CA Nîmes, 4e ch. com., 19 septembre 2025, n° 24/03142
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°205
N° RG 24/03142 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JK6L
YM
TRIBUNAL DE COMMERCE D'AVIGNON
11 septembre 2024
RG:2023011737
[P]
C/
[U]
[X]
Copie exécutoire délivrée
le 19/09/2025
à :
Me Jean-michel DIVISIA
Me Jean-marie CHABAUD
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2025
Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal de Commerce d'AVIGNON en date du 11 Septembre 2024, N°2023011737
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,
M. Yan MAITRAL, Conseiller,
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 Juin 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 Septembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
M. [Y] [P]
né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 24]
[Adresse 8]
[Localité 9]
Représenté par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
M. [Z] [U]
né le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 16]
[Adresse 23]
[Localité 10] SUISSE
Me [I] [X] agissant en sa qualité de Liquidation Judiciaire de la société [13], fonction à laquelle il a été désigné suivant jugement du Tribunal de Commerce d'AVIGNON en date du 26 août 2020,
assigné à domicile
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 14]
[Adresse 4]
[Localité 11]
Représenté par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Affaire fixée en application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 12 Juin 2025
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 19 Septembre 2025,par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 30 septembre 2024 par M. [Y] [P] à l'encontre du jugement rendu le 11 septembre 2024 par le tribunal de commerce d'Avignon dans l'instance n° RG 2023011737 ;
Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du 8 octobre 2024 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 9 décembre 2024 par M. [Y] [P], appelant, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 30 janvier 2025 par Me [I] [X], intimé, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [13] suivant jugement du tribunal de commerce d'Avignon du 26 août 2020, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu la signification des conclusions de Me [I] [X], intimé, délivrée le 25 mars 2025 à M. [Z] [U], intimé et ès-qualités, par acte laissé à la personne de son destinataire ;
Vu les conclusions du ministère public transmises par la voie électronique le 22 mai 2025 ;
Vu l'ordonnance du 8 octobre 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 12 juin 2025.
***
Le 16 décembre 2016, un compromis a été signé entre, d'une part, la société [Adresse 19] [Adresse 18], la société [15], M. [T] [K] et, d'autre part, la société suisse [12] au terme duquel les parties s'engagent à conclure, sous conditions, un futur contrat de location-gérance pour le fonds de commerce que la société [Adresse 19] [Adresse 18] exploite dans le cadre d'une activité d'hôtellerie haut de gamme.
A cette fin, la société [13], une société de droit français, est constituée avec pour président M. [Y] [P].
Le contrat de location-gérance est signé le 23 décembre 2016 entre la société [Adresse 20] et la société [13], représentée par M. [Y] [P], et son « fondateur », M. [Z] [U]. La date d'effet du contrat est fixée au 2 janvier 2017.
***
Le 11 août 2020, la société [13] déclare sa cessation des paiements auprès du greffe du tribunal de commerce d'Avignon et sollicite l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
Par jugement du 26 août 2020, le tribunal de commerce d'Avignon ouvre une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société [13] et fixe la date de cessation des paiements au 11 août 2020.
Me [I] [X] est désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
***
Par ordonnance de référé du 1er septembre 2020, le président du tribunal de commerce d'Avignon a prononcé la résolution du contrat de location-gérance.
Par arrêt du 7 septembre 2022, la cour d'appel de Nîmes a fixé au passif de la procédure la créance de 373 642,79 euros de la société [Adresse 20] à titre chirographaire.
Me [I] [X] ès-qualités a reçu des déclarations de créances pour un total de 2 436 100,55 euros.
Par jugement du 9 février 2024, le tribunal de commerce d'Avignon a fixé la créance de la société [Adresse 20] à 1 978 478 euros au passif de la société [13], soit la somme de :
323 400 euros au titre de l'indemnité d'éviction résultant de la résiliation du bail du 1er janvier 2020
693 000 euros au titre des dommages et intérêts contractuels,
308 040 euros au titre de la remise en état et du remplacement des 'uvres d'art,
654 038 euros au titre des frais et coût de réparation et de remise en état
Par exploits du 25 août 2023, Me [I] [X] a fait assigner devant le tribunal de commerce d'Avignon, M. [Y] [P] et M. [Z] [U] en condamnation en paiement de l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société [13].
Le juge-commissaire de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société [13], a, au terme d'un rapport du 13 février 2024, émis un avis favorable à la condamnation solidaire de M. [Y] [P] et M. [Z] [U] au paiement de l'insuffisance d'actif à hauteur de 1 200 000 euros avec un paiement provisionnel de 500 000 euros.
Par jugement du 11 septembre 2024, le tribunal de commerce d'Avignon a, au visa des articles 73, 74, 108, 122 et 378 du code de procédure civile, de l'article L651-2 du code de commerce, statué ainsi :
« Constate la non-comparution de M. [Z] [U],
Déclare recevable la demande de Me [I] [X], ès qualités de liquidateur de la société [13],
Juge irrecevable la demande de sursis à statuer du défendeur qui n'a pas été présentée in limine litis.
Condamne in solidum M. [Y] [P], né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 25] (UK), domicilié [Adresse 7] (France) au comblement du passif à hauteur de 1 000 000 euros.
Condamne in solidum M. [Z] [U], né le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 16] (Libye), de nationalité libyenne, demeurant [Adresse 21] (Suisse) au comblement du passif à hauteur de 1 000 000 euros.
Condamne M. [Y] [P] et M. [Z] [U] au paiement chacun d'une somme provisionnelle de 100 000 euros, à valoir sur l'insuffisance d'actif, à verser entre les mains de Me [I] [X], ès qualités de liquidateur de la société [13],
Condamne M. [Y] [P] et M. [Z] [U] au paiement chacun à Me [I] [X], ès qualités de liquidateur de la société [13], à la somme de 1 500 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,
Rejette tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire ».
M. [Y] [P] a relevé appel le 30 septembre 2024 de ce jugement pour le voir infirmer en ce qu'il a :
condamné in solidum M. [Y] [P] au comblement du passif à hauteur de 1 000 000,00 euros,
condamné M. [Y] [P] au paiement d'une somme provisionnelle de 100 000,00 euros à valoir sur l'insuffisance d'actif à verser entre les mains de Me [I] [X] ès-qualités de liquidateur de la société [13] et 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
rejeté tous autres moyens, fins et conclusions contraire de M. [Y] [P].
***
Dans ses dernières conclusions, M. [Y] [P], appelant à titre principal et intimé à titre incident, demande à la cour, au visa de l'article L.653-4 du code de commerce, de :
« Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné in solidum M. [F] [P] au comblement du passif à hauteur de 1 000 000 d'euros et l'a condamné à régler une provision de 100 000 euros à valoir sur l'insuffisance d'actifs outre 1 500 euros au titre de l'article 700
Statuant à nouveau
Débouter Me [X] ès-qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société [13] de l'intégralité de ses prétentions à l'encontre de M. [Y] [P] qui seront déclarées irrecevables et infondées. ».
Au soutien de ses prétentions, M. [Y] [P] expose qu'il n'est pas démontré, par le liquidateur judiciaire sur lequel pèse la charge de la preuve, qu'il a commis des fautes de gestion en poursuivant une activité déficitaire et aurait fait preuve de particulière incurie dans la gestion de la société.
Il précise que l'exploitation hôtelière a fait l'objet de travaux importants et que la crise sanitaire de 2020 n'a pas permis une exploitation normale de la structure.
Il fait valoir qu'il existe une contradiction entre cette action et celle en cours engagée par le liquidateur judiciaire contre la société [Adresse 20] en vue d'obtenir la nullité du contrat de location gérance pour vice du consentement puisqu'il ne peut lui être reproché son incurie s'il a été victime de man'uvres dolosives de la part du bailleur commercial et du propriétaire des biens immobiliers. Il estime dès lors que l'argumentation du liquidateur judiciaire est irrecevable selon le principe d'estoppel.
Concernant le préjudice, il fait valoir que le préjudice de la société [13] n'est pas réel et certain au regard de l'action en cours diligenté contre la société [Adresse 20].
***
Dans ses dernières conclusions, Me [I] [X], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [13], intimé et appelant à titre incident, demande à la cour, au visa de l'article L.651-2 du code de commerce, de :
« Confirmer le jugement du 11 septembre 2024 en ce qu'il a jugé la responsabilité des dirigeants poursuivis comme engagée et les a condamné in solidum au titre de leur responsabilité pour insuffisance d'actif.
Réformer sur le quantum
Statuant à nouveau sur ce point
Condamner in solidum :
M. [Y] [P], né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 25] (UK) (), domicilié [Adresse 6] (France) en qualité de dirigeant de droit
M. [Z] [U], né le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 16] (Libye), de nationalité libyenne, demeurant [Adresse 22] (Suisse) en qualité de dirigeant de fait.
Au :
comblement intégral de l'insuffisance d'actif,
paiement d'une somme provisionnelle à valoir sur l'insuffisance d'actif de 500 000 euros,
paiement des entiers dépens
paiement de la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. ».
Au soutien de ses prétentions, Me [I] [X] expose que M. [Y] [P] a la qualité de dirigeant de droit et M. [Z] [U] celle de dirigeant de fait. Il fait valoir que son action repose sur l'article L 651-2 du code de commerce et, qu'à ce titre, il estime que les dirigeants ont commis une faute de gestion en poursuivant une activité déficitaire, en ne réglant pas les charges fiscales et sociales, en faisant preuve d'incurie dans la gestion de la société et en ne gérant pas la société dans son intérêt.
Concernant le préjudice, il fait valoir que l'insuffisance d'actif est certaine et que la condamnation peut prendre une forme provisionnelle sous réserve que la somme soit au moins égale au montant de l'insuffisance d'actif. A titre incident, il sollicite ainsi le comblement intégral de l'insuffisance d'actif et le paiement d'une somme provisionnelle de 500 000 euros. Enfin, il rappelle que les dirigeants doivent supporter la totalité de l'insuffisance d'actif dès lors que leurs fautes sont à l'origine d'une partie de celle-ci sans qu'il soit nécessaire d'établir la part de l'insuffisance d'actif imputable à telle ou telle faute de gestion.
***
Dans ses dernières conclusions, le ministère public sollicite la confirmation du jugement rendu au vu des fautes de gestion caractérisées du dirigeant de droit et du dirigeant de fait, la poursuite d'une activité déficitaire et la poursuite d'une activité financée par le non-paiement des dettes sociales et fiscales étant constitutives d'une faute de gestion qui ont contribué à l'accroissement de l'insuffisance d'actifs.
***
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la fin de non-recevoir
Selon l'article 122 du code de procédure civile « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».
La seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir (Ass. Plén., 27 février 2009, 07-19.841).
En l'espèce, il est reproché au liquidateur l'action en condamnation pour insuffisance d'actifs alors qu'il a, dans le même temps, engagé une action contre la société [Adresse 20] en vue d'obtenir la nullité du contrat de location-gérance en raison de man'uvres dolosives comme cela ressort de la décision du tribunal de commerce d'Avignon du 9 février 2024.
Cependant, les actions engagées par le liquidateur n'étant pas émises au cours de la même instance comme l'a souligné l'appelant lui-même dans ses conclusions, la demande ne peut prospérer.
Sur l'action en comblement du passif
Selon l'article L 651-2 du code de commerce « lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée ».
L'action en comblement de passif est une action en responsabilité qui suppose l'existence d'un préjudice pour la société : une insuffisance d'actif, la caractérisation de la commission de fautes de gestion - excédant la simple négligence - à la charge de la personne dont la responsabilité est recherchée, et la démonstration d'un lien de causalité entre la ou les fautes commises et l'insuffisance d'actif constatée.
Concernant les dirigeants de la société
Selon l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ['] La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ».
Le liquidateur judiciaire se fonde sur les périodes de gérance des deux dirigeants.
La qualité de dirigeant de droit de M. [Y] [P] qui n'est contestée ni dans son principe ni dans ses modalités telles que retenues par la juridiction de première instance, s'est exercée depuis la création de la société [13] jusqu'à sa démission intervenue le 5 juin 2020, étant précisé que la société a été immatriculée le 30 mars 2017 mais qu'elle a commencé son activité le 2 janvier 2017.
La qualité de dirigeant de fait de M. [Z] [U] a été caractérisée par la juridiction de première instance et ne fait pas l'objet de contestation.
Elle est donc acquise par application de l'article 954 du code de procédure civile.
L'existence d'une insuffisance d'actif
L'insuffisance d'actif s'établit à la différence entre le montant du passif admis et correspondant à des créances antérieures au jugement d'ouverture et le montant de l'actif de la personne morale débitrice tel qu'il résulte des réalisations effectuées en liquidation judiciaire (Com. 26 juin 2001, n°98-16.520).
Elle s'apprécie au jour où la juridiction statue dans le cadre de l'action engagée à l'encontre du dirigeant.
Le liquidateur ne peut se prévaloir pour déterminer l'insuffisance d'actif, d'un passif déclaré à titre provisionnel (Com. 3 octobre 2006, n° 05-15.150).
Le liquidateur judiciaire produit l'état des créances déclarées au 2 novembre 2020 et vérifiées au 2 septembre 2021, aux termes duquel le passif de la société s'élève à 2 436 100.55 euros.
Cependant, le relevé laisse apparaître 3 créances contestées :
1 créance de M. [T] [K] de 20 393.66 euros
2 créances du [Adresse 20] respectivement de 373 642.79 euros et 1 855 078 euros.
Concernant ces dernières, la cour d'appel de Nîmes, dans son arrêt du 7 septembre 2022 a admis au passif de la société [13] la créance de 373 642.79 euros au titre de la redevance de la location gérance, des indemnités d'occupation et des frais de procédure et a renvoyé au fond la demande concernant la créance consécutive aux frais de remise en état, la perte de redevance et la dégradation du domaine.
Par ailleurs, le liquidateur a intenté une action devant le tribunal de commerce d'Avignon en vue d'obtenir la nullité du contrat de la location gérance qui a été rejetée par la juridiction le 9 février 2024 et qui a condamné le demandeur à payer la somme totale de 1 978 478 euros au [Adresse 20].
Dès lors que cette contestation qui n'est pas définitive au visa de l'article 528-1 du code de procédure civile, ainsi que l'a d'ailleurs mentionné le liquidateur dans ses conclusions, il y a lieu d'écarter du passif l'ensemble des sommes revendiquées par le [Adresse 20].
Le liquidateur judiciaire communique également le détail du compte individuel de la société faisant apparaître un solde positif de 6 835.17 euros.
L'insuffisance d'actif s'établit donc à la somme de 180 150.93 euros à la date d'ouverture de la procédure collective en ce qui concerne Monsieur [V] [U].
A cette date, M. [Y] [P] n'était plus le dirigeant de la société et l'insuffisance d'actif doit être certaine à la date du 5 juin 2020 pour que sa responsabilité puisse le cas échéant être engagée. Tel est le cas en l'espèce puisque la seule créance contestée de sa part est celle concernant le Domaine des Andeols qui a été retranchée.
la caractérisation de fautes de gestion et leur lien de causalité avec l'insuffisance d'actif
Un lien de causalité doit être établi entre la faute de gestion et l'insuffisance d'actif (Com. 3 juillet 2012, n° 10-17.624).
La faute peut avoir seulement "contribué" à l'insuffisance d'actif et il n'est pas nécessaire que la faute soit la cause directe et exclusive du dommage (Com. 21 juin 2005, n° 04-12.087).
Le juge n'a ainsi pas à déterminer avec précision la part d'insuffisance d'actif imputable à telle faute du dirigeant.
Sur poursuite de l'activité déficitaire
La poursuite d'une activité déficitaire, à défaut pour le dirigeant de prendre les mesures propres à rétablir la situation financière de la société débitrice soit en appelant de la trésorerie supplémentaire, soit en cessant immédiatement l'activité afin d'éviter d'accroître le passif, est constitutive d'une faute de gestion (Com. 20 septembre 2017, n° 16-13.566).
Il ressort des comptes de résultats que l'activité de l'entreprise est régulièrement déficitaire : en 2017 le résultat est de ' 2 057 256 euros, de ' 1 592 480 euros en 2018, en 2019 de ' 1 621 460 euros et en 2020 de ' 541 33 euros.
Le caractère déficitaire de l'activité est ainsi avérée malgré les abandons des créances de la société [12] de 2 337 592.80 euros (31 décembre 2017), 1 618 541.04 euros (31 décembre 2018), 1 755 259.54 euros (31 décembre 2019) qui, outre le fait qu'elles ne constituent pas des solutions économiques viables sont consenties avec la contrepartie, « en cas de retour à meilleure fortune », de réinscrire au crédit du compte courant de l'associée le dernier mois de la clôture de chaque exercice social jusqu'à concurrence de la somme abandonnée. Il s'en suit que, par ce mécanisme, l'abandon de créances n'est que partiel, la société [13] accroissant de fait annuellement son endettement.
De plus, en ce qui concerne la situation économique de l'entreprise, les comptes annuels de la société arrêtée au 31 juillet 2020 pour la période allant du 1er janvier 2020 au 31 juillet 2020 font apparaître un compte de résultat avec une perte de 461 909 euros, avant impôt, l'exercice précédent mentionnant une perte de 1 621 460 euros. Si la performance de l'entreprise s'est améliorée grâce à la baisse des charges d'exploitation (achats, salaires et traitements), la perte globale s'élève à la somme de 541 313 euros.
Concernant plus particulièrement le bilan comptable, il apparaît que le capital de la société s'élève à la somme de 30 000 euros mais qu'en raison du report du résultat négatif (541 313 euros), les capitaux propres s'élèvent à la somme de ' 511 313 euros. Le passif de la société est alors de 547 991 euros.
S'agissant de l'argumentation de M. [Y] [P] imputant l'activité déficitaire à la [17], cette dernière est doublement contredite. Par les résultats financiers exposés ci-dessus, d'abord, étant rappelé que les mesures légales et réglementaires ayant un impact sur l'activité économique n'apparaissent qu'au début de l'année 2020 et, ensuite, par les propres déclarations du dirigeant de droit dans la demande d'ouverture de la liquidation judiciaire faisant état, dès le début de l'activité, « des charges sans revenus ».
La poursuite de l'activité déficitaire est ainsi avérée et il n'est pas démontré par M. [Y] [P] que celle-ci serait imputable à des man'uvres qualifiées de « dolosives » du [Adresse 20].
Ainsi, il ne peut être contesté au regard des éléments ci-dessus que la poursuite de l'activité déficitaire de la société est imputable à M. [Y] [P] au regard de sa qualité de dirigeant de droit, et ce, jusqu'au jour de sa démission. Elle est également imputable à M. [Z] [U] qui est intervenu directement dans la politique commerciale de la société notamment en fixant le prix des prestations offertes ce qui avait une incidence sur les marges dégagées par l'entreprise.
En poursuivant ainsi une activité annuellement déficitaire sur plusieurs années, non viable et sans prendre les décisions permettant de réduire de manière pérenne les pertes financières, les dirigeants ont commis une faute de gestion qui excède par conséquent la simple négligence et a ainsi concouru à l'insuffisance d'actif.
- Sur les charges sociales et fiscales impayées
L'état de déclaration de créance mentionne au passif de la société des impayés auprès des organismes sociaux (79 948.27 euros) ainsi qu'une dette de nature fiscale (2 094.96 euros) dont la matérialité n'est pas contestée par l'appelant et qui ont contribué à l'aggravation du passif.
Cependant, si le non-paiement des charges sociales et fiscales constitue une faute de gestion, l'absence de toute précision sur l'existence de pénalités et de majorations ne permet pas de caractériser une quelconque contribution de cette faute à l'insuffisance d'actif, le non-paiement des cotisations étant compensé par la trésorerie dégagée, fut-ce de manière artificielle.
La demande sur ce fondement sera en conséquence rejetée.
- Sur l'incurie en matière de gestion
Il ressort des éléments précités que les dirigeants étaient pleinement conscients de l'impossibilité pour la société de faire face à son passif et d'exploiter de manière économiquement viable le fonds de commerce ce qui les a conduit à recourir à des pis-aller financiers tels l'abandon de créances ou le non-paiement des charges fiscales et sociales pour se constituer de la trésorerie.
L'incurie dans l'activité gestionnaire est imputable à M. [Y] [P] au regard de sa qualité de dirigeant de droit, et ce, jusqu'au jour de sa démission. Elle est également imputable à M. [Z] [U] qui est intervenu directement dans la politique commerciale de la société comme indiqué précédemment et qui, par ailleurs, en ayant paraphé le contrat de location gérance en qualité de « fondateur » de la société ne pouvait ignorer le poids des obligations financières du locataire incompatible avec les revenus dégagés.
La faute de gestion ainsi commise par M. [Y] [P] et M. [Z] [U] excède par conséquent la simple négligence et a concouru à l'insuffisance d'actif en ce que les dirigeants ont constitué une trésorerie artificielle au lieu de prendre les décisions appropriées à la viabilité de l'entreprise.
Sur la gestion contraire à l'intérêt social
Sur ce point, le liquidateur de la société fait valoir qu'il n'y a pas eu une structure compétente et que la société n'a jamais été en mesure d'équilibrer ses comptes et de prendre les mesures pour éviter la cause des déficits et l'endettement.
Cependant ces éléments rejoignent ceux relatifs à la poursuite d'une activité déficitaire ou de l'incurie en matière de gestion et il n'est pas démontré ou établi que les dirigeants ont commis d'autres faits ou pris des décisions révélant une gestion contraire à l'intérêt social.
La demande sur ce fondement sera rejetée et la décision sera réformée sur ce point.
En conclusion, sont ainsi qualifiées à l'encontre des deux gérants, les fautes tenant à la poursuite d'une activité déficitaire et à leur incurie en matière de gestions, toutes ces fautes ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société [13].
' Sur le montant du comblement
En vertu du principe de l'équivalence des conditions, il est suffisant que la faute soit l'une des causes de l'insuffisance d'actif et il n'est pas nécessaire que la faute ait contribué à la totalité de l'insuffisance d'actif.
Toutefois, le montant de la condamnation ne peut excéder celui de l'insuffisance d'actif tel qu'il est constaté au jour où le juge statue. L'auteur du dommage ne peut pas réparer plus que le préjudice (Com. 21 janvier 2003, no 01-03.656 ; Com. 19 décembre 2006, no 05-11.848 ; Com. 17 décembre 2013, n°12-25.519)
Les juges du fond, pour prononcer une condamnation provisionnelle, doivent établir que, au jour où ils statuent, l'insuffisance d'actif est au moins égale au montant de la provision (Cass. com., 30 juin 2015, n° 13-28.537).
Les fautes caractérisées ont été commises par M. [Y] [P] et M. [Z] [U] dans le cadre de leur activité de dirigeant de la société [13] sans qu'il n'apparaisse qu'ils aient cherché, l'un ou l'autre, à rétablir la situation. De même, il ressort des éléments de la procédure que les dirigeants sont intervenus ensemble dans la gestion de la société et que leurs carences ainsi que les décisions respectives qu'ils ont prises ont toutes concouru à l'insuffisance d'actif justifiant une condamnation solidaire.
De plus, il n'est communiqué à la cour aucun élément sur leurs situations personnelles ou professionnelles respectives.
Par conséquent, en l'absence de ces éléments, de la nature des fautes commises et plus particulièrement l'ampleur de l'incurie dans la gestion de la société ainsi que la poursuite d'une activité déficitaire qui ont rapidement obéré la situation économique de la société sans que les dirigeants ne prennent les mesures adéquates, il convient par application du principe de proportionnalité de condamner in solidum M. [Y] [P] et M. [Z] [U] au comblement intégral de l'insuffisance d'actif et au paiement à ce titre d'une somme provisionnelle de 170 000 euros à Me [I] [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [13].
La décision sera en conséquence infirmée sur ce point.
Sur les frais de l'instance :
M. [Y] [P] et M. [Z] [U], qui succombent, devront supporter in solidum les dépens de l'instance et payer à Me [I] [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [13] une somme totale équitablement arbitrée à 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Rejette la fin de non-recevoir ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [Y] [P] et M. [Z] [U] à supporter l'insuffisance d'actifs de la société [13] et les a condamnés à ce titre au paiement in solidum de la somme de 1 000 000 euros et celle de 100 000 euros chacun à titre provisionnelle à valoir sur l'insuffisance d'actifs ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Dit que M. [Y] [P] et M. [Z] [U] ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société [13], fautes consistant en la poursuite d'une activité déficitaire et à une incurie dans la gestion de la société ;
Condamne en conséquence in solidum M. [Y] [P] et M. [Z] [U] au comblement intégral de l'insuffisance d'actif et au paiement à ce titre d'une somme provisionnelle de 170.000 euros à Me [I] [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [13] ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,
Et le précisant,
Dit que l'insuffisance d'actif de la société [13] est certaine,
Y ajoutant,
Dit que M. [Y] [P] et M. [Z] [U] supporteront in solidum les dépens de l'instance et seront condamnés à payer à Me [I] [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [13] une somme totale équitablement arbitrée à 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;
Rejette toute autre demande.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°205
N° RG 24/03142 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JK6L
YM
TRIBUNAL DE COMMERCE D'AVIGNON
11 septembre 2024
RG:2023011737
[P]
C/
[U]
[X]
Copie exécutoire délivrée
le 19/09/2025
à :
Me Jean-michel DIVISIA
Me Jean-marie CHABAUD
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2025
Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal de Commerce d'AVIGNON en date du 11 Septembre 2024, N°2023011737
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,
M. Yan MAITRAL, Conseiller,
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 Juin 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 Septembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
M. [Y] [P]
né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 24]
[Adresse 8]
[Localité 9]
Représenté par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
M. [Z] [U]
né le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 16]
[Adresse 23]
[Localité 10] SUISSE
Me [I] [X] agissant en sa qualité de Liquidation Judiciaire de la société [13], fonction à laquelle il a été désigné suivant jugement du Tribunal de Commerce d'AVIGNON en date du 26 août 2020,
assigné à domicile
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 14]
[Adresse 4]
[Localité 11]
Représenté par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Affaire fixée en application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 12 Juin 2025
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 19 Septembre 2025,par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 30 septembre 2024 par M. [Y] [P] à l'encontre du jugement rendu le 11 septembre 2024 par le tribunal de commerce d'Avignon dans l'instance n° RG 2023011737 ;
Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du 8 octobre 2024 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 9 décembre 2024 par M. [Y] [P], appelant, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 30 janvier 2025 par Me [I] [X], intimé, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [13] suivant jugement du tribunal de commerce d'Avignon du 26 août 2020, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu la signification des conclusions de Me [I] [X], intimé, délivrée le 25 mars 2025 à M. [Z] [U], intimé et ès-qualités, par acte laissé à la personne de son destinataire ;
Vu les conclusions du ministère public transmises par la voie électronique le 22 mai 2025 ;
Vu l'ordonnance du 8 octobre 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 12 juin 2025.
***
Le 16 décembre 2016, un compromis a été signé entre, d'une part, la société [Adresse 19] [Adresse 18], la société [15], M. [T] [K] et, d'autre part, la société suisse [12] au terme duquel les parties s'engagent à conclure, sous conditions, un futur contrat de location-gérance pour le fonds de commerce que la société [Adresse 19] [Adresse 18] exploite dans le cadre d'une activité d'hôtellerie haut de gamme.
A cette fin, la société [13], une société de droit français, est constituée avec pour président M. [Y] [P].
Le contrat de location-gérance est signé le 23 décembre 2016 entre la société [Adresse 20] et la société [13], représentée par M. [Y] [P], et son « fondateur », M. [Z] [U]. La date d'effet du contrat est fixée au 2 janvier 2017.
***
Le 11 août 2020, la société [13] déclare sa cessation des paiements auprès du greffe du tribunal de commerce d'Avignon et sollicite l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
Par jugement du 26 août 2020, le tribunal de commerce d'Avignon ouvre une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société [13] et fixe la date de cessation des paiements au 11 août 2020.
Me [I] [X] est désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
***
Par ordonnance de référé du 1er septembre 2020, le président du tribunal de commerce d'Avignon a prononcé la résolution du contrat de location-gérance.
Par arrêt du 7 septembre 2022, la cour d'appel de Nîmes a fixé au passif de la procédure la créance de 373 642,79 euros de la société [Adresse 20] à titre chirographaire.
Me [I] [X] ès-qualités a reçu des déclarations de créances pour un total de 2 436 100,55 euros.
Par jugement du 9 février 2024, le tribunal de commerce d'Avignon a fixé la créance de la société [Adresse 20] à 1 978 478 euros au passif de la société [13], soit la somme de :
323 400 euros au titre de l'indemnité d'éviction résultant de la résiliation du bail du 1er janvier 2020
693 000 euros au titre des dommages et intérêts contractuels,
308 040 euros au titre de la remise en état et du remplacement des 'uvres d'art,
654 038 euros au titre des frais et coût de réparation et de remise en état
Par exploits du 25 août 2023, Me [I] [X] a fait assigner devant le tribunal de commerce d'Avignon, M. [Y] [P] et M. [Z] [U] en condamnation en paiement de l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société [13].
Le juge-commissaire de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société [13], a, au terme d'un rapport du 13 février 2024, émis un avis favorable à la condamnation solidaire de M. [Y] [P] et M. [Z] [U] au paiement de l'insuffisance d'actif à hauteur de 1 200 000 euros avec un paiement provisionnel de 500 000 euros.
Par jugement du 11 septembre 2024, le tribunal de commerce d'Avignon a, au visa des articles 73, 74, 108, 122 et 378 du code de procédure civile, de l'article L651-2 du code de commerce, statué ainsi :
« Constate la non-comparution de M. [Z] [U],
Déclare recevable la demande de Me [I] [X], ès qualités de liquidateur de la société [13],
Juge irrecevable la demande de sursis à statuer du défendeur qui n'a pas été présentée in limine litis.
Condamne in solidum M. [Y] [P], né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 25] (UK), domicilié [Adresse 7] (France) au comblement du passif à hauteur de 1 000 000 euros.
Condamne in solidum M. [Z] [U], né le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 16] (Libye), de nationalité libyenne, demeurant [Adresse 21] (Suisse) au comblement du passif à hauteur de 1 000 000 euros.
Condamne M. [Y] [P] et M. [Z] [U] au paiement chacun d'une somme provisionnelle de 100 000 euros, à valoir sur l'insuffisance d'actif, à verser entre les mains de Me [I] [X], ès qualités de liquidateur de la société [13],
Condamne M. [Y] [P] et M. [Z] [U] au paiement chacun à Me [I] [X], ès qualités de liquidateur de la société [13], à la somme de 1 500 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,
Rejette tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire ».
M. [Y] [P] a relevé appel le 30 septembre 2024 de ce jugement pour le voir infirmer en ce qu'il a :
condamné in solidum M. [Y] [P] au comblement du passif à hauteur de 1 000 000,00 euros,
condamné M. [Y] [P] au paiement d'une somme provisionnelle de 100 000,00 euros à valoir sur l'insuffisance d'actif à verser entre les mains de Me [I] [X] ès-qualités de liquidateur de la société [13] et 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
rejeté tous autres moyens, fins et conclusions contraire de M. [Y] [P].
***
Dans ses dernières conclusions, M. [Y] [P], appelant à titre principal et intimé à titre incident, demande à la cour, au visa de l'article L.653-4 du code de commerce, de :
« Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné in solidum M. [F] [P] au comblement du passif à hauteur de 1 000 000 d'euros et l'a condamné à régler une provision de 100 000 euros à valoir sur l'insuffisance d'actifs outre 1 500 euros au titre de l'article 700
Statuant à nouveau
Débouter Me [X] ès-qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société [13] de l'intégralité de ses prétentions à l'encontre de M. [Y] [P] qui seront déclarées irrecevables et infondées. ».
Au soutien de ses prétentions, M. [Y] [P] expose qu'il n'est pas démontré, par le liquidateur judiciaire sur lequel pèse la charge de la preuve, qu'il a commis des fautes de gestion en poursuivant une activité déficitaire et aurait fait preuve de particulière incurie dans la gestion de la société.
Il précise que l'exploitation hôtelière a fait l'objet de travaux importants et que la crise sanitaire de 2020 n'a pas permis une exploitation normale de la structure.
Il fait valoir qu'il existe une contradiction entre cette action et celle en cours engagée par le liquidateur judiciaire contre la société [Adresse 20] en vue d'obtenir la nullité du contrat de location gérance pour vice du consentement puisqu'il ne peut lui être reproché son incurie s'il a été victime de man'uvres dolosives de la part du bailleur commercial et du propriétaire des biens immobiliers. Il estime dès lors que l'argumentation du liquidateur judiciaire est irrecevable selon le principe d'estoppel.
Concernant le préjudice, il fait valoir que le préjudice de la société [13] n'est pas réel et certain au regard de l'action en cours diligenté contre la société [Adresse 20].
***
Dans ses dernières conclusions, Me [I] [X], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [13], intimé et appelant à titre incident, demande à la cour, au visa de l'article L.651-2 du code de commerce, de :
« Confirmer le jugement du 11 septembre 2024 en ce qu'il a jugé la responsabilité des dirigeants poursuivis comme engagée et les a condamné in solidum au titre de leur responsabilité pour insuffisance d'actif.
Réformer sur le quantum
Statuant à nouveau sur ce point
Condamner in solidum :
M. [Y] [P], né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 25] (UK) (), domicilié [Adresse 6] (France) en qualité de dirigeant de droit
M. [Z] [U], né le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 16] (Libye), de nationalité libyenne, demeurant [Adresse 22] (Suisse) en qualité de dirigeant de fait.
Au :
comblement intégral de l'insuffisance d'actif,
paiement d'une somme provisionnelle à valoir sur l'insuffisance d'actif de 500 000 euros,
paiement des entiers dépens
paiement de la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. ».
Au soutien de ses prétentions, Me [I] [X] expose que M. [Y] [P] a la qualité de dirigeant de droit et M. [Z] [U] celle de dirigeant de fait. Il fait valoir que son action repose sur l'article L 651-2 du code de commerce et, qu'à ce titre, il estime que les dirigeants ont commis une faute de gestion en poursuivant une activité déficitaire, en ne réglant pas les charges fiscales et sociales, en faisant preuve d'incurie dans la gestion de la société et en ne gérant pas la société dans son intérêt.
Concernant le préjudice, il fait valoir que l'insuffisance d'actif est certaine et que la condamnation peut prendre une forme provisionnelle sous réserve que la somme soit au moins égale au montant de l'insuffisance d'actif. A titre incident, il sollicite ainsi le comblement intégral de l'insuffisance d'actif et le paiement d'une somme provisionnelle de 500 000 euros. Enfin, il rappelle que les dirigeants doivent supporter la totalité de l'insuffisance d'actif dès lors que leurs fautes sont à l'origine d'une partie de celle-ci sans qu'il soit nécessaire d'établir la part de l'insuffisance d'actif imputable à telle ou telle faute de gestion.
***
Dans ses dernières conclusions, le ministère public sollicite la confirmation du jugement rendu au vu des fautes de gestion caractérisées du dirigeant de droit et du dirigeant de fait, la poursuite d'une activité déficitaire et la poursuite d'une activité financée par le non-paiement des dettes sociales et fiscales étant constitutives d'une faute de gestion qui ont contribué à l'accroissement de l'insuffisance d'actifs.
***
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la fin de non-recevoir
Selon l'article 122 du code de procédure civile « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».
La seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir (Ass. Plén., 27 février 2009, 07-19.841).
En l'espèce, il est reproché au liquidateur l'action en condamnation pour insuffisance d'actifs alors qu'il a, dans le même temps, engagé une action contre la société [Adresse 20] en vue d'obtenir la nullité du contrat de location-gérance en raison de man'uvres dolosives comme cela ressort de la décision du tribunal de commerce d'Avignon du 9 février 2024.
Cependant, les actions engagées par le liquidateur n'étant pas émises au cours de la même instance comme l'a souligné l'appelant lui-même dans ses conclusions, la demande ne peut prospérer.
Sur l'action en comblement du passif
Selon l'article L 651-2 du code de commerce « lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée ».
L'action en comblement de passif est une action en responsabilité qui suppose l'existence d'un préjudice pour la société : une insuffisance d'actif, la caractérisation de la commission de fautes de gestion - excédant la simple négligence - à la charge de la personne dont la responsabilité est recherchée, et la démonstration d'un lien de causalité entre la ou les fautes commises et l'insuffisance d'actif constatée.
Concernant les dirigeants de la société
Selon l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ['] La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ».
Le liquidateur judiciaire se fonde sur les périodes de gérance des deux dirigeants.
La qualité de dirigeant de droit de M. [Y] [P] qui n'est contestée ni dans son principe ni dans ses modalités telles que retenues par la juridiction de première instance, s'est exercée depuis la création de la société [13] jusqu'à sa démission intervenue le 5 juin 2020, étant précisé que la société a été immatriculée le 30 mars 2017 mais qu'elle a commencé son activité le 2 janvier 2017.
La qualité de dirigeant de fait de M. [Z] [U] a été caractérisée par la juridiction de première instance et ne fait pas l'objet de contestation.
Elle est donc acquise par application de l'article 954 du code de procédure civile.
L'existence d'une insuffisance d'actif
L'insuffisance d'actif s'établit à la différence entre le montant du passif admis et correspondant à des créances antérieures au jugement d'ouverture et le montant de l'actif de la personne morale débitrice tel qu'il résulte des réalisations effectuées en liquidation judiciaire (Com. 26 juin 2001, n°98-16.520).
Elle s'apprécie au jour où la juridiction statue dans le cadre de l'action engagée à l'encontre du dirigeant.
Le liquidateur ne peut se prévaloir pour déterminer l'insuffisance d'actif, d'un passif déclaré à titre provisionnel (Com. 3 octobre 2006, n° 05-15.150).
Le liquidateur judiciaire produit l'état des créances déclarées au 2 novembre 2020 et vérifiées au 2 septembre 2021, aux termes duquel le passif de la société s'élève à 2 436 100.55 euros.
Cependant, le relevé laisse apparaître 3 créances contestées :
1 créance de M. [T] [K] de 20 393.66 euros
2 créances du [Adresse 20] respectivement de 373 642.79 euros et 1 855 078 euros.
Concernant ces dernières, la cour d'appel de Nîmes, dans son arrêt du 7 septembre 2022 a admis au passif de la société [13] la créance de 373 642.79 euros au titre de la redevance de la location gérance, des indemnités d'occupation et des frais de procédure et a renvoyé au fond la demande concernant la créance consécutive aux frais de remise en état, la perte de redevance et la dégradation du domaine.
Par ailleurs, le liquidateur a intenté une action devant le tribunal de commerce d'Avignon en vue d'obtenir la nullité du contrat de la location gérance qui a été rejetée par la juridiction le 9 février 2024 et qui a condamné le demandeur à payer la somme totale de 1 978 478 euros au [Adresse 20].
Dès lors que cette contestation qui n'est pas définitive au visa de l'article 528-1 du code de procédure civile, ainsi que l'a d'ailleurs mentionné le liquidateur dans ses conclusions, il y a lieu d'écarter du passif l'ensemble des sommes revendiquées par le [Adresse 20].
Le liquidateur judiciaire communique également le détail du compte individuel de la société faisant apparaître un solde positif de 6 835.17 euros.
L'insuffisance d'actif s'établit donc à la somme de 180 150.93 euros à la date d'ouverture de la procédure collective en ce qui concerne Monsieur [V] [U].
A cette date, M. [Y] [P] n'était plus le dirigeant de la société et l'insuffisance d'actif doit être certaine à la date du 5 juin 2020 pour que sa responsabilité puisse le cas échéant être engagée. Tel est le cas en l'espèce puisque la seule créance contestée de sa part est celle concernant le Domaine des Andeols qui a été retranchée.
la caractérisation de fautes de gestion et leur lien de causalité avec l'insuffisance d'actif
Un lien de causalité doit être établi entre la faute de gestion et l'insuffisance d'actif (Com. 3 juillet 2012, n° 10-17.624).
La faute peut avoir seulement "contribué" à l'insuffisance d'actif et il n'est pas nécessaire que la faute soit la cause directe et exclusive du dommage (Com. 21 juin 2005, n° 04-12.087).
Le juge n'a ainsi pas à déterminer avec précision la part d'insuffisance d'actif imputable à telle faute du dirigeant.
Sur poursuite de l'activité déficitaire
La poursuite d'une activité déficitaire, à défaut pour le dirigeant de prendre les mesures propres à rétablir la situation financière de la société débitrice soit en appelant de la trésorerie supplémentaire, soit en cessant immédiatement l'activité afin d'éviter d'accroître le passif, est constitutive d'une faute de gestion (Com. 20 septembre 2017, n° 16-13.566).
Il ressort des comptes de résultats que l'activité de l'entreprise est régulièrement déficitaire : en 2017 le résultat est de ' 2 057 256 euros, de ' 1 592 480 euros en 2018, en 2019 de ' 1 621 460 euros et en 2020 de ' 541 33 euros.
Le caractère déficitaire de l'activité est ainsi avérée malgré les abandons des créances de la société [12] de 2 337 592.80 euros (31 décembre 2017), 1 618 541.04 euros (31 décembre 2018), 1 755 259.54 euros (31 décembre 2019) qui, outre le fait qu'elles ne constituent pas des solutions économiques viables sont consenties avec la contrepartie, « en cas de retour à meilleure fortune », de réinscrire au crédit du compte courant de l'associée le dernier mois de la clôture de chaque exercice social jusqu'à concurrence de la somme abandonnée. Il s'en suit que, par ce mécanisme, l'abandon de créances n'est que partiel, la société [13] accroissant de fait annuellement son endettement.
De plus, en ce qui concerne la situation économique de l'entreprise, les comptes annuels de la société arrêtée au 31 juillet 2020 pour la période allant du 1er janvier 2020 au 31 juillet 2020 font apparaître un compte de résultat avec une perte de 461 909 euros, avant impôt, l'exercice précédent mentionnant une perte de 1 621 460 euros. Si la performance de l'entreprise s'est améliorée grâce à la baisse des charges d'exploitation (achats, salaires et traitements), la perte globale s'élève à la somme de 541 313 euros.
Concernant plus particulièrement le bilan comptable, il apparaît que le capital de la société s'élève à la somme de 30 000 euros mais qu'en raison du report du résultat négatif (541 313 euros), les capitaux propres s'élèvent à la somme de ' 511 313 euros. Le passif de la société est alors de 547 991 euros.
S'agissant de l'argumentation de M. [Y] [P] imputant l'activité déficitaire à la [17], cette dernière est doublement contredite. Par les résultats financiers exposés ci-dessus, d'abord, étant rappelé que les mesures légales et réglementaires ayant un impact sur l'activité économique n'apparaissent qu'au début de l'année 2020 et, ensuite, par les propres déclarations du dirigeant de droit dans la demande d'ouverture de la liquidation judiciaire faisant état, dès le début de l'activité, « des charges sans revenus ».
La poursuite de l'activité déficitaire est ainsi avérée et il n'est pas démontré par M. [Y] [P] que celle-ci serait imputable à des man'uvres qualifiées de « dolosives » du [Adresse 20].
Ainsi, il ne peut être contesté au regard des éléments ci-dessus que la poursuite de l'activité déficitaire de la société est imputable à M. [Y] [P] au regard de sa qualité de dirigeant de droit, et ce, jusqu'au jour de sa démission. Elle est également imputable à M. [Z] [U] qui est intervenu directement dans la politique commerciale de la société notamment en fixant le prix des prestations offertes ce qui avait une incidence sur les marges dégagées par l'entreprise.
En poursuivant ainsi une activité annuellement déficitaire sur plusieurs années, non viable et sans prendre les décisions permettant de réduire de manière pérenne les pertes financières, les dirigeants ont commis une faute de gestion qui excède par conséquent la simple négligence et a ainsi concouru à l'insuffisance d'actif.
- Sur les charges sociales et fiscales impayées
L'état de déclaration de créance mentionne au passif de la société des impayés auprès des organismes sociaux (79 948.27 euros) ainsi qu'une dette de nature fiscale (2 094.96 euros) dont la matérialité n'est pas contestée par l'appelant et qui ont contribué à l'aggravation du passif.
Cependant, si le non-paiement des charges sociales et fiscales constitue une faute de gestion, l'absence de toute précision sur l'existence de pénalités et de majorations ne permet pas de caractériser une quelconque contribution de cette faute à l'insuffisance d'actif, le non-paiement des cotisations étant compensé par la trésorerie dégagée, fut-ce de manière artificielle.
La demande sur ce fondement sera en conséquence rejetée.
- Sur l'incurie en matière de gestion
Il ressort des éléments précités que les dirigeants étaient pleinement conscients de l'impossibilité pour la société de faire face à son passif et d'exploiter de manière économiquement viable le fonds de commerce ce qui les a conduit à recourir à des pis-aller financiers tels l'abandon de créances ou le non-paiement des charges fiscales et sociales pour se constituer de la trésorerie.
L'incurie dans l'activité gestionnaire est imputable à M. [Y] [P] au regard de sa qualité de dirigeant de droit, et ce, jusqu'au jour de sa démission. Elle est également imputable à M. [Z] [U] qui est intervenu directement dans la politique commerciale de la société comme indiqué précédemment et qui, par ailleurs, en ayant paraphé le contrat de location gérance en qualité de « fondateur » de la société ne pouvait ignorer le poids des obligations financières du locataire incompatible avec les revenus dégagés.
La faute de gestion ainsi commise par M. [Y] [P] et M. [Z] [U] excède par conséquent la simple négligence et a concouru à l'insuffisance d'actif en ce que les dirigeants ont constitué une trésorerie artificielle au lieu de prendre les décisions appropriées à la viabilité de l'entreprise.
Sur la gestion contraire à l'intérêt social
Sur ce point, le liquidateur de la société fait valoir qu'il n'y a pas eu une structure compétente et que la société n'a jamais été en mesure d'équilibrer ses comptes et de prendre les mesures pour éviter la cause des déficits et l'endettement.
Cependant ces éléments rejoignent ceux relatifs à la poursuite d'une activité déficitaire ou de l'incurie en matière de gestion et il n'est pas démontré ou établi que les dirigeants ont commis d'autres faits ou pris des décisions révélant une gestion contraire à l'intérêt social.
La demande sur ce fondement sera rejetée et la décision sera réformée sur ce point.
En conclusion, sont ainsi qualifiées à l'encontre des deux gérants, les fautes tenant à la poursuite d'une activité déficitaire et à leur incurie en matière de gestions, toutes ces fautes ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société [13].
' Sur le montant du comblement
En vertu du principe de l'équivalence des conditions, il est suffisant que la faute soit l'une des causes de l'insuffisance d'actif et il n'est pas nécessaire que la faute ait contribué à la totalité de l'insuffisance d'actif.
Toutefois, le montant de la condamnation ne peut excéder celui de l'insuffisance d'actif tel qu'il est constaté au jour où le juge statue. L'auteur du dommage ne peut pas réparer plus que le préjudice (Com. 21 janvier 2003, no 01-03.656 ; Com. 19 décembre 2006, no 05-11.848 ; Com. 17 décembre 2013, n°12-25.519)
Les juges du fond, pour prononcer une condamnation provisionnelle, doivent établir que, au jour où ils statuent, l'insuffisance d'actif est au moins égale au montant de la provision (Cass. com., 30 juin 2015, n° 13-28.537).
Les fautes caractérisées ont été commises par M. [Y] [P] et M. [Z] [U] dans le cadre de leur activité de dirigeant de la société [13] sans qu'il n'apparaisse qu'ils aient cherché, l'un ou l'autre, à rétablir la situation. De même, il ressort des éléments de la procédure que les dirigeants sont intervenus ensemble dans la gestion de la société et que leurs carences ainsi que les décisions respectives qu'ils ont prises ont toutes concouru à l'insuffisance d'actif justifiant une condamnation solidaire.
De plus, il n'est communiqué à la cour aucun élément sur leurs situations personnelles ou professionnelles respectives.
Par conséquent, en l'absence de ces éléments, de la nature des fautes commises et plus particulièrement l'ampleur de l'incurie dans la gestion de la société ainsi que la poursuite d'une activité déficitaire qui ont rapidement obéré la situation économique de la société sans que les dirigeants ne prennent les mesures adéquates, il convient par application du principe de proportionnalité de condamner in solidum M. [Y] [P] et M. [Z] [U] au comblement intégral de l'insuffisance d'actif et au paiement à ce titre d'une somme provisionnelle de 170 000 euros à Me [I] [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [13].
La décision sera en conséquence infirmée sur ce point.
Sur les frais de l'instance :
M. [Y] [P] et M. [Z] [U], qui succombent, devront supporter in solidum les dépens de l'instance et payer à Me [I] [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [13] une somme totale équitablement arbitrée à 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Rejette la fin de non-recevoir ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [Y] [P] et M. [Z] [U] à supporter l'insuffisance d'actifs de la société [13] et les a condamnés à ce titre au paiement in solidum de la somme de 1 000 000 euros et celle de 100 000 euros chacun à titre provisionnelle à valoir sur l'insuffisance d'actifs ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Dit que M. [Y] [P] et M. [Z] [U] ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société [13], fautes consistant en la poursuite d'une activité déficitaire et à une incurie dans la gestion de la société ;
Condamne en conséquence in solidum M. [Y] [P] et M. [Z] [U] au comblement intégral de l'insuffisance d'actif et au paiement à ce titre d'une somme provisionnelle de 170.000 euros à Me [I] [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [13] ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,
Et le précisant,
Dit que l'insuffisance d'actif de la société [13] est certaine,
Y ajoutant,
Dit que M. [Y] [P] et M. [Z] [U] supporteront in solidum les dépens de l'instance et seront condamnés à payer à Me [I] [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [13] une somme totale équitablement arbitrée à 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;
Rejette toute autre demande.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,