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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 2, 18 septembre 2025, n° 24/00402

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 24/00402

18 septembre 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 18/09/2025

N° de MINUTE :

N° RG 24/00402 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VKNN

Jugement (N° 18/01211) rendu le 17 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Douai

Arrêt ( RG N° 21/422 ) rendu le 8 septembre 2022 par la cour d'appel de Douai

Arrêt rendu (N° 779 FD) le 30 novembre 2023 par la cour de cassation

DEMANDERESSES à la saisine

Syndicat des copropriétaires de la Résidence [8] représenté par le cabinet immobilier Dreumont, pris en la personne de son représentant légal en exercice,

ayant son siège social

[Adresse 2]

Représentée par Me Rodolphe Piret, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

SA Gan Assurances, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

ayant son siège social

[Adresse 5]

Représentée par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me François-Xavier Lagarde, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

DEFENDEURS à la saisine

Madame [W] [I]

née le 30 novembre 1952 à [Localité 7] -

de nationalité française,

demeurant [Adresse 3]

Monsieur [N] [I]

né le 29 juin 1954 à [Localité 7] -

de nationalité française,

demeurant [Adresse 1]

Madame [F] [E] épouse [I]

née le 12 février 1930 à [Localité 9] -

de nationalité française,

demeurant [Adresse 4]

Représentés par Me David Lacroix, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

SAS [O] [K],

ayant son siège social [Adresse 6]

Représentée par Me Fabien Chapon, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Anne Soreau, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

DÉBATS à l'audience publique du 22 mai 2025 après rapport oral de l'affaire par Nadia Cordier

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente, et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 avril 2025

****

FAITS ET PROCÉDURE

Mmes [W], [Y], et [F] [I] et M. [I] (les consorts [I]) sont propriétaires indivis d'un local constituant le lot n° 16 de la copropriété Résidence [8] à [Localité 7].

Les parties communes de l'immeuble sont assurées par le Syndicat des copropriétaires de la Résidence [8] (le Syndicat des copropriétaires) auprès de la société Gan assurances (la société Gan).

Le 29 avril 2016, les consorts [I] ont loué, à titre commercial, à la société [O] [K] ( la société [O]), un local en sous-sol situé dans l'ensemble immobilier précité, soumis au statut de la copropriété.

Le 30 mai 2016, le preneur a subi un dégât des eaux dans les lieux loués.

Le 30 septembre 2016, la société [O] a quitté le local, un état des lieux de sortie étant alors établi.

Les 16, 22 et 28 mai 2018, le locataire a assigné en responsabilité les consorts [I], le syndicat des copropriétaires et la société Gan.

Le 9 mars 2020, [Y] [I] est décédée, laissant pour héritiers les 3 autres co-indivisaires présents dans la cause.

Par jugement du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Douai a':

- condamné solidairement les consorts [I], en ce compris [Y] [I], à payer 10'000 euros à la société [O] au titre du préjudice d'exploitation';

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer 30'000 euros à la société [O]';

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer 2'120,80 euros aux consorts [I], au titre du remplacement de la pompe de relevage';

- rejeté le surplus des demandes';

- condamné solidairement les consorts [I] à payer 400 euros à la société [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer 1'600 euros à la société [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- débouté la société Gan de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamné les consorts [I] et le syndicat des copropriétaires aux dépens.

Par déclaration du 19 janvier 2021, la société Gan Assurances et le syndicat des copropriétaires ont interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 8 septembre 2022, la cour d'appel de Douai (chambre 2 section 1) a':

- réformé le jugement entrepris';

- débouté la société [O] de ses demandes contre le syndicat des copropriétaires ;

- débouté la société [O] de ses demandes contre les consorts [I]';

- débouté les consorts [I] de leurs demandes contre le syndicat des copropriétaires';

- débouté les parties de leurs demandes contre la société Gan';

- condamné la société [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à payer 2'000 euros au syndicat des copropriétaires';

- débouté du surplus des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamné la société [O] aux dépens de première instance et d'appel

- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.

Le 8 novembre 2022, la société [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt rendu.

Par arrêt du 30 novembre 2023 (pourvoi n° 22-22'738), la Cour de cassation, troisième chambre civile, a':

- cassé et annulé, en toutes ses dispositions l'arrêt précité';

- remis l'affaire et les parties dans l'état ou elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Douai, autrement composée';

- condamné le syndicat des copropriétaires, la société Gan et Mme [W] et [F] [I] et M. [I] aux dépens, et à payer à la société [O] la somme de 3'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 29 janvier 2024, le syndicat des copropriétaires et la société Gan ont saisi la cour d'appel de renvoi, intimant Mmes [W] et [F] [I] et M. [I] ainsi que la société [O].

Par conclusions du 6 mars 2024, la société Gan a indiqué se désister de sa déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi.

Par ordonnance du 12 septembre 2024, le président de chambre a':

- constaté le désistement de la société Gan';

- rejeté la demande de la société Gan à ce que soit constatée l'extinction de l'instance d'appel à son égard';

- dit que la société Gan, appelante du jugement entrepris, demeure partie à l'instance régulièrement reprise devant la présente cour, désignée cour de renvoi par l'arrêt de cassation du 30 novembre 2023';

- laissé à chacune des parties la charge des dépens relatifs à l'instance d'incident et rejeté la demande formée par la société Gan en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions signifiées par voie électronique le 20 mars 2024, le syndicat des copropriétaires demande à la cour d'appel de':

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

* à titre principal':

- rejeter l'intégralité des demandes de la société [O]

- à titre subsidiaire,

- juger que seuls les consorts [I] engagent leur responsabilité vis-à-vis de la société [O]

* plus subsidiairement':

- condamner les consorts [I] à le relever et le garantir de toutes condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre,

* à titre infiniment subsidiaire':

- rejeter l'intégralité des demandes de la société Gan tendant à être mis hors de cause,

* en tout état de cause':

- rejeter les appels incidents respectifs des consorts [I], des sociétés [O] et Gan en ce qu'ils ont de contraire à ses demandes';

- condamner in solidum les sociétés [O] et Gan et les consorts [I] aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel ainsi qu'une somme de 12'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 29 mars 2024, la société Gan demande à la cour de':

- juger irrecevables toutes prétentions émises par le syndicat des copropriétaires contre elle-même';

- sur le fond :

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu une faute du syndicat des copropriétaires

- juger que le comportement des consorts [I] constitue un cas de force majeure exonératoire de la responsabilité du syndicat des copropriétaires';

- débouter la société [O] et les consorts [I] des demandes formulées contre le syndicat des copropriétaires';

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'un préjudice d'exploitation consécutif au sinistre';

- débouter la société [O] de l'ensemble de ses demandes, à défaut de rapporter la preuve d'un préjudice';

* en tout état de cause':

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que ses garanties n'étaient pas mobilisables';

- débouter toute partie de toutes prétentions dirigées contre elle';

- condamner toute partie succombante à lui verser la somme de 10'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 3 mai 2024, les consorts [I] demandent à la cour de':

- confirmer la condamnation du syndicat des copropriétaires à leur payer, à eux trois du fait du décès de [Y] [I], la somme de 2'120,80 euros';

- réformer le jugement pour le surplus';

- débouter la société [O] de l'intégralité de ses prétentions';

- débouter le syndicat des copropriétaires et la société Gan de leurs demandes';

- condamner la société [O] à leur payer une somme de 7'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- la condamner aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées le 17 mai 2024 par voie électronique, la société [O] demande à la cour de':

* à titre principal':

- confirmer le jugement rendu le 17 décembre 2020 en ce qu'il a reconnu les consorts [I] et le syndicat des copropriétaires comme étant tous deux responsables de son préjudice';

- à titre incident, infirmer le jugement s'agissant du montant du préjudice subi et par conséquent':

- condamner solidairement M. et Mmes [I] tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de [Y] [I], et le syndicat des copropriétaires au paiement d'une somme de':

o 3'514,50 euros au titre des charges significatives, au titre d'un préjudice financier consécutif

o 3 000 euros au titre du trouble de jouissance subi ,

- dire qu'il appartiendra à la société Gan de garantir les condamnations prononcées à l'encontre du Syndicat des copropriétaires,

- condamner in solidum M. et Mmes [I] tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de [Y] [I] et le syndicat des copropriétaires au paiement d'une somme de 7'000'euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre les entiers dépens.

(A titre subsidiaire')

- confirmer le jugement rendu le 17 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

- condamner in solidum l M. et Mmes [I] tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de [Y] [I] et le syndicat des copropriétaires au paiement d'une somme de 7'000'euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre les entiers dépens.

* à titre infiniment subsidiaire':

- condamner l'une des parties à défaut de l'autre à réparer son entier préjudice';

- dire qu'il appartiendra à la société Gan de garantir les éventuelles condamnations prononcées à l'encontre du Syndicat des copropriétaires,

- condamner l'une des parties à défaut de l'autre aux entiers dépens d'appel et au paiement d'une somme de 7'000'euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

* en tout état de cause':

- débouter M. et Mmes [I] tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de [Y] [I] et le syndicat des copropriétaires et la société Gan de l'ensemble des demandes formées à son encontre

MOTIVATION

I- Sur l'action indemnitaire de la société [O]

A- à l'encontre du syndicat des copropriétaires sur le fondement de la loi du 10 juillet 1965

A titre principal, le syndicat des copropriétaires conclut au rejet des demandes de la société [O] en sollicitant sa mise hors de cause, après avoir rappelé les dispositions relatives au statut de la copropriété des immeubles bâtis, différenciant les parties communes et les parties privatives, aux motifs que':

- la pompe incriminée assurait le relevage des eaux pluviales d'une partie de la toiture, des eaux de la descente d'escalier d'accès à ce local recueilli par un quadratin et des eaux usées et vannes de ce local commercial'; elle se situait sur une installation collective d'évacuation des eaux pluviales';

- cette pompe et l'installation en général ne figuraient sur aucun plan et n'étaient mentionnées dans aucun document de la copropriété, les consorts [I] et leurs locataires successifs n'en ayant jamais évoqué l'existence';

- les consorts [I] ne peuvent utilement se prévaloir de ce que dans le silence des titres sont réputées parties communes les éléments d'équipement communs, y compris les parties de canalisation y afférentes qui traversent les locaux privatifs, dès lors que la station est un tout petit élément qui n'a pas vocation à figurer dans le règlement de la copropriété';

- la force majeure se trouve caractérisée, puisqu'il n'a été ni informé de l'existence, ni pris en charge l'entretien de cet élément.

Les consorts [I] font valoir que':

- la pompe de relevage était destinée aux eaux pluviales collectives du bâtiment et aux eaux usées du local commercial';

- le syndicat des copropriétaires a d'ailleurs réalisé des travaux permettant de dévier la descente des eaux pluviales afin de ne plus déverser les eaux dans le puisard où est installée la pompe de relevage';

- la pompe de relevage était à la date du sinistre un équipement commun à l'immeuble, permettant de relever les eaux pluviales provenant des toitures, peu important qu'il puisse s'agir d'un petit équipement ou que cet élément ne figure pas dans le règlement de copropriété';

- dès lors que l'inondation est survenue à raison du défaut de fonctionnement de l'équipement commun, c'est le syndicat des copropriétaires qui est responsable, lequel n'apporte pas la moindre preuve de ce qu'il aurait veillé à l'entretien de l'équipement';

- le fait que le bâtiment soit conçu de telle façon que les descentes d'eaux pluviales recueillant les eaux de pluie des toitures nécessitent une pompe de relevage pour permettre leur évacuation en cas de fortes précipitations rend prévisible le phénomène d'inondation, le bon entretien de la pompe permettant de remédier à ces inondations, ce qui rend ces évènements ni insurmontables ni irrésistibles';

- la méconnaissance alléguée de l'installation par le syndicat des copropriétaires n'est pas un élément de nature à écarter sa responsabilité mais plutôt à l'aggraver dès lors qu'il est censé avoir une bonne connaissance des éléments d'équipement de l'immeuble';

- le fait que le gestionnaire du local, mandaté par les consorts [I] ait pu solliciter un devis relatif au changement de la pompe ne peut leur être opposé, dès lors que ce n'est qu'à l'occasion des opérations d'expertise amiable qu'ils ont appris que les eaux pluviales se déversaient dans le puisard et qu'il s'agissait d'un équipement commun';

- compte tenu de l'ignorance de ce fait, ils n'avaient aucune raison d'aviser le syndicat des copropriétaires';

- aucun élément ne permet de déterminer les raisons pour lesquelles la société Compagnon du chauffage intervenue sur la pompe avait préconisé le remplacement de cette dernière, pas plus qu'il n'est établi qu'ils auraient eu conscience que le défaut de réalisation rapide des travaux de remplacement de la pompe était de nature à engendrer un sinistre.

La société [O] conclut à la responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires compte tenu du défaut d'entretien de la pompe à l'origine du sinistre, sans qu'il soit nécessaire de démontrer une faute de sa part, s'agissant d'une responsabilité objective.

Elle souligne que':

- la pompe est un équipement commun situé dans une partie privative, quand bien même cet élément traverse une partie privative et retiendrait également les eaux d'une partie privative';

- même si la jurisprudence puis la loi ont dispensé la victime du dommage de la charge de la preuve du défaut d'entretien, elle a signalé dès son entrée dans les lieux aux bailleurs la défaillance de la pompe de relevage';

- si la pompe avait été entretenue, elle n'aurait pas été défaillante et le sinistre n'aurait pas eu lieu';

- les prétentions du syndicat des copropriétaires à savoir l'absence d'accès aux parties privatives, l'absence de plans techniques ou de connaissance de cette pompe par le syndic actuel, n'ont aucune incidence';

- le syndicat des copropriétaires ne peut se prévaloir d'un cas de force majeure, extérieur, imprévisible et irrésistible, dès lors qu'il lui appartient seulement d'établir la faute des consorts [I] et de prouver qu'ils ont causé l'entier dommage, en application du droit positif.

Sur le fond, la société Gan conclut à l'absence de responsabilité du syndicat des copropriétaires, les dégâts trouvant leur origine dans un défaut de fonctionnement d'une pompe de relevage, en raison de l'absence d'entretien de cet équipement, soulignant que tant les consorts [I] que la société [O] étaient informés de l'existence d'une pompe de relevage et de ses dysfonctionnements avant que ne survienne le sinistre.

La société Gan concède que si la pompe de relevage peut effectivement être qualifiée d'élément d'équipement commun, le syndicat des copropriétaires n'avait aucune connaissance de son existence. Cette pompe se trouvant dans les parties privatives, à laquelle le syndic n'a pas accès, n'était pas entretenue par le syndicat des copropriétaires qui n'appelle aucune charge à ce titre, étant observé que ce n'est qu'à la suite du sinistre que les consorts [I] ont interrogé le syndicat des copropriétaires sur une reprise ou non des eaux pluviales par la pompe.

La société Gan rappelle que l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, édictant une responsabilité du syndicat des copropriétaires pour les dommages trouvant leur origine dans une partie commune édicte des causes exonératoires tenant à la faute de la victime ou d'un tiers ayant causé l'entier dommage. Elle estime que le comportement des consorts [I], en installant cette pompe pour l'exploitation d'un local sans en aviser le syndicat des copropriétaires, qui n'a pu prendre les mesures nécessaires, est constitutif d'une faute, qui revêt le caractère de la force majeure.

Réponse de la cour

Selon la'loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, sont privatives les parties des bâtiments et des terrains réservées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé'(art. 2, al. 1er), tandis que sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux'(art. 3, al. 1er).

L'article 3 de cette loi énonce les installations qui, «'dans le silence ou la contradiction des titres'», 'sont réputées parties communes, à savoir le sol, les cours, les parcs et jardins, les voies d'accès'; le gros 'uvre des bâtiments, les éléments d'équipement commun, y compris les parties de canalisations y afférentes qui traversent les locaux privatifs ; les coffres, gaines et têtes de cheminées'; les locaux des services communs'; les passages et corridors ; tout élément incorporé dans les parties communes.

Dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, applicable au présent litige, l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes. Il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

L'action en responsabilité, dirigée contre le syndic, ès qualités, peut être engagée par la victime d'un dommage causé par les parties communes, que cette dernière soit un copropriétaire ' dans ce cas l'action est contractuelle - ou un tiers, par exemple le locataire - dans ce cas l'action est délictuelle-. Le locataire bénéficie d'une action directe contre le syndicat (Cass. 3e civ., 28 nov. 1978, n° 77-12.972,'Bull. civ. III, n° 359';'Cass. 3e civ., 17 juin 2008, n° 07-14.864).

Il s'agit d'une responsabilité objective, corollaire des pouvoirs dont dispose le syndicat sur les parties communes et les éléments d'équipement collectifs. Dans le droit antérieur à l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019', deux faits sont susceptibles d'engager la'responsabilité'du'syndicat'des copropriétaires : le défaut d''entretien'et le vice de construction.

Il incombe et suffit ainsi à la victime (copropriétaire ou tiers) d'apporter la preuve que le dommage est imputable à un défaut de conception ou d'entretien d'une partie commune (3ème Civ., 14 décembre 2004 n° 03-12,191'; 3ème Civ., 30 septembre 2015 n° 14-23.237 Bull n°84), les juges du fond étant néanmoins tenus de se prononcer sur la nature privative ou commune de l'ouvrage à l'origine du dommage 3ème Civ., 19 juillet 1995 n° 93-21.044'; 3ème Civ., 1er octobre 2020 n° 19-16.661).

La responsabilité d'un syndicat de copropriétaires a notamment été retenue pour défaut d'entretien : en raison des infiltrations dues à la vétusté du pignon et à l'engorgement de la descente des eaux (3e Civ., 16 janvier 1991, n° 89-11.206). L'imbrication des'parties'privatives et'communes'entraînent souvent la'responsabilité'du'syndicat.

Ainsi, par exemple, le juge doit-il rechercher si la'canalisation, située dans les'parties'privatives et qui s'est rompue, n'est pas intégrée dans le mur mitoyen, partie commune'(3e Civ., 2 mai 2012, n° 10-17.366).

Il importe peu que le syndicat établisse qu'il n'aurait jamais failli à ses obligations de surveillance et d'entretien, qu'il n'avait pas connaissance du mauvais état des parties communes ou du vice de construction et plus généralement, qu'aucune faute ne pourrait lui être reprochée à quelque titre que ce soit (3e Civ., 21 janvier 2004, n° 02-16.386).

En revanche, le syndicat des copropriétaires peut s'exonérer de sa responsabilité, en établissant la cause étrangère ou la force majeure (3e Civ., 12 mai 2010, n° 09-13.707), mais également la faute de victime, laquelle peut être partiellement (3e Civ., 14 mars 2007, n° 05-20.716) ou totalement exonératoire si elle est cause exclusive du dommage (3e Civ., 17 décembre 2015 n° 14-16,372'; 3e Civ., 27 février 2007 n° 06-11,205), ou encore la faute d'un tiers, qui sera totalement ou partiellement exonératoire selon qu'elle en est la cause exclusive ou a seulement contribué à la réalisation du dommage (3e Civ., 29 novembre 2011, n°10-24.235 ; 3e Civ., 12 septembre 2012, n° 11-10.421, Bull n° 119 ; 3e Civ., 29 octobre 2013, n° 12-23.953).

En l'espèce, des pièces du dossier, et plus particulièrement des mentions du procès-verbal de constatations dressé le 6 juillet 2016 dans le cadre de l'expertise amiable, réalisée au contradictoire des parties présentes au litige - mentions qui sont corroborées par les constats d'huissier du 31 mai 2016 et du 30 septembre 2016, ainsi que le devis d'intervention sur la pompe de la société Compagnons du chauffage du 13 mai 2016 -, on peut retenir que':

- un dégât des eaux est survenu dans le local donné à bail à la société [O] le 30 mai 2016, suite à de fortes pluies, la pompe de relevage, présente dans ledit local, n'ayant pas permis l'évacuation des eaux, (constat d'huissier du 31 mai 2016)';

- selon l'expert amiable, «'dans le local commercial, loué à la société [O] est présente une pompe de relevage évacuant les eaux pluviales et usées de l'immeuble B'», l'inondation du local faisant «'suite à un dysfonctionnement de la pompe de relevage'»';

- la société [O] a indiqué à l'huissier, lors du constat du 31 mai 2016, et à l'expert (amiable'), avoir dû réamorcer la pompe à plusieurs reprises entre le 1er et le 31 mai 2016, la société Compagnons du chauffage ayant, à la demande du mandataire du bailleur, établi un devis de remplacement de cette pompe le 13 mai 2016';

- l'huissier de justice a constaté, le 30 septembre 2016, la présence d'une pompe de relevage dans le local et d''«'un tuyau qui part de la fenêtre située à proximité de la pompe de relevage en sous-sol pour atterrir à proximité d'une bouche d'égout'».

Il est ainsi établi que le dommage subi par la société [O], tenant à l'inondation du local donné à bail par les consorts [I] trouve son origine dans une défaillance de l'installation d'évacuation «'des eaux pluviales et usées de l'immeuble B'», se déversant dans son local, et ayant nécessité l'installation d'une pompe de relevage, laquelle s'est avérée dans l'incapacité d'extraire les écoulements accrus notamment par les fortes pluies.

La descente affectée à l'évacuation des eaux usées et pluviales de l'immeuble B, installation utile à tous les copropriétaires ou plusieurs d'entre eux, qui certes se déverse et se trouve pour partie dans les locaux privatifs des consorts [I], permet également l'évacuation des eaux usées du local. Elle est donc, sans conteste, une partie commune en application de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965, à laquelle a été adjoint un équipement accessoire et y afférent, à savoir une pompe de relevage.

Le syndicat des copropriétaires ne peut prendre prétexte de l'absence d'indication de cette pompe dans le règlement de copropriété ou de l'éventuelle inadaptation de l'équipement installé pour estimer que les consorts [I] ne pourraient se prévaloir de l'article 3, qui, «'dans le silence ou la contradiction des titres'», répute communs les éléments « y compris les parties de canalisations y afférentes qui traversent les locaux privatifs'».

Le fait, d'une part, que le syndicat des copropriétaires n'ait pas eu connaissance de l'existence de cet écoulement des eaux pluviales et usées de l'immeuble B à l'intérieur du local, ou de l'installation de cette pompe de relevage, d'autre part, que les consorts [I] aient pris l'initiative d'installer et d'entretenir ladite pompe, qui se trouve à l'intérieur de leur local, n'en fait pas pour autant un équipement et une partie privative.

La nature commune de cette installation collective d'évacuation des eaux usées et pluviales, et de l'équipement accessoire, que constitue la pompe de relevage, est donc établie, quand bien même cette pompe n'a pas été installée par le syndicat des copropriétaires mais par les consorts [I].

Il ressort en outre des pièces versées aux débats qu'à la suite d'ailleurs du dommage subi, un changement de la pompe, installée dans le local, a été commandé auprès de la société Compagnons du chauffage par les consorts [I], qui ont donné suite à la proposition en ce sens effectuée quelques jours avant le sinistre par cette même société. Cela démontre que le fonctionnement de cette pompe était en cause et son dysfonctionnement à l'origine du sinistre, aucune pièce ne venant établir que cet équipement aurait fait l'objet d'un entretien régulier, que ce soit par le syndicat des copropriétaires ou par les consorts [I].

La cour estime que c'est à juste titre que le premier juge a relevé que cette descente des eaux et cette pompe ont été sources du dommage subi, et qu'aucun entretien n'avait été mené sur cette installation collective et son équipement accessoire par le syndicat des copropriétaires, ce dernier plaidant au contraire ignorer son existence et sa nature de partie commune, ce qui n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité.

La responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires se trouve dès lors engagée en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, sauf pour ce dernier à démontrer l'existence d'une cause d'exonération de responsabilité, totale ou partielle, ce qu'il convient désormais d'examiner.

Tout d'abord, il doit être noté que, sous couvert de la force majeure, le syndicat des copropriétaires s'attache, non à établir l'existence d'un évènement précis qui revêtirait les caractères d'imprévisibilité, d'irrésistibilité et d'insurmontabilité, constitutif d'un cas de force majeure, mais plutôt à démontrer un comportement des copropriétaires à l'origine de ce désordre.

Ainsi, entend-il plutôt voir reconnaître la faute d'un tiers, qui, par son caractère exonératoire total justifierait, selon lui, sa mise hors de cause. Compte tenu de l'imprécision des écritures du syndicat de ce chef, il sera répondu sur le plan tant de la force majeure que de la faute du «'tiers'».

Le fait que le bâtiment soit conçu de telle façon que l'installation recueillant les eaux usées et les eaux pluviales émanant de la toiture nécessite une évacuation par le biais d'une pompe de relevage, ou encore que cette évacuation ainsi que son équipement accessoire n'aient fait l'objet d'aucune mention dans le règlement de copropriété, voire que le syndicat des copropriétaires n'ait pas eu accès facilement à cette partie de l'installation se trouvant dans le local privatif des consorts [I], et enfin que le Syndicat des copropriétaires ait méconnu l'existence même de cet équipement, lequel n'était pas adapté à une finalité d'évacuation collective des eaux usées et pluviales, n'est pas de nature à faire de l'inondation liée à une défaillance de cette installation collective et de la pompe et à de fortes pluies, un évènement irrésistible, insurmontable et imprévisible, dès lors que pèse sur le syndicat des copropriétaires une obligation générale de conservation de l'immeuble et d'administration des parties communes.

À supposer même qu'il eut, de par les documents administratifs et techniques en sa possession et le règlement de copropriété, une connaissance limitée de la situation générale de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires aurait dû s'enquérir du système d'évacuation des eaux pluviales desservant l'immeuble et de son entretien, d'autant plus que, comme le fait justement remarquer la société [O], il lui appartenait, s'il s'estimait insuffisamment informé, de recourir à la réalisation d'un diagnostic technique global, comme le permet l'article L. 731-1 du code de la construction et de l'habitation, issu de la loi du 24 mars 2014, dite loi Alur.

Le syndicat des copropriétaires ne peut donc valablement invoquer la force majeure, exonératoire de toute responsabilité.

Il n'en demeure pas moins qu'en installant une pompe de relevage, sur une descente d'eau, les consorts [I] n'ignoraient pas les difficultés d'évacuation des eaux présentes dans leur local.

En ne cherchant pas à connaître l'origine de ces infiltrations, mais en se contentant de remédier à cette situation en installant une pompe qui permettait uniquement d'endiguer les conséquences néfastes de l'installation collective défaillante, ils n'ont pas permis la mise en exergue des difficultés d'évacuation des eaux existant dans cet immeuble.

Pourtant, les consorts [I] n'ignoraient ni le caractère précaire de l'installation ainsi constituée, pour avoir mentionné spécifiquement dans le bail conclu avec la société [O] l'interdiction pour cette dernière de «'couper ou disjoncter le compteur électrique ou les différentiels correspondant à la pompe'», ni les dysfonctionnements de cette dernière pour en avoir été informés par leur locataire, avant la réalisation même du sinistre.

Ils avaient, d'ailleurs, par le biais de leur mandataire gestionnaire du bien, le cabinet Cetimmo, fait intervenir la société Compagnons du chauffage, qui avait effectué un devis préconisant le remplacement de ladite pompe.

Quand bien même les consorts [I] ignoraient le caractère commun de cette installation, ils ne pouvaient ignorer que l'existence de ces difficultés d'évacuation des eaux ainsi que la stagnation récurrente d'eau dans leur local, situé dans le sous-sol de l'immeuble, pouvaient avoir des répercussions sur l'ensemble de la copropriété et étaient de nature à fragiliser cet immeuble ancien.

Leur attitude n'a pas permis d'attirer l'attention du syndicat des copropriétaires, d'une part, sur la présence d'infiltrations notables ayant justifié la mise en place d'une pompe de relevage, d'autre part, sur la nécessité de rechercher l'origine de ces infiltrations, ce qui aurait permis de découvrir ainsi les défaillances générales de l'installation collective d'évacuation des eaux, et enfin, sur les insuffisances ou dysfonctionnement du système d'évacuation mis en 'uvre.

S'il ne peut leur être reproché d'avoir installé un matériel inadapté à une installation collective, nul ne contestant qu'ils ignoraient alors le caractère collectif de cette évacuation, il n'en demeure pas moins qu'en n'informant pas le syndicat des'difficultés d'évacuation des eaux présentes dans leur local et en apposant une pompe de relevage, sans rechercher par eux-mêmes ni alerter le syndicat des copropriétaires pour qu'il effectue des recherches sur l'origine de cette situation, ils ont, par ce comportement fautif, contribué à la persistance de ces infiltrations et à la réalisation du dommage.

Par contre, il ne peut être reproché à la société [O], locataire, qui avait informé son bailleur des dysfonctionnements de la pompe, de n'avoir effectué aucune démarche auprès du syndicat des copropriétaires, avec lequel elle n'avait aucun lien de droit, d'autant plus qu'elle était légitime à ignorer le caractère collectif de cette installation compte tenu des mentions figurant dans le bail.

De surcroît, c'est sans le moindre élément probant que les consorts [I] affirment que les dysfonctionnements de la pompe seraient en lien avec la souscription par la société [O] d'un contrat d'électricité de basse énergie, faisant disjoncter la pompe, ce qui est, en outre, mis à mal par la présence d'un devis de la société Compagnons du chauffage préconisant non un réamorçage de la pompe mais un changement de cette dernière.

En conséquence, c'est de manière justifiée que les premiers juges ont retenu qu'une faute de nature à exonérer partiellement le syndicat des copropriétaires de sa responsabilité pouvait être imputée aux consorts [I], et à eux seuls, aucune faute exonératoire, partielle ou totale, ne pouvant être imputée à la société [O] dans la réalisation du dommage.

B- à l'encontre des consorts [I] en leur qualité de bailleurs

La société [O] se prévaut de la responsabilité des bailleurs pour absence de mise à disposition d'un local conforme à la destination contractuelle, soulignant que':

- à la date d'entrée dans les lieux, les bailleurs n'ont pas mis à disposition un équipement qui fonctionnait et n'ont pas indiqué que la pompe dysfonctionnait, les seules recommandations faites au locataire figurant dans les conditions particulières en page 17 du bail et ayant pour but uniquement de prévoir un maintien en tension électrique de l'équipement';

- les bailleurs ont reconnu leur responsabilité puisqu'ils ont pris attache avec la société Compagnon du chauffage, en signant un devis de remplacement de la pompe';

- ils n'avaient alors jamais invoqué une quelconque clause du bail, ni les grosses réparations de l'article 606 du code civil, cette argumentation n'étant intervenue qu'à la suite du sinistre en réponse aux demandes faites en réparation du préjudice subi';

- l'argumentation relative à l'abonnement électrique inadapté n'est étayée par aucun élément de preuve';

- chacune des parties assignées a méconnu ses obligations et participé à la réalisation de son préjudice, ce qui justifie que la condamnation soit prononcée solidairement entre les bailleurs et le syndicat des copropriétaires.

Les consorts [I] plaident que dans les rapports bailleur-preneur, compte tenu des stipulations du bail, seul le preneur devait réparer la pompe de relevage, ce qui rend la société [O] mal fondée à rechercher leur responsabilité sur le fondement de l'article 1719 du code civil.

Ils soulignent que la cause du dysfonctionnement de la pompe de relevage demeure inconnue, un problème d'alimentation électrique ne pouvant être exclu, dès lors que la société [O] n'avait souscrit qu'un abonnement à la puissance minimale alors que de nombreux appareils, dont la pompe, étaient dans le local.

Le syndicat des copropriétaires et la société Gan estiment que ce seul manquement à l'obligation de délivrance est à l'origine du dommage subi.

Le syndicat des copropriétaires sollicite de ce fait à titre subsidiaire la garantie des consorts [I] qui ont toujours considéré la pompe comme la leur, et ont pris sur eux de donner à bail un local en contradiction avec le règlement de copropriété et en sachant qu'ils ne respectaient pas leur obligation de délivrance.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1719, 1 ° du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'une stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée.

L'obligation de délivrance étant donc inhérente au contrat, aucune stipulation particulière n'est nécessaire pour que le bailleur y soit tenu. De jurisprudence constante, la mesure de l'obligation du bailleur s'apprécie au regard de l'usage pour lequel les locaux ont été loués (3e Civ., 14 septembre 2017, pourvoi n° 16-21.799).

L'obligation du bailleur s'entend non seulement de la délivrance matérielle de la chose louée, mais encore de sa délivrance « juridique » (3e Civ., 26 mars 1997, pourvoi n° 95-14.103, Bull 70 ; 3e Civ., 19 décembre 2012, pourvoi n° 11-28.170, Bull 187), c'est-à-dire permettant l'exploitation prévue au contrat. Il incombe au bailleur de délivrer un local conforme à la destination contractuelle (3e Civ., 1 juin 2022, pourvoi n° 21-11.602, publié).

L'obligation de délivrance persiste tout au long du bail, la chose louée devant être maintenue en état de servir à sa destination contractuelle (3e Civ., 10 septembre 2020, pourvoi n°18-21.890).

Selon la jurisprudence, l'obligation de délivrance au sens large (obligation de délivrance de l'article 1719, 1°, mais également obligation d'entretien de l'article 1719 2°) constitue une obligation de résultat, dont le bailleur ne peut s'exonérer que par la preuve d'un cas de force majeure, peu important son absence de faute (3e Civ., 26 mars 1997, pourvoi n° 95-14.103, Bull 70 ; 3e Civ., 28 septembre 2005, pourvoi n° 04-13.720, Bull 175 ; 3e Civ., 29 avril 2009, pourvoi n° 08-12.261, Bull 88 ).

Toutefois, l'obligation de délivrance peut être aménagée, voire limitée par des clauses du bail transférant au locataire la charge des travaux d'entretien ou de réparation, ou imposés par l'administration ou de mise en conformité à la destination, et ce par des clauses expresses, notamment pour les baux conclus avant l'entrée en vigueur de la loi Pinel.

La portée de telles clauses est cependant limitée par la jurisprudence, en ce que':

- ces clauses ne peuvent pas exonérer le bailleur de son obligation de délivrance relativement aux vices affectant la structure de l'immeuble (3e Civ., 9 juillet 2008, pourvoi n° 07-14.631, Bull. 2008, III, n°121)';

- la stipulation en vertu de laquelle le preneur prend les lieux en l'état (3e Civ. 5 juin 2002, pourvoi n° 00-19.037 Bull. 2002, III, n°123'; 3e Civ., 10 décembre 2008, pourvoi n° 07-20.277), ou a pu visiter les lieux et se rendre compte de leur impropriété à l'usage attendu (3e Civ., 22 mai 2013, pourvoi n° 12-16.021) ne décharge pas le bailleur de son obligation de délivrance';

- la clause du contrat mettant à la charge du preneur l'assurance des biens loués à ses frais, accompagnée d'une clause de non-recours contre le bailleur n'exonère pas celui-ci de son obligation de délivrance (3 Civ., 26 janvier 2022, n° 18-23.578).

S'agissant plus particulièrement des clauses de travaux, pour des baux qui, comme en l'espèce, sont soumis à la loi Pinel, cette dernière a introduit dans le code de commerce l'article R. 145-35 qui interdit désormais au bailleur de transférer au locataire les grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil, les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations. La jurisprudence définit les grosses réparations comme celles qui intéressent l'immeuble dans sa structure et sa solidité générale, et leur appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond.

En l'espèce, par contrat signé le 29 avril 2016, les consorts [I] ont donné à bail à la société [O], à compter du 1er mai 2016, le local, objet des inondations, en vue d'y assurer sa profession, à savoir le «'conseil pour les affaires et autres conseil de gestion ainsi que toutes activités annexes ou connexes'suivant les mentions de la clause de destination des locaux loués ».

Le seul fait que, par des stipulations du bail, le preneur ait «'déclar[é] connaître parfaitement l'immeuble pour l'avoir visité en vue des présentes'» ( page 2) ou encore «'prendr[e] les lieux loués dans l'état où ils se trouveront le jour de l'entrée en jouissance sans pouvoir exiger, à quelque époque et sous quelques prétextes que ce soit, aucune réparation ou amélioration autre que les grosses réparations de l'article 606'» (page 3 du bail), voire que par une clause générale du bail, le bailleur ait à sa charge «'les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil [...], dès lors qu'elles relèvent des grosses réparations ['] les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve'», n'est pas de nature à décharger le bailleur de l'obligation de résultat qui pèse sur lui d'avoir à délivrer un local en état de servir conformément à la destination contractuelle telle que définie ci-dessus.

L'obligation du bailleur s'entend dès lors en la remise d'un local, dont l'étanchéité à l'eau est assurée, permettant d'user desdits locaux conformément à la destination prévue au bail, soit comme bureau en vue de recevoir la clientèle et d'entreposer une documentation sans risque d'inondations. Tel n'a manifestement pas été le cas en l'espèce.

Ce risque d'inondation n'était d'ailleurs pas ignoré des consorts [I] lors de la souscription du bail.

En effet, en vue de remédier aux difficultés d'évacuation des eaux, ces derniers avaient installé une pompe de relevage, peu important qu'ils eussent ignoré que cette dernière ne se contentait pas d'évacuer les eaux usées du local, mais également les eaux usées collectives et pluviales.

Ils avaient également intégré aux stipulations du bail, en page 17 du bail, une condition particulière ainsi rédigée': «' le preneur s'engage ici expressément à s'assurer régulièrement de la bonne alimentation électrique de la VMC (ventilation mécanique contrôlée) et de la pompe de relevage installée dans la trappe située dans le local technique précédant les sanitaires. De ce fait et sauf pour intervention électrique et en tout cas pour une durée ne devant pas excéder 24 heures, il ne devra jamais couper ou disjoncter le compteur électrique ou les différentiels correspondant à la pompe et à la VMC'». Cela démontre que les bailleurs avaient conscience du caractère précaire de l'installation et de l'importance de veiller au bon fonctionnement de ladite pompe.

Les bailleurs ne peuvent s'emparer de cette dernière stipulation et de celles faisant peser les réparations d'entretien autres que les grosses réparations sur le preneur pour s'estimer dispensés de veiller au fonctionnement dudit matériel et à leur obligation de délivrance.

C'est sans aucun élément précis et probant,que les consorts [I] laissent entendre que le preneur n'aurait pas respecté la clause précitée, et notamment aurait souscrit un abonnement d'électricité basse tension ne permettant pas le fonctionnement adéquat de la pompe. Cette affirmation est d'ailleurs combattue par le devis effectué par la société Compagnons du chauffage le 13 mai 2016, à la demande de la société Cetimmo, laquelle était bien le mandataire des consorts [I] chargé de la gestion du bien, et les engageait en conséquence.

Le devis précité, auquel il n'a été donné suite que postérieurement au sinistre, n'envisage pas un simple réamorçage de la pompe, mais bien son changement, démontrant que cette dernière dysfonctionnait.

Ainsi, il ressort de l'ensemble de ces éléments que les consorts [I] ont manqué à leur obligation de délivrance en ne mettant pas à la disposition de la société [O] un local hors d'eau, lui assurant une jouissance paisible et conforme à la destination contractuelle prévue, sans qu'aucun manquement puisse être imputé au locataire, lequel avait constaté et informé les bailleurs des dysfonctionnements de la pompe, avant même la réalisation du sinistre.

Par leur manquement à l'obligation de délivrance, les consorts [I] ont engagé leur responsabilité sur le fondement contractuel à l'égard de la société [O]. Ils lui doivent donc réparation de son préjudice.

C - sur la réparation du préjudice subi

Le Syndicat des copropriétaires s'oppose à la mise à sa charge des préjudices (perte d'exploitation et de jouissance) que la société [O] prétend avoir subi, aux motifs que, pour être réparable, le préjudice doit être légitime.

Sur ce dernier point, elle fait valoir que':

- la société [O] exerce une activité de vente d'immeubles et de fonds de commerce appartenant à autrui sans disposer de carte professionnelle, ce qui rend son activité illégale et son préjudice non légitime';

- cette société ne verse aucun élément permettant de se faire une idée plus précise de la nature de son activité, ce qui ne permet pas non plus de déterminer si le sinistre était de nature à perturber son activité';

- ce moyen, fut-il non soulevé en première instance, n'est pas irrecevable dans la mesure où il ne s'agit pas d'une demande nouvelle';

- le préjudice est d'autant moins légitime que, si le règlement de copropriété avait été respecté, la société [O] n'aurait pas pu exercer son activité dans ce local, le règlement prévoyant que ce local ne pouvait recevoir qu'une activité libérale, et non commerciale';

- quant au préjudice d'exploitation, cela nécessite de prouver que le résultat était meilleur avant la survenance de l'évènement dommageable, cette preuve étant toutefois inexistante en l'espèce et ne pouvant être apportée la société n'ayant débuté son activité que quelques mois avant le sinistre.

La société [O] estime que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que les éléments versés aux débats seraient insuffisants pour démontrer l'existence de son préjudice, alors même que les bilans sont produits et que la perte d'exploitation notamment n'a jamais été contestée.

Elle réfute toutes les contestations élevées par ses adversaires quant à l'existence et au montant de son préjudice (activité illicite, activité à partir du siège, autre local).

Elle souligne l'existence d'un préjudice d'exploitation, auquel il convient d'ajouter des charges significatives, outre des frais d'emménagement et de déménagement sur 5 mois de temps.

Les consorts [I] concluent à l'absence de préjudice, précisant que, si la société [O] n'a effectivement pas pu jouir du local pendant quatre mois, elle n'a pas procédé au paiement du loyer. Concernant la perte d'exploitation, seule serait susceptible d'être indemnisée celle liée au local lui-même, étant observé qu'il n'est pas démontré que cette activité doit, par nature, être exercée dans ce local. Ils ajoutent que':

- si l'indisponibilité des locaux a constitué une gêne, elle n'a nullement empêché la continuation de l'activité';

- les éléments comptables produits sont peu parlants';

- le préjudice ne saurait être fixé au montant du chiffre d'affaires réalisé mais uniquement à la marge perdue';

- le préjudice n'est pas certain, dès lors que l'activité est exportable en dehors des lieux loués';

- le préjudice se trouve limité aux charges fixes liées au local qui ont été supportées pour rien durant les 4 mois concernés.

La société Gan fait valoir qu'à défaut pour la société [O] d'apporter les éléments permettant d'établir exactement son préjudice, cette société doit être déboutée de ses demandes.

Elle souligne qu'il est acquis, au vu de l'attestation du comptable de la société [O], que celle-ci a pu faire son chiffre d'affaires entre la date de sa création et la date du sinistre à partir de son siège social et que le sinistre ne l'a donc pas empêché de pouvoir continuer l'exercice de son activité à partir de son siège social. Les bilans comptables permettent de constater que la société [O] a pu exercer son activité entre le 31 mai 2016 et le 15 octobre 2018.

Réponse de la cour

En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

Il appartient dès lors à celui qui s'en prévaut d'apporter la preuve d'un préjudice, d'une faute et d'un lien de causalité.

La réparation du préjudice doit être intégrale.

Le préjudice doit être direct, certain et présent. Le préjudice doit également être réparable, en ce sens que l'intérêt lésé dont il est demandé réparation ne doit pas être illégitime, voire illicite (Cass., ch. mixte, 27'févr. 1970,'n°68-10.276). Le fondement de cette exigence tient au fait que les règles de la responsabilité civile ne peuvent pas permettre la défense des intérêts ou des situations que le droit condamne, parce qu'ils sont contraires à la loi, à l'ordre public ou aux bonnes m'urs.

Il appartient à celui qui invoque le caractère illicite du préjudice dont il est demandé réparation d'en justifier.

- Sur le préjudice indemnisable

Pour conclure au rejet de toute indemnisation au bénéfice de la société [O], le syndicat des copropriétaires oppose que les préjudices de jouissance et d'exploitation invoqués sont des préjudices non réparables, puisqu'ils seraient doublement contraires au droit.

En premier lieu, le syndicat des copropriétaires soutient que l'activité même exercée par la société [O] ne respecterait pas les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerces, plus particulièrement celles déterminées par la loi du 2 janvier 1979, et notamment l'obligation de détenir une carte professionnelle.

Cependant, le document produit par le syndicat des copropriétaires pour attester de l'absence de détention d'une carte professionnelle n'est pas contemporain aux faits litigieux, soit l'année 2016, ce qui ne permet pas d'en déduire que la société [O] ne disposait pas à cette époque d'une telle carte.

En outre, la seule production du K-bis, définissant l'activité exercée par la société [O] de la manière suivante': Conseil pour les affaires et autre conseils de gestion ainsi que toutes activité annexes ou connexes directement ou indirectement liées à l'objet précitée'», n'est pas suffisante pour établir que la société [O] se livrerait à une activité de vente d'immeubles et de fonds de commerces appartenant à autrui, nécessitant la détention de la carte précitée, ce qu'elle conteste fermement.

En conséquence, le moyen tiré de ce que l'exercice de l'activité étant illégal, il n'existerait aucun préjudice réparable de ce chef, ne peut qu'être rejeté.

En second lieu, le syndicat des copropriétaires affirme, sans être contredit sur ce point, quand bien même il ne verse pas le règlement de copropriété pour permettre à la cour de s'en assurer, que, pour le lot donné à bail, le règlement de copropriété ne permet qu'une activité libérale, à l'exclusion de toute activité commerciale, ce qui serait là encore enfreint par l'activité menée par la société [O].

Cependant, la seule production du K-bis désignant de l'activité exercée la société [O] dans les termes précédemment rappelés, n'est pas suffisante pour en déduire que cette société ferait des actes de commerce de manière régulière et aurait une activité de nature commerciale.

Ce moyen doit donc tout autant être rejeté.

- Sur le montant du préjudice

Du constat d'huissier dressé le 31 mai 2016, on peut retenir la présence «'d'une mare d'eau d'environ 7 à 8 centimètres de hauteur sur toute la surface des bureaux'», soit 80m², avec la «'présence de divers mobiliers, fauteuils de salon et tables plongés dans l'eau'», l'huissier notant que «'les bureaux reposent également dans l'eau'», que «'l'ensemble du câblage informatique et électrique est sous l'eau'», et également que «'divers documents administratifs ['] sont fortement humides, notamment la comptabilité'».

L'huissier, mandaté pour effectuer l'état des lieux de sortie le 30 septembre 2016, note quant à lui la présence de murs humides et de trous effectués dans les murs pour permettre de les assécher, l'absence d'électricité dans le local, M. [O] lui précisant qu'il lui avait été indiqué de ne plus alimenter en électricité le local pour des raisons de sécurité, et la présence de salpêtres sur les murs notamment.

Quand bien même l'activité de la société [O] était récente lors de la souscription du bail et ledit bail avait été conclu moins d'un mois avant le sinistre, il ressort des constats précités que le local loué était investi par la société [O] pour son activité lors de la survenue du sinistre, comme en atteste la présence de son matériel de bureau et de ses documents comptables et administratifs. Ces constatations confirment l'impossibilité pour la société [O], compte tenu de l'humidité relevée et des risques de sécurité, d'utiliser le local litigieux à la suite de cette inondation.

Au vu des éléments versés aux débats, l'impossibilité complète de jouissance des locaux est établie sur la période du 31 mai 2016 au 30 septembre 2016.

Les consorts [I] ne peuvent prendre prétexte de l'absence de paiement du loyer par la société [O] pour lui contester tout préjudice de jouissance, alors même qu'ils ont délivré un local ne permettant pas son utilisation conformément à la destination contractuelle. Les bailleurs ont indiscutablement manqué à leur obligation de délivrance du local donné à bail.

Le fait que la société [O] puisse se livrer à un travail à distance, voire à du télétravail, ou encore que la visibilité du local pour la clientèle était limitée, n'est pas de nature à la priver de son préjudice de jouissance.

Même si cette société a pu, préalablement à la prise du bail, exercer son activité à partir du domicile de son gérant ou, à la suite du sinistre et de l'indisponibilité des locaux, avoir recours à une activité à distance, il n'en demeure pas moins que cette société avait fait choix, pour le développement de son activité, compte tenu de la présence d'une salariée, d'exploiter son activité à partir d'une adresse distincte de celle de son gérant et qu'en raison de la faute des bailleurs, elle n'a pu bénéficier du local qu'elle avait choisi de leur louer.

Compte tenu des pièces versées aux débats - et abstraction faite de la question des loyers, dont le paiement n'était plus exigible au regard du manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance -, la cour estime que le préjudice de jouissance de la société [O], pour la période d'indisponibilité complète du local, du 31 mai 2016 au 30 septembre 2016, est intégralement réparée par l'octroi de la somme de 3 000 euros.

Concernant le préjudice d'exploitation revendiqué par la société [O], on peut retenir des pièces versées au dossier que':

- la société [O] a débuté son activité le 3 décembre 2015';

- à la date de la survenance du sinistre, elle disposait d'une salariée, sous contrat aidé, comme en attestent le poste repris au bilan 2016 et le courriel de son expert-comptable du 7 octobre 2016, étant précisé que sur les bilans suivants n'apparaissent plus de rémunérations de personnels';

- sur la période du 3 décembre 2015 au 31 juin 2016, soit 7 mois, le chiffre d'affaires de la société s'élevait à la somme de 92'525 euros HT, suivant le bilan, l'expert-comptable précisant dans son attestation du 22 mars 2016 que le chiffre d'affaires réalisé sur la période de décembre au 31 mai 2016, soit le jour de sinistre, était de 92'025 euros HT';

- le bilan 2016 (sur 7 mois) permet de constater outre un chiffre d'affaires de 92'525 euros HT, un résultat d'exploitation de 55'229 euros, étant précisé que le résultat de l'exercice s'élève pour la période du 3 décembre 2015 au 31 juin 2016 à la somme de 40 358 euros.

La société [O] compare ce résultat, sans que cela soit contesté par les autres parties, à ses résultats comptables réalisés sur les années postérieures au sinistre, en vue d'illustrer et quantifier les répercussions de ce sinistre sur son exploitation, pointant notamment une progression constante de son chiffre d'affaires et de son activité depuis sa création.

Néanmoins, de l'examen des pièces comptables on peut retenir également que si le bilan pour l'exercice clos au 30 juin 2017 ( sur 12 mois) permet de constater un chiffre d'affaires de 83'290 euros HT et un résultat d'exploitation de17 079 euros, le résultat net comptable s'élève pour la période du 30 juin 2016 au 30 juin 2017 à 15'727 euros, tandis que le bilan pour l'exercice clos au 30 juin 2018 (sur 12 mois) fait mention d'un chiffre d'affaires de 171'000 euros, d'un résultat d'exploitation de 21'891 euros et d'un résultat net comptable 17'127 euros, ce qui met en lumière une rentabilité limitée de cette activité.

Compte tenu de la période d'indisponibilité du local du 31 mai 2016 au 30 septembre 2016, l'expert-comptable estime, en prenant en compte d'un arrêt total de l'activité, que la perte de chiffre d'affaires est de 62 853 euros HT, montant que la société [O] sollicite à titre d'indemnisation.

Cependant, le préjudice d'exploitation, qui est le préjudice économique d'une entreprise liées aux pertes subies et aux gains manqués, à la suite d'une réduction ou d'un arrêt de son activité ou d'un arrêt, ne coïncide pas avec la perte de chiffres d'affaires.

Le fait que, à la date du sinistre, la société [O] ne disposait que d'une activité débutante, pour avoir commencé en décembre 2015, n'est pas de nature à la priver d'un préjudice d'exploitation, constitué par le fait d'avoir dû supporter des charges, notamment les salaires, charges patronales, ou frais fixes (téléphonie, assurance'), alors même que les résultats de son activité se trouvaient affectés par l'inondation et ses conséquences.

Les pièces versées aux débats, notamment les constatations de l'huissier, comme les attestations de l'expert-comptable de la société, établissent que tant l'activité de la société [O] que les conditions d'exploitation de son activité ont été affectées par cette inondation, qui a contraint la société [O] à prendre en charge les salaires de sa salariée, sans pour autant pouvoir lui fournir un bureau. En outre, la société a manifestement vu une partie des documents comptables et administratifs, nécessaires à toute activité, humidifiés, ce qui a rejailli sur son activité.

Quand bien même une partie de l'activité pouvait être effectuée à distance, les constatations de l'huissier ci-dessus rappelées, établissent que l'exercice même de cette activité a été perturbée par l'inondation, ce que confirment les résultats de l'exploitation, le chiffre d'affaires arrêté au 31 mai 2016 (92 025 euros) étant quasiment identique à celui arrêté au mois de juin 2016.

Contrairement à ce que laissent entendre les consorts [I], la société [O] sollicite son indemnisation uniquement sur la période du 31 mai 2016 au 30 septembre 2016, soit avant sa réinstallation dans des locaux situés à proximité du local sinistré.

Les consorts [I] ne peuvent dès lors prendre prétexte de la conclusion d'une convention d'occupation précaire puis d'un bail commercial sur ce local pour contester l'existence même du préjudice d'exploitation réclamé par la société [O], exclusivement sur la période antérieure à ces conventions.

Néanmoins, pour apprécier le préjudice d'exploitation de la société [O], il convient de tenir compte de la durée de cette perturbation de son activité en lien avec l'indisponibilité du local, soit 4 mois, son activité n'étant pas complètement empêchée à l'issue des premières semaines et cette période de 4 mois comprenant les mois estivaux peu propices à une activité soutenue, notamment en matière de conseil et de gestion.

Ainsi au vu de l'ensemble de ces éléments, et plus particulièrement des résultats de cette société sur la période de 7 mois antérieurement au sinistre, la cour estime que le préjudice d'exploitation de la société [O] sera intégralement réparé par l'octroi de la somme de 5 300 euros.

- Sur la charge de la réparation des préjudices

En conclusion, il a été précédemment jugé que la responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires est engagée sur le fondement de la loi du 10 juillet 1965, mais que les consorts [I] ont commis une faute partiellement exonératoire de la responsabilité du syndicat.

La responsabilité du syndicat des copropriétaires s'avère néanmoins prépondérante, compte tenu de son obligation générale de conservation de l'immeuble et d'administration des parties communes, qui nécessitait que ce syndicat s'enquière précisément du système d'évacuation des eaux provenant des toitures de l'immeuble, et ce à tout le moins pour procéder à un entretien régulier, en ce compris celui des équipements et canalisation se trouvant dans des parties privatives. Cela n'a manifestement pas été effectué en l'espèce.

Compte tenu des fautes respectives, constituées, pour le syndicat, en un manquement à son obligation de base de conservation et d'entretien des parties commune, et pour les consorts [I], en un simple défaut d'information concernant la présence d'infiltrations notables dans leur local, la cour estime que la répartition des responsabilités arrêtée par les premiers juges, à savoir 3/4 pour le syndicat des copropriétaires et 1/4 pour les consorts [I], est justifiée.

Par ailleurs, la responsabilité pleine et entière de ces derniers est engagée à l'égard de leur preneur, compte tenu de leur manquement à l'obligation de délivrance, comme ci-dessus exposé.

En conséquence, la faute des consorts [I] au titre de leur obligation de délivrance et la faute du syndicat des copropriétaires sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, dans la proportion arrêtée ci-dessus ont toutes deux contribué à la réalisation de l'entier préjudice subi par la société [O].

La condamnation des fautifs à réparer le préjudice subi par la société [O] est donc une condamnation in solidum, dans la limite de la part de responsabilité imputable au syndicat des copropriétaires.

Dès lors, l'infirmation de la décision entreprise s'impose puisqu'elle a divisé le recours de la société [O] entre les coresponsables. Il convient, en effet, dans un premier temps, de condamner le Syndicat des copropriétaires et les consorts [I] in solidum à réparer l'intégralité du préjudice subi par la société [O], soit la somme de 8 300 (euros), le syndicat des copropriétaires supportant 75'% de la charge définitive du préjudice subi (soit 6 225 euros).

Compte tenu du partage de responsabilité arrêté par la cour, le syndicat des copropriétaires ne supporte que la charge de sa propre faute et n'est donc pas fondé à demander la garantie des consorts [I] à ce titre.

En outre c'est le manquement personnel et prépondérant du syndicat des copropriétaires qui est à l'origine du manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance, privant ce dernier de la possibilité d'invoquer le non-respect de cette obligation pour fonder son appel en garantie.

Le syndicat des copropriétaires est donc débouté de sa demande tendant à voir les consorts [I] le relever et le garantir de toutes condamnations.

II- Sur la garantie de la compagnie Gan

Le syndicat des copropriétaires demande, à titre infiniment subsidiaire, que la garantie de la société Gan lui soit acquise, exposant que':

- l'attitude de la société Gan était déloyale à son égard, puisque celle-ci avait pris la direction du procès';

- la clause qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque ne concerne pas la nature du risque garantie';

- la société Gan avait connaissance de longue date de toutes les circonstances dans lesquelles le sinistre s'était réalisé.

Il souligne d'ailleurs que la société Gan avait d'autant plus pris la direction du procès, puisque, mise hors de cause par la juridiction de premier degré, elle a donné instruction d'interjeter appel pour elle-même et pour lui-même, syndicat des copropriétaires, alors qu'il n'avait pas donné instruction en ce sens.

Il en conclut que la société Gan ne peut refuser sa garantie, sous prétexte d'un défaut d'entretien de la pompe, soulignant en outre que la lecture que fait la société Gan de ses propres conditions générales d'assurance est erronée, dans la mesure où il est prévu, au titre de la garantie dégât des eaux, une prise en charge lorsque la responsabilité de l'assuré est recherchée des suites d'un dégât des eaux. Il n'est envisagé dans ce cadre aucune exclusion de garantie pour un défaut d'entretien.

Il rappelle que les clauses d'exclusion de garantie fondées sur le défaut d'entretien permanent ou de travaux indispensables ne sont pas conformes aux dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances. Il relève, en outre, que le défaut d'entretien permanent est visé au titre des garanties fournies à l'assuré, ce qui est hors sujet en l'espèce.

Il ajoute que la société Gan ne peut se retrancher derrière un défaut d'aléa, compte tenu d'un dysfonctionnement préexistant de la pompe au jour de la conclusion du contrat, ce qu'il lui appartient de démontrer.

La société Gan fait valoir que, dans ses conclusions d'appel, le syndicat des copropriétaires ne formule aucune prétention à titre principal à son encontre et n'est plus recevable à le faire désormais, aux motifs que':

- le syndicat des copropriétaires n'avait formulé aucune demande à son égard au cours de la procédure de première instance, ce qui rend toute prétention émise dans le cadre de la présente instance nouvelle';

- le principe de concentration des moyens interdit au syndicat des copropriétaires dorénavant d'en émettre.

Elle estime qu'elle est en droit d'opposer une déchéance de garantie que l'on retienne la responsabilité du syndicat des copropriétaires ou des consorts [I] pour ne pas avoir entretenu la pompe litigieuse.

Elle conteste avoir renoncé à se prévaloir des exceptions, aux motifs qu'elle aurait pris la direction du procès en connaissance de cause de ces exceptions et n'aurait émis aucune réserve. Elle rappelle qu'elle a accepté que son avocat représente également les intérêts du syndicat des copropriétaires sous réserve de l'absence d'apparition en cours de procédure d'un conflit d'intérêt et avait dénié les conditions de sa garantie dès les premières conclusions de première instance.

Les consorts [I] estiment que c'est à tort que la société Gan dénie sa garantie.

Réponse de la cour

Selon l'alinéa 3 de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les demandes figurant au dispositif des écritures des parties, peu important les moyens éventuellement développés dans le corps de ces dernières, dès lors qu'aucun chef du dispositif ne reprend les demandes au soutien de ses moyens.

Le dispositif des écritures du syndicat des copropriétaires ne contient aucune demande formée, en bonne et due forme, à l'encontre de la société Gan, que ce soit une demande de garantie ou seulement de jugement commun.

Le syndicat des copropriétaires se contente de solliciter le «'rejet de l'intégralité des demandes de la société Gan tendant à être mise hors de cause'», ce qui ne peut s'analyser en une demande implicite de garantie formée par ce dernier à l'égard de la société Gan.

Cette demande de garantie est vouée à l'échec, la société Gan opposant uniquement un moyen de défense, à savoir la non-garantie, à supposer qu'elle soit demandée, ce qui n'est pas (le cas), et ne formulant aucune demande à l'encontre du syndicat.

La cour n'étant donc saisie par le syndicat des copropriétaires d'aucune demande formée contre la société Gan, il n'y a pas lieu d'examiner la fin de non-recevoir opposée par cette dernière aux demandes formées par le syndicat, que ce soit sur le fondement des articles 564 et suivants du code de procédure civile ou sur le fondement de l'article 910-4 du même code.

Il n'y a pas plus lieu de se prononcer sur les moyens soutenus par les parties au titre de la garantie ou non-garantie des préjudices nés de ce sinistre par la société Gan, dès lors qu'aucune demande de garantie n'est formulée en cause d'appel à l'encontre de cet assureur.

III ' Sur la demande reconventionnelle des consorts [I] au titre du remplacement de la pompe de relevage

Les consorts [I] sollicitent la condamnation du Syndicat des copropriétaires à prendre en charge le coût de remplacement de la pompe de relevage.

Le Syndicat des copropriétaires s'oppose à cette demande.

Réponse de la cour

En application des dispositions de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

C'est de manière lapidaire, sans même préciser le fondement de leur demande, que les consorts [I] demandent le remboursement du coût lié au remplacement de la pompe au syndicat des copropriétaires.

Néanmoins, sans même qu'il soit nécessaire de s'interroger sur l'opportunité et le fondement de cette demande de prise en charge par le syndicat des copropriétaires du coût du remplacement d'une pompe, la présence d'un devis et d'un bon pour accord ne démontrent ni que le remplacement de la pompe ait eu lieu ni que la somme invoquée ait été payée par les copropriétaires.

En effet, aucun élément ne vient justifier de l'installation d'une nouvelle pompe. Le constat d'huissier réalisé le 30 septembre 2016 mentionne la présence certes d'une pompe, mais souligne immédiatement qu'elle ne fonctionne pas, sans qu'il soit possible de déterminer s'il s'agit de l'ancienne pompe ou de la nouvelle pompe, qui n'aurait pas été alimentée en électricité, ce qui expliquerait son absence de fonctionnement.

Dès lors, la demande reconventionnelle des consorts [I] tendant au remboursement de la somme de 2'120,80 euros au titre du remplacement de la pompe de relevage est rejetée. La décision entreprise est infirmée de ce chef.

IV- Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, le syndicat des copropriétaires et les consorts [I] succombant en leurs prétentions, il convient de les condamner in solidum aux dépens.

Les chefs de la décision entreprise relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont infirmés.

Le syndicat des copropriétaires et les consorts [I] supportant la charge des dépens, il convient de rejeter leurs demandes d'indemnité procédurale respectives et de les condamner in solidum à payer à la société [O] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande d'indemnité procédurale de la société Gan est rejetée.

PAR CES MOTIFS'

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions';

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires de la Résidence [8] sur le fondement de la loi du 10 juillet 1965 est engagée à l'égard de la société [O] [K] ';

DIT que la faute de Mmes [W] et [F] née [E], [I] et M. [I], tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de [Y] [I], est partiellement exonératoire';

FIXE la part de responsabilité de Mmes [W], [Y], et [F], née [E], [I] et M. [I], tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [Y] [I], à 25'% et celle du syndicat des copropriétaires de la Résidence [8] à 75'%';

DIT que la responsabilité contractuelle de Mmes [W] et [F], née [E], [I] et M. [I] au titre de leur obligation de délivrance dans le cadre du bail est engagée à l'égard de la société [O] [K]';

CONSTATE que la faute contractuelle de Mmes [W] et [F], née [E], [I] et M. [I], d'une part, et la faute délictuelle du syndicat des copropriétaires de la Résidence [8] ont toutes deux contribué à l'entièreté du dommage subi par la société [O] [K]';

En conséquence, CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires de la Résidence [8] et Mmes [W] et [F], née [E], [I] et M. [I], in solidum entre eux, tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [Y] [I], à payer à la société [O] [K] la somme de 8300 euros, le syndicat des copropriétaires de la Résidence [8] étant tenu dans la limite de 75% de cette somme';

REJETTE la demande du syndicat des copropriétaires de la Résidence [8] à être relevé indemne et garanti par Mmes [W] et [F], née [E], [I] et M. [I], tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'ayants droit de [Y] [I]';

REJETTE la demande de Mmes [W] et [F], née [E], [I] et M. [I], tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [Y] [I], au titre du coût de remplacement de la pompe';

CONSTATE que le syndicat des copropriétaires de la Résidence [8] ne formule aucune prétention à l'encontre de la société GAN assurances';

En conséquence, DIT sans objet la fin de non-recevoir opposée par la société Gan assurances aux prétentions émises par le syndicat des copropriétaires de la Résidence [8]';

CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires de la Résidence [8], d'une part, Mmes [W] et [F] née [E], [I] et M. [I], in solidum entre eux, tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'ayants droit de [Y] [I] d'autre part, aux dépens de première instance et d'appel';

CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires de la Résidence [8], d'une part, Mmes [W] et [F] née [E], [I] et M. [I], in solidum entre eux, tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [Y] [I], d'autre part, à payer à la société [O] [K] la somme de 5'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

REJETTE les demandes d'indemnité procédurales formées par le syndicat des copropriétaires de la Résidence [8], Mmes [W] et [F] née [E], [I] et M. [I], et la société Gan assurances.

Le greffier

Marlène Tocco

Le président

Stéphanie Barbot

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