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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 18 septembre 2025, n° 24/09183

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Omazoma (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dumurgier

Conseillers :

Mme Jullien, Mme Le Gall

Avocat :

Me Idourah

T. com. Lyon, du 28 nov. 2024

28 novembre 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement du 24 octobre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé le redressement judiciaire de la SASU Omazoma.

Par jugement du 12 janvier 2021, le tribunal de commerce de Lyon a arrêté un plan de continuation par apurement du passif d'une durée de dix ans, désignant la SELARL BCM comme commissaire à l'exécution du plan.

Par courriels du 23 avril 2024, le Pôle de recouvrement spécialisé du Rhône a alerté la SELARL BCM de la défaillance déclarative de la société Omazoma et de l'existence de dettes postérieures à la procédure collective, et a sollicité une démarche d'orientation en liquidation judiciaire de cette société.

Faisant état d'une créance de 16.640 euros au titre de la TVA, de la CFE et d'amendes fiscales dont il n'a pu obtenir l'apurement malgré les poursuites dont il justifie, M. le comptable public a assigné la société Omazoma le 4 novembre 2024 devant le tribunal de commerce de Lyon, aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

Par jugement contradictoire du 28 novembre 2024, le tribunal de commerce de Lyon a :

- constaté l'état de cessation des paiements et l'impossibilité d'un redressement, et prononcé la résolution du plan prononcé le 12 janvier 2021 et l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Omazoma ' [Adresse 4] - société par actions simplifiée - création, conception, fabrication et distribution de tous vêtements de mode, impression ' inscrit au RCS sous le numéro 820 463 131 RCS [Localité 5],

- fixé provisoirement au 28 mai 2023 la date de cessation des paiements,

- désigné en qualité de juge-commissaire M. [X] [R] et de juge-commissaire suppléant M. [E] [N],

- nommé en qualité de liquidateur judiciaire la SELARL [D] [W],

- nommé en qualité de commissaire de justice la SELAS 2C Partenaires, commissaire-priseur, aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus à l'article L. 622-6 du code de commerce,

- invité les salariés de l'entreprise à élire leur représentant dans les dix jours du présent jugement,

- fixé au 28 mai 2025 le délai au terme duquel la clôture devra être examinée,

- fixé à cinq mois à compter du présent jugement le délai dans lequel le liquidateur devra établir la liste prévue à l'article L. 624-1 du code de commerce,

- dit applicable la procédure de liquidation judiciaire simplifiée prévue à l'article L. 641-2 et D. 641-10 du code de commerce,

- dit que dans l'hypothèse où les critères d'application de cette procédure ne seraient pas réunis, le liquidateur fera rapport au tribunal afin qu'il soit statué dans les conditions visées à l'article R. 644-4 du code de commerce,

- dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure.

Par déclaration reçue au greffe le 4 décembre 2024, la société Omazoma a interjeté appel de ce jugement portant sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués.

Par actes des 6 et 7 janvier 2025, la société Omazoma a assigné en référé la SELARL

[D] [W], la SELARL BCM et M. le comptable public, responsable du pôle de recouvrement spécialisé du Rhône (PRS) devant le premier président aux fins d'arrêt

de l'exécution provisoire.

Par ordonnance du 3 février 2025, le délégué du premier président a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire attachée de plein droit au jugement critiqué.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 6 février 2025, la société Omazoma demande à la cour, de :

- dire et juger recevable l'appel de la société Omazoma,

à titre principal,

- dire et juger recevable la demande de nullité du jugement du 28 novembre 2024,

- annuler le jugement du 28 novembre 2024,

- dire et juger n'y avoir lieu à statuer sur le fond,

à titre subsidiaire,

- infirmer le jugement du 28 novembre 2024,

et, statuant à nouveau :

- ordonner la poursuite du plan de redressement de la société Omazoma arrêté par jugement en date du 12 janvier 2021,

- dire et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Le ministère public, par avis du 28 mars 2025 communiqué contradictoirement aux parties, a conclu, au vu des dernières évolutions retenues par la juridiction du premier président (paiement de la dette fiscale, respect du plan de continuation, trésorerie suffisante et prévisionnel rassurant), à la réformation du jugement entrepris et au maintien du plan de continuation.

Citée par acte de commissaire de justice signifié le 10 février 2025 par voie électronique conformément aux dispositions des articles 662-1 et 748-1 et suivants du code de procédure civile, la SELARL [D] [W] n'a pas constitué avocat.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 mai 2025, les débats étant fixés au 19 juin 2025.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'annulation du jugement

La société Omazoma fait valoir que :

- sa demande d'annulation, bien que non visée dans sa déclaration d'appel, est recevable dès lors qu'elle a visé l'ensemble des chefs du jugement dans sa déclaration d'appel ;

- au fond, la conversion en liquidation judiciaire a été prononcée d'office par le tribunal, sur assignation du PRS du Rhône ; or, elle n'a pas été convoquée par lettre recommandée accompagnée d'une note exposant les faits de nature à motiver l'exercice de ce pouvoir d'office ; sa comparution à l'audience ne saurait suppléer cette irrégularité ; la violation de l'article 16 du CPC et des articles R.631-3 et R.631-24 du code de commerce justifie l'annulation du jugement ;

- l'annulation du jugement étant prononcée pour irrégularité de la saisine du tribunal, l'appel est dépourvu d'effet dévolutif pour le tout, de sorte que la cour ne saurait se prononcer sur le fond.

Sur ce,

Selon l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

L'article R. 631-3 du code de commerce prévoit que 'Lorsque le tribunal exerce son pouvoir d'office et à moins que les parties intéressées n'aient été invitées préalablement à présenter leurs observations, le tribunal fait convoquer le débiteur à la diligence du greffier, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à comparaître dans le délai qu'il fixe.

A la convocation est jointe une note dans laquelle sont exposés les faits de nature à motiver l'exercice par le tribunal de son pouvoir d'office.'

Et l'article R. 631-24 du même code énonce que 'Aux fins de prononcé de la liquidation judiciaire, le tribunal est saisi par voie de requête ou, le cas échéant, dans les formes et selon la procédure prévues aux articles R. 631-3 ou R. 631-4.

Le jugement qui prononce la liquidation judiciaire est notifié au débiteur dans les huit jours

de son prononcé. Lorsque le débiteur n'est pas demandeur, le jugement lui est signifié dans le même délai.

Ce jugement est, en outre, signifié à la diligence du greffier, dans le même délai, aux personnes qui ont qualité pour interjeter appel, à l'exception du ministère public.

Il est communiqué aux personnes citées à l'article R. 621-7 et fait l'objet des publicités prévues à l'article R. 621-8.'

En l'espèce, au vu des motifs du jugement, il s'avère que le tribunal de commerce a statué sur l'assignation délivrée par le responsable du Pôle Recouvrement Spécialisé du Rhône à la société Omazoma, aux termes de laquelle le créancier sollicitait le prononcé d'une liquidation judiciaire.

Le tribunal de commerce n'a donc pas exercé son pouvoir d'office, comme le soutient la société Omazoma. Il n'avait donc pas à faire application des dispositions de l'article R. 631-3 précité, invoqué par l'appelante.

De plus, il résulte des mentions du jugement que la société Omazoma, représentée par son dirigeant, était présente à l'audience et a été entendue en chambre du conseil. Le principe de la contradiction a donc été respecté par les premiers juges.

En conséquence, la saisine du tribunal de commerce n'est pas irrégulière et il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du jugement.

Sur la demande tendant à ordonner la poursuite du plan de redressement

La société Omazoma fait valoir que :

- elle a réglé la somme de 8.150 euros au trésor public le 10 décembre 2024 ;

- elle a déjà réuni la somme de 13.150 euros sur la créance de 16.640 euros du trésor public ;

- elle justifie également de perspectives favorables à l'amélioration rapide de sa situation financière ;

- elle a entrepris la régularisation de sa situation en procédant aux déclarations de TVA manquantes sur les périodes concernées ; elle entend solliciter le SIE pour la mise en place d'un paiement mensuel par prélèvement automatique de toutes ses cotisations.

Sur ce,

Selon l'article L. 640-1 du code de commerce, 'il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens.'

Il est constant que la cessation des paiements s'apprécie au jour où la juridiction statue, même en cause d'appel.

En l'espèce, la société Omazoma a été placée en redressement judiciaire par jugement du 24 octobre 2019 et un plan de redressement a été arrêté par jugement du 12 janvier 2021.

Aux termes des motifs du jugement critiqué, elle a été assignée par le PSR du Rhône qui a indiqué, dans son assignation, qu'il détenait une créance de 16.640 euros au titre de la TVA, dont il n'avait pu obtenir l'apurement malgré les poursuites engagées. Le tribunal a ainsi relevé que le PSR du Rhône avait diligenté sept saisies administratives à tiers détenteur qui se sont révélées inopérantes.

La société Omazoma soutient, dans ses conclusions d'appel, qu'elle a reçu une aide financière et qu'elle a ainsi transmis au Trésor public la somme totale de 8.150 euros à la date du 10 décembre 2024, et que des règlements encaissés sur son compte représentent la somme d'environ 5.000 euros.

Toutefois, elle ne justifie aucunement ces allégations. Ses conclusions comportent, en dernière page, un bordereau de communication de pièces faisant état de dix pièces. Toutefois, le dossier remis à la cour présente un bordereau de communication de pièces mentionnant une pièce n° 11 intitulée 'relevé de compte du 21 janvier 2025'. Or, cette dernière pièce n'est pas produite aux débats.

La société Omazoma ne justifie nullement de sa situation financière actuelle et se borne à conclure, au conditionnel, qu'elle justifierait avoir réuni la somme de 13.150 euros sur la créance du PSR du Rhône de 16.150 euros et que 'le chiffre d'affaires connaîtrait très certainement une évolution positive'. Cependant, le dossier prévisionnel qu'elle produit porte sur un projet de création d'une S.A.S. Omazoma 'à compter de 01/2025'. L'introduction de ce document est une note de l'expert-comptable datée du 4 décembre 2024 mais non signée, mentionnant 'Ces prévisions et les hypothèses présentées relèvent de la responsabilité de la direction. Il nous appartient, sur la base de notre examen, d'exprimer notre conclusion sur ces prévisions.' Puis il est indiqué ensuite : 'Nous n'avons pas d'observation à formuler sur la traduction chiffrée de ces hypothèses'.

Ce dossier prévisionnel apparaît donc avoir été établi par M. [B] [I], gérant de la société Omazoma pour une création de S.A.S. mais n'est étayé par aucun élément. En revanche, le bilan simplifié au 31 décembre 2023 de la société Omazoma figurant en annexe fait apparaître une baisse du bénéfice, lequel était de 6.509 euros au 31 décembre 2022 et n'est que de 1.802 euros au 31 décembre 2023.

Aucun élément ne permet donc d'établir que la créance du PSR du Rhône 'serait rapidement payée' comme il l'est soutenu par la société Omazoma.

Ainsi, comme l'a retenu le tribunal, les tentatives infructueuses du PSR du Rhône pour obtenir le paiement de sa créance établissent que la société Omazoma n'est pas en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, ce qui caractérise l'état de cessation des paiements. Les perspectives favorables d'amélioration ne sont pas démontrées au jour où la cour statue.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement prononçant la résolution du plan de redressement et l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Omazoma.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens seront tirés en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par décision réputée contradictoire,

Rejette la demande de nullité du jugement ;

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Dit que les dépens d'appel seront tirés en frais privilégiés de la procédure collective.

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