CA Douai, 3e ch., 18 septembre 2025, n° 23/02472
DOUAI
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Auto Best Service Atelier (SARL )
Défendeur :
X
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 18/09/2025
****
MINUTE ELECTRONIQUE 250918.08
N° RG 23/02472 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U5Q2
Jugement (N° 21-003312) rendu le 05 Septembre 2022 par le TJ de Lille
APPELANTE
SARL Auto Best Service Atelier Inscrite au RCS de Lille Métropole, prise en la personne de ses représentants légaaux, domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Emmanuel Masson, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉS
Madame [G] [U] épouse [J]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, assistée de Me Charles-Arnaud Moegen, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
Monsieur [K] [J]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, assisté de Me Charles-Arnaud Moegen, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
SAS Automobiles Citroen
2 à [Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Benoît de Berny, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, assistée de Me François-Xavier Mayol, avocat au barreau de Nantes, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 11 juin 2025 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Guillaume Salomon, président de chambre
Yasmina Belkaid, conseiller
Stéfanie Joubert, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 avril 2025
****
EXPOSE DU LITIGE
Les faits et la procédure antérieure
M. [K] [J] et Mme [G] [U] épouse [J] sont propriétaires d'un véhicule de marque Citroën mis en circulation le 4 juillet 2016, dont ils ont confié l'entretien régulier à la SARL Auto best service atelier (la société ABS atelier).
Ayant subi une panne le 31 juillet 2020, le véhicule a été confié à la société Générale Automobile, concession Citroën située à [Localité 7], laquelle concluait à la nécessité de remplacer le moteur.
La SAS Automobiles Citroën (la société Citroën), sollicitée pour la prise en charge des réparations, l'a refusée au motif que la société ABS atelier avait utilisé pour l'entretien du véhicule une huile non conforme aux directives du constructeur.
La société ABS atelier ayant également refusé la prise en charge des réparations, M. et Mme [J] ont demandé la tenue d'une expertise amiable contradictoire, confiée à M. [C], dont le rapport a été rendu le 29 avril 2021.
Quoique régulièrement invitée, la société Citroën n'a pas participé aux opérations d'expertise et la société ABS atelier s'y est fait représenter par société Equad, laquelle a aussi formulé des observations à la suite de la réunion contradictoire.
Par actes des 26 novembre 2021 et 10 décembre 2021, M. et Mme [J] ont fait assigner la société ABS atelier et la société Citroën devant le tribunal judiciaire de Lille, sollicitant la condamnation in solidum des sociétés défenderesses au paiement à titre principal des frais de remise en état du véhicule, ainsi qu'en tout état de cause au remboursement des frais engagés. A titre subsidiaire M. et Mme [J] ont demandé que soit ordonnée une expertise.
Le jugement dont appel
Par jugement rendu le 5 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Lille a :
condamné solidairement la société Citroën et la société ABS atelier à payer à M. et Mme [J] la somme de 5 792,96 euros au titre de la remise en état de leur véhicule ;
2. condamné in solidum la société Citroën et la société ABS atelier à payer à M. et Mme [J] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
3. condamné in solidum la société Citroën et la société ABS atelier aux entiers dépens ;
4. débouté les parties pour toutes leurs autres demandes ;
5. rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par jugement de rectification d'erreur matérielle rendu le 5 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Lille a, par ajout au dispositif du jugement susvisé :
6. condamné solidairement la société Citroën et la société ABS atelier à payer à M. et Mme [J] la somme de 269 euros au titre des frais de remplacement de leur véhicule.
3. La déclaration d'appel
Par déclaration du 31 mai 2023, la société ABS atelier a formé appel de ce jugement en limitant la contestation du jugement critiqué aux seuls chefs du dispositif numérotés 1, 2, 3 et 6 ci-dessus.
4. Les prétentions et moyens des parties
4.1 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 janvier 2025, la société ABS atelier demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, statuant de nouveau, de :
rejeter sa responsabilité ;
retenir la responsabilité totale de la société Citroën ;
débouter M. et Mme [J] de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions ;
débouter M. et Mme [J] de leur demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner M. et Mme [J] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner M. et Mme [J] aux frais et dépens de l'instance.
A l'appui de ses prétentions, la société ABS atelier fait valoir que :
aucun élément ne permet d'engager sa responsabilité sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, étant précisé que le rapport d'expertise du 29 avril 2021 met en avant la responsabilité du constructeur ;
aucun élément ne permet de retenir un manquement de sa part à l'obligation de garantie des vices cachés, le dysfonctionnement ayant une origine antérieure à son intervention sur le véhicule ;
il ressort du rapport d'expertise susvisé que le désordre affectant le moteur du véhicule de M. et Mme [J] est sans lien avec l'utilisation pour son entretien d'une huile non conforme aux directives du constructeur, étant précisé que ce type de panne résulte d'un défaut du moteur connu du constructeur et de la présence d'essence dans l'huile ;
n'étant jamais intervenue sur la courroie de distribution, sa responsabilité ne saurait être engagée à ce titre, de sorte que c'est à tort que le tribunal a retenu un manquement à son obligation de conseil à l'occasion du changement de cette pièce.
4.2 Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 30 novembre 2023, M. et Mme [J], intimés et appelants incidents, demandent à la cour de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a :
condamné solidairement la société Citroën et la société ABS atelier à leur payer la somme de 5 792,96 euros au titre de la remise en état de leur véhicule ;
condamné solidairement la société Citroën et la société ABS atelier à leur payer la somme de 269 euros au titre des frais de remplacement de leur véhicule ;
et, statuant de nouveau, pour le surplus, de :
condamner in solidum la société Citroën et la société ABS atelier, ou l'une à défaut de l'autre, à leur payer la somme de 662,59 euros au titre du remboursement des frais d'assurance, décompte arrêté au 1er octobre 2021, somme à parfaire à compter de l'arrêt à intervenir ;
condamner in solidum la société Citroën et la société ABS atelier, ou l'une à défaut de l'autre, à leur payer la somme de 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance subi ;
condamner la société Citroën et la société ABS atelier à leur payer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Citroën et la société ABS atelier aux dépens.
A l'appui de leurs prétentions, M. et Mme [J] font valoir que :
la responsabilité contractuelle de la société ABS atelier est engagée dès lors qu'elle a utilisé pour l'entretien de leur véhicule une huile non conforme aux directives du constructeur, étant précisé qu'il pèse sur le garagiste réparateur une présomption de faute et de causalité que ce dernier échoue à renverser ;
la courroie de distribution constitue un élément dissociable du moteur qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et qui a entraîné le dysfonctionnement du moteur, de sorte que les conditions de la responsabilité du fait des produits défectueux sont réunies et qu'est ainsi engagée la responsabilité de la société Citroën sur ce fondement ;
leurs préjudices doivent dès lors être indemnisés, incluant les frais de location d'un véhicule pour poursuivre le voyage au cours duquel la panne est survenue, les frais d'expertise amiable, les frais d'assurance du véhicule durant son immobilisation, ainsi que leur préjudice de jouissance
.
4.3 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 janvier 2024, la société Citroën, intimée et appelante incidente, demande à la cour d'infirmer le jugement critiqué en ce qu'il :
l'a condamnée solidairement avec la société ABS atelier à payer à M. et Mme [J] la somme de 5 792,96 euros au titre de la remise en état de leur véhicule ;
l'a condamnée in solidum avec la société ABS atelier à payer à M. et Mme [J] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
l'a condamnée in solidum avec la société ABS atelier aux entiers dépens ;
confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a :
débouté M. et Mme [J] de leur demande de prise en charge des frais d'assurance en état à son égard ;
rejeté la demande de M. et Mme [J] au titre du préjudice de jouissance ;
et, statuant de nouveau, de :
à titre liminaire :
déclarer infondées les demandes de M. et Mme [J] fondées sur la responsabilité du fait des produits défectueux ;
par suite, déclarer infondées les demandes à son encontre de la société ABS atelier fondées sur la responsabilité du fait des produits défectueux ;
à titre principal :
déclarer irrecevable comme prescrite l'action de M. et Mme [J] à son encontre ;
débouter M. et Mme [J] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à son encontre ;
débouter la société ABS atelier de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à son encontre ;
à titre subsidiaire :
déclarer que sa responsabilité ne saurait être retenue ;
débouter par conséquent M. et Mme [J] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à son encontre ;
débouter la société ABS atelier de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à son encontre ;
à titre très subsidiaire :
déclarer injustifiées les demandes indemnitaires de M. et Mme [J] ;
débouter M. et Mme [J] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à son encontre ;
débouter la société ABS atelier de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à son encontre ;
condamner la partie succombant au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
A l'appui de ses prétentions, la société Citroën fait valoir que :
la courroie de distribution ayant entraîné le dysfonctionnement du moteur ne constitue pas un élément distinct du reste du véhicule mais l'une de ses composantes, de sorte que la responsabilité du fait des produits défectueux, qui ne s'applique pas aux dommages causés au produit défectueux lui-même, ne saurait recevoir application ;
à supposer fondées les demandes de M. et Mme [J] et de la société ABS atelier à son encontre, celles-ci relèvent de l'obligation de garantie des vices cachés, à l'exclusion de tout autre régime, et devraient être déclarées irrecevables comme prescrites dès lors qu'elles seraient formulées ;
sa propre responsabilité est exclue dès lors que celle de la société ABS atelier est engagée, d'une part au titre du manquement à son devoir de conseil pour n'avoir pas alerté M. et Mme [J] de l'état dégradé du moteur lors du remplacement de la courroie de distribution défectueuse, et d'autre part au titre de sa responsabilité contractuelle pour avoir utilisé pour l'entretien du véhicule une huile non conforme à ses directives ;
dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue, elle ne saurait néanmoins être tenue d'assumer les frais d'assurance du véhicule supportés par M. et Mme [J] durant son immobilisation, dès lors qu'il appartenait à ses derniers de suspendre le contrat en question ;
elle ne saurait davantage être tenue d'indemniser un préjudice de jouissance prétendument subi par M. et Mme [J] mais non démontré ;
elle ne saurait enfin être tenue de supporter les frais de remplacement de véhicule, la location de la voiture de remplacement étant déjà intégrée à une autre de leurs demandes.
Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la responsabilité de la société ABS atelier
La responsabilité contractuelle de la société ABS atelier est invoquée d'une part au titre d'une faute, dès lors qu'elle a utilisé pour l'entretien du véhicule de M. et Mme [J] une huile non conforme aux directives du constructeur, et d'autre part au titre du manquement à son devoir de conseil, n'ayant pas alerté les propriétaires du véhicule, lors du remplacement de la courroie de distribution défectueuse, de la dégradation de l'état du moteur qu'avait induite cette pièce.
Sur la faute et le lien de causalité
Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
En application de ce texte, il est admis que l'obligation qui pèse sur le garagiste, en ce qui concerne la réparation des véhicules de ses clients, emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage, si les dysfonctionnements allégués sont dus à une défectuosité déjà existante au jour de l'intervention du garagiste ou sont liés à cette intervention.
Il en résulte que, bien que la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute de sa part, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont en revanche présumées.
Ni l'incertitude sur l'origine d'une panne ni la difficulté à déceler cette origine ne suffisent à écarter ces présomptions.
Ces présomptions supposent toutefois que soit établie en amont une relation entre l'activité du garagiste et l'inexécution alléguée.
Il appartient en effet à celui qui invoque la responsabilité du garagiste réparateur de prouver que la panne résulte d'un élément du véhicule sur lequel il est intervenu et c'est alors seulement que la défaillance de cet élément est présumée être imputable à une faute de sa part.
Dans l'hypothèse où cette première causalité est établie, le garagiste a toujours la possibilité de renverser les présomptions pesant sur lui et de s'exonérer ainsi de sa responsabilité en démontrant, soit qu'il n'a pas commis de faute, soit qu'il n'y a pas de lien de causalité entre son intervention et la survenance des désordres.
En l'espèce, la responsabilité de la société ABS atelier est recherchée en raison de l'emploi pour l'entretien du véhicule d'une huile pour moteur non conforme aux directives du constructeur.
M. et Mme [J] invoquent à l'appui de cette allégation le rapport d'expertise du 29 avril 2021 qui indique que « ce professionnel a utilisé de l'huile qui ne correspond pas aux préconisations du constructeur ».
La société Citroën relève qu'il ressort des factures produites par les propriétaires du véhicule que l'huile utilisée par la société ABS atelier pour son entretien, de type 5W30, est effectivement contraire à ses préconisations, ce qui peut avoir une incidence sur le bon fonctionnement du moteur.
Ce fait n'est au demeurant pas contesté par le garagiste réparateur, de sorte qu'il est démontré que celui-ci est intervenu sur un élément du véhicule en lien avec la panne.
Partant, il pèse sur la société ABS atelier une double présomption : d'une part qu'il a commis une faute dans le cadre de son intervention sur le véhicule de M. et Mme [J] et d'autre part que la défaillance de ce véhicule résulte de cette faute.
La faute n'est pas remise en cause par la société ABS atelier qui ne conteste pas avoir utilisé pour l'entretien du véhicule une huile non conforme aux préconisations du constructeur.
En revanche, le garagiste entend contester le lien de causalité entre cette faute et la panne survenue le 31 juillet 2020 sur le véhicule.
Il s'appuie à cette fin sur le rapport de M. [C], expert mandaté par M. [J], qui indique que « le soustrait de [la société Citroën] au motif d'une huile pas conforme est largement discutable ».
Ce rapport précise en effet que « le problème est reconnu par le constructeur et de surcroît de notoriété publique » et que « le désordre se manifeste même pour des véhicules entretenus dans le réseau utilisant une huile bien conforme ».
Il en est déduit que la panne du véhicule résulte d'un désordre interne du moteur induit par une dégradation de ses pièces ayant affecté l'étanchéité.
L'expert de la société Equad, représentant l'assureur de responsabilité de la société ABS atelier et dont les propos sont repris dans les écritures de cette dernière, confirme l'absence de lien de causalité entre le type d'huile utilisé pour l'entretien du moteur et la panne survenue, indiquant qu' « une analyse d'huile a été effectuée et a mis en évidence une très forte présence de carburant dans l'huile. C'est cette présence de carburant qui a entrainé l'usure prématurée du cylindre défectueux. La viscosité de l'huile légèrement différente de la préconisation du constructeur n'a aucun lien avec la panne actuelle. »
La cour peut par conséquent valablement prendre en compte les conclusions de ces deux expertises, qui se corroborent entre elles.
A l'inverse, la société Citroën n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'imputabilité de la panne à une défaillance du moteur sans lien avec le type d'huile utilisé pour son entretien, comme l'ont objectivé les deux experts.
Il s'ensuit que la société ABS atelier renverse valablement la présomption de lien de causalité entre son intervention sur le véhicule de M. et Mme [J] et la défaillance de ce véhicule, en démontrant que l'huile qu'elle a utilisée pour l'entretien du moteur n'est pas à l'origine du dommage.
En conséquence, la responsabilité contractuelle de la société ABS atelier pour une faute relative à la réparation ou l'entretien du véhicule de M. et Mme [J] est écartée.
Sur le manquement au devoir de conseil
Le garagiste est tenu d'un devoir de conseil qui consiste à informer le client de l'existence de désordres et à le conseiller sur l'opportunité économique et mécanique de procéder à une réparation ou un acte d'entretien du véhicule.
Il doit ainsi conseiller son client sur la nature de l'intervention à réaliser sur le véhicule et ne peut se retrancher derrière les ordres de son client ; en particulier, il doit attirer l'attention de son client sur l'inutilité des travaux demandés mais aussi sur l'opportunité d'en réaliser d'autres qui n'ont pas été sollicités par celui-ci mais qui s'avèrent nécessaires.
La preuve de l'exécution de cette obligation de conseil incombe au garagiste.
La responsabilité du garagiste au titre de son devoir de conseil est toutefois subordonnée à l'existence d'un lien entre l'intervention sollicitée par le client et celle que le garagiste aurait dû lui conseiller : le garagiste doit avoir eu l'occasion de s'interroger sur l'opportunité de la prestation litigieuse.
Si le garagiste doit alerter son client sur l'utilité et l'opportunité économique de procéder à une réparation de nature différente de celle qu'il sollicite, il n'a pas l'obligation de rechercher si d'autres interventions sont nécessaires.
Il appartient donc à celui qui recherche la responsabilité du garagiste sur ce fondement de prouver que l'intervention de ce dernier présentait effectivement un lien avec celle qu'il aurait dû conseiller à son client.
A défaut d'une telle preuve, aucun manquement ne saurait être reproché au garagiste, sur lequel ne pèse pas de devoir général de conseil.
En l'espèce, c'est à tort que le juge de première instance a retenu la responsabilité de la société ABS atelier pour ne pas avoir informé M. et Mme [J] de l'état de la détérioration du moteur induit par l'ancienne courroie de distribution défectueuse, alors qu'il résulte de la facture de la société ABS atelier du 9 juillet 2020 que celle-ci est intervenue sur la courroie de l'alternateur et non sur la courroie de distribution.
Dès lors, il importe de démontrer l'existence d'un lien entre l'intervention sollicitée par le client et celle que le garagiste aurait dû conseiller à son client.
A cet égard, la société Citroën ne rapporte pas la preuve d'un lien entre l'intervention du garagiste sur la courroie de l'alternateur et la défaillance du moteur, induite par la courroie de distribution.
En l'absence de démonstration d'une intervention de la société ABS atelier sur la courroie de distribution, il ne saurait lui être fait grief de ne pas s'être interrogé sur le fonctionnement de cette pièce, ni par suite d'avoir manqué à son devoir de conseil sur ce point, dès lors qu'il n'était pas tenu de vérifier l'ensemble des éléments du moteur.
La responsabilité de la société ABS atelier ne saurait donc être engagée à ce titre.
En conséquence, le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a condamné la société ABS atelier à indemniser M. et Mme [J] en réparation de leurs préjudices.
Sur la responsabilité de la société Citroën
Il est observé que la responsabilité de la société Citroën est recherchée, tant par la société ABS atelier que par M. et Mme [J], au titre de la garantie des produits défectueux et non sur le fondement des dispositions de l'article 1641 du Code civil.
La société Citroën soulève l'irrecevabilité d'une demande fondée sur l'obligation de garantie des vices cachés, laquelle n'est formulée par aucune des autres parties au litige ; ce moyen de défense est dès lors sans objet.
Aux termes de l'article 1245 du code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.
Aux termes du second alinéa de l'article 1245-1 du même code, ce régime de responsabilité s'applique à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même.
Sur l'imputabilité du dommage au produit
La responsabilité du fait des produits défectueux requiert, outre la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre le défaut et le dommage, celle de la participation du produit à la survenance du dommage, préalable implicite nécessaire à l'exclusion éventuelle d'autres causes possibles de ce dommage.
Cette dernière preuve peut être apportée par tout moyen et notamment par des indices graves, précis et concordants.
En l'espèce, M. et Mme [J] invoquent à l'appui de leur demande un dysfonctionnement de la courroie de distribution ayant entraîné la défaillance du moteur.
Ce dysfonctionnement est attesté par le rapport d'expertise du 29 avril 2021, indiquant : « nous contrôlons l'état de la distribution en positionnant l'outil prévu par le constructeur sur le dos de la courroie. Nous constatons en effet que celle-ci n'est plus conforme et nécessite une intervention de remplacement à travers une campagne de garantie prévue par Citroën ».
Le rôle causal de la courroie de distribution dans la panne n'est au demeurant pas contesté par les parties, de sorte que l'imputabilité du dommage à la courroie de distribution est admise.
Cette implication dans la survenance du dommage ne suffit toutefois pas à établir le défaut ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage qui doivent dès lors être appréciés.
Sur le défaut
Aux termes de l'article 1245-3 du code civil, un produit est considéré comme défectueux « lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ».
L'appréciation de la défectuosité du produit doit notamment tenir compte de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu.
En l'espèce, le rapport d'expertise précité met en évidence la non-conformité de la courroie de distribution dont il précise qu'elle nécessitait un remplacement.
Il n'est pas contesté que cette pièce est impliquée dans la réalisation du dommage subi par le moteur, qui suppose son remplacement aux dires du rapport de M. [C] confirmé en cela par l'expert de la société Equad.
Le rapport d'expertise du 29 avril 2021 met en évidence qu'un tel dysfonctionnement outrepasse les attentes légitimes à l'égard du produit concerné, précisant que « le dommage au moteur relève de la responsabilité du constructeur qui doit répondre de la qualité de son produit qui ne correspond pas aux attentes des utilisateurs ».
Le défaut dont est atteint la courroie de distribution, pièce essentielle dans la bonne marche du moteur, entraînant une atteinte à ce moteur telle qu'il ne soit plus en état de fonctionner ni même d'être réparé, permet à la cour d'apprécier que ladite courroie de distribution n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.
En conséquence, le défaut de sécurité que présente la courroie de distribution répond aux exigences de l'article susvisé pour l'application du régime de la responsabilité des produits défectueux.
Sur la responsabilité du constructeur
L'article 1245-7 du code civil dispose qu'« en cas de dommage causé par le défaut d'un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l'incorporation sont solidairement responsables ».
La mise en jeu de la responsabilité du producteur ne suppose pas de démontrer qu'il avait connaissance des risques du produit lors de sa mise en circulation.
En application de l'article 1245-10 du même code, le producteur ainsi désigné est responsable de plein droit, à moins notamment qu'il ne prouve que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement.
En l'espèce, la responsabilité de la société Citroën est recherchée sur ce fondement, pour avoir incorporé la courroie de distribution défectueuse dans la réalisation du moteur.
Le producteur de la courroie n'est pas appelé à la cause.
La société Citroën ne conteste pas avoir réalisé l'incorporation de la courroie de distribution ayant causé le dommage.
Elle ne conteste pas davantage la défectuosité de la pièce au moment de sa mise en circulation, étant en outre observé que le rapport d'expertise du 29 avril 2021 précise que « le problème est reconnu par le constructeur et de surcroît de notoriété publique ».
La société Citroën conteste en revanche que la courroie litigieuse serait un élément distinct du reste du véhicule, justifiant selon le moyen que soit écarté le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux.
Pour autant, la courroie de distribution constitue un produit distinct du moteur, dont il est une pièce dissociable pouvant être remplacée indépendamment de celui-ci et avoir une autre origine, et a fortiori un produit distinct du véhicule qui comporte le moteur.
Par ailleurs, le rôle causal de la pièce défectueuse dans la défaillance du moteur, constaté par l'expertise de M. [C], n'est pas contesté par les parties.
En vertu de l'article 1245-1 alinéa 2 du code civil, l'application du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux suppose toutefois, en cas d'atteinte à un autre bien, que le dommage induit soit supérieur à un montant déterminé, fixé à 500 euros par le décret n° 2005-113 du 11 février 2005.
Les expertises produites indiquent que la défaillance du moteur ne peut être palliée que par son remplacement, dont le coût a été évalué par le rapport de M. [C] confirmé par le rapport de la société Equad à la somme de 4 827,12 euros TTC, de sorte que le seuil d'application susvisé est atteint.
La responsabilité de la société Citroën est donc établie en raison de l'incorporation d'une courroie de distribution défectueuse dans la fabrication du moteur du véhicule de M. et Mme [J], ayant entraîné le dommage subi par ledit moteur.
En conséquence, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Citroën au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux.
Sur les préjudices
En vertu du principe de réparation intégrale, tous les préjudices établis résultant du produit défectueux doivent être réparés.
Sur les frais de réparation du véhicule
Le juge de première instance a alloué à M. et Mme [J] la somme de 5 792,96 euros au titre des frais de remise en état de leur véhicule.
Ces frais de réparation, tendant à remettre en état de fonctionnement leur véhicule rendu inutilisable par la panne subie, sont directement imputables au dommage causé par le produit défectueux.
Dès lors que la responsabilité est admise dans son principe, l'indemnité allouée au titre des frais de remise en état du véhicule de M. et Mme [J], non contestée dans son montant, est confirmée à la charge de la société Citroën.
Sur les frais de remplacement du véhicule
Le juge de première instance a alloué à M. et Mme [J] la somme de 269 euros au titre du remboursement des frais de remplacement de leur véhicule.
Ces frais, justifiés par la facture de la société Tierce Orval du 14 août 2020, leur permettant de disposer d'un véhicule en remplacement de leur véhicule immobilisé durant une période de 14 jours suivant la panne, sont directement imputables au dommage causé par le produit défectueux.
Dès lors que la responsabilité est admise dans son principe, l'indemnité allouée au titre du remboursement des frais de remplacement du véhicule de M. et Mme [J], non contestée dans son montant, est confirmée à la charge de la société Citroën.
Sur le préjudice de jouissance
M. et Mme [J] sollicitent que leur soit allouée la somme de 2 000 euros au titre leur préjudice de jouissance.
A compter de la date de la panne ayant affecté leur véhicule, soit le 31 juillet 2020, jusqu'au 14 août 2020, M. et Mme [J] ont bénéficié d'un véhicule de remplacement, ayant fait l'objet d'une indemnisation distincte.
Aucun préjudice de jouissance ne peut être admis pour cette période.
Il ressort toutefois du rapport d'expertise de M. [C] que leur véhicule est inutilisable en raison de la défaillance du moteur depuis la date de ladite panne.
N'ayant bénéficié d'aucun véhicule de remplacement depuis le 15 août 2020, M. et Mme [J] ont été privés de leur moyen de transport à compter de cette date jusqu'à la présente décision, soit durant plus de 5 années, de sorte qu'ils ont indéniablement subi un préjudice de jouissance consécutif au dommage causé par le produit défectueux.
En conséquence, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [J] de leur demande de réparation de leur préjudice de jouissance.
Il leur est ainsi accordé, à la charge de la société Citroën, une indemnité de 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance résultant de l'immobilisation de leur véhicule entre le 15 août 2020 et la date de la présente décision.
Sur les frais d'assurance
M. et Mme [J] sollicitent que leur soit allouée la somme de 662,59 euros au titre du remboursement des frais d'assurance de leur véhicule durant la période de son immobilisation.
Selon l'article L. 211-1 du code des assurances, tout véhicule en circulation doit être couvert par une assurance garantissant les conséquences de la responsabilité civile résultant de l'implication de ce véhicule à l'égard des tiers.
Cette obligation d'assurance concerne tous les véhicules terrestres à moteur, qu'ils soient en état de rouler ou en état d'immobilisation. Il en résulte qu'en dépit de la durée d'immobilisation du véhicule, les époux [J] ne disposaient pas de la faculté de suspendre ou de résilier leur contrat d'assurance, dont les cotisations ont continué à être payées sans qu'ils disposent pour autant de la jouissance de leur véhicule.
Si le maintien du contrat d'assurance et le paiement corrélatif des cotisations résulte ainsi d'une obligation légale, pénalement sanctionnée, l'absence de jouissance du véhicule résultant de la faute imputable à la société Citroën, justifie toutefois que cette dernière indemnise au moins partiellement des sommes ainsi exposées. En effet, le versement de ces cotisations n'est pas intégralement préjudiciable pour les époux [J], dès lors que ce paiement n'est pas intégralement privé de contrepartie pendant la période d'indemnisation, ce qui motive d'ailleurs l'obligation de maintenir une telle assurance pour un véhicule immobilisé. Dès lors qu'ils n'ont pas opté pour la cession de leur véhicule, les époux [J] ont en effet continué à bénéficier d'une couverture assurantielle pendant l'immobilisation, notamment pour garantir l'implication de leur véhicule dans un sinistre à un tiers (notamment s'agissant du risque d'incendie se communiquant au bien d'un tiers ou blessant un tiers). Les époux [J] n'avaient en outre aucune obligation de minimiser leur préjudice dans l'intérêt de la société Citroën, notamment en réduisant les garanties contractuelles dont ils bénéficiaient antérieurement à l'immobilisation.
La cour ayant reconnu l'existence du préjudice dans son principe, il lui appartient de liquider le montant de l'indemnisation en permettant la réparation intégrale sans perte ni profit.
Au soutien de leur demande, M. et Mme [J] produisent deux avis d'échéance de la société Groupama nord est, indiquant pour l'assurance de leur véhicule une cotisation de 701,30 euros au titre de l'année 2020 et une cotisation de 202,92 euros au titre de l'année 2021, sans toutefois fournir aucune explication quant à la différence importante entre ces montants.
Manifestement, M. [J] a renégocié son contrat d'assurance automobile afin de remplir son obligation légale tout en tenant compte du risque fortement diminué par l'immobilisation du véhicule.
Il s'ensuit que la cotisation annuelle de 202,92 euros versée par les époux [J] depuis le 1er janvier 2021 résulte de leur libre choix de ne pas céder leur véhicule, tout en satisfaisant à leur obligation légale d'assurance ; le préjudice que représente cette charge est dès lors sans lien causal avec le sinistre imputable à la société Citroën.
Pour la période s'étendant du 1er août 2020 au 31 décembre 2020, la prime d'assurance acquittée correspond en revanche à la couverture d'un véhicule en état de bon fonctionnement, de sorte que le surplus de cotisation, en comparaison avec celle due pour l'assurance d'un véhicule immobilisé, constitue un préjudice direct et certain qui doit être intégralement réparé par la société Citroën, cette charge supportée par les époux [J] n'ayant reçu aucune contrepartie dans la conduite de leur véhicule et leur protection assurantielle.
Cette différence de cotisation annuelle s'élevant à 498,38 euros, le préjudice subi durant les 5 mois d'immobilisation du véhicule correspond à 207,66 euros.
En conséquence, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [J] de leur demande indemnitaire au titre du remboursement des frais d'assurance de leur véhicule et la société Citroën est condamnée à payer aux époux [J] la somme de 207,66 euros à ce titre.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement déféré sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
La société Citroën, qui succombe, est condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il convient enfin de condamner la société Citroën à payer à M. et Mme [J] la somme de 1 500 euros au titre de la procédure de première instance et la somme de 1 500 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, étant précisé que ces sommes couvrent le remboursement des frais d'expertise amiable.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Lille ;
et statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la SAS Automobiles Citroën à payer à M. [K] [J] et Mme [G] [U] épouse [J] la somme de 5 792,96 euros au titre de la remise en état de leur véhicule ;
Condamne la SAS Automobiles Citroën à payer à M. [K] [J] et Mme [G] [U] épouse [J] la somme de 269 euros au titre du remboursement des frais de remplacement de leur véhicule ;
Condamne la SAS Automobiles Citroën à payer à M. [K] [J] et Mme [G] [U] épouse [J] la somme de 2 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;
Condamne la SAS Automobiles Citroën à payer à M. [K] [J] et Mme [G] [U] épouse [J] la somme de 207,66 euros au titre du remboursement des frais d'assurance de leur véhicule ;
Condamne la SAS Automobiles Citroën aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la SAS Automobiles Citroën à payer à M. [K] [J] et Mme [G] [U] épouse [J] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;
Condamne la SAS Automobiles Citroën à payer à M. [K] [J] et Mme [G] [U] épouse [J] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le greffier
Harmony POYTEAU
Le président
Guillaume SALOMON