontre de la société Les Nouveaux Constructeurs et mis hors de cause cette dernière. En effet, il est établi que la société Les Nouveaux Constructeurs n'a jamais acquis les locaux loués auprès de Mme [X] [N].

En conséquence, il convient de confirmer ce chef du dispositif du jugement querellé.

2- Sur l'indemnité d'éviction

L'article L.145-14 du code de commerce dispose que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur, doit, sauf exceptions prévues à l'article L.145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

2-1 Sur l'indemnité principale

Les conséquences de l'éviction s'apprécient au regard de la possibilité pour le locataire de conserver son fonds de commerce sans perte de clientèle importante, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de transfert, ou de la perte du fonds de commerce, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de remplacement.

En l'espèce, c'est par des motifs exacts, qui n'ont pas perdu leur pertinence à hauteur d'appel et que la cour adopte, que le tribunal a retenu que l'éviction entraînait la perte du fonds de commerce de la société Grand garage du Lavoir. Il est simplement souligné que Mme [X] [N], qui soutient que la locataire peut se réinstaller sans perdre sa clientèle, n'apporte pas la preuve de la disponibilité de locaux correspondant aux besoins de la société Grand garage du Lavoir à proximité des locaux dont elle est évincé. Il est également ajouté que les assureurs, s'ils sont moins attachés que la clientèle des particuliers à l'emplacement, en tiennent néanmoins compte pour le confort de leurs assurés, étant observé que 50% de la clientèle de la société Grand garage du Lavoir provient de la commune d'[Localité 13].

Dans ces conditions, le montant de l'indemnité principale d'éviction doit correspondre à la plus élevée des deux valeurs entre la valeur du droit au bail et la valeur du fonds de commerce.

Contrairement à ce que soutient la société Grand garage du Lavoir, la question du plafonnement/déplafonnement du loyer n'est pas sans intérêt pour le litige. En effet, cette question a une incidence sur la valeur du droit au bail et par ricochet sur la valeur du fonds de commerce, la valeur du droit au bail étant incluse dans la valeur du fonds de commerce. Par ailleurs, la prise en compte de la question du plafonnement/déplafonnement du loyer ne contrevient pas à la règle selon laquelle la consistance du fonds de commerce s'apprécie à la date du refus de renouvellement dès lors qu'à cette date, le fonds de commerce comprend un bail qui a pris fin de sorte que la valeur du droit au bail dépend du montant du loyer de renouvellement.

En application de l'article L.145-34 du code de commerce, le loyer peut être déplafonné en cas d'une modification notable des caractéristiques du local considéré, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties et des facteurs locaux de commercialité.

En l'espèce, en cas de renouvellement du bail, les grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil qui étaient, en vertu du bail du 28 septembre 2009, à la charge de la société Grand garage du Lavoir auraient été à la charge de Mme [X] [N] compte-tenu de l'entrée en vigueur de l'article R.145-35 du code de commerce issu du Décret n°2024-1317 du 3 novembre 2014, qui prohibe le transfert de la charge des grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil au preneur. Cette modification présente un caractère notable au cas d'espèce en ce qu'elle modifie notablement l'économie du contrat de bail au regard de la faiblesse du loyer initial, d'un montant de 2.280 euros par mois, de l'importance des locaux (1074, 74 m² répartis sur 6 bâtiments) et de l'ancienneté des bâtiments.

Il s'en déduit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres motifs de déplafonnement du loyer, qu'en cas de renouvellement du bail, le loyer aurait été déplafonné et fixé à la valeur locative.

Dans ces conditions, la valeur du droit au bail, qui s'obtient en appliquant à la différence entre le loyer fixé au prix de marché et le loyer qui aurait été effectivement payé si le bail avait été renouvelé un coefficient de situation , apparait faible. La valeur du droit au bail de 147.000 euros évoquée par la société Grand garage du Lavoir dans ses conclusions est la valeur du droit au bail en cas de plafonnement du loyer de renouvellement selon l'expert judiciaire. En outre, les parties admettent que la valeur du fonds de commerce est supérieure à la valeur du droit au bail.

Il convient en conséquence de fixer le montant de l'indemnité principale d'éviction à la valeur du fonds de commerce.

Sur l'évaluation du fonds de commerce par l'EBE

L'expert judiciaire a retenu un excédent brut d'exploitation (ci-après EBE) de 60.307 euros. Ce chiffre n'est pas contesté par les parties.

Il a retraité ce chiffre pour tenir compte de l'augmentation du loyer consécutive au déplafonnement du loyer de renouvellement et a retenu un EBE de 31.469 euros, la différence entre les deux montants correspondant à l'augmentation du loyer.

Contrairement à ce que soutient la société Grand garage du Lavoir, c'est à raison que l'expert judiciaire a retraité le montant de l'EBE en tenant compte de l'augmentation du loyer de renouvellement, étant rappelé que le loyer est une charge de l'exploitation.

En effet, la valeur marchande du fonds de commerce, à laquelle doit être fixée l'indemnité principale d'éviction en vertu de l'article L.145-14 du code de commerce, correspond au prix qu'un éventuel acheteur serait prêt à payer pour acquérir le fonds de commerce. Or, un acheteur tient compte non pas du loyer payé par le passé par le vendeur mais du loyer qu'il aura à payer après son acquisition du fonds de commerce.

L'expert judiciaire a ensuite appliqué un coefficient de 5 au montant de l'EBE pour déterminer la valeur du fonds de commerce.

La société Grand garage du Lavoir estime que ce coefficient est trop faible et sollicite l'application d'un coefficient de 7 conformément à la proposition de l'expert qu'elle a mandaté.

Alors que l'expert judiciaire explique son choix de coefficent au regard du niveau de rentabilité de la société Grand garage du Lavoir (niveau de l'EBE par rapport au chiffre d'affaires) en fournissant un barème des coefficients applicables en la matière, l'expert amiable n'explique pas son choix de coefficient.

Il sera donc retenu le coefficient de 5 au regard du niveau de l'EBE de la société Grand garage du Lavoir par rapport à son chiffre d'affaires.

Selon cette méthode, la valeur du fonds de commerce s'élève à 157.345 euros arrondis à 157.000 euros.

Sur l'évaluation du fonds de commerce par le chiffre d'affaires

Il ressort des rapports d'expertise judiciaire et amiable que les usages de la profession varient quant à la nature du chiffre d'affaires pris en compte, TTC ou HT.

Il sera fait application des usages de la profession qui prennent en compte le chiffre d'affaires HT, les barèmes ayant recours au chiffre d'affaires HT étant plus nombreux.

En conséquence, selon les usages de la profession indiqués dans le rapport d'expertise judiciaire, la valeur du fonds de commerce se situe entre 25 et 60% du chiffre d'affaires HT.

Contrairement à ce que soutient la société Grand garage du Lavoir, l'expert n'a pas modifié ou retraité le chiffre d'affaires au regard du déplafonnement du loyer de renouvellement. Il a seulement pris en compte le déplafonnement du loyer de renouvellement dans son appréciation du pourcentage du chiffre d'affaires à retenir pour évaluer le fonds de commerce et ce, à raisondès lors que le niveau du loyer est un critère d'appréciation de ce pourcentage.

Le chiffre d'affaires, sur les années 2017 à 2019, s'élève à 578.770 euros HT par an en moyenne.

C'est par une exacte appréciation des faits que le premier juge a retenu un pourcentage de 31%, selon l'avis de l'expert judiciaire, au regard de l'emplacement des lieux loués ( à proximité du centre-ville mais dans une voie de faible commercialité, sur un terrain en pente), de la présence d'une signalétique sur la D 264 traversant la ville d'[Localité 13], de l'exploitation sous l'enseigne Citroën, de la concurrence dans la ville d'[Localité 13], du niveau et de l'état des équipements, de la stabilité et du niveau du chiffre d'affaires , du niveau de rentabilité et de l'augmentation du loyer de renouvellement.

La société Grand garage du Lavoir fait valoir qu'en retenant un pourcentage de 31% alors qu'il retient un pourcentage de 46% en cas de plafonnement du loyer de renouvellement, l'expert déprécie de 87.000 euros la valeur du fonds de commerce à raison du déplafonnement du loyer de renouvellement, ce qui ne se justifierait pas au regard des dispositions de l'artucle L.145-34 du code de commerce et de l'étalement sur six ans de l'augmentation du loyer de renouvellement, d'un montant de 20.992,52 euros.

Toutefois, la cour observe que même si l'augmentation du loyer est étalée sur 6 ans, il n'en demeure pas moins qu'en en cas de déplafonnement du loyer de renouvellement, la locataire aurait payé un surplus de loyer de plus de 87.000 euros sur toute la durée du bail.

Le pourcentage de 31% n'apparait donc pas sous évalué et correspond à une exacte appréciation des faits.

Selon cette méthode, la valeur du fonds de commerce s'élève à 179.997 euros ( = 31% x 578.770 euros) arrondis à 180.000 euros.

Au vu de ces éléments, étant observé que les deux méthodes d'évaluation conduisent à des résultats cohérents, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a fixé la valeur de l'indemnité principale d'éviction à la somme de 170.000 euros.

2-2 Sur les indemnités accessoires

Les frais de remploi

Les frais de remploi sont ceux que doit supporter le locataire évincé pour se réinstaller, notamment les droits de mutation et honoraires afférents au rachat d'un nouveau fonds de commerce ou à la conclusion d'un nouveau bail.

Il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a fixé le montant de ces frais à 10% du montant de l'indemnité principale d'éviction, soit 17.000 euros.

Le trouble commercial

L'indemnisation du trouble commercial correspond au préjudice subi par le preneur du fait de la gestion de l'éviction ; elle est destinée à compenser la perte de temps engendrée par l'éviction, et le moindre investissement dans l'activité commerciale.

Il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a fixé le montant de ces frais à 18.160 euros, correspondant à 3 mois d'EBE.

Il n'est pas apporté la preuve d'un préjudice supérieur subi par la société Grand garage du Lavoir. Contrairement à ce que cette dernière soutient, il n'est pas d'usage d'apprécier l'indemnité pour trouble commercial par la prise en compte cumulative de l'EBE et de la masse salariale.

Les frais divers

Il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a fixé ces frais à 3.500 euros.

Les frais de licenciement

La société Grand garage du Lavoir demande à la cour de fixer l'indemnité accessoire qui lui est due au titre des frais de licenciement à la somme de 51.675,52 euros se décomposant comme suit :

- licenciement de M. [A] [U] :

- indemnité compensatrice de préavis : 2.290,0 euros

- indemnité compensatrice de congés payés : 352,39 euros

- licenciement de M. [B] [L] :

- indemnité compensatrice de congés payés : 2.671,78 euros

- indemnité légale : 2.826,02 euros

- licenciement de Mme [S] :

- indemnité compensatrice de préavis : 4.003,83 euros

- indemnité compensatrice de congés payés : 4.157,84 euros

- indemnité légale : 2.712,60 euros

- licenciement de M. [J]

- indemnité compensatrice de congés payés : 3.028,72 euros

- indemnité légale : 19.019,74 euros

- contribution au financement du contrat de

sécurisation professionnelle : 8.512 euros

- honoraires de l'expert-comptable pour l'établissement

des procédures de licenciement : 2.100 euros.

Mme [X] [N] reconnaît être débitrice de la somme de 21.845,76 euros euros se décomposant comme suit :

- indemnité légale de licenciement de M. [B] [L] : 2.826,02 euros

- indemnité légale de licenciement de M. [J] : 19.019,74 euros.

L'indemnité d'éviction répare le préjudice causé au locataire évincé par le défaut de renouvellement de son bail. Les frais de licenciement que le bailleur doit rembourser au locataire évincé au titre de l'indemnité d'éviction sont donc ceux qui sont la conséquence du défaut de renouvellement du bail.

L'indemnité compensatrice de congés payés trouve sa cause dans l'exécution du contrat de travail du salarié. Elle n'est pas la conséquence du licenciement causé par l'éviction du locataire. Il convient en conséquence d'exclure les indemnités compensatrices de congés payés de l'indemnité d'éviction due au locataire évincé par le bailleur.

L'indemnité compensatrice de préavis est due lorsque le salarié ne travaille pas entre la date à laquelle la rupture de son contrat de travail lui est notifiée et la date à laquelle son contrat de travail prend fin. Sans preuve que les modalités de restitution des locaux loués aient empêché le locataire évincé de notifier à ses salariés la rupture de leur contrat de travail à une date permettant à ces derniers d'effectuer leur préavis, cette indemnité n'est pas la conséquence de l'éviction du locataire. Dans cette hypothèse, il convient d'exclure les indemnités compensatrices de préavis de l'indemnité d'éviction due au locataire évincé par le bailleur.

En l'espèce, la société Grand garage du Lavoir a restitué les locaux le 3 janvier 2023, avant le paiement par Mme [X] [N] de l'indemnité d'éviction fixée en première instance. La société Grand garage du Lavoir n'était donc contrainte par aucun délai pour restituer les locaux. Dans ces conditions, le fait que les salariés de la société Grand garage du Lavoir n'aient pas effectué leur préavis n'est pas la conséquence de l'éviction de la locataire mais résulte d'une décision de la société Grand garage du Lavoir.

En revanche, la contribution au financement du contrat de sécurisation professionnelle est une conséquence du licenciement, lui-même causé par l'éviction du locataire, en ce qu'elle s'impose légalement à l'employeur dans le cadre d'une procédure de licenciement pour motif économique.

Par ailleurs, il apparait que Mme [S] a changé de statut au sein de la société Grand garage du Lavoir au cours de la procédure en fixation de l'indemnité d'éviction. Gérante non salariée de la société Grand garage du Lavoir au moment de l'expertise judiciaire, elle a été salariée de la société Grand garage du Lavoir du 11 mai 2020 au 31 décembre 2022. Néanmoins, sans preuve que ce changement de statut soit intervenu en fraude des droits de Mme [X] [N], il n'y a pas lieu d'exclure les frais de licenciement de Mme [S] de l'indemnité d'éviction due à la société Grand garage du Lavoir par Mme [X] [N].

Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'indemnité accessoire pour frais de licenciement s'élève à :

- 2.826,02 euros correspondant à l'indemnité légale de licenciement versée à M. [A] [U],

- 2.712,60 euros correspondant à l'indemnité légale de licenciement versée à Mme [S],

- 19.019, 74 euros correspondant à l'indemnité légale de licenciement versé à M.[J],

- 8.512 euros correspondant à la contribution au financement du contrat de sécurisation professionnelles dans le cadre du licenciement de M.[J],

- 2.100 euros au titre des honoraires de l'expert comptable dus pour l'établissement des procédures de licenciement des salariés.

soit la somme totale de 35.170,36 euros.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné Mme [X] [N] à payer à la société Grand garage du Lavoir les sommes dues au titre des frais de licenciement sur production de justificatifs et de fixer l'indemnité accessoire d'éviction au titre des frais de licenciement à la somme de 35.170,36 euros,

Les frais de déménagement

A hauteur d'appel, la société Grand garage du Lavoir ne sollicite plus d'indemnité au titre des frais de déménagement. Elle a déjà restitué les locaux et indique qu'elle n'a pas exposé de frais de déménagement.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné Mme [X] [N] à payer à la société Grand garage du Lavoir les sommes dues au titre des frais de déménagement sur production de justificatifs.

Les frais de réinstallation

Le fait que la société Grand garage du Lavoir ne se soit pas encore réinstallée plus de deux ans après la restitution des locaux ne l'empêche pas de le faire dans l'avenir.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné Mme [X] [N] à payer à la société Grand garage du Lavoir les sommes due au titre des frais de réinstallation sur production de justificatifs.

Le double loyer

A hauteur d'appel, la société Grand garage du Lavoir indique que ce poste est san objet dans la mesure où elle ne s'est pas acquitté d'un double loyer.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a fixé l'indemnité d'éviction accessoire au titre du double loyer à la somme de 4.349,01 euros.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'indemnité d'éviction due par Mme [X] [N] à société Grand garage du Lavoir s'élève à 243.830,36 euros se décomposant ainsi :

- indemnité principale : 170.000 euros

- indemnité accessoire au titre des frais de remploi : 17.000 euros

- indemnité accessoire au titre du trouble commercial : 18.160 euros

- frais divers : 3.500 euros

- indemnité accessoire au titre des frais de licenciement : 35.170,36 euros

- outre les frais de réinstallation sur production de justificatifs.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné Mme [X] [N] à payer à la société Grand garage du Lavoir une indemnité d'éviction d'un montant total de 213.009,91 euros et, statuant à nouveau, de condamner Mme [X] [N] à payer à la société Grand garage du Lavoir une indemnité d'éviction d'un montant total de 243.830,36 euros.

3- Sur l'indemnité d'occupation

A titre liminaire, la cour observe que la demande de Mme [X] [N] tendant à la condamnation de la société Grand garage du Lavoir à lui payer la somme de 368,45 euros au titre de l'indemnité d'occupation due pour la période du 1er au 4 janvier 2023 est incluse dans sa demande de condamnation de la société Grand garage du Lavoir à lui payer la somme de 58.536 euros par an hors taxes et hors charges à titre d'indemnité d'occupation, à compter du 1er octobre 2018 et jusqu'à son départ effectif des lieux laissés libres de tous occupants et de tous biens.

Il n'y a donc pas lieu de statuer spécialement sur la demande de Mme [X] [N] tendant à la condamnation de la société Grand garage du Lavoir à lui payer la somme de 368,45 euros au titre de l'indemnité d'occupation due pour la période du 1er au 4 janvier 2023, étant précisé que cette demande est recevable pour être incluse dans la demande plus générale de Mme [X] [N] au titre de l'indemnité d'occupation formulée dès les premières conclusions de l'intimée.

En application de l'article L.145-28 du code de commerce, la société Grand garage du Lavoir est redevable envers Mme [X] [N] d'une indemnité d'occupation, qui doit correspondre à la valeur locative des locaux, pour la période allant du 1er octobre 2018, date de la fin du bail, au 4 janvier 2023, date de la restitution des locaux.

L'article L.143-33 du code de commerce précise qu' à défaut d'accord entre les parties, la valeur locative est déterminée d'après :

1° Les caractéristiques du local considéré ;

2° La destination des lieux ;

3° Les obligations respectives des parties ;

4° Les facteurs locaux de commercialité ;

5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Sur la surface des locaux loués

L'expert judiciaire a retenu, dans la partie commerciale des locaux loués, une surface de 133 m² désignée ainsi dans son rapport : 'partie sous l'habitation, de plain pied sur rue, avec partie d'une hauteur de 3,36 m (34 m²) et surplus d'une hauteur variant entre 2,08 et 2,24 m'.

Dans le bail du 28 septembre 2009, la partie habitation des locaux est ainsi désignée :

' Un appartement se décomposant comme suit et indiqué sur le plan sous la lettre A.

Au rez-de-chaussée, une surface de 130 m² comprenant un garage, une cave et une pièce utilisée en magasin de pièces détachées.

A l'entre sol, une entrée de 5 m², une cuisine de 12 m², une chambre de 13 m², une seconde chambre de 14 m², une salle à manger de 44 m², une salle de bains de 9 m².

Le tout donnant sur un jardin d'environ 90 m² + terrasse

Au premier étage, une salle de jeux d'une surface de 32 m² et une chambre à la suite donnant sur un balcon de 15 m².'

Il s'en déduit que la surface de 44,20 m², qui est contestée par la société Grand garage du Lavoir et qui correspond à une partie du rez-de-chaussée du bâtiment A, fait effectivement partie de la partie habitation des locaux loués comme le soutient la locataire qui la désigne comme la cave et la chaufferie de la partie habitation. Cette surface de 44,20 m² doit donc être déduite de la partie commerciale des locaux. Elle ne sera pas intégrée dans la surface de la partie habitation compte-tenu de sa nature de cave, garage et chaufferie.

La surface des locaux est donc la suivante :

Partie commerciale :

- bureaux et annexes : 41,51 m²

- atelier [14] de faible hauteur, de plain pied sur rue : 195,52 m²

- atelier 1er étage : 510,40 m²

- locaux sociaux de faible hauteur : 56,72 m²

- partie sous l'habitation, de plain pied sur rue,

avec partie d'une hauteur de 3,36 m (34 m²)

et surplus d'une hauteur variant entre 2,08 et 2,24 m : 88,80 m²

Partie habitation :

- habitation : 90,61 m²

- habitation surélevée non aménagée : 46,74 m².

Sur le prix unitaire

Les parties ne contestent pas la valeur locative de la partie habitation des locaux retenue par l'expert judiciaire à hauteur de 16.320 euros.

Concernant la partie commerciale, le tribunal a retenu, selon l'avis de l'expert, un prix unitaire au m² de :

- 70 euros pour les bureaux et annexes,

- 50 euros pour l'atelier du rez-de-chaussée,

- 60 euros pour l'atelier du premier étage,

- 40 euros pour les locaux sociaux,

- 10 euros pour la partie sous l'habitation.

La société Grand garage du Lavoir estime que le prix retenu pour les bureaux et annexes et pour l'atelier du 1er étage sont trop élevés.

S'agissant du prix des bureaux, l'expert judiciaire fournit 8 références concernant des locaux à usage de bureaux situés à [Localité 13] et [Localité 9], dont les prix au m² s'étalent de 69 euros à 154 euros. L'expert mandaté par la société Grand garage du Lavoir ne fournit pas de références de bureaux.

Après examen du rapport d'expertise, il apparait que le prix de 70 euros au m² pour les bureaux et annexes est parfaitement justifié au regard de la surface des locaux loués, de leur état, de leur emplacement, des facteurs locaux de commercialité et des prix couramment pratiqués dans le voisinage, après correction des références eu égard aux différences constatées entre le local loué et les locaux de référence (surface, situation géographique, date et modalités de fixation des prix).

S'agissant de l'atelier du 1er étage, l'expert judiciaire fournit :

- 11 références de garage dans le val de Marne dont :

- 5 locations nouvelles dont les prix au m² vont de 54 euros à 95 euros,

- 4 renouvellement de baux dont les prix au m² vont de 67euros à 76 euros,

- 2 fixations judiciaires au prix de 120 euros/m² et de 134 euros/m², l'expert précisant que l'environnement de ces références est supérieur,

- 6 références de garage en Ile de France dont :

- 2 locations nouvelles au prix de 81euros/m² et de 95 euros/m²,

- 4 renouvellements de baux dont les prix au m² vont de 68 euros à 205 euros,

- 7 référence de locaux d'activités à [Localité 13] dont les prix au m² vont de 40 euros à 111 euros.

L'expert amiable fournit 21 références de garage et ateliers dans le Val de Marne et l'Essonne et calcule une valeur moyenne du prix au m² de 78 euros.

Après examen du rapport d'expertise, il apparait que le prix de 60 euros au m² pour l'atelier du 1er étage est justifié au regard de la surface des locaux, de leur assez bonne situation (dans un quartier pavillonnaire et résidentiel mais sur une voie sans commercialité), de la destination contractuelle des locaux (limitée mais adaptée) et des prix couramment pratiqués dans le voisinage, après correction des références eu égard aux différences constatées entre le local loué et les locaux de référence (surface, situation géographique, dates et modalités de fixation des prix).

La valeur locative de la partie commerciale des locaux s'élève donc, avant éventuels abattements, à 46.463 euros , soit:

- bureaux et annexes : 41,51 m² x 70 euros = 2.906 euros

- atelier [14] : 195,52 m² x 50 euros = 9.776 euros

- atelier 1er étage :510,40 m² x 60 euros = 30.624 euros

- locaux sociaux : 56,72 m² x 40 = 2.269 euros

- partie sous l'habitation, de plain pied sur rue, : 88,80 m² x 10 euros = 888 euros.

Sur l'abattement au titre de la taxe foncière

Le transfert de la charge de la taxe foncière au locataire constitue un facteur de diminution de la valeur locative en application de l'article R.145-8 du code de commerce dès lors que cet impôt incombe normalement au bailleur, peu important que les références fournies par les experts concernent des baux qui transfèrent le paiement de la taxe foncière au preneur.

En l'espèce, le bail du 28 septembre 2009 transfère le paiement de la taxe foncière à la locataire.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a déduit la somme de 3.992 euros de la valeur locative, cette somme correspondant à la taxe foncière due par la locataire en 2018.

Sur l'abattement au titre des travaux de remise aux normes

Contrairement à ce que soutient la société Grand garage du Lavoir, la clause du bail qui lui fait obligation de se conformer à toutes exigences des administrations compétentes pour l'exercice de leur commerce ne lui a pas transféré les travaux de mise en conformité des locaux.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il n'a pas procédé à un abattement sur la valeur locative de ce chef.

Sur l'abattement au titre de la précarité

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la valeur locative des locaux s'élèvent à 59.391 euros (=16.320 + 46.463 - 3.392).

Pour déterminer, le montant de l'indemnité d'occupation, il convient de tenir compte du préjudice subi par la locataire du fait de l'incertitude liée à sa situation.

En l'espèce, compte-tenu de la durée de la procédure jusqu'à la restitution des locaux le 4 janvier 2023, le premier juge a fait une exacte appréciation des faits en estimant l'abattement de précarité à 15%. Il n'y a pas lieu d'exclure la valeur locative de la partie habitation des locaux de l'application de l'abattement de précarité en ce que l'incertitude qui pèse sur la locataire et qui donne lieu à cet abattement porte sur l'ensemble des locaux.

L'indemnité d'occupation est donc de 50.482,35 euros (= 59.391x0,85) par an.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société Grand garage du Lavoir à payer à Mme [X] [N] la somme de 52.198,95 euros par an à titre d'indemnité d'occupation, à compter du 1er octobre 2018 et précisé que cette indemnité d'occupation serait due jusqu'au départ effectif de la locataire des lieux et, statuant à nouveau, de condamner la société Grand garage du Lavoir à payer à Mme [X] [N] la somme de 50.482,35 euros par an à titre d'indemnité d'occupation due pour la période du 1er octobre 2018 au 4 janvier 2023 inclus.

4- Sur la désignation d'un séquestre

La désignation d'un séquestre était opportune et adaptée en première instance, elle ne l'est plus à hauteur d'appel compte tenu de la restitution des locaux par la société Grand garage du Lavoir intervenu le 4 janvier 2023.

5- Sur la demande de la locataire de remboursement d'un trop payé de loyer indexé

5-1 Sur la clause d'indexation

Selon l'article L.112-1 du code monétaire et financier, est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution sucessive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision.

En l'espèce, la clause d'indexation insérée au bail du 28 septembre 2009 stipule :

' Les parties conviennent à titre de condition essentielle et déterminante d'indexer le loyer sur l'indice national du coût de la construction, publié par l'institut national de la statistique et des études économiques, et de lui faire subir par période triennale les mêmes variations d'augmentation ou de diminution.

A cet effet, le réajustement du loyer s'effectuera triennalement à la date anniversaire des présentes. Le nouveau montant applicable sera calculé au moyen d'une règle proportionnelle ayant pour données :

1°) Le montant du loyer initial ;

2°) L'indice ayant servi à établir ce montant ;

3°) Et le dernier indice connu au mois anniversaire précédant immédiatement l'indexation.

Il est précisé à cet égard, que le montant initial du loyer ci-dessus fixé a été déterminé en prenant pour base l'indice du premier trimestre de l'année 2009, qui s'est élevé à 1503.

L'application de cette clause d'indexation se fera à l'initiative du bailleur dès la publication de l'indice.

Au cas où, à l'expiration d'une triennalité de loyers, une ou plusieurs échéances afférentes à cette période resteraient impayées, le montant de base de chaque fraction impayée sera réévalué en se référant au dernier indice publié à la date du paiement effectif de cette fraction sans que la présente stipulation autorise le preneur à se libérer après la date normale d'échéance et sans que le montant de la fraction impayée réévaluée comme il vient d'être dit puisse être inférieur au montant effectivement dû à la date prévue pour son exigibilité.

Au cas où, pour quelque raison que ce soit, l'indice ci-dessus choisi pour l'indexation du loyer cesserait d'être publié, cette indexation sera faite en prenant pour base soit l'indice de remplacement soit un nouvel indice conventionnellement choisi.

A défaut de se mettre d'accord sur le choix du nouvel indice à adopter, les parties s'en remettent d'ores et déjà à la désignation d'un expert judiciaire désigné par Monsieur le président du tribunal de grande instance du lieu de situation du bien objet des présentes, statuant en matière de référé à la requête de la partie la plus diligente.

La modification ou la disparition de l'indice de référence n'autoriseront pas le preneur à retarder le paiement des loyers qui devront continuer à être réglés à leur échéance sur la base du dernier indice connu, sauf redressement et règlement de la différence à l'échéance du premier terme suivant la fixation du nouveau loyer.'

Il s'infère de ces stipulations que l'indexation du loyer devait intervenir tous les trois ans, le 28 septembre, soit le 28 septembre 2012 pour la première indexation, le 28 septembre 2015 pour la deuxième indexation etc.

Le dernier indice connu au mois anniversaire précédant le 28 septembre 2012 était l'indice du 1er trimestre 2012 mais le dernier indice connu au mois anniversaire précédant le 28 septembre 2015 était l'indice du 2ème trimestre 2015.

Dans ces conditions, il apparait que lors de la deuxième indexation du loyer, le 28 septembre 2015, la période de variation de l'indice (6 ans et 1 trimestre) était supérieure à la période de variation du loyer (6 ans), ce qui est prohibée par l'article L.112-1 du code monétaire et financier.

Mme [X] [N] admet l'existence de cette distorsion (page 40 de ses conclusions).

Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, cette distorsion n'est pas ponctuelle. Elle se serait reproduite, compte tenu des dates de publication de l'indice du coût de la construction par l'INSEE, lors des indexations triennales suivantes s'il n'avait pas été mis fin au bail par le refus de renouvellement de la bailleresse. Elle est intrinsèque à la clause en ce qu'elle trouve son origine dans les modalités contractuelles de détermination de l'indice multiplicateur, les parties ayant laissé la détermination de cet indice à l'aléa de la date de publication des indices par l'INSEE.

S'il est constant que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non écrite et que le juge doit rechercher si la stipulation prohibée peut être retranchée de la clause d'indexation sans porter atteinte à la cohérence de celle-ci, il apparait en l'espèce que la clause d'indexation est indivisible et qu'elle doit être réputée non écrite dans son entier. En effet, le retranchement de la stipulation '3°) Et le dernier indice connu au mois anniversaire précédant immédiatement l'indexation' rendrait la clause d'indexation incohérente et inapplicable faute de détermination de l'indice multiplicateur.

En outre, il n'est pas possible pour le juge, en l'absence d'accord des parties, de substituer à l'indice multiplicateur contractuellement prévu au bail un indice qui éviterait la distorsion prohibée, le juge n'ayant pas le pouvoir de modifier le contrat.

Par ailleurs, le moyen de Mme [X] [N], tiré du fait qu'elle n'a pas appliqué la clause d'indexation selon les modalités stipulées au bail mais qu'elle a utilisé l'indice du 1er trimestre 2015 au lieu de l'indice du 2ème trimestre 2015 lors de l'indexation du loyer du 28 septembre 2015, de sorte qu'elle a opéré une indexation sans distorsion entre la période de variation de l'indice et la période de variation du loyer, est inopérant en ce qu'il n'est pas de nature à rendre la clause d'indexation elle-même licite.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la société Grand garage du Lavoir de sa demande tendant à voir réputer non écrite la clause d'indexation du bail du 28 septembre 2009 et statuant à nouveau de dire que cette clause est réputée non écrite.

5-2 Sur la demande de remboursement

Il est constant que lorsqu'une clause d'indexation est réputée non écrite, celle-ci étant censée n'avoir jamais existé, la créance de restitution de l'indu doit être calculée sur la base du montant du loyer qui aurait été dû à défaut d'application d'une telle stipulation (3e Civ., 23 janvier 2025, pourvoi n° 23-18.643).

La société Grand garage du Lavoir demande le remboursement de l'indû de loyer indexé pour la période allant du 1er décembre 2015 au 30 septembre 2018.

Il est acquis que sur cette période, la société Grand garage du Lavoir a payé un loyer de 2.801,79 euros HT par mois, soit 95.260,86 euros HT au total, alors qu'elle aurait dû payer un loyer de 2.580,33 euros HT par mois, soit 87.731,22 euros HT au total.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la société Grand garage du Lavoir de sa demande de restitution d'un trop-versé de loyer et statuant à nouveau, de condamner Mme [X] [N] à payer à la société Grand garage du Lavoir la somme de 7.529,64 euros HT (= 95.260,86 - 87.731,22), soit 9.035,56 euros TTC.

6- Sur la demande de la locataire de remboursement de la TEOM

6-1 Sur la recevabilité de la demande de la locataire de remboursement de la TEOM de l'année 2016

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, la bailleresse a sollicité le remboursement de la TEOM de l'année 2016 auprès de la locataire par lettre du 10 septembre 2016.

Toutefois, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la société Grand garage du Lavoir a formé sa demande de remboursement de la TEOM de l'année 2016 dans ses conclusions de première instance déposées et notifiées le 16 juin 2021, soit avant l'expiration du délai quinquennal de prescription qui a commencé à courir à compter du 10 septembre 2016.

En effet, dans la partie dicussion de ses conclusions de première instance du 16 juin 2021, la société Grand garage du Lavoir indique, dans un paragraphe intitulé 'sur le remboursement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères', que Mme [X] [N] 'sera condamnée à rembourser à sa locataire l'ensemble des sommes facturées au titre des impôts pour les années 2017 et 2016, soit 7.778 €', faute pour elle de communiquer les pièces permettant de connaître les montants de la TEOM des années 2017 et 2016. Elle fonde ainsi sa demande de condamnation de Mme [X] [N] à lui payer la somme de 7.778 euros , notamment sur la refacturation, indue selon elle, de la TEOM de l'année 2016. Si dans le dispositif des mêmes conclusions, la société Grand garage du Lavoir demande la condamnation de Mme [X] [N] à lui rembourser '7.778 € au titre des impôts facturés en 2019 et 2020", il s'agit manifestement d'une erreur matérielle étant rappelé qu'en vertu de l'article 768 du code de procédure civile, le tribunal statue certes sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions mais sur les moyens invoqués dans la discussion.

Dans ces conditions, la demande de la société Grand garage du Lavoir de condamnation de Mme [X] [N] à lui rembourser la TEOM de l'année 2016 n'est pas prescrite.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en restitution de la société Grand garage du Lavoir portant sur les sommes versées au titre de la TEOM due pour l'année 2016 et, statuant à nouveau, de déclarer recevable cette demande.

6-2 Sur la recevabilité de la demande de la bailleresse de remboursement de la TEOM de l'année 2022

L'article 910-4 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au Décret n°2023-1391 applicable à la présente affaire,dispose qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées les prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révalation d'un fait.

En l'espèce, Mme [X] [N] a déposé et notifié ses premières conclusions d'intimée le 11 janvier 2023.

Il est acquis que dans ses conclusions du 11 janvier 2023, Mme [X] [N] ne demandait pas la condamnation de la société Grand garage du Lavoir à payer la somme de 1.117 euros au titre de la TEOM due pour l'année 2022.

Si Mme [X] [N] connaissait, à la date de ses premières conclusions, la TEOM due pour l'année 2022, qui avait déjà été appelée par l'administration fiscale, il n'est pas établi qu'à la même date, elle savait que la société Grand garage du Lavoir ne lui rembourserait pas cet impôt, étant observé qu'il n'est pas apporté la preuve que la bailleresse avait appelé les charges 2022 dues par sa locataire à la date de ses premières conclusions.

En conséquence, cette demande, qui est née de la survenance ou de la révélation d'un fait postérieurement aux premières conclusions de l'intimée, est recevable.

6-3 Sur le fond

Il est constant que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ne peut être mise à la charge du locataire d'un bail commercial qu'en vertu d'une clause claire et précise (3e Civ., 16 mai 2024, pourvoi n° 22-19.830).

Le bail du 28 septembre 2009 fait obligation au preneur :

' D'acquitter exactement leurs impôts, taxes et contributions de toute nature et de supporter et acquitter toutes charges de ville et de police, ainsi que toutes taxes nouvelles ou de remplacement dont l'immeuble pourrait être imposé et auxquelles les locataires sont généralement ou pourront être tenus de façon que les bailleurs ne seront jamais inquiétés ni recherchés à ce sujet. Les preneurs rembourseront aux bailleurs en sus du loyer ci-après fixé, le montant de l'impôt foncier et des taxes locales grevant la propriété. Il en serait de même pour toutes autres taxes qui pourraient être créées à l'avenir.'

En vertu de l'article 1520 du code général des impôts, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères est une taxe communale destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales ainsi qu'aux dépenses directement liées à la définition et aux évaluations du programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés mentionné à l'article L. 541-15-1 du code de l'environnement.

La taxe d'enlèvement des ordures ménagères est donc bien une taxe locale.

L'article 1521 du code général des impôts précise qu'elle porte sur toutes les propriétés soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties ou qui en sont temporairement exonérées, sur les logements des fonctionnaires ou employés civils et militaires visés à l'article 1523 ainsi que sur les propriétés exonérées de taxe foncière sur les propriétés bâties en application du I de l'article 1382 E.

Il s'en déduit que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères grève la propriété.

Dans ces conditions, la stipulation du bail du 28 septembre 2009 qui met à la charge de la locataire les ' taxes locales grevant la propriété' est sufisamment claire et précise pour avoir opéré le transfert de la charge de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à la société Grand garage du Lavoir en ce que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères entre dans la catégorie des ' taxes locales grevant la propriété', peu important que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères n'ait pas été nommément mentionnée dans la clause.

Contrairement à ce que soutient la société Grand garage du Lavoir, Mme [X] [N] produit aux débats le justificatif du montant de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères due pour l'année 2022 qu'elle réclame à sa locataire à hauteur de 1.117 euros.

En conséquence, il convient de :

- rejeter la demande de la société Grand garage du Lavoir tendant au remboursement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères due pour l'année 2016,

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la société Grand garage du Lavoir de sa demande de restitution au titre des taxes d'enlèvement des ordures ménagères des années 2017 à 2021,

- condamner société Grand garage du Lavoir à payer à Mme [X] [N] la somme de 1.117 euros au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères due pour l'année 2022.

7- Sur la demande de la bailleresse de remboursement des surprimes d'assurance

7-1 Sur la recevabilité de la demande de remboursement de la surprime d'assurance de l'année 2016

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il est acquis que Mme [X] [N] a formulé sa demande de remboursement de la surprime d'assurance de l'année 2016 pour la première fois dans ses conclusions de première instance du 22 septembre 2021.

Au soutien de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette demande, la société Grand garage du Lavoir se borne à affirmer que la surprime d'assurance de l'année 2016 était due avant le 22 septembre 2016 sans que la preuve en soit apportée.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a déclaré cette demande recevable.

7-2 Sur la recevabilité de la demande de remboursement de la surprime d'assurance de l'année 2022

Les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable à la présente affaire, ont été ci-dessus rappelées.

Il est acquis que Mme [X] [N] n'a pas formulé sa demande de condamnation de la société Grand garage du Lavoir à lui payer la somme de 734,33 euros au titre de la surprime d'assurance de l'année 2022 dans ses premières conclusions d'intimée.

Néanmoins, cette demande est recevable en ce qu'elle est née de la survenance ou de la révélation d'un fait postérieurement aux premières conclusions de l'intimée. En effet, il n'est pas établi qu'à la date de ses premières conclusions, Mme [X] [N] savait que la société Grand garage du Lavoir ne lui rembourserait pas cette charge, étant observé qu'il n'est pas apporté la preuve que la bailleresse avait appelé les charges 2022 dues par sa locataire à la date de ses premières conclusions.

7-3 Sur le fond

L'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable en l'espèce compte tenu de la date du bail, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Le bail du 28 septembre 2009 fait obligation au preneur de 'rembourser aux bailleurs toutes surprimes qui pourraient leur être réclamées par les compagnies d'assurance contre l'incendie ou autres, par suite du commerce exploité dans les lieux loués'.

Contrairement à ce que soutient la société Grand garage du Lavoir, Mme [X] [N] apporte la preuve qu'elle a payé une surprime d'assurance à raison de l'activité de la locataire dans les lieux loués. En effet, elle produit une attestation de son assureur qui fait état de majorations de cotisations 'liées à l'activité de la locataire : carosserie avec cabine de peinture'.

Au vu des pièces produites aux débats, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société Grand garage du Lavoir à payer à Mme [X] [N] la somme de 4.075,06 euros au titre des surprimes d'assurance dues pour les années 2016 à 2021 et, y ajoutant, de condamner la société Grand garage du Lavoir à payer à Mme [X] [N] la somme de 734,33 euros au titre de la surprime d'assurance due pour l'année 2022.

8- Sur la demande de la bailleresse de remboursement de la taxe foncière de l'année 2022

8-1 Sur la recevabilité de la demande

Les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable à la présente affaire, ont été ci-dessus rappelées.

Il est acquis que Mme [X] [N] n'a pas formulé sa demande de condamnation de la société Grand garage du Lavoir à lui payer à la somme de 6.097 euros au titre de la taxe foncière de l'année 2022 dans ses premières conclusions d'intimée.

Si Mme [X] [N] connaissait, à la date de ses premières conclusions (11 janvier 2023), le montant de la taxe foncière due pour l'année 2022, qui avait déjà été appelée par l'administration fiscale, il n'est pas établi qu'à la cette date, elle savait que la société Grand garage du Lavoir ne lui rembourserait pas cet impôt que cette dernière avait jusque là acquitté, étant observé qu'il n'est pas apporté la preuve que la bailleresse avait appelé les charges 2022 dues par sa locataire à la date de ses premières conclusions.

En conséquence, cette demande, qui est née de la survenance ou de la révélation d'un fait postérieurement aux premières conclusions de l'intimée, est recevable.

8-3 Sur le fond

Le bail du 28 septembre 2009 stipule que 'les preneurs rembourseront aux bailleurs en sus du loyer ci-après fixé, le montant de l'impôt foncier et des taxes locales grevant la propriété'.

Contrairement à ce que soutient la société Grand garage du Lavoir, Mme [X] [N] justifie du montant de la taxe foncière due pour l'année 2022 qu'elle réclame à sa locataire à hauteur de 6.097 euros.

En conséquence, il convient de condamner la société Grand garage du Lavoir à payer à Mme [X] [N] la somme de 6.097 euros au titre de la taxe foncière due pour l'année 2022.

9- Sur la demande de la bailleresse au titre des frais de remise en état

9-1 Sur la recevabilité de la demande

Les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable à la présente affaire, ont été ci-dessus rappelées.

Il est acquis que Mme [X] [N] n'avait pas formulé sa demande au titre des frais de remise en état dans ses premières conclusions au fond du 11 janvier 2023.

Néanmoins, cette demande est recevable en qu'elle est née de la survenance ou de la révélation d'un fait postérieurement aux premières conclusions de l'intimée. En effet, si les locaux ont été restitués le 4 janvier 2023, l'existence de désordres susceptibles d'être imputés à la locataire et le montant des réparations consécutives à ceux-ci n'ont été révélés que postérieurement aux premières conclusions de l'intimée. D'une part, la révélation de l'existence de désordres susceptibles d'être imputés à la locataire nécessitait une analyse de l'état des lieux de sortie et des stipulations du bail. D'autre part, la révélation du montant des désordres nécessitait l'intervention de tiers pour l'établissement de devis. Or, ces deux opérations ne pouvaient pas être faites dans les 7 jours séparant la date de restitution des locaux de la date des premières conclusions de l'intimée.

9-2 Sur le fond

Il résulte de la combinaison des articles 1732, 1147 et 1149 du code civil, les deux derniers articles dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable à la présente affaire compte tenu de la date du bail, que le preneur qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations découlant de la loi ou du contrat commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur.

Si, comme le soutient Mme [X] [N], l'indemnisation du préjudice du bailleur n'est pas subordonnée à l'accomplissement des travaux de remise en état ou à l'engagement effectif de dépenses par ce dernier, il n'en demeure pas moins que l'existence du préjudice du bailleur doit être établie (3e Civ., 27 juin 2024, pourvoi n° 22-10.298).

En l'espèce, la société Grand garage du Lavoir a restitué les locaux le 4 janvier 2023.

Mme [X] [N], qui sollicite la condamnation de la société Grand garage du Lavoir à lui payer la somme de 170.571,11 euros TTC au titre des travaux de remise en état des locaux qu'elle impute à sa locataire, ladite somme correspondant à 70 % du coût total des travaux selon trois devis qu'elle produit aux débats, a revendu les locaux le 31 août 2023 au prix de 1.400.000 euros.

Sans preuve de l'accomplissement des travaux de remise en état avant la vente des locaux et sans preuve d'une dépréciation du prix de vente à raison de l'état des locaux lors de leur restitution par la société Grand garage du Lavoir, Mme [X] [N] n'établit pas l'existence du préjudice dont elle demande réparation.

Mme [X] [N] soutient qu'elle a subi un préjudice 'puisque l'indemnité d'occupation due à compter du 1er octobre 2018 a été fixée à un certain montant compte tenu de l'état des locaux à cette date'.

Toutefois, il apparait que ce moyen est inopérant.

D'une part, elle procède par voie d'affirmation en concluant : 'il est évident que l'expert aurait retenu une valeur plus élevée si les locaux avaient été en bon état, notamment la partie habitation'.

D'autre part, il lui appartenait de faire valoir ce moyen à l'appui de sa demande de fixation du montant de l'indemnité d'occupation.

De denière part, cet éventuel préjudice n'est pas celui dont elle demande réparation en sollicitant la condamnation de la société Grand garage du Lavoir à lui payer la somme de 170.571,11 euros TTC au titre des travaux de remise en état des locaux.

En conséquence, il convient de débouter Mme [X] [N] de cette demande.

10- Sur la compensation des créances

Les parties s'accordent sur la compensation de leurs créances, la société Grand garage du Lavoir ne sollicitant pas l'infirmation du chef du jugement qui a ordonné cette compensation et Mme [X] [N] sollicitant expressément cette compensation dans ses dernières conclusions.

11- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il apparait que Mme [X] [N] est la partie succombante tant en première instance qu'en appel.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné Mme [X] [N] au paiement des dépens de première instance et de la condamner aux dépens de la procédure d'appel.

Par ailleurs, l'équité commande de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné Mme [X] [N] à payer à la société Grand garage du Lavoir la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles et de condamner la même à payer la somme de 5000 euros à la société Grand garage du Lavoir au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière à hauteur d'appel.

La société Les Nouveaux Constructeurs a été attrait à la procédure, tant en première instance qu'en appel, par la société Grand garage du Lavoir. Vis à vis de la société Les Nouveaux Constructeurs, la société Grand garage du Lavoir est la partie succombante. Dans ces conditions, l'équité commande de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société Grand garage du Lavoir à payer à la société Les Nouveaux Constructeurs la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles. L'équité commande encore de condamner la société Grand garage du Lavoir à payer à la société Les Nouveaux Constructeurs la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 3 juin 2022 en ce qu'il a :

- condamné Mme [X] [N] à payer à société Grand garage du Lavoir une indemnité d'éviction d'un montant total de 213.009,91 euros,

- fixé l'indemnité d'éviction accessoire au titre du double loyer à la somme de 4.349,91 euros,

- condamné Mme [X] [N] à payer à société Grand garage du Lavoir les sommes dues au titre des frais de licenciement et de déménagement sur production de justificatifs,

- condamné la société Grand garage du Lavoir à payer à Mme [X] [N] la somme de 52.198,95 euros par an à titre d'indemnité d'occupation, à compter du 1er octobre 2018 et précisé que cette indemnité d'occupation sera due jusqu'à son départ effectif des lieux laissés libres de tous occupants et de tous biens,

- débouté la société Grand garage du Lavoir de sa demande tendant à voir réputer non écrite la clause d'indexation insérée au bail du 28 septembre 2009,

- débouté la société Grand garage du Lavoir de sa demande de restitution d'un trop-versé de loyer,

- déclaré irrecevable la demande de la société Grand garage du Lavoir de restitution des sommes versées au titre de la TEOM due pour l'année 2016,

- dit que les parties procéderont au paiement des sommes sur un compte ouvert auprès du séquestre juridique de l'ordre des avocats au barreau de Paris, désigné en qualité de séquestre,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 3 juin 2022 en ses autres dispositions soumises à la cour, en ce compris les dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne Mme [X] [N] à payer à la société Grand garage du Lavoir une indemnité d'éviction d'un montant de 243.830,36 euro, se décomposant comme suit :

- indemnité principale : 170.000 euros

- indemnité accessoire au titre des frais de remploi : 17.000 euros

- indemnité accessoire au titre du trouble commercial : 18.160 euros

- frais divers : 3.500 euros

- indemnité accessoire au titre des frais de licenciement : 35.170,36 euros

outre les frais de réinstallation sur production de justificatifs,

Dit n'y avoir lieu à accorder à la société Grand garage du Lavoir une indemnité au titre des frais de déménagement et de double-loyer ;

Condamne la société Grand garage du Lavoir à payer à Mme [X] [N] une indemnité d'occupation de 50.482,35 euros par an pour la période allant du 1er octobre 2018 au 4 janvier 2023 inclus,

Déclare la clause d'indexation insérée au bail du 28 septembre 2009 non écrite,

Condamne Mme [X] [N] à payer à la société Grand garage du Lavoir la somme de 7529,64 euros HT, soit 9.035,56 euros TTC, au titre de l'indu de loyer indexé pour la période allant du 1er décembre 2015 au 30 septembre 2018 inclus,

Déclare recevable la demande de la société Grand garage du Lavoir de remboursement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères due pour l'année 2016,

Déboute la société Grand garage du Lavoir de sa demande de remboursement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères due pour l'année 2016,

Dit n'y avoir lieu à désignation d'un séquestre,

Y ajoutant,

Déclare recevable la demande de Mme [X] [N] en paiement d'une indemnité d'occupation pour la période allant du 1er au 4 janvier 2023 inclus,

Déclare recevable la demande de Mme [X] [N] tendant à la condamnation de la société Grand garage du Lavoir à lui payer la taxe d'enlèvement des ordures ménagères due pour l'année 2022,

Condamne la société Grand garage du Lavoir à payer à Mme [X] [N] la somme de 1.117 euros au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères due pour l'année 2022,

Déclare recevable la demande de Mme [X] [N] tendant à la condamnation de la société Grand garage du Lavoir à lui payer la surprime d'assurance due pour l'année 2022,

Condamne la société Grand garage du Lavoir à payer à Mme [X] [N] la somme de 734,33 euros au titre de la surprime d'assurance due pour l'année 2022,

Déclare recevable la demande de Mme [X] [N] tendant à la condamnation de la société Grand garage du Lavoir à lui payer la taxe foncière due pour l'année 2022,

Condamne la société Grand garage du Lavoir à payer à Mme [X] [N] la somme de 6.097 euros au titre de la taxe foncière due pour l'année 2022,

Déclare recevable la demande de Mme [X] [N] tendant à la condamnation de la société Grand garage du Lavoir à lui payer les frais de remise en état des locaux,

Déboute Mme [X] [N] de sa demande de condamnation de la société Grand garage du Lavoir à lui payer la somme de 170.571,11 euros au titre des frais de remise en état des locaux,

Condamne Mme [X] [N] au paiement des dépens de la procédure d'appel,

Condamne Mme [X] [N] à payer à la société Grand garage du Lavoir la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par la société Grand garage du Lavoir à hauteur d'appel,

Condamne la société Grand garage du Lavoir à payer à la société Les Nouveaux Constructeurs la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par la société Les Nouveaux Constructeurs à hauteur d'appel,

Le greffier, La présidente,

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