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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 2, 18 septembre 2025, n° 24/19080

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/19080

18 septembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2025

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/19080 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKLQ6

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 7 Novembre 2024 -Président du TJ de [Localité 13] - RG n° 24/51883

APPELANTS

M. [G] [F] [K]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Mme [R] [T] [N] [P]

[Adresse 7]

[Localité 8]

S.A.R.L. [C] TRAITEUR, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentés par Me Odile COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0051

INTIMÉES

Mme [M] [V]

[Adresse 11]

[Localité 5]

Mme [I] [V]

[Adresse 4]

[Localité 10]

Mme [A] [V] épouse [S]

[Adresse 14]

[Localité 1] (ITALIE)

Mme [H] [V] épouse [Z]

[Adresse 12]

[Localité 6]

Représentées par Me Marie-Laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0936

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 906 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2025, en audience publique, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, chargée du rapport, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 26 octobre 2022, Mme [B] [W] veuve [V], usufruitière, Mmes [H], [A] et [M] [V], nu-propriétaires (ci-après les bailleresses) ont donné à bail à la société [C] traiteur, représentée par sa gérante Mme [R] [P], un local commercial au rez-de-chaussée d'un immeuble situé [Adresse 3], moyennant un loyer annuel de 30.000 euros hors taxes et hors charges payable par mensualités de 2.500 euros majorées de 130 euros au titre des charges.

Mme [R] [P] et M. [F] [K] se sont portés cautions personnelles et solidaires de la société [C] traiteur.

Par exploit du 28 novembre 2023, les bailleresses ont fait commandement à leur locataire de payer la somme de 8.059 euros au titre des loyers et charges impayés au mois d'octobre 2023 inclus, l'acte visant la clause résolutoire du bail et les dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce.

Par exploit délivré les 15 et 19 février 2024, les bailleresses ont fait assigner la société [C] traiteur, M. [K] et Mme [P] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, à l'effet d'obtenir la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire avec toutes conséquences de droit, la fixation d'une indemnité mensuelle d'occupation de 3.000 euros et la condamnation provisionnelle des défendeurs à leur payer une provision de 20.000 euros (portée à 35.000 euros dans les dernières écritures) au titre de la dette locative, avec intérêts légaux à compter du 29 novembre 2023 jusqu'à concurrence de 9.059 euros, outre la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Une médiation a été ordonnée à la demande des parties, qui n'a pas abouti.

Les défendeurs ont demandé à ce qu'il soit dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de leurs bailleresses, faisant valoir sa mauvaise foi et une contestation sérieuse tenant à une impossibilité d'exploiter leur activité de restaurant prévue au bail conformément au règlement de copropriété, lequel interdit une telle activité.

Par ordonnance du 7 novembre 2024, jugeant non sérieuse la contestation soulevée par les défendeurs le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

constaté la résiliation du bail à la date du 28 décembre 2023,

ordonné l'expulsion de la société [C] traiteur et de tous occupants de son chef à défaut de libération volontaire des lieux dans les (mention manquante) jours de la signification de l'ordonnance,

fixé à 2.795 euros l'indemnité provisionnelle d'occupation due mensuellement par la société [C] traiteur depuis le 1er janvier 2024,

condamné solidairement la société [C] traiteur, Mme [P] et M. [K] à payer à Mmes [V] :

une provision de 33.214 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2023 sur la somme de 8.059 euros, à valoir sur le montant de la créance locative et d'indemnités d'occupation arrêtée à septembre 2024,

une indemnité d'occupation provisionnelle mensuelle de 2.795 euros à compter du 1er octobre 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés,

la somme de 2.500 euros en vertu de l'article 70 du code de procédure civile ;

Condamné solidairement la société [C] traiteur, Mme [P] et M. [K] aux dépens, en ce inclus le coût du commandement du 28 novembre 2024,

rappelé que l'ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.

Par ordonnance rectificative du 12 mars 2025, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a précisé que l'expulsion était ordonnée à défaut de libération volontaire des locaux dans les 15 jours de la signification de l'ordonnance.

Par déclaration du 8 novembre 2024la société [C] traiteur, Mme [P] et M. [K] ont relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Par conclusions remises et notifiées le7 février 2025 ils demandent à la cour, de :

Ordonner une conciliation entre les parties compte tenu des faits de l'espèce ;

Juger que, compte tenu de l'interdiction de l'activité de restaurant contenue dans le règlement de copropriété, le manquement de l'indivision [V] à son obligation de délivrance, de jouissance paisible et de garantie de la chose louée à l'égard de la société [C] traiteur et des consorts [L] constitue une contestation sérieuse ;

Juger n'y avoir lieu à référé sur les demandes de l'indivision [V] aux fins d'acquisition de la clause résolutoire, d'expulsion et de condamnation au paiement d'une provision au titre de la dette locative et de l'indemnité d'occupation ;

Par conséquent,

Infirmer en totalité l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris en date du 7 novembre 2024 (RG n°24/51883) ;

Et, statuant à nouveau,

Débouter l'indivision [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner l'indivision [V] à payer à la société [C] traiteur et aux consorts [L] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir la mauvaise foi et le manquement des bailleresses à leur obligation de délivrer un local conforme à sa destination d'usage de restaurant, le règlement de copropriété interdisant cette activité si bien que la société [C] traiteur s'est trouvée dans l'impossibilité d'exploiter son activité de restauration à laquelle elle a dû renoncer pour se limiter à de la vente à emporter. Elle demande en conséquence à la cour de considérer comme sérieuse sa contestation tirée de l'exception d'inexécution par la bailleresse de ses obligations contractuelles.

Ils précisent que la société [C] traiteur a engagé une action au fond aux fins de voir prononcer la résolution du bail pour manquement des bailleresses à leur obligation de délivrance, et indiquent qu'en raison de l'anéantissement rétroactif du bail en résultant il ne peut être reproché à la société [C] traiteur un manquement à ses propres obligations, notamment celle de payer le loyer.

Par dernières conclusions remises et notifiées le28 mars 2025,les intimées demandent à la cour de débouter les appelants de leurs demandes, de confirmer en toutes leurs dispositions les ordonnances rendues les 7 novembre 2024 et 11 mars 2025 qui fait corps avec la précédente, de condamner conjointement et solidairement la société [C] traiteur, Mme [R] [P] et M. [U] [K] au règlement de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel, de les condamner aux entiers dépens.

Elles exposent que ce n'est qu'à l'audience des plaidoiries devant le premier juge que la société [C] a pour la première fois invoqué le manquement de ses bailleresses à leur obligation de délivrance, qu'elle n'a jamais sollicité de remise de loyer pour ce motif, qu'elle a au contraire négocié sa dette locative avec ses bailleresses, sans toutefois respecter ses engagements.

Elles indiquent que la société [C] n'exploite plus les locaux depuis octobre 2023, qu'elle les a délaissés sans protection, le rideau métallique étant endommagé, et elle a même mis en vente son matériel sur « le bon coin ». Elle est insolvable et elle n'exécute pas l'ordonnance, espérant pouvoir céder son fonds de commerce.

Elles font valoir que l'activité de petite restauration sans extraction, autorisée par le bail et d'ailleurs pratiquée par les preneurs successifs depuis 2009 est bien conforme à l'activité autorisée par le règlement de copropriété ;que la société [C] ne produit aucune plainte de la copropriété relativement à son activité ; qu'en réalité, en violation des dispositions du bail elle a fait de la cuisine méditerranéenne nécessitant une extraction, ce qui a causé des nuisances olfactives dont s'est plaint le commerçant décorateur de l'immeuble voisin.

Elles précisent enfin que les loyers ne sont plus du tout payés depuis octobre 2023.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 juin 2025.

A l'audience des plaidoiries le conseil des appelants ne s'est pas présenté. Le conseil des intimés a demandé qu'un arrêt soit rendu.

Invité à déposer son dossier en cours de délibéré, le conseil des appelants a répondu par message RPVA qu'il ne défendait plus les intérêts des appelants et qu'il ne déposerait donc pas de dossier de plaidoirie.

SUR CE, LA COUR

A titre liminaire, il convient de rappeler que le conseil des appelants demeure constitué dès lors qu'aucun autre avocat n'a constitué en ses lieu et place, et de constater que les appelants ne produisent aucune pièce au soutien de leur appel.

Par application de l'article 469, alinéa 1er du code de procédure civile, la cour statuera par arrêt contradictoire au vu des éléments dont elle dispose (décision de première instance, conclusions des parties, pièces de la partie intimée).

Il y a lieu, ensuite, de rejeter la demande de conciliation formée par les appelants, une médiation ayant déjà été tentée en première instance qui n'a pas abouti, les appelants ne faisant plus défendre leurs intérêts par un conseil et la partie intimée n'exprimant pas son accord.

Sur le fond du référé, il doit d'abord être rappelé que l'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L'expulsion d'un locataire commercial devenu occupant sans droit ni titre en vertu du jeu d'une clause résolutoire de plein droit peut être demandée au juge des référés du tribunal judiciaire en application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, dès lors que le maintien dans les lieux de cet occupant constitue un trouble manifestement illicite ou qu'à tout le moins l'obligation de libérer les lieux correspond dans cette hypothèse à une obligation non sérieusement contestable.

Aux termes des dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, allouer une provision au créancier.

Il sera rappelé qu'en application de l'article 1728 du code civil, le locataire est tenu au paiement des loyers et charges aux termes prévus au bail, sans pouvoir invoquer l'exception d'inexécution pour y échapper, sauf à justifier que les locaux loués sont devenus impropres à l'usage auquel ils étaient destinés (Cass, 3e Civ., 6 juillet 2023, pourvoi n° 22-15.923, publié).

Au cas présent, le bail liant les parties contient une clause aux termes de laquelle à défaut de paiement d'un seul terme ou fraction de terme de loyer ou accessoire ou en cas d'inexécution par le preneur de l'une quelconque des clauses, charges et conditions du bail, le bail sera résilié de plein droit un mois après un commandement de payer resté infructueux ou une sommation restée sans effet.

Les appelants ne contestent pas l'existence d'une dette locative ni son montant tel qu'il a été provisionnellement arrêté par le premier juge. Ils prétendent que cette dette résulte de l'impossibilité dans laquelle la société [C] traiteur se serait trouvée d'exploiter dans les lieux son activité de restauration telle qu'autorisée par le bail, qui serait contraire à celle autorisée par le règlement de copropriété, de sorte que le commandement de payer aurait été délivré de mauvaise foi par les bailleresses.

Mais comme l'a exactement relevé le premier juge, si le règlement de copropriété exclut notamment les commerces de restaurant et que le bail conclu par les parties autorise l'activité de restauration, cette autorisation est limitée à de la restauration sans extraction et rapide sur place, et à emporter.

Or, il ressort des éléments produits au dossier de la partie intimée que la société [C] traiteur s'est trouvée confrontée à une plainte d'un commerçant de l'immeuble voisin pour avoir réalisé dans les locaux de la cuisine nécessitant une extraction, générant des nuisances olfactives.

Il n'est justifié par les appelants d'aucune plainte de la copropriété relativement à l'activité autorisée par le bail commercial.

Il n'est pas plus justifié d'une réclamation qui aurait été formée par la locataire auprès de ses bailleresses relativement à en empêchement d'exercer son activité conformément aux stipulations du bail.

Dans ces conditions, l'exception d'inexécution soulevée par les appelants n'est pas sérieuse.

C'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour approuve, que le premier juge a constaté la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire faute de paiement de la dette locative dans le délai contractuel et légal, avec toutes conséquences de droit.

L'ordonnance sera confirmée en toutes ses dispositions, y compris celles relatives aux dépens et frais irrépétibles dont il a été fait une juste appréciation.

Perdant en appel, les appelants seront condamnés aux dépens de cette instance et à payer aux intimées la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande de conciliation,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société [C] traiteur, M. [K] et Mme [P] aux dépens de l'instance d'appel,

Les condamne in solidum à payer à Mmes [V] la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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